Cass. crim., 29 avril 2003, n° 02-85.315
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Blondet
Avocat général :
M. Finielz
Avocat :
SCP Gatineau
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES (URSSAF) DE PARIS, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 1er juillet 2002, qui l'a déboutée de ses demandes après avoir déclaré irrecevable la citation directe délivrée à sa requête à Michel X... des chefs de défaut de paiement de cotisations de sécurité sociale par l'employeur ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 392-1, 533, 591 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 6 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la citation directe de Michel X... par l'URSSAF de Paris irrecevable en application de l'article 392-1 du Code de procédure pénale ;
"aux motifs propres que l'article 392-1, alinéa 1, du Code de procédure pénale dispose que : "lorsque l'action de la partie civile n'est pas jointe à celle du ministère public, le tribunal correctionnel fixe, en fonction des ressources de la partie civile, le montant de la consignation que celle-ci doit (...) déposer au greffe et le délai dans lequel elle devra être faite sous peine de non recevabilité de la citation directe ; cette consignation garantit le paiement de l'amende civile susceptible d'être prononcée en application du second alinéa" ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'action de l'URSSAF n'a pas été jointe à l'action du ministère public et qu'aucune consignation n'a été fixée ; que s'il est vrai que l'article L. 244-1 du Code de la sécurité sociale autorise la poursuite, à la requête de toute partie intéressée, de l'employeur ou du travailleur indépendant qui ne s'est pas conformé aux prescriptions de la législation de la sécurité sociale, ce texte n'institue aucunement un régime dérogatoire aux dispositions du Code de procédure pénale et notamment à son article 392-1 ; qu'il en résulte que la citation directe de Michel X... par l'URSSAF n'est pas recevable faute de consignation par la partie civile ; que dès lors, la Cour se doit de constater cette irrecevabilité et de renvoyer l'URSSAF à mieux se pourvoir ;
"1 - alors qu'il appartient au juge saisi sur citation directe de fixer le montant de la consignation qu'il impose à la partie civile et le délai dans lequel cette consignation devra être versée à peine de non-recevabilité de la plainte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a expressément constaté qu'aucune consignation n'avait été ordonnée par le tribunal ne pouvait pas, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'URSSAF, retenir le défaut de versement d'une consignation que le tribunal n'avait jamais ordonnée ; qu'en omettant de tirer les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, la cour d'appel a violé les articles 392-1 et 533 du Code de procédure pénale ;
"2 - alors que le droit à l'accès au juge est un droit fondamental ; que la carence des autorités judiciaires ne doit pas avoir pour effet de priver le justiciable de ce droit ; qu'en l'espèce, la citation directe de Michel X... par l'URSSAF a été déclarée irrecevable parce qu'aucune consignation n'avait été fixée par le juge ; qu'en déboutant l'URSSAF de ses demandes quand l'absence de consignation ne résultait que de la carence du juge, la cour d'appel a méconnu le principe du droit à l'accès au juge consacré par l'article 6 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"3 - alors que l'objet de la consignation imposée à la partie civile est de garantir le paiement de l'amende civile susceptible d'être prononcée contre le plaignant en cas de constitution de partie civile abusive ou dilatoire ; qu'elle est fixée souverainement par le tribunal en fonction des ressources de la partie civile ; qu'une telle consignation ne se justifie pas lorsque la solvabilité du plaignant garantit de toute façon le paiement de l'amende civile ; qu'en ne recherchant pas si le tribunal n'avait pas volontairement dispensé l'URSSAF de consignation compte tenu de sa solvabilité suffisante pour garantir le paiement de l'amende civile susceptible d'être prononcée par le tribunal pour citation abusive ou dilatoire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 392-1 et 533 du Code de procédure pénale ;
"4 - alors que le président du tribunal de police de Paris a informé l'URSSAF de Paris qu'elle la dispensait de consignation dans la mesure où elle pouvait être assimilée au ministère public ;
qu'en ne recherchant pas si l'URSSAF de Paris, compte tenu de sa nature et de ses prérogatives, ne pouvait pas effectivement être assimilée au ministère public et, par voie de conséquence, être dispensée de consignation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 392-1 et 533 du Code de procédure pénale" ;
Vu l'article 392-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu que le défaut de versement, par la partie civile poursuivante, de la consignation imposée par ce texte n'est pas une cause d'irrecevabilité de la citation directe délivrée à sa requête lorsque le tribunal a omis d'en fixer le montant et le délai de versement ;
Attendu, selon les pièces de procédure, que Michel X... a été cité devant le tribunal de police de Paris, à la requête de l'URSSAF, après avoir été mis en demeure de régulariser sa situation, pour avoir omis d'acquitter des cotisations sociales à leur échéance ; que, le tribunal l'a déclaré coupable de l'infraction reprochée et a prononcé sur les intérêts civils ;
Attendu que, pour réformer cette décision, déclarer irrecevable la citation délivrée à la requête de la partie civile, et débouter l'URSSAF de ses demandes, la cour d'appel énonce qu'aucune consignation n'ayant été fixée par le tribunal de police, la citation directe de Michel X... à la requête de l'URSSAF n'est, par application de l'article 392-1 du Code de procédure pénale, pas recevable ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui, de surcroît, ne pouvait prononcer sur le fond après avoir déclaré la citation irrecevable, a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle sera limitée à l'action civile, dès lors que l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard du prévenu, par application de l'article 2 de la loi du 6 août 2002, dès la publication de ce texte ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris en date du 1er juillet 2002, mais en ses seules dispositions relatives à l'action civile ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.