CA Paris, 5e ch. C, 30 juin 1995, n° 93/27606
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Metaleurop (Sté)
Défendeur :
Delot & Cie (Sté)
La COUR statue sur l'appel interjeté par la société METALEUROP du jugement contradictoire rendu le 17 novembre 1993 par le Tribunal de commerce de CRETEIL qui a:
- donné acte à la société DELOT METAL de son intervention volontaire aux côtés de la société FINANCIERE DELOT & CIE;
AU FOND, sur la demande principale de la société FINANCIERE DELOT & CIE et de la société DELOT METAL :
- ordonné la convocation puis la tenue d'une assemblée générale extraordinaire de la société DELOT METAL dans le mois de la signification du jugement en vue de procéder à une augmentation du capital social de 8 MF par émission de 8.000 actions de 1.000 F.;
- condamné la société METALEUROP à réitérer son accord quant à cette augmentation du capital de la société DELOT METAL à hauteur de 8 MF, à y souscrire en payant cette somme à la société DELOT METAL ainsi qu'à régulariser à première demande tous actes nécessaires pour y parvenir, et ce à peine d'une astreinte de 100.000 F. par jour de retard à compter de la réunion de ladite assemblée générale extraordinaire;
- condamné la société METALEUROP à payer à la société FINANCIERE DELOT & CIE concomitamment à ladite augmentation de capital la somme de 8 MF représentant la rémunération de sa renonciation à son droit irréductible de souscription, et ce à peine d'une astreinte de 100.000 F. par jour de retard à compter de la réunion de l'assemblée générale extraordinaire autorisant l'augmentation de capital;
- condamné la société METALEUROP à payer à la société FINANCIERE DELOT & CIE la somme de 675.000 F. à titre de dommages-intérêts;
- condamné la société METALEUROP à payer à la société DELOT METAL la somme de 675.000 F. à titre de dommages-intérêts;
- condamné la société METALEUROP à payer à la société FINANCIERE DELOT & CIE 50.000 F. en application de l'article 700 du NCPC.
AVANT DIRE DROIT sur la demande reconventionnelle de la société METALEUROP :
- ordonné à la société FINANCIERE DELOT & CIE de payer à la société METALEUROP à titre de provision la somme de 10.001.961 F.;
- dit que la société FINANCIERE DELOT & CIE se libérera de cette somme dans un délai de 30 jours calendaires à compter du jour de souscription par la société METALEUROP à l'augmentation de 8 MF du capital de DELOT METAL, et ce à peine pour la société FINANCIERE DELOT & CIE d'une astreinte prononcée d'office de 100.000 F. par jour de retard passé cette échéance;
- dit que la société METALEUROP devra reverser immédiatement la provision de 10.001.961 F. pour 1.591.370 F. à FRANCE GALVA, pour 238.177 F. à FRANCE GALVA LORRAINE et pour 8.172.414 F. à NEW CONIMAST INTERNATIONAL;
- dit que ces reversements s'effectueront dans les trois jours du crédit de la provision de 10.001.961 F. sur le compte de la société METALEUROP, et ce à peine d'une astreinte prononcée d'office de 100.000 F. par jour de retard;
- nommé M. Martin COURMES en qualité d'expert, avec pour mission notamment de fournir au tribunal tous éléments de nature à lui permettre de déterminer le montant des sommes qui pourraient être dues en exécution de l'acte de déclarations et de garantie d'actifs et de passifs du 23 mai 1990.
Il est renvoyé, pour un exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties au jugement déféré et aux conclusions d'appel.
Le 7 février 1990, un protocole a été signé entre d'une part FINANCIERE DELOT & CIE (F.D.E.C.) et ses trois filiales: FRANCE GALVA (F.G.), FRANCE GALVA LORRAINE (F.G.L.), NEW CONIMAST INTERNATIONAL (N.C.I.), d'autre part METALEUROP (M.E.). L'objectif était d'organiser la prise de contrôle, en trois étapes, par M.E. de la totalité du capital d'une holding constituée sous le nom de DELOT METAL (D.M.) à laquelle F.D.E.C. devait apporter toutes les actions de F.G., de F.G.L., de N.C.I. et de DELMAST à travers N.C.I.
La première étape a été réalisée. D.M. a procédé à l'augmentation de capital de 60 MF réservée à M.E., qui y a souscrit et détient 47,62 % du capital de D.M.
La deuxième étape prévoit que, après deux ans et un mois, F.D.E.C. s'engage à autoriser une augmentation de capital de D.M. de 8 MF et à céder ses droits de souscription, contre paiement de 8 MF, à M.E., dont la part de capital dans D.M. sera ainsi portée à 50,75%. Les parties sont en désaccord sur l'interprétation de cette clause.
M. E. devait acquérir avant cinq ans et un mois les 66.000 actions de 1.000 F. de D.M., initialement détenues par F.D.E.C. (troisième étape).
A la fin de la période de cinq ans et un mois, F.D.E.C. et M.E. devaient bénéficier d'un droit de préemption réciproque sur toute cession d'actions de D.M. qui serait envisagée par l'autre actionnaire.
Le 23 mai 1990, dans un ACTE DE DECLARATIONS ET DE GARANTIE D'ACTIFS ET DE PASSIFS, M. DELOT, agissant en sa qualité de PDG de F.D.E.C., de F.G., de N.C.I., et de directeur général de F.G.L. a rappelé les engagements souscrits le 7 février 1990 par F.D.E.C, a garanti l'exactitude de tous les éléments pris en considération pour l'élaboration de l'opération et s'est engagé à indemniser les sociétés concernées de tout dommage pouvant résulter de tout passif non révélé.
Le 10 décembre 1992, lors de l'assemblée générale extraordinaire de D.M., dont le directoire avait décidé à l'unanimité la convocation avec pour ordre du jour d'une part l'augmentation du capital social de 8 MF par la création d'actions nouvelles en numéraire, d'autre part la suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires et l' attribution du droit de souscription à M.E., celle-ci a refusé de voter ladite augmentation de capital.
Le 27 janvier 1993, F.D.E.C. a fait assigner M.E. pour notamment la voir condamner à réitérer son accord sur l'augmentation du capital de D.M. à hauteur de 8 MF et à lui payer 8 MF en exécution de la convention du 7 février 1990.
Par un arrêt du 1er avril 1993, cette chambre a réformé l'ordonnance de référé rendue le 9 février 1993 par le Président du Tribunal de commerce de MONTEREAU qui notamment avait condamné M.E. à réitérer son accord quant à l'augmentation de 8 MF du capital de D.E. et à y souscrire, et a dit n'y avoir lieu à référé;
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré à la Cour.
La société METALEUROP, appelante, soutient à titre principal que les termes clairs et précis de la clause litigieuse du protocole du 7 février 1990 n'impliquent aucune obligation à sa charge, de voter l'augmentation de capital de DELOT METAL à hauteur de 8 MF, ou d'y souscrire, ou d'acquérir auprès de F.D.E.C. ses droits préférentiels de souscription. Elle prétend à titre subsidiaire qu'il n'y a pas eu de commune intention des parties contractantes quant au sens et à la portée de la clause litigieuse, F.D.E.C. considérant que METALEUROP contractait une obligation à son égard alors qu'elle-même considérait bénéficier d'une simple faculté.
Sur la garantie de passif, elle fait valoir que la clause litigieuse ne prévoit pas un délai dans lequel F.D.E.C. est tenue d'effectuer les reversements au profit des sociétés concernées mais le délai à l'intérieur duquel les réclamations au titre de la garantie doivent parvenir à F.D.E.C., et que dans la mesure où M.DELOT aurait ajouté dans la déclaration de garantie de passif une condition qui n'était pas prévue dans le protocole du 7 février 1990, cette disposition serait inopposable à METALEUROP.
Elle demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la convocation et la tenue d'une assemblée générale extraordinaire de D.M. en vue de procéder à une augmentation de capital, l'a condamnée à réitérer son accord et à payer à F.D.E.C. les sommes de 8 MF et de 675.000 F.; subsidiairement de prononcer la nullité du protocole d'accord pour défaut de consentement;
- de débouter en conséquence les sociétés F.D.E.C. et DELOT METAL de l'ensemble de leurs demandes;
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné F.D.E.C. au paiement de 10.001.961 F. à titre de provision et dit que M.E. devrait reverser cette somme à FRANCE GALVA et à NEW CONIMAST INTERNATIONAL, sauf à dire que le reversement de 238.177 F. devra se faire au profit de DELOT METAL au lieu de FRANCE GALVA LORRAINE et de le réformer en ce qu'il a suspendu l'exigibilité de la condamnation prononcée à l'expiration d'un délai de trente jours à compter de sa souscription à l'augmentation du capital de D.M.;
- de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une expertise pour déterminer le montant exact de la dette de F.D.E.C. au titre de la garantie d'actifs et de passifs.
- de condamner F.D.E.C. à lui payer 300.000 F. au titre de l'article 700 du NCPC.
La société DELOT METAL et la société FINANCIERE DELOT & COMPAGNIE, intimées, estimant que leur demande principale est licite et susceptible d'exécution forcée, prient la Cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M.E. à souscrire à l'augmentation de capital prévue de 8 MF, sauf à porter le montant de l'astreinte à 200.000 F., à payer à D.M. 8 MF correspondant à cette augmentation de capital et une somme équivalente à F.D.E.C. en contrepartie de la renonciation par celle-ci au bénéfice de son droit préférentiel de souscription; subsidiairement de désigner un mandataire ad hoc pour représenter M.E. à une nouvelle assemblée et voter en son nom; plus subsidiairement de condamner M.E. à payer, à titre de dommages-intérêts, 97.093.000 F. à F.D.E.C. et 20.600.000 F. à D.M.; en toute hypothèse, de condamner M.E. à payer à F.D.E.C. et à D.M. 1 MF à titre de dommages-intérêts, outre 200.000 F à F.D.E.C. au titre de l'article 700 du NCPC.
Elles concluent à l'infirmation de cette décision du chef de la garantie de passif, car, selon elles, M.E. est dépourvue du droit d'agir pour réclamer la mise en jeu de la garantie de passif, et sa demande est en l'état irrecevable.
SUR QUOI,
Considérant que le différend qui oppose les parties concerne d'une part la réalisation de la deuxième étape de l'opération décrite dans la convention dite protocole du 7 février 1990, d'autre part la mise en oeuvre de l'acte de déclarations et de garantie d'actifs et de passifs en date du 23 mai 1990;
Sur l'obligation de METALEUROP de souscrire à une augmentation du capital de DELOT METAL de 8 MF
Considérant que la clause litigieuse (paragraphe 5 de la page 2) du protocole signé par les parties le 7 février 1990 est ainsi rédigée : "La FDEC s'engage après un délai de deux ans et un mois à autoriser une augmentation du capital de la "Société" (DELOT-METAL) par émission de 8.000 actions au prix unitaire de 1.000 Francs, soit un total de 8 MF (8.000.000 Francs) et à céder ses droits de souscription à ME contre paiement de 8 MF (8.000.000 Francs). Au terme de cette deuxième augmentation de capital, ME détiendra 50,75 % du capital de "la Société"";
Considérant que M.E. soutient que cette clause ne fait pas peser sur elle l'obligation alléguée de souscrire à l'augmentation de capital prévue par la deuxième étape du protocole;
Considérant que toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier; qu'il appartient au juge de rechercher quelle a été la commune intention des parties;
Considérant que par lettre du 3 janvier 1990, le président du directoire de M.E. écrivait à M. DELOT pour lui confirmer les deux schémas que sa société était disposée à considérer pour entrer dans le capital de la holding dont la création était envisagée (D.M.); que le premier schéma prévoyait une augmentation de capital de 50 MF de D.M. réservée à M.E. assurant à celle-ci 45 % du capital final de D.M.; que le second schéma prévoyait une augmentation de 60 MF du capital de D.M., assurant à M.E. 45% du capital final de D.M., F.D.E.C. s'engageant à céder à M.E., au plus tard le 31 décembre 1991, 6% du capital de D.M. sur la même base d'estimation, soit 8 MF pour 6%; que le dirigeant de M.E. rappelait que "Metaleurop estime que le deuxième schéma est de loin le meilleur pour permettre le développement des activités de notre groupe au travers d'Eurogalva" (en définitive D.M.);
Que M. DELOT répondait à M.E. le 29 janvier 1990 qu'il était en mesure de décider de créer une holding au nom proposé de DELOT METAL et que "le groupe METALEUROP entrerait dans le capital de cette holding selon votre deuxième option sous réserve de quelques aménagements concernant d'une part le délai de prise de la majorité, d'autre part le prix de cette cession";
Que M.E. a soumis à M. DELOT un projet daté du 1er février 1990 qui ne reprend que le second schéma;
Considérant que, conformément à ce second schéma, l'accord conclu entre les parties le 7 février 1990 organise la prise de participation majoritaire de M.E. dans le capital de D.M.;
Que cet accord prévoit en effet que D.M. doit procéder dans les meilleurs délais à une augmentation de capital de 60 MF à laquelle M.E. s'engage à souscrire, puis que, à l'expiration du délai convenu, l'associé majoritaire F.D.C.E. s'engage à autoriser une deuxième augmentation du capital de D.M. pour 8 MF et à céder ses droits de souscription à M.E. qui détiendra alors 50,75% du capital de D.M., M.E. s'engageant pour sa part au cours des cinq années suivantes à acquérir la totalité des 66.000 actions initialement détenues par F.D.E.C. dans le capital de D.M.;
Qu'ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges les dispositions de l'accord relatives à la composition du Conseil de surveillance de D.M. dont deux des trois membres, et le président, sont dès l'origine désignés par M.E., relatives aux décisions importantes de gestion qui pendant la première période de deux ans et un mois sont prises d'accord par les parties, voire à l'unanimité, relatives encore à la clause de non concurrence instituée à la charge de M. José DELOT, dirigeant de F.D.E.C. et des filiales de D.M., pour une durée de dix ans à compter de la première augmentation du capital de D.M. (donc de l'entrée de M.E. dans la holding), aux contrats de travail de M. José DELOT et de son frère ainsi qu'aux garanties de leur rémunération pendant la période postérieure à la perte de la majorité par F.D.E.C., n'ont de sens que si la commune intention parties au protocole est que M.E. acquière après un délai de deux ans et un mois la majorité du capital de D.M., puis la totalité des actions initialement détenues par M. E. dans un délai de cinq ans et un mois;
Que, ainsi que le relèvent à juste titre les intimées, l'appelante, qui prétend que la prise de majorité n'aurait été pour elle qu'une option, ne peut expliquer pourquoi elle a payé en plus 12,33 MF de "prime d'acquisition de majorité" pour n'avoir qu'une option que de toute façon elle aurait eu dans le premier schéma en payant seulement 50 MF; que, en outre, M.E., qui soutient qu'il était possible d'organiser dès l'origine sa participation majoritaire dans D.M., tout en permettant à F.D.E.C. de bénéficier d'un régime fiscal identique à celui qui serait résulté de la souscription par M.E. à l'augmentation de capital après juin 1992, "ne propose aucun autre schéma fiscal (...)" "qui eut pu lui permettre de prendre le contrôle immédiat de D.M., par acquisition de la participation de la F.D.E.C., sans qu'il en résulte pour ladite F.D.E.C. une imposition, qui à l'époque des pourparlers, avait été chiffrée d'un commun accord entre les parties à 12 MF correspondants à un taux de 42 %;"
Que METALEUROP ne fonde sur aucun élément précis son allégation selon laquelle le protocole du 7 février 1990 aurait ouvert, à compter de la constitution de D.M., une période "probatoire" de deux ans et un mois au cours de laquelle elle aurait pu apprécier la rentabilité de son apport initial avant de décider de prendre la majorité; que ni le courrier de M.E. du 3 janvier 1990, ni la réponse de M. DELOT du 29 janvier 1990, ni la convention signée par les parties le 7 février 1990 n'envisagent dans un tel cas la possibilité pour M.E. de refuser de souscrire à la seconde augmentation de capital; que les correspondances échangées par les parties postérieurement à la signature du protocole litigieux ne laissent aucun doute sur la volonté manifestée par les dirigeants de M.E. de prendre au plus tôt la majorité de D.M.;
Que l'existence de l'éventualité d'un maintien de la répartition initiale du capital de D.M. ne peut être déduite du seul fait que les parties ont prévu, à la fin de la période de cinq ans et un mois, un droit de préemption réciproque de chaque actionnaire, les parties pouvant avoir voulu se prémunir contre les situations qu'auraient créées une augmentation de capital de D.M. qui ne serait pas entrée dans le champ de l'obligation d'achat de M.E. ou l'état de cessation des paiements de l'une d'elles;
Considérant, en définitive, qu'il y a lieu de déduire de l'ensemble de ces éléments d'appréciation que la clause litigieuse du protocole du 7 février 1990 met à la charge de METALEUROP l'obligation de souscrire à la seconde augmentation du capital de DELOT METAL d'un montant de 8MF;
Sur la licéité de l'obligation de METALEUROP de souscrire à la seconde augmentation du capital de DELOT METAL
Considérant que M.E. soutient que l'engagement litigieux, bien que conclu avant l'immatriculation de D.M., qui s'analyse en une convention de vote, est nul aux motifs qu'il serait contraire à l'inaliénabilité du droit de vote et qu'il ne serait pas conforme à l'intérêt social, ayant été décidé à l'avance hors de toute stratégie de développement de cette société et répondant au seul objectif de permettre un changement de la majorité et du contrôle de la société tout en évitant (pour des raisons d'ordre fiscal) d'avoir recours à une cession d'actions;
Mais considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prohibe en soi de telles conventions; que M.E. a pris à l'avance l'engagement de souscrire à la seconde augmentation de capital de D.M.; que son engagement de vote, pris en connaissance de cause, qui porte sur une opération déterminée, ne supprime pas son droit de vote mais restreint sa liberté de vote pour cette opération, qui est l'une des pièces du montage permettant le renflouement de D.M. à l'occasion de la prise par elle de la majorité de cette société; que l'appelante ne démontre pas en quoi le fait pour les parties d'avoir différé cette augmentation de capital afin de bénéficier d'un avantage fiscal constituerait une fraude à une règle d'ordre public qui rendrait illicite son engagement;
Qu'il s'ensuit que l'engagement de M.E. doit être tenu pour licite dès lors qu'il est limité à l'opération concernée, qu'il est conforme à l'intérêt social et qu'il est exempt de toute idée de fraude;
Sur la cession par FINANCIERE DELOT & COMPAGNIE de son droit préférentiel de souscription
Considérant que M.E. soutient encore que la clause litigieuse du protocole du 7 février 1990, si elle emportait une obligation à sa charge d'acquérir des droits préférentiels de souscription à naître au profit de F.D.E.C. d'une augmentation de capital future, devrait être déclarée nulle en ce qu'elle constituerait une négociation illicite de promesses de droits de souscription, par application des dispositions des articles 183 et 271 de la loi du 24 juillet 1966;
Mais considérant qu'il résulte de la combinaison de ces deux textes qu'est seule interdite la négociation, c'est à dire le virement de compte à compte ou la signature d'un bordereau de cession, de promesses d'actions; que les intimées font valoir à juste titre que la promesse de cession du droit préférentiel de souscription contenue dans la convention du 7 février 1990 est valable dès lors qu'il ne s'agit pas d'une négociation au sens des articles susmentionnés;
Sur l'exécution de l'obligation de METALEUROP de souscrire à la seconde augmentation de capital de DELOT METAL
Considérant que METALEUROP prétend que le juge ne peut en ordonner l'exécution forcée, s'agissant d'une obligation de faire; qu'il ne peut ni modifier le sens des votes émis lors de l'assemblée générale extraordinaire du 10 décembre 1992, ni ordonner la tenue d'une nouvelle assemblée générale avec un ordre du jour similaire et enjoindre à un actionnaire de voter dans un sens déterminé; que la qualité d'actionnaire majoritaire au sein de DELOT METAL ne peut lui être imposée contre son gré puisque le 10 décembre 1992 elle n'avait manifestement pas l'affectio societatis impliquant la volonté de le devenir;
Mais considérant que si, aux termes de l'article 1142 du Code civil, l'obligation de faire se résout en dommages-intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur, il résulte des dispositions suivantes que le créancier a néanmoins le droit de réclamer l'exécution en nature chaque fois que cette exécution est possible, ce qui est le cas en l'espèce;
Que c'est à bon droit que le tribunal a statué comme il l'a fait en ordonnant la convocation d'une nouvelle assemblée générale extraordinaire en vue de procéder, conformément à l'article 9 des statuts de D.M., à l'augmentation de capital prévue par le protocole du 7 février 1990, le fait que l'appelante ait émis un vote défavorable à ladite augmentation de capital lors de l'assemblée du 10 décembre 1992 ne suffisant pas à démontrer l'inexistence de l'affectio societatis de M.E., qui résulte notamment des correspondances antérieures à la signature du protocole et de sa participation à la vie sociale de D.M.;
Qu'il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M.E. à souscrire à l'augmentation du capital de la société D.M. à hauteur de 8 MF, sauf à préciser que l'assemblée générale extraordinaire de DELOT METAL devra être réunie dans le mois de la signification de l'arrêt, et en ce qu'il l'a condamnée à payer à F.D.E.C. la somme de 8 MF représentant la rémunération de sa renonciation à son droit irréductible de souscription, à peine d'astreintes dont les montants ont été justement appréciés par le tribunal;
Qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de désigner un mandataire ad hoc;
Sur les demandes de dommages-intérêts présentées par les intimées
Considérant que les premiers juges ont évalué à 675.000 F. le préjudice financier subi par chacune des intimées qui, en raison de l'opposition de M.E. à l'augmentation de capital litigieuse, n'ont pas reçu à la date prévue la somme de 8 MF stipulée dans le protocole du 7 février 1990; que les intimées ne fournissent aucune explication ou justification à l'appui de leurs demandes tendant à ce que soit porté à 1 MF le montant des dommages-intérêts que M.E. a été condamnée à leur payer à ce titre; que, dans ces conditions, la Cour confirmera ce chef du jugement;
Sur la demande reconventionnelle de METALEUROP en garantie de passif
Considérant que les sociétés intimées soutiennent à titre principal que, aux termes de l'acte du 23 mai 1990, la garantie de passif a été donnée aux sociétés FRANCE GALVA, FRANCE GALVA LORRAINE et N.C.I. et que c'est donc à tort que le tribunal a reconnu à M.E. un droit d'agir pour mettre en oeuvre cette garantie; subsidiairement, que la demande de l'appelante est irrecevable, une stipulation claire de l'acte précisant que la réclamation doit être envoyée par la bénéficiaire au promettant dans le délai de 30 jours après la seconde augmentation de capital de 8 MF; plus subsidiairement, elles demandent à la Cour de constater, si elle estime que le motif d'irrecevabilité a disparu à raison de la décision qui serait prise d'augmenter de 8 MF le capital de D.M., que peu avant la date du 10 décembre 1992 initialement prévue pour la prise de majorité par M.E. de D.M., M.E. et F.D.E.C. se sont accordées pour fixer à 11,6 MF le montant de la garantie de passif due par F.D.E.C. et de dire n'y avoir lieu à maintenir la mesure d'expertise prescrite par les premiers juges;
Mais considérant qu'il résulte des dispositions de l'acte de déclarations et de garantie d'actifs et de passifs du 23 mai 1990, annoncé dans la convention conclue le 7 février 1990 entre F.D.E.C. et M.E., ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, que M.E., désignée dans l'acte "la bénéficiaire", a qualité pour agir pour demander au promettant de payer aux sociétés concernées les sommes dont il peut leur être redevable au titre de la garantie de passif;
Considérant que les intimées sont fondées à prétendre que cette demande est en principe irrecevable en se fondant sur la clause de l'acte (mise en oeuvre des garanties) qui prévoit que "les reversements seront effectués par le Promettant au profit des sociétés concernées après l'envoi par le Bénéficiaire au Promettant de sa réclamation formulée par lettre recommandée avec avis de réception, accompagnée des justificatifs correspondants dans le délai de 30 jours après l'augmentation de capital de 8.000.000 Francs à laquelle il doit être procédé (...)";
Qu'il résulte toutefois de leurs écritures que, dans le cas où la Cour ordonnerait à M.E. de souscrire dans un court délai à l'augmentation de capital de 8 MF de D.M, elles renoncent tacitement à leur moyen d'irrecevabilité et lui demandent de constater qu'un accord serait intervenu entre les parties le 26 octobre 1992 pour fixer à 11,6 MF le montant de la garantie de passif due par F.D.E.C.;
Que, compte tenu du sens de l'arrêt, la Cour considère que les intimées sont d'accord pour que la Cour statue sur le montant de la somme que M.E. sera en droit de réclamer à F.D.E.C., dans le délai et les conditions stipulées dans l'acte de garantie de passif susmentionné, au profit des sociétés concernées;
Considérant que, s'il est exact qu'il est mentionné dans le document intitulé "Détermination à l'amiable de la garantie de passif" que, à l'issue de la réunion du 26 octobre 1992 à laquelle participaient le commissaire aux comptes de D.M., le représentant de M.E. et celui de F.D.E.C., un accord a été "trouvé entre les parties établissant le montant de la garantie de passif due par la FDEC à 11,6 MF.", ce prétendu accord n'a pas été ratifié par M. DELOT ainsi que cela résulte des correspondances échangées entre les parties;
Qu'il y a donc lieu de confirmer l'expertise ordonnée par le tribunal, dont la Cour relève que la première réunion a été tenue le 18 mars 1994, qui permettra aux premiers juges de fixer en toute connaissance de cause les sommes que F.D.E.C. devra payer au titre de la garantie de passif, en exécution de l'acte du 23 mai 1990;
Que, à juste titre, le tribunal a retenu que la lettre de M. DELOT à M.E. en date du 6 novembre 1992, justifiait le versement à ce titre par F.D.E.C. à M.E., dans le délai qu'il a précisé, d'une provision de 10.001.961 francs, que M.E. devra reverser immédiatement, à hauteur des sommes qui sont indiquées, aux sociétés concernées, le changement au sein de l'actionnariat de FRANCE GALVA allégué par l'appelante ne lui faisant pas perdre le bénéfice de l'engagement souscrit en sa faveur dans l'acte du 23 mai 1990;
Sur l'article 700 du NCPC
Considérant que l'équité commande d'allouer à F.D.E.C. une somme supplémentaire de 100.000 F. au titre de l'article 700 du N.C.P.C.;
Qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formée en application de ce texte par M. E., qui succombe dans la plupart de ses prétentions et sera condamnée aux dépens;
PAR CES MOTIFS ET CEUX NON CONTRAIRES DES PREMIERS JUGES :
DIT que la société METALEUROP devra exécuter le paragraphe 5 (page 2) de la convention, dite protocole, du 7 février 1990;
CONFIRME le jugement déféré
LE PRECISANT ET LE COMPLETANT,
DIT que l'assemblée générale extraordinaire de DELOT METAL devra être convoquée et tenue dans le mois de la signification de l'arrêt;
CONDAMNE la société METALEUROP à payer à la société FINANCIERE DELOT & COMPAGNIE une somme supplémentaire de 100.000 francs au titre de l'article 700 du NCPC;
REJETTE toute demande autre, plus ample ou contraire à la motivation;
CONDAMNE la société METALEUROP aux dépens;
ADMET la SCP TEYTAUD, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.