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Décisions

ARCEP, 25 novembre 2008, n° 2008-1208

ARCEP

se prononçant sur une demande de mesures conservatoires déposée par la société Intercâble Réunion SAS dans le cadre du différend l’opposant à la société France Télécom

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Champsaur

Membre :

M. Bridoux, M. Curien, M. Rapone, Mme Gauthey

Avocat :

Me Montravers

ARCEP n° 2008-1208

24 novembre 2008

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement Européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive "cadre") ;

Vu la directive 2002/19/CE relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques aux ressources associés ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles, L. 32 8°, L. 34-8, L. 36-8, R. 11-1 ;

Vu l’arrêté du 12 mars 1998 modifié autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu la décision n° 2008-0835 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après « Autorité ») en date du 24 juillet 2008 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d’accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire, sur la désignation d’un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché ;

Vu le récépissé de déclaration n° 07-0422 du 13 février 2007 qui atteste que la société Intercâble Réunion déclare son intention de fournir des réseaux et des services de communications électroniques au public ;

Vu le règlement intérieur de l’Autorité, modifié par la décision n° 2007-0705 de l’Autorité en date du 26 juillet 2007 ;

Vu la demande de règlement d’un différend enregistrée à l'Autorité le 28 août 2008, présentée par la société  Intercâble  Réunion  SAS,  RCS  de  Saint  Denis  (Réunion)  493 723 712, dont le siège social est situé 39 rue Pierre Brossolette, 97420 Le Port, représentée par Maître Stephen Montravers du Cabinet Montravers & Partners ;

Dans sa saisine au fond enregistrée le 28 août 2008, la société Intercâble Réunion SAS (ci-après « Intercâble ») demande à l’Autorité de régler un litige l’opposant à la société France Télécom conformément à l’article L. 36-8 du Code des postes et communications électroniques (CPCE). Le différend porte sur les conditions techniques et tarifaires

conditionnant l’accès aux infrastructures de génie civil constitutives du réseau de France Télécom notamment via les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC et sur l’exécution de ces mêmes conventions.

La société Intercâble Réunion SAS demande à l'Autorité :

- d'imposer à France Télécom d'offrir à Intercâble, via les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC un accès à ses infrastructures de génie civil dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires ;

- d'imposer à France Télécom de respecter les engagements contractuels pris en exécutant de bonne foi, les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC qu'elle a signées avec Intercâble.

Dans ses observations en réplique enregistrée le 10 octobre 2008, la société Intercâble Réunion SAS, complète ses demandes initiales. Elle demande à l’Autorité :

- d’enjoindre à France Télécom de proposer des conventions d’accès à son infrastructure de génie civil et à sa boucle locale qui soient adaptées aux besoins d’Intercâble, dans des conditions tarifaires et techniques raisonnables et non discriminatoires et en conformité avec ses obligations telles que définies par le CPCE et l’Autorité ;

- d’enjoindre à France Télécom - si l’Autorité considère que les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC sont adaptées aux besoins d’Intercâble – de modifier les dites conventions conformément aux amendements proposés à France Télécom par Intercâble et dans tous les cas dans des conditions administratives, tarifaires et techniques équitables, transparentes et non discriminatoires ;

- d’enjoindre à France Télécom conformément aux obligations figurant dans la décision n°2008-0835 de transmettre à Intercâble des informations préalables sur l’état de ses infrastructures de génie civil (plan de réseau, fiche d’occupation des alvéoles) et le cas échéant, qu’elle procède à la désaturation de son réseau ;

- de désigner un expert ayant pour mission de recenser et déterminer la propriété des infrastructures de génie civil appartenant à France Télécom, de dresser un rapport précis sur la localisation et la nature de ces dernières, de donner son avis sur leur état technique d’entretien et de conformité, d’auditer, en procédant aux tests techniques indispensables, la disponibilité réelle desdites infrastructures et leur degré de saturation et enfin de donner son avis sur la disponibilité des infrastructures de génie civil appartenant à France Télécom.

Vu la demande de mesures conservatoires, formée accessoirement à sa demande principale de règlement de différend, enregistrée le 16 octobre 2008, présentée par la société Intercâble Réunion SAS, RCS de Saint Denis (Réunion) 493 723 712, dont le  siège social est situé 39 rue Pierre Brossolette, 97420 Le Port, représentée par Maître Stephen Montravers du Cabinet Montravers & Partners ;

La société Intercâble Réunion SAS demande à l'Autorité au titre des mesures conservatoires:

- d'enjoindre à France Télécom de permettre le déploiement de son réseau dans son infrastructure de génie civil à des conditions techniques et tarifaires équitables ;

- de permettre à Intercâble d'intervenir dans les chambres de tirage de France Télécom pour réparer les câbles qui ont été détériorés et s'assurer de l'état de son réseau.

I.  Présentation des faits

La société Intercâble Réunion SAS indique que depuis le 26 mai 2008, elle a dû cesser tout déploiement de son réseau de télécommunications dans le département de la Réunion. Ainsi depuis 5 mois, les travaux souterrains d’Intercâble dans les infrastructures de France Télécom ont été suspendus. Ce faisant, Intercâble explique subir un préjudice qui s’aggrave chaque jour, remettant en cause sa viabilité financière.

Intercâble indique qu’elle a été contrainte d’assigner France Télécom le 4 août 2008 en référé devant le Tribunal de commerce de Paris face à la menace de résiliation des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC et de dépose du réseau déjà déployé, aux fins de mise en œuvre immédiate de la procédure de conciliation prévue à l’article 33 des dites conventions. Aussi par ordonnance du 14 août 2008, le Tribunal de commerce de Paris a nommé un conciliateur et a ordonné la suspension les droits et obligations de chacune des parties jusqu’à l’issue de la conciliation.

Intercâble explique que France Télécom pourrait avoir un intérêt à ce que la procédure de conciliation n’aboutisse pas rapidement car celle-ci entraine la suspension de tout nouveau déploiement ; or la signature des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC par France Télécom prévoyait précisément l’accès à ses infrastructures de génie civil. Intercâble indique être confrontée à une situation de blocage la plaçant dans une situation financière dramatique menaçant la pérennité de l’entreprise.

Intercâble estime que sa demande d’accès aux infrastructures est légitime. En effet, en dépit de la signature des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC les 9 et 17 juin 2008, elle est aujourd’hui dans l’impossibilité de déployer son réseau.

II.  Les moyens invoqués par Intercâble

Intercâble estime qu’il est impératif d’enjoindre à France Télécom de lui permettre d’accéder à son réseau pour les raisons suivantes :

- Les travaux suspendus depuis 5 mois entraînent des pertes s’élevant à 350 000 euros par mois et menacent de chômage technique 87 employés.

- La société risque de perdre des clients potentiels dans la mesure où il lui a été impossible de remplir son engagement de connexion. Elle compte 250 abonnés sur les 1800 escomptés au dernier trimestre 2008.

- Deux investisseurs institutionnels québécois qui étudiaient la possibilité d’investir entre 15 et 20 millions CA$ se sont d’ores et déjà retirés.

- Le conflit avec France Télécom inquiète la banque MCB qui a alloué à Intercâble une marge de crédit de 3 000 000 Euros, mais a mis de nouvelles conditions relatives au déblocage du conflit.

- Une proposition de financement conditionnelle évoquée lors de pourparlers avec une institution financière londonienne a été modifiée, cette dernière ayant fortement augmenté ses conditions après avoir eu connaissance du conflit en cours avec France Télécom.

Intercâble ajoute qu’il est également urgent de lui permettre d’intervenir dans les chambres de tirage de France Télécom pour réparer des câbles détériorés et s'assurer de l'état de son réseau. Intercâble précise qu’elle s’engage à prendre à sa charge un technicien de France Télécom pour contrôler la reprise des déploiements en attendant qu’il soit fait droit aux demandes présentées au fond.

Vu le courrier de l’adjoint au Chef du service juridique de l’Autorité en date du 16 octobre 2008 transmettant la demande de la société Intercâble Réunion SAS à la société France Télécom et désignant les rapporteurs ;

Vu le courrier de l’adjoint au chef du service juridique de l’Autorité en date du 16 octobre 2008 accusant réception de la demande de mesures conservatoires de la société Intercâble Réunion SAS et désignant les rapporteurs ;

Vu les observations en défense enregistrées le 27 octobre 2008, présentées par la société France Télécom, RCS Paris n° 380 129 866, dont le siège social est situé 6 place d’Alleray 75505 Paris cedex 15, représentée par son Directeur des Affaires Réglementaires, Monsieur Eric Debroeck ;

I.  Présentation des faits

France Télécom souligne qu’Intercâble cherche à obtenir devant le régulateur sectoriel une décision anticipant le résultat de la procédure de conciliation ordonnée par le Tribunal de commerce de Paris, et en contradiction avec les termes de l’ordonnance du 14 août 2008, à bénéficier de droits sur le génie civil de France Télécom qui ont été suspendus entre les parties jusqu’à l’issue de la conciliation.

France Télécom ajoute que les parties étaient convoquées le 22 octobre 2008 devant le Tribunal de commerce de Paris, mais que cette convocation ne lui convenant manifestement pas, Intercâble a demandé un report et obtenu son déplacement au 4 novembre 2008 alors même qu’elle requiert de l’Autorité parallèlement le prononcé de mesures d’urgence.

France Télécom fait remarquer que le dépôt d’une demande de mesures conservatoires alors même que les parties ont été convoquées devant le Tribunal de commerce de Paris sur le même litige est révélatrice de la démarche d’Intercâble cherchant à obtenir du régulateur ce qu’elle craint de ne pas obtenir dans le cadre de l’action devant le juge des contrats.

II.  Les moyens invoqués par la société France  Télécom

1/ France Télécom souligne que la demande de mesures conservatoires est irrecevable au regard de l’irrecevabilité au fond.

En l’espèce, France Télécom estime que la demande de règlement de différend d’Intercâble apparaît mal fondée à plusieurs titres.

- L’action du Tribunal de commerce de Paris fait doublement obstacle à la recevabilité de la demande au fond puisque que la juridiction consulaire a reconnu pleinement sa compétence sur le litige portant sur les conventions LGC-DPR et LGC-ZAC et a suspendu les droits et obligations entre les parties.

- L’ordonnance du Tribunal de commerce de Paris ayant nommé un conciliateur sur les différends liés aux conventions en litige, il ne saurait exister de désaccord sur leurs conditions techniques et tarifaires relevant des dispositions du CPCE.

2/ France Télécom note qu’Intercâble ne remplit aucune des conditions de recevabilité formelles d’une demande de mesures conservatoires.

France Télécom relève qu’aux termes de l’article L. 36-8 I, alinéa 4 et R. 11-1 alinéa 4 du CPCE, il apparaît que trois conditions cumulatives doivent être remplies pour que l’Autorité puisse ordonner des mesures conservatoires : les mesures doivent être prononcées dans le but d’assurer une continuité du fonctionnement du réseau, la demande de mesures conservatoires doit porter sur des faits constituant une atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des télécommunications et les mesures demandées doivent être accessoires au fond.

France Télécom indique que l’Autorité a affirmé dans deux précédentes affaires que la recevabilité des mesures conservatoires ne saurait être établie dès lors que l’ensemble de ces conditions n’étaient pas cumulativement réunies.

En l’espèce, France Télécom estime qu’Intercâble ne remplit pas ces conditions :

- Intercâble demande à l’Autorité au stade des mesures conservatoires de déterminer en équité les conditions techniques et tarifaires de l’offre d’accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom. Cette demande est analogue à la demande de règlement de différend et n’est en rien accessoire à la saisine au fond.

- Aucune atteinte à la continuité du fonctionnement des réseaux n’est avérée. Seule France Télécom subit un risque au regard du maintien en l’état des équipements d’Intercâble et des risques évidents que font peser les travaux réalisés sur la préservation de l’intégrité du réseau et des services qui peuvent être rendus par France Télécom ou les opérateurs tiers.

- Il n’existe pas de faits constituant une atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des communications électroniques puisque les faits reprochés ne sont que la conséquence immédiate de la décision du juge des contrats.

3/ France Télécom fait remarquer qu’aucune urgence ne saurait être revendiquée.

 France Télécom rappelle que, d’une part, la suspension des travaux a été annoncée par Intercâble elle-même le 26 mai 2008 et que, d’autre part, le Tribunal de commerce de Paris a ordonné la suspension des droits et obligations entre les parties le 14 août 2008.

France Télécom ajoute que les affirmations d’Intercâble présentant le litige avec France Télécom comme la source principale de ses difficultés ne sont pas justifiées. En effet, les documents financiers d’Intercâble qui ont été transmis aux autorités canadiennes démontrent que cet opérateur ne peut imputer à France Télécom ses difficultés qui sont avant tout structurelles.

Pour l’ensemble de ces motifs, France Télécom demande à l’Autorité de rejeter la demande de mesures conservatoires d’Intercâble.

Vu le courrier du chef du service juridique en date du 31 octobre 2008 informant les parties que la date d’audience est fixée au 13 novembre 2008 à 15h00 ;

Vu le courrier de la société Intercâble Réunion SAS enregistré le 31 octobre 2008 demandant le report de l’audience fixée au 13 novembre 2008 à 15h00 ;

Vu le courrier du chef du service juridique en date du 3 novembre 2008 informant les parties que la date de l’audience est reportée au 18 novembre 2008 à 9h30 ;

Vu le courrier de la société Intercâble Réunion SAS en date du 13 novembre 2008 acceptant que l'audience devant le collège soit publique ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 14 novembre 2008 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Après avoir entendu le 18 novembre 2008, lors de l'audience devant le collège (composé de  MM.  Paul  Champsaur,  Edouard  Bridoux,  Nicolas   Curien,   Denis   Rapone   et   Mmes Gabrielle Gauthey et Joëlle Toledano) :

- le rapport de Melle Barbara Feledziak, rapporteur adjoint présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de MM. Pascal Laflamme, Guy Laflammme, et de Maîtres Stephen Montravers, Hedwige Caldairou et Ryadh Bensalem pour la société Intercâble Réunion SAS ;

- les observations de MM. Didier Dillard et Mme Aurélia David pour la société France Télécom.

En présence de :

- MM. Pascal Laflamme, Guy Laflammme, et de Maîtres Stephen Montravers, Hedwige Caldairou, Ryadh Bensalem et Jean-Jacques Morel pour la société Intercâble Réunion SAS ;

- MM. Didier Dillard et Jean Mazier et Mme Aurélia David pour la société France Télécom ;

- M. Philippe Distler, directeur général, M. François Lions, directeur  général  adjoint, MM. Sébastien Soriano, Ghislain Heude, Loïc Taillanter, Mmes Joëlle Adda, Barbara Feledziak, Pascale Terral agents de l'Autorité ;

Sur la publicité de l'Audience

L'article 15 du règlement intérieur susvisé dispose que « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe le collège de l'Autorité en délibère ».  La  société  Intercâble  Réunion  SAS  a  indiqué  par  courrier  du  13 novembre 2008 qu’elle acceptait que l’audience soit publique. Interrogée sur ce point par le Président de l’Autorité avant l'ouverture des débats de l'audience, la société France Télécom a indiqué qu'elle ne s'opposait pas à ce que l'audience soit publique, comme le souhaitait la société Intercâble Réunion SAS.

Le collège (composé de M. Paul Champsaur, président, MM Edouard Bridoux, Nicolas Curien, Denis Rapone et Mme Gabrielle Gauthey) en ayant délibéré le 25 novembre 2008, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après.

1.     Sur le cadre juridique applicable aux mesures conservatoires :

Aux termes de l’article L. 36-8 I du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité peut être saisie d'un différend entre deux parties "en cas de refus d’accès ou d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de communication électroniques. Ce même article prévoit que « en cas d'atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des communications électroniques, l'autorité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner des mesures conservatoires en vue notamment d'assurer la continuité du fonctionnement des réseaux »

 En application de l’article R. 11-1 alinéa 4 de ce même code « une demande de mesures conservatoires ne peut être formée qu'accessoirement à une saisine au fond de l'Autorité de régulation des télécommunications. Elle peut être présentée à tout moment de la procédure et doit être motivée ».

Il résulte de ces dispositions que l'Autorité ne peut ordonner des mesures conservatoires que si elle est saisie d'une demande de règlement de différend qui réponde aux conditions de recevabilité fixées à l'article L. 36-8 précité et que si cette demande de mesures conservatoires est suffisamment motivée.

En outre, des mesures conservatoires ne peuvent être décidées que dès lors qu’une atteinte grave aux règles régissant le secteur des communications électroniques est établie ; ce qui suppose, en premier lieu, d’indiquer expressément les règles auxquelles il a été porté atteinte, en deuxième lieu, d’établir l’atteinte grave et, en troisième lieu, de démontrer que ladite atteinte revêt un certain degré d'immédiateté, et donc d'urgence.

Enfin, les mesures adoptées à titre conservatoire doivent être strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence et à la préservation des intérêts de la partie demanderesse, sans affecter de manière excessive les prérogatives de la partie défenderesse.

2.     Sur les demandes de mesures conservatoires de la société Intercâble Réunion SAS

Au titre des mesures conservatoires, Intercâble a demandé à l’Autorité dans sa saisine en date du 16 octobre 2008 d’ordonner à France Télécom de permettre le déploiement de son réseau dans son infrastructure de génie civil à des conditions techniques et tarifaires équitables, et de permettre également à Intercâble d’intervenir dans les chambres de tirage de France Télécom pour réparer les câbles qui ont été détériorés et s’assurer de l’état de son réseau.

Il ressort des pièces du dossier que l’Autorité a été saisie le 28 août 2008 d’une demande au fond de règlement de différend, laquelle porte, notamment, sur l’accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom dans des conditions équitables, raisonnables et non- discriminatoires, et sur le respect des engagements contractuels pris lors de la signature avec France Télécom des conventions LGC-DPR et LGC-ZAC. Il en résulte que la demande de mesures conservatoires a bien été précédée d’une demande au fond.

Toutefois, l’Autorité relève qu’Intercâble n’indique pas, dans sa saisine aux fins de mesures conservatoires, les règles régissant le secteur des communications électroniques auxquelles une atteinte grave aurait été portée, ne mentionnant expressément aucune disposition du code des postes et des communications électroniques ni aucune décision prise pour son application qui aurait été méconnue. Elle se borne à invoquer un non respect des relations contractuelles par France Telecom, mais une telle violation, à la supposer établie, ne constitue pas « une atteinte à une règle régissant le secteur des communications électroniques » au sens du quatrième alinéa de l’article L.36-8 susvisé du CPCE.

L’Autorité constate, à supposer qu’Intercâble ait entendu considérer que la règle transgressée par France Telecom soit l’obligation d’accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom  imposée par  l’article 11  de la  décision  n°  2008-0835  de l'Autorité en  date du   24 juillet 2008, la décision prise en application de l’article L. 38 du code des postes et communications électroniques, qu’il ressort des pièces du dossier qu’à aucun moment, Intercâble n’a formulé de demande, ou entamé de négociations auprès de France Télécom aux fins de se voir proposer une offre d’accès en application de cette décision n° 2008-0835.

De ce fait, l’Autorité constate qu’Intercâble n’a pas démontré dans ses écritures un refus d’accès de la part de France Télécom portant atteinte à la décision susmentionnée.

Il résulte de ce qui précède qu’Intercâble n’a pas démontré qu’une atteinte grave aurait été portée aux règles régissant le secteur des communications électroniques, condition nécessaire pour que l’Autorité puisse ordonner des mesures conservatoires.

En outre, Intercâble, si elle fait valoir l’impossibilité d’exploiter son réseau en indiquant le préjudice qu’elle estime subir, n’apporte aucun élément probant de nature à établir l’imputabilité de ce préjudice à une atteinte éventuellement portée par France Télécom aux règles régissant le secteur des communications électroniques.

Concernant la nature même des mesures conservatoires demandées, il résulte du dossier que la première demande de mesures conservatoires présentée par Intercâble consiste à demander à l’Autorité d’« enjoindre à France Télécom de permettre le déploiement de son réseau dans son infrastructure de génie civil à des conditions techniques et tarifaires équitables ; » alors que sa première demande au fond consiste à demander à l’Autorité d’ « enjoindre à France

Télécom de proposer des conventions d’accès à son infrastructure de génie civil et à sa boucle locale qui soient adaptées aux besoins d’Intercâble, dans des conditions tarifaires et techniques raisonnables et non discriminatoires et en conformité avec ses obligations telles que définies par le CPCE et l’Autorité ; ». Dans ces conditions, cette demande ne peut sérieusement être regardée comme accessoire à la demande au fond, condition nécessaire pour faire droit à une mesure conservatoire. Cette demande ne pourra donc être examinée que dans le cadre de la décision au fond.

Au surplus, il résulte notamment du calendrier prévisionnel fixant les dates de production des observations, accepté par les deux parties lors de la réunion du 5 septembre 2008, que le différend devrait être en état d’être réglé au fond par l’Autorité au cours du mois de décembre 2008, soit à peine deux mois après la saisine de l’Autorité de la demande de mesures conservatoires d’Intercâble.

Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Intercâble Réunion SAS tendant à ce que des mesures conservatoires soient ordonnées.

Décide :

Article 1 : La demande de la société Intercâble Réunion  SAS  tendant  à  ce  que  des mesures conservatoires soient ordonnées est rejetée.

Article 2 : Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Intercâble Réunion SAS et France Télécom la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.