Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 10 mai 2011, n° 10/08998

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Reflets de Nuit (SARL), If Consulting (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Maestracci

Conseillers :

Mme Moracchini, Mme Delbes

Avoué :

SCP Taze-Bernard Belfayol-Broquet

Avocat :

Me Bona

T. com. Paris, du 1 avr. 2010, n° 200804…

1 avril 2010

Vu le jugement rendu le 1/4/2010 par le tribunal de commerce de Paris qui a dit que la marque zepeople.com ainsi que le nom de domaine et le site internet du même nom sont la propriété de la société Reflets de Nuit, avant dire droit sur les autres demandes des parties et en ordonnant l'exécution provisoire de la mesure d'instruction, a désigné Monsieur Michel B. en qualité d'expert avec pour mission essentielle de donner son avis sur les bénéfices tirés par la société Zepeople de l'exploitation du site zepeople.com du1/2/2006 à la date du jugement, ainsi que sur le préjudice allégué par la société Reflets de Nuit ;

Vu l'appel interjeté par Monsieur Alexandre E. à l'encontre de ce jugement ;

Vu les conclusions déposées le 3/8/2010 par l'appelant qui demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de constater qu'il est l'unique propriétaire de la marque zepeople.com ainsi que du nom de domaine et du site internet du même nom, de prononcer la dissolution anticipée de la société Reflets de Nuit pour justes motifs, de rejeter l'intégralité des demandes reconventionnelles de Messieurs P. et G., de condamner, solidairement, ces derniers, à lui rembourser la somme de 2.583,71 € , à régler l'ensemble des charges et des factures fournisseurs qui restent à payer, soit la somme de 5.326 € , à verser la somme de 1.000 € à titre de provision, et celle de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 8/3/2011 par la société Reflets de Nuit qui demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice ;

Vu les assignations avec dénonciation des conclusions d'appel effectuées, par actes signifiés, le 5 août 2010 à la personne du gérant de société IF Consulting, les 9/8/2010 et 11/8/2010, respectivement, à Monsieur Johann P. et à Monsieur Antoine G., par remise de la copie en l'étude de l'huissier de justice, lesdites copies ayant été retirées le 10/8/2010 et 13/8/2010, les dits actes n'étant pas suivis de constitution d'avoué ;

SUR CE

Considérant que le 2/7/2004, Messieurs Alexandre E., Antoine Guenard, Johann P. ainsi que la société IF Consulting, ont constitué la société Reflets de Nuit qui a pour objet la création et la gestion des sites internet, la promotion par tous moyens d'événements, la conception de reportages ainsi que la vente de produits ou de services liés à ces activités ; que le capital social est divisé en mille parts, de 1 € chacune ; que Monsieur E. en détient 460, Monsieur P. 250, Monsieur G. 240, la société IF Consulting 50 ; que Monsieur E., qui a succédé à Monsieur P., en est le gérant ;

Considérant que celui-ci, constatant que la société n'avait plus d'activité depuis le 1/4/2006, ni aucune perspective d'avenir du fait de la disparition de l'affectio societatis, a convoqué l'assemblée générale mixte pour le 23/3/2007 ; qu'il a proposé la dissolution de la société et sa liquidation amiable ; que cette résolution n'a recueilli qu'une majorité simple et non celle des 3/4 exigée ; qu'après une nouvelle année d'inactivité totale, Monsieur E. a convoqué, de nouveau, l'ensemble des associés à une assemblée générale mixte, le 26/3/2008 ; que Messieurs P. et G. ne s'y sont pas présentés, de sorte que la dissolution de la société n'a pu être votée ;

Considérant que c'est dans ces circonstances qu'il a, par acte extrajudiciaire du 27/5/2008, assigné ses deux associés devant le tribunal de commerce de Paris pour, essentiellement voir prononcer la dissolution judiciaire de la société et constater qu'il est l'unique propriétaire de la marque, du nom du domaine et du site internet zepeople.com ; que Messieurs P. et G. se sont opposés à la demande de dissolution et ont demandé, à titre reconventionnel, au tribunal, de dire que le nom de domaine, la marque zepeople.com étaient la propriété de la société Reflets de Nuit et d'organiser une expertise ; que c'est ainsi qu'a été rendue la décision déférée, les premiers juges ayant retenu que le nom de la marque zepeople.com a été enregistré par Monsieur Alexandre E. pour le compte de la société Reflets de Nuit, qui en est propriétaire, et noté que le site zepeople.com était exploité actuellement par la société du même nom, créée par Monsieur E., sans qu'il soit démontré un accord avec la société Reflets de Nuit ;

Considérant que les premiers juges ont relevé que la demande d'enregistrement à l'INPI avait été faite le 21/5/2004 par Monsieur Alexandre E. ; qu'en annexe des statuts de la société Reflets de Nuit figurait un document intitulé dépenses assumées par Alexandre E. pour le compte de la société Reflets de Nuit en cours de constitution, telles qu'approuvées par les associés de la société Reflets de Nuit (à rembourser à l'intéressé en fonction des rentrées de trésorerie 1- dépôt de la marque zepeople à l'INPI le 21/3/2004 253 € . 2- Hébergement du site zepeople.com avec capacité en augmentation 622,40 €)' ; que cette annexe avait été signée par tous les associés ; que Monsieur E. avait été le bénéficiaire d'un chèque du montant prévu au dit document ;

Considérant qu'il résulte de la pièce n°8 que Monsieur E. a déposé la marque zepeople.com en son nom propre et non pas en agissant pour le compte de la société Reflets de Nuit alors en formation ; qu'aucun référence à ladite société ne figure dans l'acte ; que l'adresse indiquée est, non pas celle du siège social, mais l'adresse personnelle du déposant qui n'a pas indiqué agir en qualité de mandataire ; que rien, en outre, dans les statuts ne vient attester de la reprise, par la société, de cet acte, qui ne figure pas sur un état annexé aux statuts déposés au greffe du tribunal de commerce ; que cette reprise ne peut se déduire de l'article 31 alinéa 2 et 3 des statuts qui prévoit l'approbation par l'ensemble des associés des actes accomplis avant le 2/7/2004, mais exige qu'ils soient relatés dans un état, lequel est inexistant en l'espèce, annexé aux statuts associés ; que Monsieur E. expose, de façon pertinente, qu'il a accepté de faibles sommes d'argent, qui ne peuvent en elles-mêmes attester d'un transfert de propriété, en contrepartie de la mise à disposition de sa marque à la société ; qu'il rappelle que la marque appartient à celui qui a acquis légitimement un droit sur elle, soit en la déposant, soit par voie de cession ou de transmission ; qu'il a, à titre personnel, déposé la marque et qu'il n'y a eu aucune cession ; qu'il ajoute que la société n'a accompli aucune formalité auprès de l'INPI, qu'elle n'a réalisé aucune publicité vis à vis des tiers ;

Considérant qu'il résulte de la pièce n° 9 que Monsieur E., qui apparaît, seul, en qualité d''owner', c'est à dire de propriétaire, a enregistré le nom de ....com, le 19/10/2002 ;

Considérant que, d'autre part, Monsieur E. est propriétaire du site internet zepeople .com dont il a toujours assuré l'entretien ;

Considérant qu'il s'évince de ce qui précède que Monsieur Alexandre E. est l'unique propriétaire de la marque, du nom de domaine et du site internet zepeople.com ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1844-7 5° du code civil, la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ;

Considérant que le 7/2/2006, Monsieur P., tant en sa qualité de gérant de la société Reflets de Nuit, qu'à titre personnel et Monsieur G. ont déposé plainte et se sont constitués partie civile à l'encontre de Monsieur E. auquel ils reprochaient d'avoir bénéficié de sommes d'argent versées par des clients de la société ; que cette plainte, instruite du chef d'abus de confiance, a été clôturée par une décision de non-lieu, aucune infraction pénale n'étant caractérisée ; qu'elle témoigne, de même que le présent litige, de la disparition de tout affectio societatis et de la mésentente entre les associés ; qu'il est par ailleurs constant que la société, compte tenu des contentieux ci-dessus exposés, a cessé d'exploiter le site internet, qu'elle n'a plus d'activité depuis le 1/4/2006 ; qu'elle n'enregistre plus de chiffre d'affaires et ne génère que des charges ; que ses capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital social ; que Messieurs P. et G. n'ont pas répondu aux convocations de la dernière assemblée générale ; que Monsieur E. soutient avec raison qu'il est anormal qu'il soit obligé de consentir des avances personnelles à la société pour lui permettre de faire face à des dépenses administratives et juridiques déconnectées de toute activité ; que la dissolution de la société doit être ordonnée ; que c'est dans le cadre des opérations de liquidation que doivent être faits les comptes entre les associés ;

Considérant, en conséquence, que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions ; que les demandes relatives aux frais de fonctionnement de la société doivent être rejetées ; que les demandes de rejet des demandes reconventionnelles de Messieurs P. et G. sont sans objet, les intéressés ne s'étant pas constitués et n'ayant pas conclu devant la cour ;

Considérant que l'équité commande de condamner Messieurs P. et G. au paiement de la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que Monsieur Alexandre E. est l'unique propriétaire de la marque zepeople.com ainsi que du nom de domaine et du site internet du même nom,

Prononce la dissolution de la société Reflets de Nuit,

Désigne Maître Michelle L., en qualité de liquidateur,

Dit que Messieurs Johann P. et Antoine G. devront verser une somme de

2.000 € , à valoir sur la rémunération du liquidateur dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt,

Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris pour les opérations de liquidation et la fixation de rémunération du liquidateur,

Condamne, solidairement, Messieurs P. et G. au paiement de la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne Messieurs P. et G., solidairement, aux dépens d'appel.