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Décisions

Cass. crim., 15 novembre 2022, n° 21-86.357

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnal

Rapporteur :

M. Violeau

Avocat général :

M. Lemoine

Avocats :

Me Goldman, SCP Le Griel

Paris, du 23 sept. 2021

23 septembre 2021

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par convocation du 28 septembre 2018, notifiée par officier de police judiciaire agissant sur instruction du procureur de la République de Paris, en application de l'article 390-1 du code de procédure pénale, M. [E] [K] [G] [X] a été cité à l'audience du 9 janvier 2019 du tribunal correctionnel du chef de provocation à commettre des atteintes volontaires à la vie.

3. Par acte d'huissier du 10 décembre 2018, le procureur de la République a engagé des poursuites distinctes sous la même qualification aggravée par la circonstance prévue à l'article 132-76 du code pénal.

4. Par jugement du 19 mars 2019, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable de provocation à commettre des atteintes volontaires à la vie, aggravées par la circonstance prévue à l'article 132-76 du code pénal, et a reçu les constitutions de partie civile de l'association Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (AGRIF) et la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA).

5. Appel a été interjeté par le prévenu à titre principal et à titre incident par le ministère public et les parties civiles.


Examen des moyens

Sur le moyen proposé par la SCP Le Griel pour l'AGRIF, pris en sa première branche

6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen proposé par la SCP Le Griel pour l'AGRIF, pris en sa seconde branche et sur le moyen proposé par Me Goldman pour la LICRA

Enoncé des moyens

7. Le moyen proposé pour l'AGRIF critique l'arrêt attaqué, statuant sur les intérêts civils, en ce qu'il a annulé la citation du 10 décembre 2018 et constaté la prescription de l'action publique, alors « que l'irrévocabilité de la saisine du tribunal correctionnel selon une convocation délivrée conformément à l'article 390-1 du code de procédure pénale fait uniquement échec à l'ouverture d'une information pénale et, partant, à la saisine d'une juridiction d'instruction, mais ne prive pas le procureur de la République de la faculté de délivrer au prévenu, pour les mêmes faits, une citation à comparaître, en application de l'article 390 du même code ; qu'en estimant au contraire, en l'espèce, que, dès lors qu'au cours de l'enquête, le Ministère Public avait irrévocablement fait le choix d'engager les poursuites et de saisir le tribunal correctionnel en faisant usage de la convocation « par procès-verbal », il ne pouvait engager de nouvelles poursuites pour les mêmes faits en procédant par voie de citation directe, pour en déduire que cette citation était irrégulière, quand la convocation notifiée par un officier de police judiciaire comme la citation tendent pareillement à saisir directement le tribunal correctionnel et qu'en outre, l'article 390-1 susvisé dispose que la convocation prévue par ce texte « vaut citation », la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

8. Le moyen proposé pour la LICRA critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé la citation délivrée le 10 décembre 2018 à M. [K]-[G]-[X], a constaté l'extinction de l'action publique et, ainsi de l'avoir déclarée irrecevable en ses demandes, alors « que le procureur de la République peut renouveler ou compléter par une citation, interruptive de prescription, la convocation qu'il a donné pour instruction à un officier de police judiciaire de délivrer ; qu'en retenant qu'en faisant délivrer une convocation par un officier de police judiciaire le 28 septembre 2018, le procureur de la République avait irrévocablement fait le choix de saisir le tribunal par cette voie, de sorte qu'était irrégulière la citation directe, qui ne faisait pas référence à la convocation et ajoutait une circonstance aggravante, qu'il avait fait délivrer, pour les mêmes faits, le 10 décembre 2018, la cour d'appel a méconnu les articles 388, 390 et 390-1 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Les moyens sont réunis.

10. Il résulte des dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 que les mêmes faits ne sauraient recevoir une double qualification sans créer d'incertitude dans l'esprit du prévenu et que, si des poursuites relatives aux mêmes imputations qualifiées différemment et visant des textes de loi distincts ont été engagées successivement, la seconde citation se trouve frappée de nullité.

11. En l'espèce, pour annuler la seconde citation et constater la prescription de l'action publique et de l'action civile engagées sur le fondement de la première, l'arrêt attaqué énonce à tort que le ministère public ne peut valablement engager de nouvelles poursuites par la délivrance d'une citation directe, après avoir irrévocablement fait le choix d'engager des poursuites par un autre mode, en l'espèce par convocation par officier de police judiciaire.

12. Pour autant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que les citations des 28 septembre et 10 décembre 2018 visaient des qualifications incompatibles entre elles, s'agissant du même délit poursuivi sans puis avec circonstance aggravante, de sorte que la seconde citation était nulle et n'a pu interrompre la prescription.

13. Ainsi, les moyens doivent être écartés.

14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.