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Décisions

Cass. com., 26 novembre 2013, n° 12-28.038

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

Me Copper-Royer, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Paris, du 27 sept. 2012

27 septembre 2012

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 2012), que la SARL Didier X... fine art (la société DIFA), ayant M. X... pour gérant et associé majoritaire, avait pour activité le commerce d'oeuvres d'art ; que cette société, à laquelle la société Banque générale du commerce, ultérieurement dénommée Finaref, puis CA Consumer finance (la société CA Consumer), avait accordé des concours financiers, a connu des difficultés à la suite de l'effondrement du marché des oeuvres d'art ; que le 13 janvier 1997, les associés de la société DIFA ont décidé sa dissolution anticipée, M. A..., administrateur judiciaire, membre de la société civile professionnelle A...- B..., aujourd'hui dénommée B...- C...- D... (la SCP), étant nommé en qualité de liquidateur ; que la société DIFA a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 6 septembre 1999 après que les associés eurent constaté la clôture des opérations de liquidation par décision du 29 juin 1999 ; que le 15 juillet 2008, les associés de la société DIFA ont nommé M. Y... liquidateur de cette dernière ; que par actes des 25 septembre, 30 septembre et 2 octobre 2009, M. X..., déclarant agir tant à titre personnel qu'en qualité d'associé de la société DIFA, cette dernière, représentée par M. Y..., et la société en nom collectif X... immobilier SII (la société X... immobilier), ont fait assigner la société CA Consumer, M. A... et la SCP, à qui ils ont imputé diverses fautes, aux fins de réparation des préjudices qui en seraient résultés ;

Attendu que M. X..., la société DIFA et la société X... Immobilier font grief à l'arrêt de déclarer nulles les assignations délivrées en 2009 par la société DIFA, représentée par son " liquidateur amiable ", de déclarer irrecevables les demandes formées par M. X... à l'encontre de la société CA Consumer, de M. A... et de la SCP et de rejeter celles formées par la société X... immobilier, alors, selon le moyen :

1°/ que la personnalité morale d'une société en liquidation subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu'à la clôture de celle-ci ; qu'il en est de même lorsque les opérations de liquidation sont ordonnées par décision de justice ; que la société DIFA démontrait dans ses conclusions d'appel que la réouverture des opérations de liquidation avait été ordonnée par décision judiciaire du 30 janvier 2007, qui avait désigné un liquidateur ; que celui-ci ayant été dessaisi par une ordonnance ultérieure sans qu'un nouveau liquidateur ne soit désigné, il appartenait aux associés de la société DIFA de nommer un nouveau liquidateur ; que dans ces conditions, la nomination par l'assemblée générale extraordinaire du 15 juillet 2008 de M. Y... en qualité de liquidateur amiable était régulière ; qu'en décidant néanmoins que « la société n'avait plus d'existence légale » le 15 juillet 2008 et que la désignation de M. Y... était dépourvue de toute valeur juridique, la cour d'appel a violé les articles 1844-8 du code civil et L. 237-2 du code de commerce ;

2°/ que chaque associé d'une société liquidée peut agir à titre personnel en indemnisation d'un préjudice subi par la société ; que M. Didier X... a agi en responsabilité de la banque et du liquidateur de la société DIFA, tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'associé de cette société ; que la cour d'appel a statué sur les demandes formées par M. Didier X... à titre personnel ; qu'en omettant purement et simplement de statuer sur les demandes formées au nom de la société DIFA par M. Didier X..., agissant en sa qualité d'associé de cette société, à l'encontre de la société CA Consumer finance, de Me Bernard A... et de la SCP B...- C...- D..., la cour d'appel a violé l'article 5 du code de procédure civile ;

3°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; que M. Didier X... faisait valoir qu'il n'existait aucune identité entre sa précédente demande, tendant à voir garantir par la banque BGC son éventuelle condamnation au remboursement d'un prêt, et la présente action en responsabilité de la banque pour des agissements de gestion de fait et de soutien abusif ; qu'en considérant que les demandes de M. Didier X... contre la société CA Consumer finance, venant aux droits de la BGC, se heurtaient à l'autorité de la chose jugée attachée à un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 31 mai 2006, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;

4°/ que M. Didier X... démontrait dans ses conclusions d'appel que la BGC avait commis une faute en imposant à la société DIFA de procéder à une liquidation amiable, dans le but de dissimuler le soutien abusif dont elle s'était rendue coupable, de sorte qu'en indiquant que M. Didier X... reprochait à la société BGC de s'être immiscée dans la gestion de la société DIFA en imposant notamment l'ouverture « d'une procédure de liquidation judiciaire », et qu'il soutenait déjà dans la précédente instance que la « liquidation judiciaire » de la société DIFA avait été initiée par la société BGC, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. Didier X... et violé les articles 4 du code de procédure civile et 1134 du code civil ;

5°/ que l'action en responsabilité contre le liquidateur se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation ; que M. Didier X... démontrait qu'il n'avait eu connaissance des fautes de gestion commises par le liquidateur amiable qu'à la réception, le 22 novembre 2006, du rapport établi par l'administration fiscale à l'occasion de la procédure de vérification de comptabilité de la société DIFA, rapport révélant ces fautes ; que pour dire l'action en responsabilité prescrite à l'égard du liquidateur, la cour d'appel a considéré que M. Didier X... avait dès l'origine connaissance du redressement fiscal de la société DIFA, dont il avait reconnu avoir reçu la notification le 22 décembre 1999, date que la cour d'appel retient comme point de départ du délai de prescription ; qu'en statuant ainsi, sans indiquer en quoi cette notification aurait révélé à M. Didier X... les fautes commises par le liquidateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-254 du code de commerce ;

Mais attendu, de première part, qu'ayant relevé que les associés de la société DIFA avaient constaté la clôture de sa liquidation le 29 juin 1999, ce dont il résultait qu'à compter de cette date cette société ne pouvait plus être représentée que par un mandataire ad hoc désigné en justice, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par le moyen, que la nomination de M. Y... en qualité de liquidateur amiable par les associés réunis en assemblée le 15 juillet 2008 était dépourvue de toute valeur juridique ;

Attendu, de deuxième part, que le moyen, qui manque en fait en ce qu'il soutient que la cour d'appel a omis de statuer sur une partie des demandes formées par M. X... à l'encontre de M. A... et de la SCP, dès lors que ces demandes, fondées sur les mêmes faits, ont été intégralement déclarées irrecevables comme prescrites, est irrecevable en qu'il dénonce l'omission de statuer sur la demande de M. X... tendant à l'allocation, à proportion de sa participation dans le capital de la société DIFA, d'une indemnité destinée à réparer le préjudice qu'aurait subi cette dernière en raison des fautes imputées à la société CA Consumer, cette omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile ;

Attendu, de troisième part, qu'ayant retenu que M. X..., qui demandait, en outre, réparation des préjudices qu'il aurait personnellement subis en raison de l'obligation dans laquelle il se serait trouvé, par la faute de la société CA Consumer, qui aurait imposé la liquidation amiable de la société DIFA, d'abandonner une créance de 810 755 euros qu'il détenait sur cette société et de souscrire un prêt de 2 591 633 euros auprès de la société CA Consumer, avait formé des demandes identiques à l'encontre de cette dernière après l'avoir mise en cause dans une instance introduite par la société cessionnaire de la créance née du prêt et que ces prétentions avaient été rejetées par un jugement du 31 mai 2006, la cour d'appel a fait l'exacte application des dispositions de l'article 1351 du code civil en déclarant irrecevables les demandes de M. X... ;

Attendu, de quatrième part, que le moyen ne tend qu'à faire constater une erreur purement matérielle, qui a fait écrire " liquidation judiciaire " au lieu de " liquidation amiable " et qui n'a eu aucune incidence sur la solution du litige ;

Et attendu, enfin, que l'action en responsabilité contre les personnes investies de la qualité de liquidateur se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation ; qu'après avoir relevé que M. A..., auquel M. X... imputait diverses fautes qui avaient conduit à un redressement fiscal, avait achevé sa mission le 29 juin 1999, date de l'assemblée des associés de la société DIFA ayant constaté la clôture de la liquidation, l'arrêt constate que M. X... avait, dès l'origine, une " parfaite connaissance du redressement fiscal de la société DIFA " ; qu'il ajoute que dans une lettre datée du 10 janvier 2000, adressée à M. A... par M. X..., ce dernier indique avoir été destinataire de la notification de redressement transmise le 22 décembre 1999 et propose d'adresser au Trésor public la réponse préparée par l'avocat de la société " qui a suivi l'ensemble de la procédure de vérification de la comptabilité " ; que l'arrêt ajoute que cette situation est exclusive de dissimulation ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de déclarer prescrite l'action en responsabilité exercée par actes des 25 septembre, 30 septembre et 2 octobre 2009 ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.