ARCEP, 4 novembre 2008, n° 2008-1207
ARCEP
se prononçant sur deux demandes de différend opposant la société France Télécom et les sociétés Numéricable et NC Numéricable
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bridoux
Membre :
M. Curien, M. Raude, Mme Gauthey, Mme Toledano, M. Champsaur
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques aux ressources associés ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;
Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles, L. 32-1, L. 32 8°, L. 34-8, L. 36-8, D. 99-10 ;
Vu l’arrêté du 12 mars 1998 modifié autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;
Vu le récépissé de déclaration n° 05-1905 délivré par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après « Autorité ») à la société Numéricable en date du 20 juillet 2005 ;
Vu le récépissé de déclaration n° 07-1359 délivré par l’Autorité à la société Numéricable en date du 13 juillet 2007 ;
Vu le règlement intérieur de l’Autorité, modifié par la décision n° 2007-0705 de l’Autorité en date du 26 juillet 2007 ;
Vu les deux demandes de règlement de différend enregistrées à l'Autorité le 18 juillet 2008, présentées par la société France Télécom, RCS de Paris 380 129 866, dont le siège social est situé 6 place d’Alleray 75505 Paris Cedex 15, représentée par Monsieur Eric Debroeck, directeur des affaires réglementaires de France Télécom ;
Contexte des saisines
La société France Télécom (ci-après « France Télécom ») indique que la société Numéricable SAS (ci-après « Numéricable ») et la société NC Numéricable (ci-après « NC Numéricable »), qui agissent sous la marque Numéricable, disposent aujourd’hui d’une situation manifestement privilégiée sur le marché du très haut débit.
France Télécom indique que la holding Ypso France, regroupant les trois opérateurs Est Vidéo, Numéricable et NC Numéricable, a annoncé dès l’été 2007 proposer une offre de gros d’accès à son réseau très haut débit.
C’est dans ce cadre que France Télécom a demandé depuis le 10 août 2007, pour ses propres besoins, la communication de cette offre d’accès, dont d’autres opérateurs auraient d’ores et déjà eu communication.
France Télécom précise qu’en réponse aux multiples courriers envoyés en 2007 et en 2008, Numéricable et NC Numéricable n’ont jamais contesté l’existence d’une telle offre, mais qu’elles ont demandé à France Télécom d’exprimer ses besoins tant sur les modalités techniques ou tarifaires, que sur le périmètre géographique.
France Télécom s’interroge sur le sens du refus de Numéricable et de NC Numéricable de communiquer son offre de gros.
France Télécom estime qu’elle n’a d’autre choix que de conclure à l’échec des négociations sur la demande d’accès qu’elle a formulée.
France Télécom souligne que c’est dans ce contexte qu’elle a saisi l’Autorité de deux demandes de règlement de différend sur le fondement des articles L. 34-8 I et L. 36-8 du CPCE.
I - Sur les demandes
La société France Télécom demande à l'Autorité dans ses saisines du 18 juillet 2008 :
- de constater les refus d’accès opposés par Numéricable et NC Numéricable à France Télécom ;
- de constater que les refus de Numéricable et de NC Numéricable de communiquer l’offre ou les offres d’accès à leur réseau qu’elles proposent aux opérateurs méconnaissent les dispositions de l’article D. 99-10 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) ;
- d’enjoindre à Numéricable et NC Numéricable de communiquer les conditions techniques et tarifaires, ainsi que les informations concernant la disponibilité sur le territoire national de l’offre ou des offres d’accès à leur réseau qu’elles proposent aux autres opérateurs dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.
Rappel des faits
Sur l’offre de gros d’accès aux réseaux fibre de Numéricable et de NC Numéricable
France Télécom indique que Numéricable et NC Numéricable sont des opérateurs de réseau ouvert au public ayant satisfait à leur obligation de déclaration auprès de l’Autorité en tant qu’opérateur. France Télécom ajoute que l’ensemble des réseaux câblés ont été fédérés autour d’un seul acteur national, la holding Ypso France qui regroupe les trois opérateurs Est Vidéo, Numéricable et NC Numéricable.
France Télécom relève que l’ensemble des opérateurs de réseaux câblés sont contrôlés par la holding Ypso France, qui détient aujourd’hui la quasi-intégralité des réseaux câblés en France (99,6%), soit près de 40% des foyers français.
France Télécom indique qu’il ressort des annonces de Numéricable et de NC Numéricable sur leur propre site Internet, que ces deux dernières sociétés sont en mesure de proposer aux clients une offre de fibre sur une large part du territoire métropolitain. France Télécom souligne que cette éligibilité sur le territoire aux offres de fibre confirme que ces opérateurs seraient en mesure de proposer leur offre de gros sur les principales villes de France.
France Télécom précise que l’étendue du réseau affichée par Numéricable et NC Numéricable laisse supposer que leur offre de gros pourrait répondre le cas échéant de manière complémentaire aux besoins de France Télécom dans certaines zones géographiques.
Sur l’annonce d’une commercialisation en 2007 d’une offre de gros sur le réseau fibre de Numéricable et de NC Numéricable
France Télécom remarque que Numéricable et NC Numéricable commercialiseraient au moins depuis le mois de juin 2007 une offre de gros et l’ont probablement adressé à certains opérateurs, voire ont même contractualisé avec ceux-ci. L’existence de cette offre a été confirmée dans leur réponse du 5 octobre 2007 à la consultation publique de l’Autorité et devant le Conseil de la concurrence.
France Télécom constate que Numéricable et NC Numéricable ont réitéré publiquement leur annonce concernant la commercialisation effective d’une offre de gros auprès des opérateurs depuis plusieurs mois sans pour autant que France télécom ait jamais pu en avoir connaissance.
France Télécom note que Numéricable et NC Numéricable ne peuvent sérieusement contester commercialiser de longue date au moins une offre de gros sur leur réseau fibre à destination des opérateurs et refuser sans aucune motivation la communication des modalités de cette offre à France Télécom qui les a réclamées depuis le 10 août 2007.
France Télécom indique qu’elle a cherché vainement à obtenir communication des modalités techniques et tarifaires de cette offre ainsi que la localisation des dessertes locales concernées. Elle précise également que la description succincte fournie en marge des réponses aux consultations de l’Autorité ne pourrait tenir lieu d’information suffisante, ni être le gage de l’indispensable transparence qui doit accompagner la communication de toute offre de gros entre les différents opérateurs.
II - Sur la recevabilité
Sur la compétence de l’Autorité
France Télécom souligne que les offres de gros de Numéricable et de NC Numéricable étant présentées comme des offres d’accès à leur réseau de fibre optique relèvent du régime de l’accès au sens réglementaire de l’article L. 32 alinéa 8 du CPCE.
France Télécom rappelle que dès lors qu’elle n’a pu obtenir la communication des informations concernant les modalités techniques et tarifaires des offres de Numéricable et de NC Numéricable, il est clairement établi qu’un refus lui a été opposé dans les conditions prévues par l’article L. 36-8 I du CPCE.
France Télécom estime que sa saisine porte sur le refus de communication des offres d’accès de Numéricable et de NC Numéricable, et est donc parfaitement recevable au titre des dispositions de l’article L. 36-8 du CPCE.
Sur l’offre d’accès
France Télécom souligne que la holding Ypso France, intervenant au nom de Numéricable et de NC Numéricable, a très explicitement annoncé qu’elle proposait une offre de gros aux opérateurs.
France Télécom indique que par courrier du 10 août 2007, elle a sollicité la communication de cette offre. France Télécom ajoute que cette demande est restée sans réponse malgré la confirmation par Numéricable et NC Numéricable de l’existence de leur offre lors de la multilatérale organisée par l’Autorité le 12 octobre 2007.
France Télécom indique avoir réitéré par courrier du 29 octobre 2007 sa demande en précisant qu’elle était prête à étudier si nécessaire les modalités d’éventuelles expérimentations préparatoires à la mise en œuvre de telles offres.
France Télécom indique que ses nouvelles demandes sont restées sans réponse et qu’elle a été contrainte à solliciter publiquement les offres de Numéricable et de NC Numéricable le 20 décembre 2007 lors de la multilatérale à l’Autorité sur la « mutualisation de la partie terminale des réseaux de fibre optique ».
France Télécom précise qu’elle a, à nouveau, renouvelé sa demande le 30 janvier 2008 en indiquant que l’absence de réponse favorable à cette ultime demande serait interprétée comme un refus pur et simple d’accès.
France Télécom fait remarquer que la réponse en date du 4 février 2008 de Numéricable et de NC Numéricable indiquait de manière contradictoire « être surpris par la demande de France Télécom dans la mesure où l’offre de fibre “wholesale” aurait été présentée lors de la réunion du 21 novembre 2007 à la Division Opérateurs de France Télécom » et « que la communication de cette offre était subordonnée à la communication préalable d’une liste des zones géographiques que lesquelles France Télécom pourrait être intéressée par cette offre ».
France Télécom souligne la mauvaise foi de Numéricable et de NC Numéricable qui n’ont pas répondu au courrier de France Télécom du 28 février 2008 qui donnait la liste des villes comme il avait été demandé le 4 février 2008.
France Télécom estime que ces échanges matérialisent l’échec des négociations et que cet échec en ce qui concerne l’absence de transmission par Numéricable et NC Numéricable de leur offre de gros doit être qualifié de refus d’accès.
III - Sur le fond
France Télécom précise qu’elle ne peut mesurer plus avant la compatibilité des conditions techniques et tarifaires de cette offre avec ces propres besoins au regard du refus opposé par Numéricable et NC Numéricable de la lui communiquer.
France Télécom note que Numéricable et NC Numéricable s’affranchissent des obligations qui s’imposent à tous les opérateurs (L. 33-1 du CPCE) en matière d’accès et s’interroge sur les motivations de ce refus.
Sur le principe de transparence
France Télécom constate que le refus de Numéricable et de NC Numéricable de communiquer les conditions techniques et tarifaires de leur offre contrevient aux dispositions de l’article D. 99-10 du CPCE qui prévoient que « les conditions tarifaires des conventions d’interconnexion et d’accès respectent les principes d’objectivité et de transparence ».
France Télécom indique qu’au titre du considérant 16 de la directive « accès », l’objet principal des obligations de transparence qui peuvent être imposées aux opérateurs est d’assurer une visibilité sur les offres entre les différents acteurs du marché afin de prévenir toute discrimination.
France Télécom souligne que cette obligation de transparence garantit une fluidité des négociations entre les opérateurs et représente un rempart à toute tentation que les opérateurs pourraient avoir de pratiquer des conditions non objectives et donc discriminatoires entre les opérateurs.
France Télécom demande en conséquence à l’Autorité de constater que Numéricable et NC Numéricable ne respectent pas les dispositions de l’article D. 99-10 du CPCE et notamment l’obligation de transparence aux fins de lui enjoindre de procéder à la communication sans délai des détails techniques et tarifaires de leur offre.
France Télécom souligne que ce rappel semble d’autant plus important que Numéricable et NC Numéricable affirment de manière publique avoir signé un accord avec Neuf Cegetel pour ses abonnés fibre et fournir une prestation à Completel pour se déployer à destination des PME et PMI.
Sur le caractère inéquitable
France Télécom souligne que Numéricable et NC Numéricable ne font aucunement mystère des accords qu’elles ont d’ores et déjà pu signer avec d’autres opérateurs concernant leur offre de gros.
France Télécom relève que Numéricable et NC Numéricable annoncent de manière très large le fait de proposer une offre de gros à tout opérateur qui en ferait la demande, mais manifestement telle n’est pas la réalité au regard des refus systématiques opposés par Numéricable et NC Numéricable de transmettre à France Télécom les éléments de leur offre.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments France Télécom demande à l’Autorité de constater que Numéricable et NC Numéricable ne permettent en réalité pas l’accessibilité à tous de leur offre ou de leurs offres d’accès à leurs réseaux, qu’elles en réservent en pratique la disponibilité qu’aux opérateurs qu’elles choisissent, et considérer en conséquence comme totalement inéquitable le refus qu’elles opposent à France Télécom alors même que leurs offres seraient proposées à tous les opérateurs.
Vu les observations en défense enregistrées le 20 août 2008, présentées par la société NC Numéricable, immatriculée au RCS de Meaux n° 400 461 950, et dont le siège social est situé 10 rue Albert Einstein 77420 Champs sur Marne, agissant en son nom et pour son compte ainsi qu’au nom et pour le compte de la société Numéricable SAS immatriculée au RCS de Meaux n° 379229529, et dont le siège social est situé 10 rue Albert Einstein 77420 Champs sur Marne ;
I - Sur les demandes
Numéricable et NC Numéricable demandent à l’Autorité de rejeter l’ensemble des prétentions de France Télécom.
NC Numéricable précise que ses observations au nom de la société Numéricable se confondent avec celles formulées au nom de la société NC Numéricable exactement dans les mêmes termes.
II - Sur la recevabilité
Sur la compétence de l’Autorité
NC Numéricable relève que France Télécom ne demande pas l’accès à son réseau au sens de l’article L. 36-8 du CPCE, mais la simple transmission d’informations concernant son offre de gros.
NC Numéricable précise que s’il n’est discuté que son offre de gros est une offre d’accès à son réseau de fibre optique, France Télécom opère un amalgame entre demande d’accès à un réseau et la simple demande de communication d’offres que NC Numéricable et Numéricable auraient faites à d’autres opérateurs. Il s’agit donc d’une demande d’information et non d’une demande d’accès fondant la compétence de l’Autorité au titre de l’article L. 36-8 du CPCE.
NC Numéricable indique que les accords d’accès sont des contrats qui relèvent du droit commercial et qu’en l’absence de texte spécifique imposant la divulgation d’un tel contrat, ils demeurent soumis au secret des affaires.
NC Numéricable rappelle que le texte qui encadrait la possibilité d’obtenir la communication des contrats d’interconnexion d’un autre opérateur, c’est-à-dire l’article D. 99-6 de l’ancien code des postes et des télécommunications, a justement été supprimé lors de la réforme de 2004 et aucun autre texte ne donne compétence à l’Autorité pour imposer à NC Numéricable et Numéricable de communiquer à France Télécom lesdits contrats.
NC Numéricable souligne que pour les opérateurs qui ne sont pas l’objet de mesures de régulation ex ante comme tel est le cas aujourd’hui pour Numéricable, il n’y a aucune obligation d’avoir une offre type d’accès à son réseau très haut débit.
NC Numéricable précise qu’elle doit faire droit aux demandes d’accès d’opérateurs tiers, lorsque ces demandes sont indispensables pour respecter les objectifs de l’article L. 32-1 du CPCE. NC Numéricable et Numéricable ont donc demandé dans leur courrier du 4 février 2008 à France Télécom de leur faire « parvenir une liste des zones géographiques sur lesquelles elle pourrait éventuellement être intéressée par notre offre ».
NC Numéricable constate que France Télécom, ne répondant pas à ces conditions préalables, montre que sa demande est déconnectée d’une demande d’accès au sens de l’article L. 36-8 du CPCE.
Sur l’offre d’accès
NC Numéricable indique que comme il a été démontré que la demande de France Télécom n’est pas une demande d’accès,, un prétendu défaut de réponse ne saurait être qualifié d’échec des négociations ou de refus d’accès.
NC Numéricable fait remarquer que France Télécom cherche en réalité à ce que l’interprétation qui serait donnée à l’article D. 99-10 du CPCE, qui prévoit que « les conditions tarifaires des conventions d’interconnexion et d’accès respectent les principes d’objectivité et de transparence », aboutisse à imposer à tout opérateur d’avoir une offre type et préalable d’accès et d’interconnexion à son réseau. France Télécom cherche à ce qu’un opérateur qui, comme NC Numéricable et Numéricable ne sont pas soumis à des obligations de régulation ex ante, se retrouve de fait dans une situation analogue.
NC Numéricable estime que si France Télécom avait réellement souhaité conclure une offre d’accès au réseau de NC Numéricable et Numéricable, elle aurait rapidement accédé à sa requête. Selon NC Numéricable, le but de France Télécom n’est pas d’obtenir l’accès au réseau très haut débit mais d’obtenir des informations sur le développement des infrastructures d’un concurrent.
NC Numéricable souligne que des contrats d’accès ont pu être conclus avec deux opérateurs alternatifs car ces derniers ont commencé par délimiter et justifier leur réel besoin d’accès, ce que France Télécom a en pratique refusé de faire.
NC Numéricable confirme que France Télécom a formulé une simple demande d’information déconnectée d’une demande d’accès et que par suite la demande de France Télécom ne peut être qualifiée d’échec des négociations ou de refus d’accès.
III - Sur le fond
NC Numéricable veut démontrer que la demande de France Télécom ne respecte pas les conditions définies à l’article L. 34-8 du CPCE et que France Télécom interprète mal les dispositions de l’article D. 99-10 du CPCE.
NC Numéricable constate que France Télécom n’a pas démontré que l’accès au réseau d’un de ses concurrents ainsi que l’accès au réseau de NC Numéricable et de Numéricable lui est indispensable pour atteindre les objectifs de l’article L. 32-1 du CPCE.
NC Numéricable note que France Télécom ne remplit pas les conditions de l’article L. 34-8 du CPCE et ne peut donc s’en prévaloir pour demander à l’Autorité d’enjoindre à NC Numéricable et Numéricable de leur transmettre les conditions techniques et tarifaires de leur offre d’accès au réseau très haut débit.
Sur le principe de transparence
NC Numéricable indique que France Télécom allègue qu’elle n’aurait pas respecté l’article D. 99-10 du CPCE en ne transmettant pas les conditions techniques et tarifaires de son offre de gros. NC Numéricable souligne que France Télécom prétend imposer un niveau de transparence relativement similaire aux opérateurs soumis à l’article L. 38-1 du CPCE et aux opérateurs qui ne sont pas soumis à une régulation ex ante, au nombre duquel figurent NC Numéricable et Numéricable sur le marché de gros du très haut débit.
NC Numéricable précise qu’il n’est pas soumis aux obligations de l’article L. 38-1 susvisé et donc ces dispositions ne lui sont pas applicables.
NC Numéricable estime que la transparence de l’article D. 99-10 du CPCE doit être entendue de manière différente de celle qui découle de l’article L. 38-1 1°. L’obligation de transparence imposée aux opérateurs qui ne sont pas qualifiés de puissant sur un marché ne doit pas excéder ce qui est nécessaire pour assurer l’application de l’article L. 34-8 du CPCE.
NC Numéricable ajoute que la transparence de l’article D. 99-10 du CPCE doit être entendue comme imposant la communication de ces conditions à tout opérateur qui fait une demande d’accès effective, précise et sérieuse. A défaut d’une telle condition préalable l’obligation de transparence conduirait à des abus si tout opérateur pouvait faire une demande de communication d’offre sans justifier du sérieux de sa demande, chacun pouvant ainsi surveiller le développement des infrastructures de ses concurrents dans un contexte où l’Autorité ne leur impose pas de publier une offre de référence.
NC Numéricable constate que la définition que fait France Télécom de cette transparence conduirait ainsi à contourner l’absence de régulation ex ante sur un marché.
Sur le caractère inéquitable
NC Numéricable indique que France Télécom allègue qu’elle a opéré une discrimination entre opérateurs dans la fourniture des conditions tarifaires et techniques de l’offre, et a volontairement organisé une opacité de son offre à son égard.
NC Numéricable précise qu’elle-même et Numéricable n’ont pas refusé la communication d’une offre à France Télécom, mais n’ont pas été en mesure de le faire du fait de l’absence de transmission par le demandeur de précisions suffisantes, alors que d’autres opérateurs ont accédé à cette requête.
NC Numéricable ajoute que pour démontrer qu’il existe une discrimination, France Télécom doit mettre en évidence qu’elle serait dans une situation équivalente à celle de Neuf Cegetel sur le marché du très haut débit. NC Numéricable en attend la démonstration.
NC Numéricable estime donc que France Télécom ne peut pas arguer que NC Numéricable et Numéricable ont opéré une discrimination, ni organisé l’opacité de leur offre de manière illicite.
Vu les observations en réplique enregistrées le 3 septembre 2008 présentées par la société France Télécom ;
I - Sur les demandes
France Télécom confirme qu’elle a bien demandé communication de l’offre de Numéricable et NC Numéricable, mais elle s’est avant tout déclarée intéressée auprès de ces opérateurs par la négociation d’un accord d’accès sur la base de l’offre dont ceux-ci ont annoncé publiquement l’existence dès 2007.
France Télécom estime que Numéricable et NC Numéricable ne peuvent mettre en cause une quelconque imprécision des demandes qui leur ont été faites, dès lors que ces opérateurs ont eux-mêmes organisé auprès de France Télécom l’opacité des conditions techniques et tarifaires de leur offre.
France Télécom ajoute que Numéricable et NC Numéricable lui imposent en pratique d’engager des discussions « précises » à l’aveugle sur les conditions tarifaires et techniques d’une offre pour laquelle France Télécom ne dispose d’aucune information, autres que celles qui ont été fournies soit en réponse aux consultations de l’Autorité, soit lors des réunions multilatérales sous l’égide de l’Autorité.
II - Sur la recevabilité
Sur la compétence de l’Autorité
France Télécom estime que le refus de Numéricable et de NC Numéricable de transmettre les conditions techniques et tarifaires de leur offre constitue un refus d’accès au sens de l’article L. 36-8 du CPCE.
France Télécom rappelle qu’aux termes de l’article L. 34-8 du CPCE la vérification de la proportionnalité des décisions de règlement de différend au regard des objectifs de l’article L. 32-1 appartient exclusivement à l’Autorité et qu’il ne relève aucunement à un opérateur d’établir préalablement à toute demande d’accès auprès d’un autre opérateur que celle-ci serait indispensable à la réalisation des objectifs de la régulation.
France Télécom souligne qu’il ne fait aucun doute que le législateur n’a entendu confier la mise en œuvre des objectifs de la régulation qu’au ministre chargé des communications électroniques et à l’Autorité, et qu’il ne peut revenir à un opérateur dans le cadre d’une demande d’accès de contrôler le caractère indispensable de la demande qui lui est faite pour la réalisation de ces objectifs.
Sur l’offre d’accès
France Télécom affirme que les parties ont bien entamé des discussions afin de négocier une offre d’accès au réseau de Numéricable et de NC Numéricable.
France Télécom précise que les termes de son courrier du 29 octobre 2007 étaient sans ambigüité sur le caractère pragmatique de la démarche qu’elle a engagée.
France Télécom ajoute que, par courrier en date du 4 février 2008, Numéricable et NC Numéricable reconnaissent que des discussions sur les conditions de leur offre d’accès ont bien été entamées entre les parties.
France Télécom estime que les sociétés Numéricable et NC Numéricable sont bien entrées dans un processus de négociations commerciales comme le confirme le courrier du 4 février 2008 et qu’elles n’ont jamais conditionné la communication de leur offre à une expression de besoin plus précis que la liste des zones géographiques.
France Télécom souligne qu’elle a manifesté, dès l’origine des discussions, son intérêt pour l’offre proposée par Numéricable et NC Numéricable, et non sur l’ouverture de discussions commerciales sur des conditions différentes d’accès au réseau de ces opérateurs. France
Télécom estime donc légitime de demander la communication préalable dans le cadre des discussions commerciales des modalités techniques et tarifaires de l’offre.
France Télécom indique que, si elle suit la démonstration de Numéricable et NC Numéricable, elle aurait dû entamer des discussions « précises » sur une offre dont les conditions techniques et tarifaires sont arrêtées, sans pour autant connaître le contenu de ces conditions.
France Télécom constate que le refus de communication des conditions techniques et tarifaires interdit la poursuite des discussions sur un accord d’accès et matérialise de facto l’échec des négociations entre les parties sur un accord d’accès.
III - Sur le fond
Sur le principe de transparence
France Télécom entend confirmer sa lecture de l’article D. 99-10 du CPCE qui impose en matière d’accès et d’interconnexion à tous les opérateurs le fait que « Les conditions tarifaires des conventions d’interconnexion et d’accès respectent les principes d’objectivité et de transparence ».
France Télécom rappelle qu’elle n’a établi « aucune analogie directe avec les mécanismes contraignants de la régulation ex ante telle qu’elle résulte des analyses de marché ». Toutefois, France Télécom a souhaité éclairer le principe de transparence des différentes dispositions sectorielles l’encadrant pour démontrer qu’a minima ce principe impose à un opérateur disposant d’une offre d’accès d’en communiquer les termes aux opérateurs qui en font la demande.
France Télécom précise que cette obligation est une obligation qui s’applique bien entre opérateurs dans le cadre des accords d’accès et d’interconnexion comme l’ensemble des dispositions de l’article D. 99-10.
France Télécom ajoute que le principe de transparence tel que mentionné à l’article D. 99-10 suppose donc que, dans le cadre de la négociation d’un accord d’accès ou d’interconnexion, les conditions techniques et tarifaires d’une offre soient a minima connus de l’opérateur souhaitant négocier un tel accord.
France Télécom constate que concernant l’offre d’accès que les opérateurs Numéricable et NC Numéricable commercialisent d’ores et déjà à destination des opérateurs tiers, le refus de les communiquer à France Télécom méconnaît manifestement les obligations du CPCE ; dispositions qu’il appartient à tout opérateur de respecter, y compris lorsqu’il n’est pas soumis à aucune régulation ex ante.
Vu les secondes observations enregistrées le 17 septembre 2008 présentées par la société NC Numéricable ;
I - Sur les demandes
NC Numéricable indique qu’elle entend réitérer sa demande visant à constater l’irrecevabilité de la saisine de France Télécom, ainsi qu’à constater que la saisine de France Télécom est mal fondée.
II - Sur la recevabilité
Sur la compétence de l’Autorité
NC Numéricable indique que l’article L. 34-8 alinéa 1 du CPCE, sur lequel France Télécom fonde son action, dispose que : « Lorsque cela est indispensable pour respecter les objectifs définis à l’article L. 32-1, l’Autorité peut imposer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l’accès ou de l’interconnexion ».
NC Numéricable estime que France Télécom ne peut exiger l’accès au réseau d’un de ses concurrents si cette dernière ne justifie pas que sa demande est indispensable au respect des objectifs définis à l’article L. 32-1 du CPCE. NC Numéricable ajoute que France Télécom disposant de 350 000 km de génie civil et d’un réseau couvrant tout le territoire, cette démonstration s’impose d’autant plus que la nécessité d’accès au réseau d’un de ses concurrents apparaît pour le moins paradoxale.
NC Numéricable souligne que non seulement France Télécom n’établit en aucun cas que cette demande lui serait nécessaire pour respecter les objectifs de l’article L. 32-1, mais au contraire le fait que France Télécom indique dans sa réplique que l’offre « a un caractère complémentaire à ses déploiements » atteste que sa demande n’est en rien « indispensable ».
NC Numéricable fait remarquer que France Télécom argue que seule l’Autorité est compétente pour vérifier la proportionnalité des demandes au regard des objectifs législatifs du CPCE et qu’il n’appartient pas aux opérateurs d’établir qu’une demande d’accès est indispensable aux objectifs de la régulation.
NC Numéricable estime néanmoins que France Télécom ne peut pas demander à l’Autorité d’enjoindre Numéricable et NC Numéricable de lui transmettre les conditions techniques et tarifaires d’accès à son réseau très haut débit dès lors que France Télécom n’a pas démontré que sa demande satisfait les conditions de l’article L. 34-8 alinéa 1 du CPCE.
NC Numéricable souligne que les écritures de France Télécom confirment que la demande de cette dernière n’est pas une demande d’accès, mais une simple demande de communication de conditions techniques et tarifaires de l’offre d’accès – ce qui ne répond donc pas aux conditions du règlement de différend de l’article L. 36-8 du CPCE. Par suite NC Numéricable estime que l’Autorité n’est pas compétente pour lui imposer de transmettre à France Télécom les conditions d’accès à leur réseau, dès lors que l’article L. 36-8 ne permet la saisine de l’Autorité que pour résoudre un refus d’accès.
Sur l’offre d’accès
NC Numéricable précise que le fait qu’elle ait annoncé l’existence d’une offre d’accès à son réseau très haut débit, ne l’oblige pas à fournir cet accès à tout opérateur qui en fait la demande. En effet, les opérateurs qui ne sont pas soumis à des obligations ex ante ne sont pas tenus d’avoir une offre de référence d’accès à leur réseau, mais ont uniquement l’obligation de fournir cet accès aux opérateurs qui en font la demande et pour qui l’accès est indispensable. S’agissant des autres opérateurs, Numéricable et NC Numéricable restent libres de négocier ou non avec les opérateurs de leur choix.
NC Numéricable constate que France Télécom cherche à contourner la décision de l’Autorité définissant les opérateurs exerçant une influence significative sur le marché du très haut débit pour que les obligations asymétriques qui lui sont imposées soient étendues à Numéricable et NC Numéricable.
III - Sur le fond
Sur le principe de transparence
NC Numéricable estime que l’article D. 99-10 du CPCE n’impose pas le même degré de transparence à tous les opérateurs.
NC Numéricable estime que l’analyse de France Télécom conduirait à ce que chaque opérateur puisse obtenir la communication des offres de gros des opérateurs qui ne sont pas soumis à la régulation ex ante. L’obligation de transparence de l’article D. 99-10 conduirait alors en pratique à ce que les opérateurs qui ne sont pas considérés comme dominants sur un marché soient tenus aux mêmes obligations que les opérateurs soumis à l’article L. 38-1 du CPCE, seul le mode d’obtention des conditions de l’offre d’accès étant différent.
NC Numéricable conclut que la portée donnée par France Télécom à cette transparence conduirait à contourner l’absence de régulation ex ante sur un marché.
Vu le courrier du chef du service juridique en date du 29 septembre 2008 adressé aux parties leur transmettant le questionnaire des rapporteurs et fixant au 10 octobre 2008 la clôture des réponses ;
Vu les réponses apportées par la société France Télécom et les sociétés Numéricable et NC Numéricable au questionnaire des rapporteurs enregistrées le 10 octobre 2008 ;
Vu le courrier du chef du service juridique en date du 14 octobre 2008 informant les parties que la date d’audience est fixée au 23 octobre 2008 à 15 h 00 ;
Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 21 octobre 2008 souhaitant que l'audience devant le Collège ne soit pas publique ;
Vu le courrier de la société NC Numéricable enregistré le 21 octobre 2008 acceptant que l'audience devant le Collège soit publique ;
Après avoir entendu le 23 octobre 2008, lors de l'audience devant le collège (composé de MM. Paul Champsaur, Edouard Bridoux, Nicolas Curien, Patrick Raude et Mmes Gabrielle Gauthey et Joëlle Toledano) :
- le rapport de M. Franck Bertrand et Mme Annelise Raphaël, rapporteurs présentant les conclusions et les moyens des parties ;
- les observations de M.M Jean Mazier, Gabriel Lluch et Didier Dillard pour la société France Télécom ;
- les observations de M. Arnaud Polaillon pour les sociétés NC Numéricable et Numéricable.
En présence de :
- MM. Jean Mazier, Didier Dillard, Gabriel Lluch, pour la société France Télécom ;
- M. Arnaud Polaillon et Mmes Giancarla Menaldi et Angélique Benetti, pour les sociétés NC Numéricable et Numéricable ;
- M. Philippe Distler, directeur général, M. François Lions, directeur général adjoint, MM. Sébastien Soriano, Franck Bertrand, Matthieu Allard, Edouard Lemoalle, Mmes Joëlle Adda, Annelise Raphaël, Pascale Terral agents de l’Autorité ;
Sur la publicité de l'Audience
L'article 15 du règlement intérieur susvisé dispose que « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe le collège de l'Autorité en délibère ». La société France Télécom a indiqué par courrier enregistré le 21 octobre 2008 qu’elle ne souhaitait pas que l'audience soit publique. Interrogée sur ce point par le Président avant l'ouverture des débats de l'audience, la société NC Numéricable a indiqué qu'elle ne s'opposait pas à ce que l'audience ne soit pas publique si la société France Télécom le désirait. Ainsi, l'audience n'a pas été publique.
Le collège (composé de MM. Edouard Bridoux, Nicolas Curien, Patrick Raude et Mmes Gabrielle Gauthey et Joëlle Toledano) en ayant délibéré le 4 novembre 2008, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité ;
Adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après.
1. - Sur la compétence de l’Autorité
Selon les dispositions de l’article L. 34-8 I du CPCE, « Lorsque cela est indispensable pour respecter les objectifs définis à l’article L. 32-1, l’Autorité peut imposer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l’accès ou de l’interconnexion :
[…]
b) Soit à la demande d’une des parties, dans les conditions prévues à l’article L. 36-8. Les décisions adoptées en application des a et b sont motivées et précisent les conditions équitables d’ordre technique et financier dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés. Les dispositions du IV de l’article L. 36-8 sont applicables aux décisions prises en application du a ».
A quoi l’article L. 36-8 I du CPCE ajoute que « En cas de refus d’accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès au réseau de communications électroniques, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut être saisie du différend par l’une ou l’autre des parties. […] Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés. […] ».
Aux termes des dispositions de l’article L. 32 8° du CPCE, « on entend par accès toute mise à disposition de moyens, matériels ou logiciels, ou de services, en vue de permettre au bénéficiaire de fournir des services de communications électroniques. Ne sont pas visés par le présent code les systèmes d’accès sous condition et les systèmes techniques permettant la réception de services de communication audiovisuelle, définis et réglementés par la loi n° 86--1087 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ».
Dès lors que l’Autorité a été saisie, en premier lieu, sur le fondement de l’article L. 34 8-I du CPCE, il convient tout d’abord d’apprécier si le litige relève de l’accès au sens de l’article L. 32 8° du même code.
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que l’offre de gros d’accès à des réseaux très haut-débit proposée par NC Numéricable et Numéricable, et destinée à des opérateurs de communications électroniques fournisseurs d’accès très haut débit est une offre commerciale de vente en gros de fibre optique de boucle locale déployée dans des infrastructures physiques que sont les fourreaux.
Il résulte de ces énonciations et constatations que l’offre de gros d’accès commercialisée par NC Numéricable et Numéricable relève du régime juridique de l’accès.
Dès lors que le litige se rattache au champ d’application de l’article L. 34-8 I, l’Autorité peut en être saisie dans les conditions de l’article L. 36-8. Il conviendra d’examiner si les différentes demandes de France Telecom ont pour objet de demander à l’Autorité d’« imposer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l’accès ou de l’interconnexion ».
2. – Sur la recevabilité des différentes demandes formulées par France Télécom
2.1. - Sur la demande de constater les refus d’accès opposés par NC Numéricable et Numéricable à France Télécom
France Telecom se borne à présenter une conclusion tendant à ce que l’Autorité constate que NC Numéricable et Numéricable lui refusent l’accès à leur réseau.
Cependant, si le constat de refus d’accès est, au regard des termes aux articles L. 34-8 I et L. 36-8 du CPCE, une des conditions alternatives de recevabilité des demandes de règlement de différends, il ne peut constituer en lui-même une conclusion présentée à l’Autorité.
Par suite, la demande de France Telecom, en tant qu’elle vise simplement à faire constater par l’Autorité l’existence de refus d’accès n’est pas recevable. Il appartiendra toutefois à l’Autorité, dans la mesure où elle serait saisie d’autres conclusions, nécessitant d’apprécier l’existence du refus d’accès comme condition de leur recevabilité, d’apprécier l’existence ou non de ce refus.
2.2. - Sur la demande de constater que les refus de NC Numéricable et Numéricable de communiquer leur offre d’accès méconnaissent les dispositions de l’article D. 99-10 du CPCE
Par les conclusions susvisées, France Télécom souhaite faire constater par l’Autorité que NC Numéricable et Numéricable ne respectent pas une des obligations qui lui sont imposées en vertu des textes réglementaires.
Cependant, la procédure de règlement de différends définie aux articles L. 34-8 I et L. 36-8 du CPCE ne vise pas à faire constater le non-respect d’une obligation réglementaire mais à résoudre un refus d’accès ou d’interconnexion, l’échec des négociations commerciales ou un désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’accès ou d’interconnexion, et ce, en fixant les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés, ou « lorsque cela est indispensable pour respecter les objectifs définis à l’article L. 32-1 » à « imposer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l’accès ou de l’interconnexion ».
Ainsi, la demande visant à faire constater par l’Autorité le non-respect d’une obligation réglementaire n’est pas recevable dans le cadre d’un règlement de différend.
2.3. - Sur la demande d’enjoindre à NC Numéricable et Numéricable de communiquer les conditions techniques et tarifaires, ainsi que les informations concernant la disponibilité sur le territoire national de leur offre d’accès
- Sur la fin de non-recevoir opposée par NC Numéricable, et tirée de l’absence d’échec des négociations
- Sur l’échec des négociations
Il ressort des pièces versées au dossier de procédure que la société France Télécom a pris contact le 10 août 2007 avec YPSO France, holding répondant au nom des opérateurs de réseaux câblés dont NC Numéricable et Numéricable, en vue d’engager des négociations commerciales visant à la conclusion d’un accord d’accès à leur réseau très haut-débit.
France Télécom indique que la holding YPSO France a gardé le silence pendant plus de cinq mois et qu’après diverses relances, notamment dans un courrier en date du 29 octobre 2007 et lors d’une multilatérale à l’Autorité du 20 décembre 2007, elle ne lui a pas communiqué les conditions techniques et tarifaires de l’ensemble de ses offres de gros destinées aux opérateurs fournisseurs d’accès très haut-débit.
Dans ces conditions, France Télécom a adressé à YPSO France et à ses opérateurs, dont NC Numéricable et Numéricable, un courrier en date 30 janvier 2008 dans lequel elle réitère sa demande d’obtenir la communication d’une offre de gros, en précisant qu’elle note que les modalités techniques et financières d’un tel accès ont déjà été formalisées au sein d’une offre commercialisée auprès d’autres opérateurs alternatifs. Par ce même courrier du 30 janvier 2008, France Télécom a mis en demeure la holding YPSO France et ses opérateurs de lui communiquer une offre de gros, en leur précisant que, faute d’une transmission de l’offre dans les huit jours, elle ne pourra que constater le refus par NC Numéricable et Numéricable de faire droit à sa demande d’accès à leur réseau très haut-débit.
En réponse, pour préciser les conditions d’ordre technique et financier dans lesquelles l’accès à son réseau très haut-débit est commercialisé, YPSO France a adressé à France Télécom un courrier en date du 4 février 2008, dans lequel elle lui demande de faire parvenir au préalable une liste des zones géographiques sur lesquelles France Télécom pourrait éventuellement être intéressée par cette offre de gros.
Le 27 février 2008, France Télécom a communiqué par courrier à YPSO France une nouvelle demande d’offre de gros, en lui précisant que tout délai excessif dans sa réponse constituerait une discrimination et un refus d’accès. Cette demande était accompagnée d’une liste des villes pour lesquelles France Télécom souhaite que la holding YPSO France lui communique une offre de gros.
Ensuite, devant l’inertie de la holding YPSO France et de ses opérateurs, l’Autorité a été saisie par la société France Télécom le 18 juillet 2008 du refus opposé par NC Numéricable et Numéricable de fournir des informations concernant les conditions d’accès à leur réseau très haut-débit, alors même que les modalités techniques et financières d’un tel accès sont déjà formalisées au sein d’une offre commercialisée auprès d’autres opérateurs alternatifs.
- Sur la fin de non-recevoir opposée par NC Numéricable
Dans ses observations en défense, NC Numéricable considère que le désaccord n’est pas caractérisé car France Télécom n’a pas encore exprimé un réel besoin d’accès. La société NC Numéricable attire en effet l’attention de l’Autorité sur le défaut d’éléments de nature à matérialiser une demande ferme et précise d’accès, en objectant que France Télécom n’est pas en mesure de lui opposer un réel besoin d’accès et ne cherche qu’à obtenir la révélation de certains secrets et informations sur le développement des infrastructures d’un concurrent.
NC Numéricable ajoute que la compétence de l’Autorité en matière de règlement des différends est indissociablement liée à l’existence d’une proposition ferme et précise de conclure une convention d’accès, et non à l’existence d’une simple demande floue et large de communication d’informations sur des offres d’accès. La société NC Numéricable en déduit qu’à défaut de proposition ferme et précise de contracter, l’article L. 36-8 ne peut pas s’appliquer.
Pour autant, les arguments de NC Numéricable ne sauraient convaincre l’Autorité. En effet, l’existence même d’un litige au sens de l’article L. 36-8 I du CPCE est une condition de la recevabilité des saisines de règlement de différends. Ce litige est cristallisé, soit sur un refus d’accès ou d’interconnexion, soit sur un désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès. Il suffit ainsi que le différend porte sur l’« échec des négociations commerciales ou [un] désaccord sur la conclusion […] d’une convention […] d’accès au réseau de communications électroniques » pour qu’il entre dans le champ d’application de l’article L. 36-8 du CPCE. La condition d’échec des négociations commerciales apparaît comme un élément permettant d’établir le désaccord sur la conclusion ou l’exécution de ladite convention.
En l’espèce, il n’est pas contestable qu’en l’état de ces constatations et énonciations, un désaccord entre les parties persiste au terme de leurs discussions surtout si, à l’instar de ce qui peut être relaté en détail dans les pièces annexées aux saisines, des demandes circonstanciées formulées explicitement à plusieurs reprises par France Télécom à des dates rapprochées n’ont pas abouti.
Les refus de communiquer les conditions techniques et tarifaires, ainsi que les informations concernant la disponibilité sur le territoire national de l’offre ou des offres d’accès, constituent un désaccord sur la conclusion d’une convention d’accès, et entrent par suite dans le champ d’application de l’article L. 36-8 du CPCE, ce qui suffit à fonder la compétence de l’Autorité et la recevabilité de la demande de France Télécom d’enjoindre à NC Numéricable et Numéricable SAS de communiquer les conditions techniques et tarifaires, ainsi que les informations concernant la disponibilité sur le territoire national de leur offre d’accès.
La fin de non-recevoir opposée par NC Numéricable tirée de ce que le désaccord ne serait pas caractérisé est donc écartée.
- Sur la fin de non-recevoir opposée par NC Numéricable, et tirée de l’impossibilité d’imposer une obligation d’accès en dehors du processus d’analyse de marché
Dans leurs observations en défense, NC Numéricable et Numéricable SAS soutiennent qu’une des demandes de France Télécom consiste en une simple demande floue et large de communication d’informations d’une offre d’accès qui n’est pas soumise à une régulation ex ante, ce qui a pour effet de ne pas appliquer les obligations de transparence imposées au titre de l’article L. 38-1 du CPCE. La société NC Numéricable et Numéricable SAS en déduisent qu’à défaut de dispositions prévoyant expressément la compétence de l’Autorité en la matière, l’article L. 36-8 ne peut pas s’appliquer.
Pour autant, les arguments de NC Numéricable ne sauraient convaincre l’Autorité. En effet, la compétence de l’Autorité en matière de règlement de différend est indissociablement liée à la création du droit d’accès consacré par L. 34-8 du CPCE.
L’article L. 34-8 I. du CPCE dispose expressément : « L’interconnexion ou l’accès font l’objet d’une convention de droit privé entre les parties concernées. Cette convention détermine, dans le respect des dispositions du présent code et des décisions prises pour son application, les conditions techniques et financières de l’interconnexion ou de l’accès. Elle est communiquée à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes à sa demande.
Lorsque cela est indispensable pour respecter les objectifs définis à l’article L. 32-1, l’Autorité peut imposer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l’accès ou de l’interconnexion :
a) Soit de sa propre initiative, […] ;
b) Soit à la demande d'une des parties, dans les conditions prévues à l’article L. 36-8. »
Cet article permet à l’Autorité, saisie par une partie dans les conditions de l’article L. 36-8 du CPCE, d’« imposer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l’accès ou de l’interconnexion ».
« Imposer les modalités de l’accès », au sens de l’article L. 34-8 I, implique que l’Autorité puisse exiger la communication des conditions techniques et tarifaires, ainsi que des informations concernant la disponibilité sur le territoire national de l’offre d’accès d’un opérateur, « lorsque cela est indispensable pour respecter les objectifs définis à l’article L. 32-1 ».
Une négociation doit être engagée avant que les demandes d’accès ou d’interconnexion puissent être satisfaites, la communication des conditions techniques et tarifaires, et des informations concernant la disponibilité sur le territoire national d’une offre d’accès, devant permettre aux opérateurs de négocier librement entre eux.
La fin de non-recevoir opposée par NC Numéricable tirée de l’impossibilité d’imposer une obligation d’accès hors du processus d’analyse de marché est donc écartée.
En conséquence, les fins de non-recevoir opposées par NC Numéricable à ce chef de conclusion sont écartées.
Ainsi, parmi les demandes présentées par France Telecom, seules sont recevables les demandes tendant à la communication des conditions techniques et tarifaires, ainsi que des informations concernant la disponibilité sur le territoire national de l’offre d’accès de NC Numéricable et de Numéricable en tant qu’elles portent sur des prestations d’accès et entrent dans le champ des dispositions de l’article L. 36-8 du CPCE, combinées avec celles de l’article L. 34-8 du même code.
3. – Analyse au fond de l’Autorité
Dans sa saisine, France Télécom demande à l’Autorité d’enjoindre à Numéricable et NC Numéricable de communiquer à France Télécom les conditions techniques et tarifaires, ainsi que les informations concernant la disponibilité sur le territoire national de l’offre ou des offres d’accès à leur réseau qu’elles proposent aux autres opérateurs dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.
Pour apprécier si elle doit faire droit aux demandes de France Télécom tendant à la communication des conditions techniques et tarifaires, ainsi que des informations concernant la disponibilité géographique des offres d’accès au réseau de NC Numéricable et Numéricable, l’Autorité doit apprécier si une telle communication remplirait les conditions posées par l’article L. 34-8 I du CPCE, en particulier si elle est indispensable pour respecter les objectifs prévus à l’article L. 32-1 du même code et si la décision imposant une telle communication est notamment proportionnée.
Ainsi que le rappelle France Telecom dans ses observations, il ne peut revenir à un opérateur dans le cadre d’une demande d’accès de contrôler le caractère indispensable de la demande qui lui est faite pour la réalisation des objectifs de la régulation, car il appartient à l’Autorité d’apprécier ce caractère indispensable. Il résulte en effet des termes de l’article L. 34-8 I que c’est l’Autorité qui apprécie dans quelle mesure les modalités de l’accès ou de l’interconnexion doivent être imposées, et si le caractère indispensable au regard des objectifs de la régulation est rempli.
Toutefois, dès lors qu’elle statue sur le fondement du b) de l’article L. 34-8 I et, donc, à la demande d’une partie, l’Autorité ne peut apprécier si le caractère indispensable au regard des objectifs de la régulation est ou non établi que eu égard aux éléments fournis par la partie demanderesse, confrontés, dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l’article L. 36-8 du CPCE, à l’argumentation de la partie défenderesse. En conséquence, il appartient à France Télécom de produire les éléments d’argumentation de nature à établir que les conditions techniques et tarifaires, ainsi que des informations concernant la disponibilité géographique des offres d’accès au réseau de NC Numéricable et Numéricable, doivent impérativement lui être communiquées pour que les objectifs posés à l’article L. 32-1 puissent être atteints.
A cet égard, il convient de noter que les principaux facteurs de déploiement des réseaux à très haut débit en fibre optique sont, d’une part, les conditions d’accès ou de construction du génie civil pour la partie horizontale des réseaux et, d’autre part, la possibilité d’accéder aux immeubles pour y déployer la partie verticale. Sur le second point, NC Numéricable et Numéricable ont indiqué en séance devoir modifier leur offre de gros à la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui a limité la facilité d’accès aux immeubles dont ces sociétés estimaient bénéficier antérieurement. S’agissant de la partie horizontale, France Télécom détient l’essentiel des fourreaux de la boucle locale cuivre et peut y tirer de la fibre. Numéricable et NC Numéricable reconnaissent d’ailleurs dans leurs écritures utiliser le génie civil de France Télécom pour fournir leurs offres de gros dans les villes du plan câble qui représentent la quasi-totalité des villes concernées par la demande de France Télécom. A cet égard, il convient de rappeler qu’en vertu de la décision n° 2008-0835 de l’Autorité en date du 24 juillet 2008, France Télécom a été déclarée comme exerçant une influence significative sur le marché des infrastructures physiques constitutives de la boucle locale eu égard notamment à son patrimoine prépondérant de génie civil.
Aussi, si France Télécom déclare en particulier dans ses écritures versées au débat qu’elle « est intéressée potentiellement » par cette offre de gros dans la mesure où celle-ci « représente potentiellement une source d’optimisation des investissements des opérateurs » conformément à l’article L. 32-1 II 3°, elle ne démontre pas en quoi l’offre de gros de Numéricable et NC Numéricable lui est absolument nécessaire pour offrir des services très haut débit, ni a fortiori en quoi la communication de cette offre est indispensable au respect des objectifs de l’article L. 32-1 du CPCE.
Au regard de ce qui précède, il y a donc lieu de constater qu’aucun élément suffisant ne permet de démontrer le caractère indispensable, pour respecter les objectifs définis à l’article L. 32-1, de communiquer à France Télécom les informations techniques, tarifaires et géographiques concernant l’offre de gros de NC Numéricable et de Numéricable.
Au demeurant, quand bien même la communication de ces informations s’avérerait indispensable au respect des objectifs de l’article L. 32-1, il n’en reste pas moins qu’il conviendra alors de mettre en évidence le caractère notamment proportionné des mesures que France Télécom demande à l’Autorité d’imposer à NC Numéricable et Numéricable.
A cet égard, l’injonction qui leur serait faite de communiquer à France Télécom des informations concernant la disponibilité de leur offre sur l’ensemble du territoire national semble dépasser les besoins réels de France Télécom au vu de ses propres déploiements et, par suite, apparaît disproportionnée.
En tout état de cause, il ne ressort ni des écritures de France Télécom, ni de ses dires lors de l’audience que cette dernière établisse que l’équité commanderait de lui communiquer l’offre de NC Numéricable et Numéricable.
Pour ces raisons, en particulier au vu des circonstances de l’espèce et des conditions posées par l’article L. 34-8 I du code, il y a lieu de rejeter les demandes formulées par France Télécom demandant à l’Autorité d’enjoindre à NC Numéricable et Numéricable de communiquer les conditions techniques et tarifaires, ainsi que les informations concernant la disponibilité sur le territoire national de l’offre ou des offres d’accès à leur réseau qu’elles proposent aux autres opérateurs dans des conditions objectives, transparentes et non- discriminatoires.
Décide
Article 1 : Les deux demandes de règlement de différend susvisées présentées par la société France Télécom sont jointes.
Article 2 : Les demandes de règlement de différend susvisées présentées par la société France Télécom sont rejetées.
Article 3 : Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier à la société France Télécom et aux sociétés NC Numéricable et Numéricable la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.