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Décisions

CE, 9e sous-sect., 3 décembre 2014, n° 363819

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Rapporteur :

M. Matt

Rapporteur public :

M. Aladjidi

Avocat :

SCP Bouzidi, Bouhanna

CE n° 363819

2 décembre 2014

Vu le pourvoi, enregistré le 9 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par le ministre délégué chargé du budget ; le ministre demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11VE01552 du 11 septembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, annulé le jugement n° 0910093 du 3 février 2011 du tribunal administratif de Montreuil rejetant la demande de la société Financière Pinault tendant à la rectification de ses résultats déficitaires des exercices clos en 2004 et 2005, et d'autre part, réduit de 52 668 000 euros et 12 112 500 euros, au titre des exercices clos respectivement en 2004 et 2005, les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés notifiées à la société Artemis, venant aux droits de la société Simetra obligations, et rectifié en conséquence les résultats déficitaires du groupe fiscal dont la société Artemis est membre et dont la société Financière Pinault est intégrante ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel présenté par la société Financière Pinault ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société Financière Pinault ;

Motifs

#1 1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Simetra obligations, aux droits de laquelle vient la société Financière Pinault, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2004 et 2005, au terme de laquelle l'administration a remis en cause l'application du régime fiscal des sociétés mères, prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts, aux dividendes afférents à des titres de participation au capital d'une société tierce, au motif que ces titres ne représentaient pas, à la date de mise en paiement des dividendes, au moins 5 % des droits de vote de la société émettrice ; qu'après avoir vainement réclamé, la société Financière Pinault a porté le litige devant le tribunal administratif de Montreuil qui, par un jugement du 3 février 2011, a rejeté sa demande ; que le ministre délégué chargé du budget se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 septembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé ce jugement, a réduit les bases d'imposition de la société Financière Pinault et rectifié en conséquence ses résultats déficitaires au titre des exercices clos en 2004 et 2005 ;

#2 2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 216 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges " ; qu'aux termes de l'article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : / (...) / b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice ; ce pourcentage s'apprécie à la date de mise en paiement des produits de la participation. / (...) / 6. Le régime fiscal des sociétés mères n'est pas applicable : / (...) / b. ter Aux produits des titres auxquels ne sont pas attachés des droits de vote " ;

#3 3. Considérant, d'une part, que si les dispositions précitées subordonnent notamment l'application du régime fiscal des sociétés mères à la condition que la société mère détienne une participation représentant au moins 5 % du capital de la société distribuant les dividendes, elles n'exigent pas, pour l'appréciation du seuil de détention d'au moins 5 % du capital de la société émettrice, que des droits de vote soient attachés à chacun des titres de participation détenus par la société mère ni, a fortiori, que les droits de vote éventuellement attachés aux titres de participation soient strictement proportionnels à la quotité de capital qu'ils représentent ; que, d'autre part, si les produits des titres de participation auxquels aucun droit de vote n'est attaché ne peuvent, en application des dispositions alors applicables du b ter du 6 de l'article 145 du code général des impôts, être déduits du bénéfice net total de la société mère, ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de réserver l'application du régime fiscal des sociétés mères aux seules sociétés détenant des titres de participation représentant au moins 5 % du capital et 5 % des droits de vote ;

#4 4. Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Versailles a jugé que les dispositions du b ter du 6 de l'article 145 du code général des impôts alors applicables n'avaient pas pour effet de réserver le bénéfice du régime fiscal des sociétés-mères au seul cas dans lequel les participations détenues par la société en demandant le bénéfice représentaient à la fois au moins 5 % du capital et au moins 5 % des droits de vote de la société émettrice ; qu'elle en a déduit qu'en l'espèce, la société Simetra obligations avait pu bénéficier de ces dispositions pour l'ensemble des actions concernées, toutes assorties d'un droit de vote, même si le cumul des droits de vote dont elle disposait à raison de ses titres représentatifs de 5 % du capital de la société émettrice représentait moins de 5 % des droits de vote, du fait que des tiers possédaient des titres auxquels étaient attachés des droits de votedoubles ; qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas méconnu les dispositions des articles 145 et 216 du code général des impôts ; que, dès lors, le pourvoi du ministre doit être rejeté ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à la société Financière Pinault au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Dispositif

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre délégué au budget est rejeté.

Article 2 : L'État versera à la société Financière Pinault une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à la société Financière Pinault.