Cass. soc., 10 juillet 2013, n° 12-12.181
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gosselin
Avocats :
SCP Baraduc et Duhamel, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er décembre 2011) statuant sur renvoi après cassation (2e Civ, 16 décembre 2010 n° 10-15.080) que par ordonnance du 30 avril 2009, rendue par le président d'un tribunal de grande instance sur requête présentée le même jour par l'Union départementale des syndicats confédérés Force ouvrière du Val-de-Marne et la Fédération des employés et cadres Force ouvrière (les syndicats), un huissier de justice a été autorisé à se rendre dans trois magasins de la société Boulanger (la société) aux fins de constater leurs conditions d'ouverture dominicale et de vérifier s'ils emploient des salariés le dimanche ; que la société a assigné les syndicats en rétractation de cette ordonnance ; que les syndicats ont, de leur côté, assigné en référé la société pour lui faire interdire, sous astreinte, d'ouvrir ses magasins le dimanche en employant du personnel salarié ; que les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en rétractation de l'ordonnance sur requête du 30 avril 2009 et d'annulation du constat d'huissier établi le 31 mai 2009 et, constatant l'existence d'un trouble manifestement illicite, de lui faire interdiction de continuer à employer des salariés le dimanche, sans y être régulièrement autorisée, dans les magasins de Créteil, la Queue-en-Brie et Villiers-sur-Marne, alors, selon le moyen :
1°/ que la requête demandant au juge d'ordonner non contradictoirement une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile doit invoquer le nécessité d'une dérogation au principe de la contradiction et justifier de cette nécessité ; que le juge saisi de la validité d'une ordonnance sur requête doit vérifier, au besoin d'office, si le juge des référés a été régulièrement saisi ; qu'en l'espèce, la requête déposée par l'Union départementale des syndicats confédérés Force ouvrière du Val-de-Marne et la Fédération des employés et cadres Force ouvrière le 30 avril 2009 ne précisait pas en quoi le fait que l'emploi de salariés le dimanche soit en infraction avec le code du travail et la prétendue contrainte subie par les salariés travaillant le dimanche caractérisaient des circonstances de nature à justifier une dérogation au principe de la contradiction ; qu'en considérant que l'ordonnance sur requête du 30 avril 2009 était valable, sans rechercher comme elle y était invitée, si la requête du même jour se prévalait de la nécessité de déroger au principe de la contradiction et caractérisait les circonstances justifiant une telle dérogation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145, 493 et 812 du code de procédure civile ;
2°/ que la décision ordonnant sur requête une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile doit exposer les raisons pour lesquelles il peut être dérogé au principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 30 avril 2009 autorisant les mesures litigieuses se bornait à préciser, pour justifier l'autorisation, que la mission confiée à l'huissier visait à constater les conditions actuelles d'ouverture dominicale des magasins Boulanger situés dans le Val-de-Marne et à vérifier s'ils emploient des salariés le dimanche, sans autre précision ; qu'en se fondant, pour juger que l'ordonnance du 30 avril 2009 était suffisamment motivée, sur le fait qu'elle invoquait « expressément la violation des dispositions législatives d'ordre public sur le repos dominical », la cour d'appel a dénaturé cette ordonnance et violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que le seul fait que des salariés travaillent le dimanche en infraction avec l'article L. 3132-3 du code du travail et l'état de contrainte que subiraient ces salariés ne suffisent pas à caractériser la nécessité d'une dérogation au principe de la contradiction ; qu'en jugeant que l'ordonnance sur requête était suffisamment motivée dès lors qu'elle invoquait expressément la violation des dispositions législatives d'ordre public sur le repos dominical, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des articles 145, 493 et 812 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que s'agissant de contrôler l'ouverture des magasins le dimanche, la mission confiée à l'huissier de justice avait plus de chance de succès si elle était exécutée de manière inopinée afin d'éviter que la société ne prenne la décision de maintenir fermés les magasins en cause à la date prévue pour éviter la constatation de la violation des dispositions légales qui lui était reprochée, la cour d'appel a caractérisé les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction et a par ses seuls motifs légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que la censure du chef de la décision la déboutant de ses demandes de rétractation de l'ordonnance sur requête du 30 avril 2009 entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de l'arrêt constatant l'existence d'un trouble manifestement illicite, le juge des référés n'ayant pas été régulièrement saisi par la requête du 30 avril 2009 et ce, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°/ que n'est pas manifestement illicite le trouble résultant de l'ouverture sans autorisation de magasins le dimanche lorsqu'elle tend à éviter la distorsion de concurrence résultant de l'ouverture dominicale, dans une même zone de chalandise, de magasins vendant des produits concurrents ; qu'en l'espèce, les magasins Boulanger dans le Val-de-Marne se trouvaient à proximité de magasins ouverts le dimanche et offrant des produits concurrents ; qu'en jugeant, pour qualifier de trouble manifestement illicite l'ouverture dominicale des magasins Boulanger, que le moyen invoqué par la société et tiré d'une distorsion de concurrence était inopérant, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;
Mais attendu d'abord que le rejet du premier moyen rend sans objet la première branche ;
Attendu ensuite que le fait pour un employeur d'ouvrir son établissement le dimanche sans qu'il y soit autorisé de droit ou par autorisation préfectorale constitue un trouble manifestement illicite ;
Qu'ainsi la cour d'appel a exactement décidé, peu important le recours formé devant la juridiction administrative contre les décisions préfectorales de rejet de ses demandes d'autorisation ou l'ouverture le dimanche de magasins concurrents, que la société Boulanger, qui ne pouvait se prévaloir lors de la saisine du juge des référés d'aucune dérogation effective au repos dominical, n'était pas autorisée à ouvrir ses magasins le dimanche et que cette ouverture constituait un trouble manifestement illicite ;
D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.