Cass. com., 3 mai 2006, n° 04-20.377
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Vu leur connexité, joint les pourvois n° K 04-20.656 formé par la société Ateliers d'art Mailfert X... et la société Mailfert X... et n° H 04-20.377 formé par la société Ateliers d'ébénisterie Masson et M. Y..., représentant des créanciers de cette société ;
Attendu , selon l'arrêt déféré et les productions, que par acte du 3 septembre 1993, la société Ateliers d'art Mailfert X... (la société Ateliers d'art), spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de meubles, invoquant des faits de concurrence déloyale commis par la société Ateliers d'ébénisterie Masson (la société Masson) a assigné cette dernière en réparation de son préjudice ; qu'une assemblée générale extraordinaire du 2 novembre 1995 a décidé la dissolution de la société Ateliers d'art et nommé un liquidateur ; que la société Mailfert X..., ayant acquis l'ensemble de la collection de plans et dessins portant sur les meubles fabriqués par la société Ateliers d'art est intervenue à l'instance ; que la cour d'appel, infirmant partiellement le jugement , a constaté que le liquidateur de la société Ateliers d'art avait perdu le pouvoir de représenter cette société et a dit nulles les demandes formées en son nom, condamné la société Masson à payer à la société Mailfert X... la somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts et ordonné des mesures d'interdiction et de publicité ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° K 04-20.656 :
Attendu que la société Ateliers d'art et la société Mailfert X... font grief à l'arrêt d'avoir constaté que le liquidateur de la société Ateliers d'art n'avait plus le pouvoir de la représenter depuis le 11 décembre 1998 et d'avoir dit nulles les demandes formulées en son nom, alors, selon le moyen :
1 / que la durée du mandat du liquidateur ne peut excéder trois ans, sauf dispositions statutaires ou contractuelles contraires ; qu'en l'espèce, au cours de l'assemblée générale extraordinaire du 2 novembre 1995, les actionnaires de la société Ateliers d'art ont décidé la mise en liquidation amiable de la société et ont nommé M. X... comme liquidateur pour la durée de la liquidation de la société ; qu'ainsi, le liquidateur a été désigné pour une durée déterminable ; qu'en décidant néanmoins qu'il n'avait été désigné que pour un délai de trois ans, faute du durée précisée, la cour d'appel a violé les articles L. 237-14 et L. 237-21 du Code de commerce ;
2 / que les tiers à la société ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination du liquidateur ; qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêt que le mandat du liquidateur M. X... a été renouvelé lors d'une assemblée générale du 12 avril 2003 ; qu'à l'appui de sa décision , la cour d'appel a relevé que cette assemblée avait été convoquée par un liquidateur amiable dépourvu de pouvoir ; qu'en se fondant ainsi sur l'irrégularité de la procédure ayant conduit au renouvellement des fonctions du liquidateur, la cour d'appel a violé l'article 1844-8 du Code civil ;
3 / que le renouvellement des fonctions du liquidateur n'est soumis à aucune formalité de publicité ; que pour décider que le renouvellement des fonctions de M. X... était inopposable aux tiers, la cour d'appel a retenu que ce nouveau mandat devait faire l'objet d'une publication et que cette formalité n'avait pas été effectuée ; qu'ainsi, la cour d'appel violé par fausse application l'article 290 du décret du 23 mars 1967 ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que la liquidation anticipée de la société à compter du 11 décembre 1995 avait été décidée par une assemblée générale du 2 novembre 1995, M. X... étant désigné en qualité de liquidateur "pour la durée de la liquidation", l'arrêt retient à bon droit, que faute de durée précisée, la durée du mandat du liquidateur est la durée de trois ans prévue par la loi ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir constaté que l'assemblée générale du 12 avril 2003 avait été convoquée irrégulièrement ce dont il résulte qu'elle n'avait pas été valablement réunie, l'arrêt en déduit exactement, par application de l'article L. 237-21 du Code de commerce, que faute de renouvellement de son mandat par décision de justice, M. X... n'avait plus le pouvoir de représenter la société depuis le 11 décembre 1998 ;
Mais sur le second moyen du même pourvoi :
Vu les articles L. 621-40 et L. 621-41 du Code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu que pour condamner la société Masson à payer à la société Mailfert X... une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, l'arrêt retient que les fautes de la société Masson ont causé, depuis le 5 juin 1996, un préjudice certain à la société Mailfert X... ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société Masson avait été mise en redressement judiciaire et que, dès lors, l'instance ne pouvait tendre qu'à la constatation de la créance et à la fixation de son montant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique du pourvoi n° H 04-20.377 :
Vu les articles L. 621-40 et L. 621-41 du Code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et l'article 65 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que les instances en cours à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, sont suspendues jusqu'à la déclaration faite par le créancier poursuivant de sa créance ; qu'elles sont alors reprises de plein droit, le représentant des créanciers et l'administrateur, s'il y a lieu, dûment appelés ; qu'il appartient à la juridiction saisie de vérifier la régularité de la reprise d'instance ;
Attendu que pour dire que la société Masson s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale, la condamner à payer à la société Mailfert X... une certaine somme à titre de dommages-intérêts et dire que l'interdiction faite à la société Masson est assortie d'une astreinte de 2 000 euros par infraction constatée, l'arrêt retient que les fautes de la société Masson ont causé, depuis le 5 juin 1996, un préjudice certain à la société Mailfert X... ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la créance de la société Mailfert X... antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Masson, avait été déclarée et si l'instance, suspendue par l'effet du jugement d'ouverture, avait été valablement reprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a, confirmant le jugement, dit que la société Ateliers d'ébénisterie Masson s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale, en conséquence, condamné cette société à verser à la société Mailfert X... la somme de 90 000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts légaux à compter du présent arrêt, interdit à la société d'Ateliers d'ébénisterie Masson toute fabrication et commercialisation d'un meuble qui serait la copie servile de ceux de la société Mailfert X..., dit que l'interdiction faite à la société des Ateliers d'ébénisterie Masson de fabriquer et commercialiser des meubles qui seraient la copie servile de ceux de la société Mailfert X... est assortie d'une astreinte de 2 000 euros par infraction constatée, ordonné à compter du 17 mai 2004 l'anatocisme des intérêts échus dans les conditions de l'article 1154 du Code civil et condamné la société Ateliers d'ébénisterie Masson à verser à la société Mailfert X... une indemnité de procédure de 3 000 euros, l'arrêt rendu le 14 octobre 2004, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.