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Décisions

ARCEP, 24 juillet 2008, n° 2008-0839

ARCEP

se prononçant sur un différend opposant les sociétés Neuf Cegetel et France Télécom

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bridoux

Membre :

Mme Toledano, M. Curien, M. Raude, M. Rapone

Avocats :

Me Fréget, Me Herrenschmidt

ARCEP n° 2008-0839

23 juillet 2008

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu le règlement CE n° 2887/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement Européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive "cadre") ;

Vu la directive 2002/19/CE relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques aux ressources associés ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles, L. 32 8°, L. 34-8, L. 36-8 ;

Vu l’arrêté du 12 mars 1998 modifié autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu l’arrêté du 6 mars 2000 autorisant la société Louis Dreyfus Communications (dénommée Neuf Cegetel) à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public ;

Vu la décision n° 05-0277 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après « Autorité ») en date du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros de l'accès dégroupé à la boucle cuivre et à la sous boucle locale cuivre ;

Vu le règlement intérieur de l’Autorité, modifié par la décision n° 2007-0705 de l’Autorité en date du 26 juillet 2007 ;

Vu la demande de règlement d’un différend enregistrée à l'Autorité le 1er avril 2008, présentée par la société Neuf Cegetel, RCS de Nanterre B 414 946 194, dont le siège social est situé 40/42 quai du Point du Jour, 92659 Boulogne-Billancourt, représentée par Maître Olivier Fréget du Cabinet Allen & Overy ;

Contexte de la saisine

La société Neuf Cegetel (ci-après « Neuf Cegetel ») indique qu’elle est un opérateur de communications électroniques autorisé en vertu de l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE ») à établir et exploiter des réseaux ouverts au public, ainsi qu’à fournir des services de communications électroniques.

Afin d’être en mesure de proposer ses propres offres d’accès haut débit, sans dépendre des services de gros d’accès haut débit de France Télécom, Neuf Cegetel souligne qu’elle a fait le choix d’investir dans le dégroupage de la boucle locale. Neuf Cegetel a pour cela conclu avec France Télécom une convention d’accès à la boucle locale dont la dernière version date du 3 juillet 2007.

Parallèlement Neuf Cegetel précise qu’elle a investi dans le déploiement de la fibre optique et dans les contenus. Ainsi Neuf Cegetel a dépensé un peu plus de 400 M€ en investissement CAPEX en propre en 2007, soit environ 12,4% de son chiffre d’affaires.

Dans ces conditions, Neuf Cegetel indique que la stricte orientation vers les coûts des prestations de gros de France Télécom représente un enjeu majeur pour elle, afin de lui permettre une capacité d’investissement légitime maximale. A contrario, un différentiel éventuel de marge au bénéfice de France Télécom garantirait à cette dernière une capacité d’investissement supplémentaire discriminatoire au détriment de Neuf Cegetel.

Neuf Cegetel indique qu’elle s’est rendue compte, d’une part, que le cumul des sommes payées au titre du parc de câbles de renvoi déployés pour son compte dans les répartiteurs de France Télécom ne pouvait qu’être significativement supérieur à la somme des coûts de mise en œuvre de ce parc par France Télécom et, d’autre part, que les montants facturés au titre des résiliations d’accès intégraient pour l’essentiel le coût d’une prestation de « déjarretiérage » qui n’est pas ou plus effectuée par France Télécom de manière systématique.

Neuf Cegetel souligne que c’est dans ce contexte qu’elle a saisi l’Autorité d’une demande de règlement de différend sur le fondement de l’article L. 36-8 du CPCE.

I  -     Sur les demandes

La société Neuf Cegetel demande à l'Autorité :

- de modifier la convention de dégroupage afin de supprimer la facturation  à  Neuf  Cegetel :

- de son parc de câbles de renvoi installé antérieurement au 1er janvier 2008 ;

- ainsi que tout frais résiduel afférent à ce même parc, sauf pour France Telecom à décrire de manière précise le contenu de la prestation justifiant ce coût ;

- des frais de résiliation des accès, sauf pour France Telecom à apporter la preuve, s’agissant des accès qui supporteraient marginalement toujours une telle prestation, de leur réalisation effective ;

- de rembourser le trop perçu au bénéfice de Neuf Cegetel :

- au titre de la différence entre les sommes versées par Neuf Cegetel à la date d’exécution de la décision,  au  titre  de  son  parc  de  câbles  de  renvoi  avant  le 1er janvier 2008, et les coûts réels exposés par elle sur cette même période ;

- au titre des frais de résiliation des accès pour lesquels France Telecom n’apporterait pas la preuve qu’ils ont bien fait l’objet d’une opération de déjarretiérage a minima depuis le 1er janvier 2007 ;

II  -    Sur la recevabilité

Sur l’échec des négociations

Neuf Cegetel précise qu’après avoir évoqué ces sujets à plusieurs reprises en réunions bilatérales, elle a écrit à France Télécom le 4 février 2008 pour lui demander l’arrêt de la facturation des prestations de câbles de renvoi et de résiliations d’accès et un remboursement du trop payé sur ces deux prestations.

Neuf Cegetel indique avoir réitéré sa demande, en l’absence de réponse de la part de France Télécom, le 7 mars 2008.

Neuf Cegetel note que, si France Télécom a annoncé dans ces deux courriers de réponse en date du 14 mars 2008 une évolution des tarifs en avril 2008 pour le futur, sans préciser son niveau, elle n’a pas répondu à ses demandes relatives tant aux câbles de renvoi déjà installés et amortis, qu’aux frais de résiliation. Neuf Cegetel souligne que France Télécom ne répond sur aucune des deux demandes et refuse d’engager la moindre négociation tant des termes de la convention que de son application.

Neuf Cegetel estime que ces échanges matérialisent l’échec des négociations.

Sur la compétence de l’Autorité

Neuf Cegetel indique que, conformément aux dispositions des articles L. 34-8-I du CPCE, sa demande est relative à l’accès, les prestations de câbles de renvoi et de résiliations d’accès étant des prestations associées prévues aux articles 59 et 43 de la convention d’accès à la boucle locale. Neuf Cegetel constate également que les différends échanges avec France Télécom matérialisent l’échec des négociations relatives aux conditions de mise en œuvre de ces prestations.

III  -  Sur le fond

Neuf Cegetel indique avoir conclu avec France Télécom une convention d’accès à la boucle locale dont la dernière version date du 3 juillet 2007.

Neuf Cegetel estime que les montants facturés par France Télécom à Neuf Cegetel au titre des câbles de renvoi et des résiliations d’accès ne reflètent pas les coûts correspondants.

Sur les obligations de France Télécom

Neuf Cegetel indique qu’au titre de la décision n° 05-0277 du 19 mai 2005 de l’Autorité, France Télécom est notamment soumise aux obligations suivantes :

- faire droit à toute demande raisonnable d’accès à des éléments de réseau, ou à des moyens qui y sont associés, portant sur le marché de l’accès dégroupé à la boucle locale cuivre ;

- offrir les prestations d’accès dégroupé à la boucle locale cuivre ainsi que les prestations associées, à des tarifs reflétant les coûts correspondants, en respectant en particulier les principes d’efficacité, de non discrimination et de concurrence effective et loyale.

Neuf Cegetel estime que les câbles de renvoi et les résiliations d’accès sont définis comme des prestations associées à l’accès dégroupé à la boucle locale cuivre par les articles 59 et 43 de la convention d’accès à la boucle locale conclue entre Neuf Cegetel et France Télécom, que dès lors, les obligations imposées par la décision n° 05-0277 s’appliquent à ces prestations de France Télécom.

Sur l’évaluation des coûts du parc de câbles de renvoi

Neuf Cegetel souligne que les tarifs des câbles de renvoi sont basés sur la décision de l’Autorité du 16 avril 2002 dans laquelle elle établit un tarif plafond provisoire. La fixation d’un plafond est une conséquence nécessaire du respect du principe de l’orientation vers les coûts de la prestation de renvoi.

Neuf Cegetel rappelle que, conformément à la décision n° 03-1038 du 23 septembre 2003, le principe d’orientation vers les coûts doit se traduire, d’une part par un équilibre global entre les revenus et les coûts déterminés sur le périmètre considéré et, d’autre part, par une structure tarifaire qui soit pertinente au regard des inducteurs de coût, quand ces derniers peuvent être établis et traduits en unité de tarification.

Neuf Cegetel estime qu’il appartient à France Télécom, dans le cadre de l’application de ses conventions avec les opérateurs, de vérifier que l’équilibre global entre les revenus et les coûts déterminés sur les parcs de câbles de renvoi est respecté et de modifier spontanément et sans délai le tarif lorsque cela n’est plus le cas.

Neuf Cegetel précise qu’elle est en situation d’apporter à l’Autorité les éléments de nature à établir que la somme des montants facturés par France Télécom au titre du parc actuellement en service est supérieure aux coûts que cette dernière a réellement supporté, c'est-à-dire précisément que l’équilibre global n’est pas respecté.

Neuf Cegetel estime que l’absence de réactualisation périodique plus fréquente, à la baisse, des tarifs a donc entraîné mécaniquement la perception de montants qui dégradent l’équilibre global de la prestation au regard du principe d’orientation vers les coûts et qui entraînent un amortissement plus rapide du coût des prestations de câbles de renvoi.

Neuf Cegetel rappelle que les tarifs initiaux d’avril 2002 constituaient un plafond provisoire et qu’ils ont été revus à la baisse en 2004 et 2005.

Neuf Cegetel constate que les coûts supportés sont constitués à titre principal du coût de mise en œuvre du câble de renvoi qui varient en fonction de certains paramètres et de coûts connexes dont notamment les chemins de câbles et les coût de traitement et de mis en œuvre.

Neuf Cegetel estime que le tarif des câbles de renvoi défini à un « instant t » ne représente donc que la projection des coûts à ce moment et que par conséquent il varie en fonction du taux de mutualisation de certains coûts entre opérateurs.

Neuf Cegetel relève donc qu’une augmentation du parc d’accès ADSL devrait entrainer une baisse de certain coûts fixes et avoir un impact à la baisse sur le tarif des câbles de renvoi.

Neuf Cegetel a fait réaliser un devis auprès d’un prestataire reconnu pour évaluer le coût pour un câble de type L804 mono-module en espace dédié, câble le plus représentatif du parc de Neuf Cegetel (environ 70% du parc). Elle a également calculé le tarif des autres câbles de renvoi sur la base du devis ainsi que le montant moyen de la construction d’un chemin de câble.

Neuf Cegetel précise qu’elle a constaté que fréquemment, il n’y a pas eu nécessairement de chemin de câbles spécifiquement construit pour les câbles de renvoi et que les équipements des opérateurs se trouvent dans la même salle que le répartiteur général, avec un coût de mise en œuvre minimal. Il semble en fait que dans nombreux cas, France Télécom ne déploie un « vrai » chemin de câbles que pour les courants forts.

Neuf Cegetel ajoute qu’elle a pris en compte dans son évaluation un coût de traitement et de mise en œuvre des commandes de câbles de renvoi par France Télécom mais qu’elle n’a pas comptabilisé de coût de maintenance car aucune opération de maintenance n’a a priori jamais été constatée sur des câbles de renvoi installés pour son compte.

Neuf Cegetel constate que suite à ses estimations qui ne prennent pas en compte de remises au volume, le coût total maximum de mise en œuvre de son parc de câbles de renvoi pour France Télécom valorisé au 1er janvier 2008 est de […] et que la somme des paiements actualisés au 1er janvier 2008 de Neuf Cegetel représente un montant de […], ce qui fait apparaître un différentiel d’au moins […] au détriment de Neuf Cegetel.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments Neuf Cegetel estime que, s’il s’avère que le parc de câbles de renvoi déployé pour le compte de Neuf Cegetel est réellement plus qu’amorti, la modification de la convention de dégroupage afin qu’elle distingue la facturation des câbles de renvoi qui ont été posés avant le 1er janvier 2008 de celle des câbles qui ont été et seront posés après cette date, s’impose.

Neuf Cegetel fait remarquer, par ailleurs que cette dissociation ne résorbe pas le déséquilibre tarifaire et il importe nécessairement que l’Autorité impose à France Télécom de lui rembourser les trop perçus par rapport à ce parc de câbles.

Sur l’évaluation des coûts de résiliations d’accès

Neuf Cegetel souligne que les accès résiliés ne sont pas majoritairement déjarretiérés par France Télécom et estime qu’une proportion maximale de 10 à 20% des résiliations donnent lieu à une intervention effective.

Neuf Cegetel indique que France Télécom ne facture aucun frais de résiliation d’accès ni sur son offre d’accès et de collecte DSL, ni sur son offre VGA.

Compte tenu de ces éléments Neuf Cegetel estime que dès lors qu’il s’avère que France Télécom ne supporte réellement pas de coût significatif lié aux résiliations d’accès, et que d’ailleurs celle-ci ne prend pas même la peine de le contester, l’arrêt de la facturation par France Télécom des résiliations d’accès à compter du 1er janvier 2008 pour lesquels elle ne justifie pas de la résiliation d’un déjarretiérage, s’impose comme une nécessité pour respecter le principe d’orientation vers les coûts.

Neuf Cegetel fait remarquer qu’il serait inéquitable que France Télécom ne rembourse pas également les sommes qu’elle a perçues dans le passé pour cette même prestation si elle n’est pas capable de justifier l’avoir réalisée pour chaque accès facturé.

Vu les observations en défense enregistrées le 30 avril 2008, présentées par la société France Télécom, RCS Paris n° 380 129 866, dont le siège social est situé 6 place d’Alleray Paris cedex 15 ;

-     Sur les demandes

France Télécom demande à l’Autorité de rejeter l’ensemble des prétentions de Neuf Cegetel.

II  -    Sur la recevabilité

Sur l’échec des négociations

France Télécom fait remarquer que les tarifs considérés font l’objet d’une publication à l’attention de l’ensemble des acteurs du marché ainsi que le prévoient les dispositions de la décision n° 05-0277 de l’Autorité du 19 mai 2005.

France Télécom constate que Neuf Cegetel demande que la décision à intervenir conduise à modifier rétroactivement les conditions d’accès à la boucle locale entre les parties avant le 4 février 2008, alors même qu’elles étaient fixées contractuellement entre les parties aux termes de la publication de l’offre de référence en date du 27 juillet 2005 pour la période considérée, et que Neuf Cegetel n’a jamais formalisé un quelconque désaccord sur le sujet. France Télécom précise que Neuf Cegetel ne produit aucun document démontrant une quelconque dénonciation des conditions contractuelles en vigueur entre les parties avant cette date, et que le désaccord ne peut contractuellement concerner que la période courant à partir de la constatation formelle des factures dans les formes prévues par l’article 11.2.2 de la convention d’accès à la boucle locale de France Télécom.

France Télécom fait remarquer que sans méconnaître le principe de non rétroactivité des actes administratifs, Neuf Cegetel ne peut demander à l’Autorité de modifier pour le passé les conditions contractuelles en vigueur entre les parties et que France Télécom propose de manière non discriminatoire à l’ensemble des opérateurs.

Sur la compétence de l’Autorité

France Télécom relève que Neuf Cegetel opère une confusion volontaire entre les dispositions de l’article L. 36-8 I du CPCE qui vise à fixer les conditions techniques et financières entre deux parties pour une période pendant laquelle ces conditions ne seraient pas formellement fixées et les obligations imposées à France Télécom au titre des analyses de marchés prévues à l’article L. 38 du CPCE.

France Télécom note que Neuf Cegetel ne requiert aucunement de l’Autorité qu’elle fixe les conditions équitables de l’accord d’accès entre les parties mais qu’elle qualifie le non respect d’une obligation réglementaire, en particulier celle du principe de l’orientation des coûts.

France Télécom précise que sur la détermination rétroactive du tarif, la jurisprudence administrative indique qu’un règlement comportant un effet rétroactif est entaché d’une incompétence ratione temporis dans la mesure où les auteurs de ce règlement, en régissant des situations passées, empiètent de façon implicite sur la compétence de leurs prédécesseurs.

France Télécom souligne que la prestation fournie par elle pour le passé, jusqu’à sa dénonciation formelle et dans les formes prévues par la convention d’accès à sa boucle locale, est clairement placée sous l’empire des conditions contractuelles régulièrement définies entre les parties et l’Autorité ne peut leur substituer rétroactivement dans le cadre d’un règlement de différend d’autres conditions techniques et tarifaires.

III  -  Sur le fond

Sur les obligations de France Télécom

France Télécom souligne que l’offre de référence a été régulièrement publiée et a fait l’objet de travaux attentifs de la part de l’Autorité.

Sur l’évaluation des coûts du parc de câbles de renvoi

France Télécom estime que Neuf Cegetel a fait une analyse succincte et très approximative du coût supporté par France Télécom pour la fourniture des câbles de renvoi. France Télécom indique que Neuf Cegetel n’a pas pris en compte, notamment, les fortes différences de prix pour des câbles achetés en début de période, la progressivité temporelle du taux de mutualisation des équipements, le coût véritable des supports et chemins de câbles, le percement de trémies, le coût de traitement et de mise en œuvre des commandes, les coûts de structure et les coûts communs.

France Télécom conteste les arguments de Neuf Cegetel et démontre l’absence de sérieux des éléments avancés. France Télécom précise, notamment, que l’augmentation du nombre d’accès s’est accompagnée d’une augmentation du nombre de répartiteurs, avec des répartiteurs de plus en plus petits et un nombre d’opérateurs moindre. Ces effets se traduisent au contraire par une moindre mutualisation des coûts fixes.

France Télécom ajoute que les exemples cités par Neuf Cegetel peuvent exister mais il ne s’agit pas d’une généralité. Pour exemple, les tarifs de France Télécom correspondent à une moyenne des différents cas de figure rencontrés. Ainsi, la longueur utilisée pour déterminer les tarifs est une longueur moyenne sur l’ensemble du parc de câbles de renvoi qui prend donc en compte le cas de figure cité par Neuf Cegetel.

France Télécom met en évidence le caractère incomplet des dires de Neuf Cegetel et le fait que la mise en œuvre des commandes de câbles de renvoi ne se réduit pas à une simple intervention sur site mais suppose différentes charges comme notamment les charges liées au pilotage, au traitement de la commande, à la rédaction de l’ordre de travail, à la mise à jour du SI et à la manutention du matériel.

France Télécom soutient, contrairement aux dires de Neuf Cegetel que les coûts de maintenance existent pour la maintenance préventive mais aussi pour la maintenance curative. France Télécom souligne qu’elle assure le service après-vente.

Sur l’évaluation des coûts de résiliations d’accès

France Télécom souhaite rappeler qu’une jarretière est constituée d’une paire de cuivre torsadée qui permet de faire la jonction entre les réglettes et les têtes de câbles au sein d’un répartiteur.

France Télécom indique que, lorsqu’un opérateur résilie un accès, il était plus efficace de ne pas systématiquement déposer les jarretières et d’effectuer cette opération lorsque la ligne  sera utilisée. Ainsi, l’historique des jarretières est conservé pour le démontage ultérieur si l’accès et le service sont résiliés tandis qu’une opération de déjarretiérage est mise en œuvre immédiatement si la ligne principale reste en service. Ce qui signifie que pour une commande de dégroupage total, il n’y a pas d’opération spécifique de suppression de jarretière et pour une commande de résiliation de dégroupage partiel, l’opération de suppression n’est pas différée pour mise en direct de la ligne principale.

France Télécom précise que pour la résiliation, la dépose de jarretière est facturée à celui qui résilie et non à celui qui construit et provoque la dépose des jarretières occupant les plots affectés à la construction.

France Télécom ajoute que les coûts pour une résiliation d’accès sont importants contrairement aux allégations de Neuf Cegetel. Pour toutes les résiliations, il existe un coût du système d’information associé au traitement de la commande de résiliation, des coûts de la plateforme centralisée et des coûts commerciaux associés à cette commande. Pour le dégroupage partiel, il existe les temps de dépose de jarretières et les temps de déplacement associé et le coût de la conduite d’activité et de pilotage pour une intervention sans rendez- vous. Pour le dégroupage total, il existe les temps de dépose des jarretières et un coût de conduite d’activité et de pilotage dont le niveau est faible en valeur absolue lié à l’impact de la présence des jarretières sur l’ordre de travail de construction.

France Télécom confirme que la résiliation d’un accès correspond bien à une charge réelle et leur facturation sur la base des coûts effectivement supportés.

Vu les observations en réplique enregistrées le 16 mai 2008 présentées par la société Neuf Cegetel ;

-     Sur la recevabilité

Sur l’échec des négociations

Neuf Cegetel précise qu’elle avait bien identifié depuis plusieurs années l’absence probable  de pertinence du tarif pour des résiliations d’accès et des câbles de renvoi et l’avait explicitement contestée lors de sa signature des dernières versions de la convention d’accès à la boucle locale de France Télécom par courriers recommandés en date des 27 octobre 2005 et 5 juillet 2007. Ces réserves sont restées sans réponses de la part de France Télécom laissant ainsi pendant le litige.

Sur la compétence de l’Autorité

Neuf Cegetel rappelle que l’expression de son désaccord ne doit pas nécessairement prendre la forme d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception puisque les parties à une convention ne peuvent renoncer par convention au bénéfice des dispositions de l’article L. 36-8 du CPCE.

Neuf Cegetel précise que sa demande relative aux coûts des résiliations d’accès concerne le remboursement du trop perçu à compter des résiliations d’accès rendues a minima depuis janvier 2007. La demande concerne donc bien un périmètre de prestations rendues entre la période allant de janvier 2007 au jour de la décision à venir.

Neuf Cegetel ajoute que son estimation du coût du déploiement du parc de câbles de renvoi couvre non pas une période mais un périmètre de câbles définis par le fait qu’ils ont été installés entre le mois de mai 2002 et le 31 décembre 2007.

Neuf Cegetel souligne que sa demande est définie, tant en ce qui concerne la facturation des prestations de câbles de renvoi que des frais de résiliation, sans que leur satisfaction ne nécessite de prendre une décision « rétroactive » au sens juridique du terme.

Neuf Cegetel déclare que c’est à tort que France Télécom affirme que l’Autorité ne pourrait imposer de nouvelles conditions qui se substitueraient à des conditions négociées par les parties et en vigueur entre celles-ci lors de la période contestée. Or, Neuf Cegetel rappelle que l’Autorité a clairement confirmé dans sa décision n° 03-702 du 5 juin 2003 se prononçant sur un différend entre les sociétés France Télécom et Estel que « si une convention d’interconnexion est une convention de droit privé, le législateur a entendu donner compétence à l’Autorité pour agir sur les clauses contractuelles notamment commerciales ou techniques et donc tarifaires ».

Par ailleurs, Neuf Cegetel précise que l’objet de sa saisine a été précisément rédigé afin que celle-ci ne puisse porter à confusion avec une éventuelle procédure de manquement. Il n’est pas demandé à l’Autorité de constater le non-respect d’une obligation mais de se prononcer sur la fixation d’un tarif de facturation, le respect de l’équilibre global entre les revenus et les coûts sur un périmètre déterminé et la non exécution de prestations.

II  -    Sur le fond

Sur les obligations de France Télécom

Neuf Cegetel constate que France Télécom n’apporte que des démentis théoriques en réponse à ses évaluations sans fournir d’éléments susceptibles de prouver le caractère raisonnable et équitable de ses tarifs.

Sur l’évaluation des coûts du parc de câbles de renvoi

Neuf Cegetel tient à souligner que France Télécom n’apporte aucun démenti concret sur les éléments de son estimation (coûts directs, coûts mutualisés de chemin de câble, coûts de traitement des commandes et de mise à disposition des câbles et taux de rémunération du capital).

Neuf Cegetel ajoute que France Télécom n’a pas pris en compte de nombreux facteurs minorants en sa faveur tels que les réductions de volume dont elle bénéficie, la diminution du coût de la prestation en cas de pose simultanée de plusieurs câbles, l’évolution des prix de la matière première cuivre, la comptabilisation d’un coût de chemin de câble.

Neuf Cegetel indique également que de nombreux travaux avaient été initiés pour le propre déploiement de France Télécom et qu’ils sont d’ores et déjà amortis.

Neuf Cegetel relève par ailleurs que la multiplication des petits répartiteurs a une influence sur l’importance des coûts compte tenu de leur petite taille.

Neuf Cegetel souligne que France Télécom n’apporte aucun démenti concret sur de nombreux coûts et que de nombreux facteurs minorants en faveur de France Télécom ne sont pas pris en compte.

Neuf Cegetel précise que France Télécom conteste qu’elle n’ait pas pris en compte dans ses estimations de coût commun, le coût de la taxe professionnelle et les coûts de maintenance. Neuf Cegetel indique qu’en prenant en compte des coûts communs et une taxe professionnelle, elle maintient son analyse, selon laquelle son parc de renvoi installé au        1er janvier 2008 a fait l’objet d’un coût pour France Télécom d’au plus de […] et de revenus de […], avec un différentiel d’a minima […].

Sur l’évaluation des coûts de résiliations d’accès

Neuf Cegetel précise en réponse aux observations de France Télécom qu’elle n’a jamais eu l’intention de contester le principe même de la nécessité d’une dépose des jarretières mis en œuvre par France Télécom pour produire ses accès, mais la réalisation d’une dépose effective spécifique systématique pour son compte à chaque transmission d’une résiliation d’accès qu’elle devrait en effet en toute logique supporter.

Neuf Cegetel conteste le fait que France Télécom actuellement ne facture pas la prestation de dépose des jarretières à l’opérateur lorsque son accès est écrasé par un nouvel opérateur, s’il n’y a pas eu de résiliation préalable, alors qu’elle facture cette prestation lorsque cet écrasement fait suite à une résiliation de l’accès.

Neuf Cegetel précise que l’offre de référence de France Télécom est sans ambiguïté à ce sujet, puisqu’elle stipule que « les frais de résiliation ne sont pas dus par l’opérateur lorsque la résiliation intervient simultanément au transfert de l’accès à un autre opérateur dans les conditions décrites aux § 4.2.3 et 5.2.2 ». Il n’y a donc aucune légitimité à ce que ces frais soient facturés lorsque la résiliation intervient antérieurement au transfert de l’accès à un autre opérateur, dans la mesure où les opérations techniques réalisées par France Télécom pour produire le nouvel accès sont strictement identiques dans les deux cas.

Vu les secondes observations enregistrées le 2 juin 2008 présentées par la  société  France Télécom ;

-     Sur la recevabilité

Sur l’échec des négociations

France Télécom maintient que Neuf Cegetel ne peut prétendre à l’existence d’une  contestation formelle avant ses courriers de 2008. France Télécom estime qu’il ressort des courriers du 27 octobre 2005 et du 5 juillet 2007 de Neuf Cegetel qu’elle n’a jamais émis la moindre réserve expresse sur les dispositions de la convention concernant les câbles de renvoi, et en tout état de cause n’a jamais contesté la facturation des prestations. Les réserves formulées par Neuf Cegetel ne portaient pas sur la réalisation effective de l’opération de déjarretiérage.

France Télécom confirme donc ses premières écritures et demande à l’Autorité de constater l’absence de désaccord notamment sur les conditions tarifaires des prestations en cause dans la présente saisine avant l’envoi des courriers du 4 février 2008 de Neuf Cegetel, et de matérialisation de l’échec des négociations avant la saisine du 1er avril 2008.

Sur la compétence de l’Autorité

France Télécom estime que la démonstration de Neuf Cegetel consistant à affirmer que la modification de la convention ne vaudrait que pour l’avenir est pour le moins obscure dès lors

qu’elle conduit bien in fine à modifier pour le passé des prestations qui ont été dûment facturées sur la base d’une convention en vigueur et non remise en cause jusque-là. Sauf à indiquer que la convention ne serait donc pas modifiée par les demandes de Neuf Cegetel pour le passé, France Télécom estime difficile de contester la portée rétroactive des demandes de Neuf Cegetel.

France Télécom indique que Neuf Cegetel ne demande ni plus ni moins au régulateur que de substituer de nouvelles conditions à des conditions contractuellement établies, ce qu’il n’a jamais fait et contrevient explicitement au principe de non rétroactivité.

II  -    Sur le fond

Sur les obligations de France Télécom

France Télécom souligne qu’au-delà de la période litigieuse dont France Télécom a démontré qu’elle ne pouvait débuter avant 2008, Neuf Télécom ne peut demander la révision des tarifs issus de la convention de dégroupage pour le passé, sauf à remettre en cause purement et simplement l’offre d’accès à la boucle locale publiée dans les formes prévues par la décision n° 05-0278 du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu’opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros de l’accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre. En effet les tarifs fixés par la convention renvoient directement à cette offre.

France Télécom demande donc à l’Autorité de prendre acte de l’affirmation de Neuf Cegetel sur l’absence de demande de cet opérateur concernant un éventuel manquement de France Télécom.

Sur l’évaluation des coûts du parc de câbles de renvoi

France Télécom estime que Neuf Cegetel propose une remise en cause complète de la méthodologie tarifaire telle qu’elle a été acceptée par l’Autorité. France Télécom souligne que la solution de Neuf Cegetel reviendrait à pratiquer des tarifs par opérateur notamment selon les répartiteurs dans lesquels chaque opérateur est présent. A contrario, l’évolution tarifaire introduite par France Télécom dans son offre du 15 mai 2008 est dans la continuité d’un tarif non différencié selon les opérateurs et tient compte de l’âge des câbles.

France Télécom précise qu’elle a fourni tous les éléments justificatifs pour évaluer les coûts relatifs aux tarifs des câbles de renvoi de 2005 et 2008. France Télécom indique que les montants avancés par Neuf Cegetel ne correspondent pas aux caractéristiques de la prestation rendue et ne sauraient donc se substituer aux investissements communiqués par France Télécom.

France Télécom rappelle qu’elle supporte des frais récurrents tels que la maintenance, l’exploitation, taxe professionnelle, facturation…et que certains coûts sont liés aux contraintes de sécurité.

France Télécom souligne que Neuf Cegetel conteste les tarifs pratiqués en 2002 et cite l’article 3 de la décision n° 02-0323 du 16 avril 2002. Or conformément à cette décision France Télécom indique qu’elle a modifié les tarifs de son offre du 14 juin 2002 et l’Autorité n’est pas intervenue pour imposer une modification de ces tarifs.

France Télécom estime que, dans le cadre du dégroupage, il lui est imposé d’investir pour le compte des opérateurs et que c’est donc in fine elle qui supporte le risque lié à l’activité de  ces opérateurs. De plus, France Télécom précise qu’elle ne maîtrise pas le rythme ni le niveau de ces investissements et il ne s’agit donc pas « d’un principe avant tout d’avance de trésorerie » comme l’affirme Neuf Cegetel.

Sur l’évaluation des coûts de résiliations d’accès

France Télécom affirme que toutes les commandes de résiliation de dégroupage partiel sont exécutées et si elles ne sont pas pertinentes, les commandes sont rejetées et non facturées. France Télécom précise que si la résiliation de dégroupage partiel intervient lors d’un changement d’offre, les coûts associés sont bien intégrés dans les FAS de cette offre et ne sont pas facturés à l’opérateur qui perd l’accès, celui-ci n’ayant rien commandé.

France Télécom confirme également que dans le cas de gestion de résiliation du dégroupage total, elle facture toujours l’opérateur qui commande la prestation. Cette facturation porte sur tous les coûts associés à cette prestation, y compris ceux pour la dépose qui intervient dans un deuxième temps comme écrit dans ses observations du 30 avril 2008.

Vu la télécopie de la société Neuf Cegetel enregistré le 6 juin 2008 et le courrier enregistré le 9 juin 2008 souhaitant un délai pour répondre aux secondes observations  de la société France Télécom ;

Vu le courrier du chef du service juridique en date du 6 juin 2008 adressé aux parties accordant un délai supplémentaire à la société Neuf Cegetel, expirant le 13 juin 2008, pour répondre aux secondes observations de la société France Télécom ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 10 juin 2008 souhaitant un délai de réponse aux écritures de Neuf Cegetel et au questionnaire des rapporteurs ;

Vu le courrier du chef du service juridique en date du 10 juin 2008 adressé aux parties accordant à la société France Télécom un délai jusqu’au 27 juin 2008 pour répondre  aux éventuelles observations de la société Neuf Cegetel et indiquant que le délai pour la production d’observations en réponse à un questionnaire des rapporteurs est identique pour les deux parties ;

Vu le courrier du chef du service juridique en date du 11 juin 2008 adressé aux parties leur transmettant le questionnaire des rapporteurs et fixant au 27 juin 2008 la clôture des réponses ;

Vu les observations en duplique enregistrées le 13 juin 2008 présentées par la société Neuf Cegetel ;

I  -     Sur la recevabilité

Sur l’échec des négociations

Neuf Cegetel remarque que France Télécom a modifié son tarif le 15 mai 2008 ce qui indiquerait qu’à tout le moins, à la date du litige, le tarif applicable n’était plus orienté vers les coûts. Neuf Cegetel estime que la « période litigieuse » débute à partir du moment où elle a commencé à contester le niveau des tarifs du dégroupage en cause.

Neuf Cegetel ajoute qu’en tant que membre de l’AFORST, elle n’a pas cessé de protester contre le niveau des tarifs de dégroupage tout au long de l’année 2005. Elle indique que sa réponse en date du 13 mai 2005 à la consultation publique de l’Autorité exprimait le souhait d’une refonte des tarifs de dégroupage.

Neuf Cegetel souligne que ce désaccord n’a jamais été clos et que lorsque France Télécom a proposé en octobre 2005 de signer une nouvelle convention de dégroupage intégrant ces nouveaux tarifs, Neuf Cegetel a réitéré son désaccord avec les tarifs des différentes prestations de l’offre d’accès.

Sur la compétence de l’Autorité

Neuf Cegetel confirme que sa demande ne vise aucunement ni à voir constater la violation par France Télécom de ses obligations tarifaires, ni à voir prononcer une sanction à son encontre, et peut être accueillie sur le fondement de l’article L. 36-8 du CPCE.

Neuf Cegetel note que l’Autorité a considéré que l’on pouvait constater l’existence d’un différend alors même que le désaccord n’a été exprimé ni directement auprès de la partie concernée, ni à propos d’un niveau tarifaire précis. Neuf Cegetel cite, à ce sujet, la décision de l’Autorité n° 06-0551 du 30 mai 2006 se prononçant sur un différend opposant les sociétés France Télécom et Neuf Cegetel relative au tarif de terminaison d’appel.

Neuf Cegetel ajoute que sur la question de la rétroactivité, une décision n° 06-0350 de l’Autorité du 21 mars 2006 se prononçant sur un différend opposant la société Antalis-TV à la société TéléDiffusion de France a retenu comme date de départ d’une période litigieuse une « lettre de réserve » qu’Antalis avait concomitamment signifié à TDF alors même qu’elle était contrainte à signer sa convention.

Neuf Cegetel estime que France Télécom ne saurait prétendre désormais se soustraire à la règle qu’elle a contribué à forger contre ses adversaires lorsque la solution à laquelle son application aboutit lui serait défavorable.

II  -    Sur le fond

Sur l’évaluation des coûts du parc de câbles de renvoi

Neuf Cegetel relève que France Télécom, en choisissant de faire publier son nouveau tarif en cours du règlement de différend, fait en sorte que la contestation ne puisse plus pleinement s’exprimer sur le niveau de ce nouveau tarif présenté comme une « réorientation » vers les coûts de la prestation, sauf pour France Télécom à amener l’Autorité à constater une absence d’orientation vers les coûts du nouveau tarif.

Neuf Cegetel estime qu’elle se trouve nécessairement contrainte de réserver ses droits quant à une contestation de l’orientation vers les coûts des nouveaux tarifs issus de l’offre publiée le 15 mai 2008 et de préciser ses demandes initiales sur la base de ce nouvel élément.

Neuf Cegetel constate que s’agissant de la période litigieuse, qu’il y a un désaccord majeur entre les coûts que France Télécom déverse dans sa comptabilité, sans apporter de preuves concrètes sur la réalité des prestations et l’impact de la mutualisation, et ceux estimés par Neuf Cegetel.

Neuf Cegetel estime nécessaire, au vu du désaccord et des montants en jeu, de prendre en compte les conditions réelles de mise en œuvre des câbles de renvoi par France Télécom. Ainsi, la seule rectification des coûts d’aménagement des salles conduirait à un tarif inférieur, à celui publié par France Télécom le 15 mai 2008, sur la période litigieuse et Neuf Cegetel estime qu’il serait équitable que le nouveau tarif lui soit appliqué dès le 13 mai 2005.

Neuf Cegetel constate que France Télécom reconnaît expressément et explicitement plusieurs éléments de la « modélisation » de Neuf Cegetel même si certains coûts sont décorrélés de toute réalité économique.

Neuf Cegetel relève que France Télécom n’apporte pas de preuves concrètes sur la réalité des prestations et l’impact de la mutualisation.

Neuf Cegetel estime nécessaire de prendre en compte les conditions réelles de mise en œuvre des câbles de renvoi afin de prendre en compte les optimisations réalisées dans la pratique et lorsque que cela est justifié la mutualisation des investissements et la part d’amortissement déjà effectuée par France Télécom.

Neuf Cegetel demande, sans que les éléments figurant ci-dessous ne valent acceptation des principes ou niveaux de la nouvelle offre de référence publiée le 15 mai 2008, à l’Autorité d’enjoindre à France Télécom :

- d’appliquer à tous les câbles de renvoi à compter du 13 mai 2005, le tarif prévu par l’offre publiée par France Télécom le 15 mai 2008 ;

- de rembourser les sommes trop perçues par France Télécom depuis le 13 mai 2005 par application des règles ci-dessus.

Sur l’évaluation des coûts de résiliations d’accès

Neuf Cegetel indique qu’elle renvoie à ses précédentes écritures, considérant que le nouveau tarif devrait également s’appliquer au minimum au 13 mai 2005. Neuf Cegetel ajoute qu’elle se réserve à toutes fins utiles de contester ce nouveau tarif dans l’avenir et de conduire également à un remboursement des sommes trop perçues à ce titre.

Vu les observations en duplique enregistrées le 27 juin 2008 présentées par la société France Télécom ;

I -     Sur la recevabilité

Sur l’échec des négociations

France Télécom rappelle que dans ses dernières observations Neuf Cegetel considère que la période litigieuse débuterait le 13 mai 2005, date à laquelle elle aurait prétendument manifesté son désaccord sur les tarifs des prestations de câbles de renvoi en indiquant dans sa réponse à la consultation publique de l’Autorité sur le marché du haut débit.

France Télécom considère qu’à l’instar de la pratique constante de l’Autorité en la matière, qu’un simple avis rendu à l’occasion d’une consultation publique du régulateur ne saurait constituer ou traduire un quelconque désaccord.

France Télécom souligne qu’un désaccord est caractérisé par un affrontement de nature contractuelle sur des prestations entre les parties. Elle rappelle également que la conclusion d’un contrat correspond à la concordance de l’offre d’une partie et de l’acceptation de l’autre.

Un désaccord sur la conclusion d’un contrat suppose donc que les parties soient engagées dans un processus d’échange ou de négociation au terme duquel elles ne seraient pas parvenues à s’accorder sur les éléments essentiels du contrat. France Télécom précise que si le désaccord portait non plus sur la conclusion mais sur l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès, le raisonnement serait identique.

France Télécom ajoute que la pratique décisionnelle de l’Autorité en matière de règlement de différend montre qu’elle se fonde exclusivement sur des échanges entre les parties notamment des correspondances ou des réunions pour constater l’existence d’un désaccord.

France Télécom conclue que la date du 13 mai 2005 à laquelle Neuf Cegetel aurait répondu à la consultation publique de l’Autorité sur le marché du haut débit ne saurait constituer le point de départ de la période litigieuse.

Sur la compétence de l’Autorité

France Télécom précise que la convention d’accès en vigueur au jour de la saisine de l’Autorité est celle signée par Neuf Cegetel en date du 3 juillet 2007 et que Neuf Cegetel a régulièrement exécuté la convention en question jusqu’aux courriers du 4 février 2008 y compris pour les prestations en cause dans le présent litige.

France Télécom constate qu’aucune réserve expresse n’ayant été émise et aucune conséquence n’ayant été tirée dans l’exécution de la convention depuis mai 2005 pour les câbles de renvoi et janvier 2007 pour les frais de résiliation, Neuf Cegetel fait preuve d’une mauvaise foi dans l’exécution de la convention en demandant près de 3 ans après le remboursement de sommes qui auraient été trop perçues alors qu’elle pouvait dès la conclusion de la convention en juillet 2007 contester les tarifs et saisir l’Autorité.

France Télécom estime que la demande de Neuf Cegetel est incompatible avec l’appréciation que la jurisprudence a portée de manière réitérée sur l’exécution de bonne foi des conventions et ne saurait être considérée comme légitime dans le cadre de la présente procédure de règlement de différend.

France Télécom remarque que Neuf Cegetel n’apporte aucun indice d’un désaccord avant le  4 février 2008 mais surtout n’a pas renoncé jusqu’à cette date à l’application du contrat la liant à France Télécom pour les prestations en litige.

France Télécom souligne que Neuf Cegetel en demandant d’appliquer à compter du 13 mai 2005 les nouveaux tarifs des prestations de câbles de renvoi publié le 15 mai 2008, cela consiste bien à faire rétroagir des tarifs sur une période passée qui n’est pas couverte par la convention d’accès à la boucle locale en vigueur au jour de la saisine et qui surtout ne correspond pas à la période litigieuse.

France Télécom confirme que les faits et pièces produites par Neuf Cegetel prouvent que le désaccord sur les tarifs des prestations de câbles de renvoi et sur les résiliations d’accès commence à courir à compter des courriers du 4 février 2008.

France Télécom conclue que Neuf Cegetel ne peut donc demander à l’Autorité d’appliquer des tarifs sur une période exempte de toute contestation sur les prestations litigieuses formulée auprès de France Télécom voir à une situation contractuelle passée.

Vu les réponses apportées par la société Neuf Cegetel et la société France Télécom au questionnaire des rapporteurs enregistrées le 27 juin 2008 ;

Vu le courrier du chef du service juridique en date du 30 juin 2008 informant les   parties que la date d’audience est fixée au 10 juillet 2008 à 9h30 ;

Vu la réponse complémentaire enregistrée le 3 juillet 2008 de la  société  France  Télécom au questionnaire des rapporteurs ;

Vu le courrier de la société Neuf Cegetel enregistré le 7 juillet 2008 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Vu le courriel de la société France Télécom enregistré le 8 juillet 2008 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Après avoir entendu le 10 juillet 2008, lors de l'audience devant le collège (composé de MM. Edouard Bridoux, Nicolas Curien, Denis Rapone, Patrick Raude et Mme Joëlle Toledano) :

- le rapport de MM. Matthieu Agogué et Romain Valenty, rapporteurs présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de M. Mathieu Bineau, et de Maître Olivier Fréget pour la société Neuf Cegetel ;

- les observations de M. Eric Debroeck pour la société France Télécom.

En présence de :

- MM. Mathieu Bineau, Olivier Plantureux, Laurent Double et Maître Olivier Fréget, Maître Fleur Herrenschmidt, pour la société Neuf Cegetel ;

- MM. Eric Debroeck, Philippe Beguin, Jean-Pierre Gallois, Jean Mazier et Mme Isabelle Crocq, pour la société France Télécom ;

- M. Philippe Distler, directeur général, M. François Lions, directeur général adjoint, MM. Sébastien Soriano, Matthieu Agogué, Romain Valenty, Matthieu Allard, Mmes Joëlle Adda, Pascale Terral agents de l'Autorité ;

Sur la publicité de l'Audience

L'article 14 du règlement intérieur susvisé dispose que « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe le collège de l'Autorité en délibère ». Neuf Cegetel et France Télécom ont indiqué respectivement par courrier enregistré le 7 juillet 2008 et par courriel enregistré le 8 juillet 2008 qu'ils ne souhaitaient pas que l'audience soit publique. Par conséquent l'audience n'a pas été publique.

Vu le courrier de Neuf Cegetel enregistré le 23 juillet 2008 et par lequel cette société   fait connaître à l’Autorité qu’elle « entend se désister de l’ensemble de  ses  demandes visant les frais de résiliation » ;

Vu la lettre du chef du service juridique de l’Autorité en date du 23 juillet 2008 transmettant la déclaration de désistement partiel de Neuf Cegetel à France Télécom ;

Le collège (composé de MM. Edouard Bridoux, Nicolas Curien, Denis Rapone, Patrick Raude et Mme Joëlle Toledano) en ayant délibéré le 24 juillet 2008, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité ;

Adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après.

1.     Sur la compétence de l’Autorité

Selon les dispositions de l’article L. 36-8 I du CPCE, « En cas de refus d’accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès au réseau de communications électroniques, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut être saisie du différend par l’une ou l’autre des parties. […] Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés. […] ».

Aux termes des dispositions de l’article L. 32 8° du CPCE, « on entend par accès toute mise à disposition de moyens, matériels ou logiciels, ou de services, en vue de permettre au bénéficiaire de fournir des services de communications électroniques. Ne sont pas visés par le présent code les systèmes d’accès sous condition et les systèmes techniques permettant la réception de services de communication audiovisuelle, définis et réglementés par la loi n° 86- 1087 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ».

Il résulte des dispositions précitées que l’Autorité peut être saisie d’une demande de règlement de différend par un opérateur qui a signé une convention d’accès avec un autre opérateur afin notamment de régler un différend relatif à un échec des négociations ou un désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’accès à un réseau de communications électroniques.

Au titre de l’article 1er de la décision n° 05-0277 du 19 mai 2005 de l’Autorité, France Télécom, en tant qu’opérateur puissant sur le marché de l’accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre, est notamment soumise à l’obligation de faire « droit à toute demande raisonnable d’accès à des éléments de réseau, ou à des moyens qui y sont associés portant sur le marché de l’accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous- boucle locale cuivre ».

La prestation de câbles de renvoi est une prestation associée à l’accès et relève à ce titre de la notion d’accès telle qu’elle est définie à l’article 2 a) de la directive « accès » 2002/19/CE du 7 mars 2002 et à l’article L. 32 8° du CPCE.

En outre, il résulte clairement du dossier, que la prestation de câbles de renvoi est une prestation associée à l’accès prévue à l’article 59 de la convention d’accès à la boucle locale de France Télécom.

Il s’ensuit que le présent différend entre dans les compétences de l’Autorité en tant qu’il est relatif à un désaccord sur la tarification de la prestation de câbles de renvoi prévue par la convention d’accès à la boucle locale de France Télécom.

2.     Sur la recevabilité des demandes de Neuf Cegetel

2.1.         Sur la fin de non recevoir opposée par France Télécom et tirée de ce que la procédure de règlement de différend ne saurait qualifier un non respect d’une obligation réglementaire

France Télécom soutient, dans ses observations en défense, que « Neuf Cegetel opère une confusion volontaire entre les dispositions de l’article L. 36-8 I du CPCE qui vise à fixer les conditions techniques et financières entre deux parties pour une période pendant laquelle ces conditions ne seraient pas formellement fixées (du fait de l’absence d’un accord sur leur formalisation, ou de la dénonciation de ces dernières par l’une des parties), et les obligations imposées à France Télécom au titre des analyses de marchés prévues à l’article L. 38 du CPCE ». France Télécom estime qu’en demandant à l’Autorité de constater le non respect d’une obligation d’orientation vers les coûts pour la fixation des tarifs des prestations de câbles de renvoi, « Neuf Cegetel ne requiert aucunement de l’ARCEP qu’elle fixe les conditions équitables de l’accord d’accès entre les parties, mais qu’elle qualifie le non respect d’une obligation réglementaire, en particulier celle du principe de l’orientation vers les coûts ».

France Télécom entend ainsi déplacer le différend sur le terrain de l’article L. 36-11 du CPCE relatif à la procédure de sanction. En effet, France Télécom considère que Neuf Cegetel demande à l’Autorité de constater le non respect par France Télécom des dispositions de la décision n° 05-0277 du 19 mai 2005 dans laquelle l’Autorité indique à l’article 9 que France Télécom, en tant qu’opérateur puissant sur le marché de l’accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre, « doit offrir les prestations d’accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre ainsi que les prestations associées à des tarifs reflétant les coûts correspondants, en respectant en particulier les principes d’efficacité, de non discrimination et de concurrence effective et loyale ».

Par ailleurs, France Télécom cite, à l’appui de ses observations en défense, la décision n° 05- 1009 en date du 1er décembre 2005 relative au différend survenu entre les sociétés Western Télécom et France Télécom, dans laquelle l’Autorité indique que « la procédure de règlement de différend définie à l’article L. 36-8 ne vise pas à sanctionner le non respect d’une obligation réglementaire mais à résoudre un refus d’accès ou d’interconnexion, l’échec des négociations commerciales ou un désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’accès ou d’interconnexion ».

En réponse à ces observations en défense de France Télécom, Neuf Cegetel fait valoir que « la seule existence d’une décision imposant des obligations réglementaires à France Télécom ne saurait priver l’Autorité du droit de se prononcer sur les relations privées entre deux opérateurs. Prétendre autrement reviendrait purement et simplement à considérer que l’Autorité, dès qu’elle a exercé son pouvoir réglementaire, perd toute compétence en matière de règlement de différend pour le marché et à l’encontre de l’opérateur  visé  par  sa  décision ».

Il convient à cet égard de préciser que certes la procédure de règlement de différend, définie par l’article L. 36-8 I du CPCE, ne vise pas à faire sanctionner le non respect d’une obligation réglementaire mais à résoudre un refus d’accès ou d’interconnexion, l’échec des négociations commerciales ou un désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’accès ou d’interconnexion.

Cependant, il convient également, en vue d’apprécier la pertinence du moyen invoqué par France Télécom, de se reporter à un arrêt n° 06/07964 du 30 janvier 2007 rendu par la cour d’appel de Paris qui estime que « la circonstance que l’ARCEP n’ait pas fait usage envers SFR, à l’issue du contrôle qu’elle a effectué sur la foi des documents remis par cette dernière, de son pouvoir de sanction au titre d’un manquement à l’arrêté d’autorisation du 18 juillet 2001, ne la prive pas du droit de constater un tel manquement à l’occasion du règlement d’un différend opposant SFR à un opérateur désireux de conclure une convention MVNO ».

Dès lors, la cour d’appel de Paris confirme la possibilité qu’a l’Autorité, dans le cadre d’une décision de règlement de différend, de constater un manquement à une obligation réglementaire et d’en tirer les conséquences sur la détermination des conditions techniques et tarifaires de la prestation.

En conséquence, la fin de non recevoir tirée de ce que Neuf Cegetel aurait demandé à l’Autorité de constater le non respect par  France Télécom  des  dispositions  de la  décision  n° 05-0277 du 19 mai 2005 doit être écartée.

2.2.         Sur la recevabilité de chacune des demandes

2.2.1.             Sur les demandes de modifications de la convention de dégroupage afin de supprimer la facturation à Neuf Cegetel

- de son parc de câbles de renvoi installé antérieurement au 1er janvier 2008

- ainsi que tout frais résiduel afférent à ce même parc, sauf pour France Telecom à décrire de manière précise le contenu de la prestation justifiant ce coût

Aux termes de l’article L. 36-8 I du CPCE, « En cas de refus d'accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d'accès à un réseau de communications électroniques, l’Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l’une ou l’autre des parties. […] Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou  l’accès  doivent  être  assurés. […] ».

La condition d’échec des négociations commerciales est un élément permettant d’établir le désaccord sur la conclusion ou l’exécution de la convention.

Dans une lettre adressée à France Télécom et datée du 27 octobre 2005, Neuf Cegetel souligne les effets anticoncurrentiels de la convention d’accès à la boucle locale de France Télécom 2005. Dans cette lettre, Neuf Cegetel précise qu’elle est « en désaccord avec les différentes tarifications de l’offre de référence reprises dans cette convention, et notamment avec d’une part les tarifs des accès partiels et total (frais d’accès au service et abonnements récurrents), et d’autre part les tarifs des frais de commandes non conformes, de résiliation d’accès, et de signalisation à tort, que nous constatons notamment être discriminatoires par rapport aux prestations équivalentes d’autres offres de gros proposées par France Télécom ». Neuf Cegetel ajoute : « notre adhésion à cette Convention, n’entraîne pas notre accord sur ces tarifs ».

Neuf Cegetel réitère ces réserves par lettre datée du 5 juillet 2007 adressée à France Télécom, dans laquelle Neuf Cegetel met en cause les effets anticoncurrentiels de la convention d’accès à la boucle locale de France Télécom 2007. Ainsi, il apparaît que si que la société Neuf Cegetel a effectivement conclu des conventions d’accès à la boucle locale de France Télécom, elle a néanmoins assorti la conclusion de ces conventions de plusieurs réserves.

Enfin, le désaccord a été formalisé par la lettre de Neuf Cegetel envoyée à France Télécom le 4 février 2008, en tant qu’elle demande l’arrêt de facturation de cette prestation et un remboursement du trop payé sur la prestation de câbles de renvoi. En l’absence de réponse de la part de France Télécom, Neuf Cegetel a réitéré sa demande le 7 mars 2008.

France Télécom n’a pas donné suite à cette demande. En effet, si France Télécom a annoncé dans sa lettre en date du 14 mars 2008 une évolution des tarifs en avril 2008 pour le futur, il n’en reste pas moins qu’elle n’a pas répondu à la demande de Neuf Cegetel relative aux  câbles de renvoi déjà installés.

Ces échanges matérialisent l’échec des négociations entre Neuf Cegetel et France Télécom.

Ainsi, la demande de modifications de la convention de dégroupage afin de supprimer la facturation à Neuf Cegetel est recevable en ce qu’elle porte sur les conditions tarifaires des prestations d’accès. Pour autant, il convient d’examiner plus précisément en l’espèce la date du début de la période litigieuse, qui définira, s’il y a lieu, le point de départ de l’application de nouveaux tarifs aux prestations souscrites par Neuf Cegetel et objet du présent différend.

2.2.2.     Sur la demande de rembourser le trop perçu au bénéfice de Neuf Cegetel au titre de la différence entre les sommes versées par Neuf Cegetel à la date d’exécution de la décision, au titre de son parc de câbles de renvoi avant le 1er janvier 2008, et les coûts réels exposés par elle sur cette même période

Cette demande de remboursement n’est recevable qu’en tant qu’elle est susceptible d’être la conséquence nécessaire des conditions équitables d’ordre financier dans lesquelles l’accès doit être assuré, telles que ces dernières seront fixées par la présente décision de règlement de différend si celle-ci fixe de nouveaux tarifs applicables sur la période litigieuse de la demande.

2.3.         Sur la période litigieuse

Neuf Cegetel fait remonter le point de départ de sa demande de remboursement du trop perçu par France Télécom au motif du non respect de l’orientation vers les coûts des tarifs au titre des câbles de renvoi au 13 mai 2005.

Pour justifier ce point de départ au 13 mai 2005, elle invoque essentiellement la décision      n° 06-0350 du 21 mars 2006 de l’Autorité se prononçant sur un différend opposant Antalis TV à TDF - qui a été confirmée par la cour d’appel de Paris le 12 septembre 2006 - et fait valoir qu’elle avait, dès le 13 mail 2005, exprimé son désaccord quant au niveau des tarifs de dégroupage de France Télécom, dans le cadre de sa réponse à la consultation publique de l’Autorité.

Toutefois, il convient de rappeler que si, dans ladite décision n° 06-0350 Antalis c/ TDF, l’Autorité a admis que « la signature d’un contrat ne présume pas l’absence de désaccords particuliers permettant à l’Autorité d’exercer sa compétence. », c’était eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce, dont il ressortait que la société Antalis avait, après avoir formulé des réserves lors de la signature du contrat cadre le 7 septembre 2004, adressé au moins cinq lettres, à des dates rapprochées, formulant des demandes circonstanciées de modifications à la société TDF ou matérialisant et explicitant les désaccords avec ladite société. Ce n’est qu’en référence à ce contexte d’échanges intenses et circonstanciés que l’Autorité, qui avait été saisie le 23 septembre 2005, a admis que « Au cas présent, il n’est pas contestable que la mise en œuvre des dispositions du contrat “DigiSiTV” constitue, sur certains points, une source de désaccord entre les cocontractants ».

Or, Neuf Cegetel dans sa requête initiale admet elle-même, après avoir seulement cité ses courriers adressés à France Télécom en date des 4 février et 7 mars 2008, que « ces échanges matérialisent ainsi l’échec des négociations entre Neuf Cegetel et France Telecom », reconnaissant par là même que le désaccord n’avait pas été matérialisé antérieurement.

En réponse à la défense de France Télécom qui contestait qu’aucun différend n’ait été établi antérieurement au courrier de Neuf Cegetel en date du 4 février 2008, Neuf Cegetel soutient qu’elle avait contesté le tarif de la prestation des câbles de renvoi par courriers recommandés en date des 27 octobre 2005 et 5 juillet 2007.

Si, dans sa lettre du 27 octobre 2005, Neuf Cegetel indique avoir été dans l’obligation « de signer cette convention en l’état » et précise « être en désaccord avec différentes tarifications de l’offre de référence reprises dans cette convention et notamment avec […] les tarifs […] de résiliation d’accès », elle ne fait nullement état, au nombre des points qui font l’objet de ses réserves, du tarif des câbles de renvoi.

Or, il convient de préciser que la procédure de règlement de différend est une procédure formelle. Dans ces conditions, l’Autorité ne peut, dans le cadre de l’étude de la recevabilité des demandes de règlement de différend qui lui sont soumises, se référer qu’aux seuls éléments d’informations qui ont été versés au dossier de procédure et qui ont été matérialisés par les parties qui les invoquent à l’appui de leur demande ou au soutien de leurs observations.

Ainsi, concernant la tarification de la prestation de câbles de renvoi, Neuf Cegetel ne produit aucun document démontrant qu’elle ait exprimé avant la date du 4 février 2008 une quelconque réserve ou dénonciation sur ce point précis des conditions contractuelles en vigueur entre les parties. En effet, il apparaît, au regard des éléments versés au dossier de procédure et adressés par Neuf Cegetel à France Télécom dans lequel Neuf Cegetel fait connaître à France Télécom son souhait d’obtenir une modification de la convention de dégroupage, que le désaccord sur la prestation des câbles de renvoi n’a été formalisé qu’à compter du 4 février 2008, date d’une lettre dans laquelle le requérant soutient que « les paiements de Neuf Cegetel excèdent la valeur du parc de câbles de renvoi installés par France Télécom pour Neuf Cegetel, et qu’en conséquence Neuf Cegetel n’est plus redevable d’aucun frais pour le parc considéré ».

En conséquence, les demandes de Neuf Cegetel relatives aux câbles de renvoi sont recevables en tant qu’elles portent sur une période litigieuse qui a débuté le 4 février 2008.

3.     Analyse de l’Autorité sur la tarification des câbles de renvoi

Dans sa saisine, Neuf Cegetel demande à l’Autorité d’établir un nouveau tarif pour les câbles de renvoi à compter du début de la période litigieuse et de considérer que les câbles déployés avant le 1er janvier 2008 ne doivent plus faire l’objet d’une quelconque facturation de la part de France Télécom.

3.1.         Sur l’approche retenue par l’Autorité

France Télécom et Neuf Cegetel ont transmis, dans le cadre de l’instruction, des éléments chiffrés sur leurs évaluations respectives des coûts supportés par France Télécom dans sa prestation de fourniture de câbles de renvoi. En particulier, chaque partie a transmis des éléments portant d’une part sur les coûts unitaires des différents éléments constitutifs de la prestation, et d’autre part sur les dimensionnements des infrastructures installées par France Télécom.

Au vu de ces éléments, l’Autorité est en mesure de décomposer la structure des coûts des câbles de renvoi en trois parties distinctes :

- une première partie correspond aux coûts supportés par France Télécom pour les infrastructures mutualisées entre plusieurs câbles de renvoi au sein d’un même  répartiteur : ces infrastructures mutualisées correspondent aux chemins de câbles installés par France Télécom pour accueillir les câbles de renvoi dans le cadre du dégroupage ;

- une deuxième partie correspondant aux coûts supportés par France Télécom lors de la réalisation d’une commande d’un câble de renvoi donné : il s’agit des coûts relatifs au câble de renvoi en tant que tel et des coûts de pose ;

- une troisième partie correspondant aux charges et coûts récurrents d’exploitation et de maintenance.

Concernant les coûts unitaires, l’Autorité note que les estimations fournies par Neuf Cegetel ne diffèrent pas significativement des éléments indiqués par France Télécom. Il convient notamment de noter que France Télécom bénéficie d’effets de volume auprès de ses fournisseurs qui peuvent conduire à ce que ses coûts soient inférieurs aux estimations de Neuf Cegetel, ce que reconnaît explicitement ce dernier.

Concernant les paramètres de dimensionnement, l’Autorité constate que les éléments indiqués par France Télécom sont des moyennes résultant d’un large échantillon de répartiteurs. L’Autorité considère dès lors que les éléments renseignés par Neuf Cegetel sur la base d’observations dans un échantillon limité de répartiteurs où il est présent au titre du dégroupage constituent des éléments moins appropriés que ceux de France Télécom s’agissant de l’évaluation d’un tarif qui a vocation à s’appliquer à tous les opérateurs.

Ainsi, l’Autorité estime pouvoir fonder son analyse des coûts des prestations de câbles de renvoi sur la base des coûts unitaires et des paramètres de dimensionnement renseignés par France Télécom dans ses écrits.

3.2.         Sur les coûts des infrastructures mutualisées

Dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs, France Télécom présente son évaluation des coûts des infrastructures mutualisées en prenant en compte les coûts de reconstruction des infrastructures déployées. Il s’agit spécifiquement :

- des coûts relatifs aux chemins de câbles ;

- des coûts relatifs aux trémies créées pour ces chemins de câbles ;

- des coûts relatifs à la protection coupe-feu lors du premier rebouchage des trémies percées.

France Télécom répartit les coûts d’un chemin de câble, et des trémies créées lors de son installation, sur les câbles de renvoi qui utilisent ce chemin de câbles. Neuf Cegetel ne remet pas en cause cette modélisation.

France Télécom a évalué, dans sa réponse complémentaire en date du 6 juillet 2008 au questionnaire des rapporteurs, les paramètres de dimensionnement suivants en fonction du type d’hébergement (salle de cohabitation, espace dédié ou restreint dans un répartiteur de plus de 5000 lignes, espace dédié ou restreint dans un répartiteur de moins de 5000 lignes) :

- le nombre moyen de chemins de câbles par répartiteur ;

- le nombre de trémies par chemin de câbles, correspondant au nombre de murs à traverser pour aller du répartiteur général au répartiteur cuivre opérateur ;

- le nombre moyen de câbles de renvoi par chemin de câble.

L’Autorité note que de nouveaux chemins de câbles peuvent être installés par France Télécom dans deux cas distincts :

- lorsque France Télécom aménage un répartiteur non dégroupé jusqu’alors suite à la demande de dégroupage d’un premier opérateur, France Télécom installe des chemins de câbles qui permettront de faire passer les câbles de renvoi commandés par le premier opérateur et par les éventuels autres opérateurs venant dégrouper par la suite ce répartiteur en question ;

- lorsque, dans les répartiteurs déjà dégroupés, les chemins de câbles déjà en place ne permettent plus d’accueillir les nouveaux câbles de renvoi commandés par les opérateurs de dégroupage pour répondre à l’augmentation de leurs parcs d’abonnés dégroupés sur ces répartiteurs, France Télécom installe de nouveaux chemins de câbles à côté de ceux existants.

L’Autorité constate que les éléments de coûts fournis par Neuf Cegetel diffèrent sensiblement de ceux renseignés par France Télécom. Neuf Cegetel fonde en effet ses évaluations en modélisant un chemin de câbles capable d’accueillir 20 câbles de renvoi, alors que France Télécom fournit une estimation de ses coûts […].

La modélisation utilisée par Neuf Cegetel ne semble pas tenir compte de la réalité des infrastructures déployées par France Télécom telle que présentée dans ses écritures. Comme indiqué précédemment, l’Autorité estime qu’il convient de retenir les coûts unitaires et paramètres de modélisation indiqués par France Télécom pour évaluer les coûts des chemins de câbles.

Ainsi, pour des câbles L804 mono-module, l’Autorité évalue la quote-part des coûts des infrastructures mutualisées à :

- […] € par câble dans un espace dédié ou restreint ;

- […] € par câble dans une salle de cohabitation.

3.3.         Sur les coûts hors infrastructures mutualisées

Le périmètre des coûts hors infrastructures mutualisées correspond aux coûts propres à un câble de renvoi et à son installation.

Sur la base de la réponse complémentaire de France Télécom au questionnaire des rapporteurs, l’Autorité est en mesure de décomposer les coûts hors infrastructures mutualisées de la façon suivante :

- les coûts relatifs à la fourniture et à l’installation des différents éléments d’un répartiteur de renvoi nécessaire au câble, correspondant à l’emplacement d’une réglette sur le répartiteur de renvoi ;

- les coûts relatifs à la fourniture et la pose d’une réglette pour accueillir le câble de renvoi entre le répartiteur de renvoi et le répartiteur cuivre opérateur ;

- la fourniture du câble et son installation compte tenu du nombre de trémies à traverser ;

- les opérations de débouchage et rebouchage des trémies pour permettre le passage des câbles, ainsi que la pose de laine de roche et de protection coupe-feu une fois le rebouchage effectué. Ces opérations sont mutualisées pour l’installation de 2 à 3 câbles de renvoi à la fois, étant donné que les câbles sont rarement livrés un par un.

L’Autorité note que les estimations réalisées par Neuf Cegetel diffèrent peu des éléments de coûts fournis par France Télécom. À titre d’exemple, le coût d’un mètre linéaire de câble de renvoi, pose comprise, est évalué à […] € par France Télécom et à 9 € par Neuf Cegetel.

Par ailleurs, les longueurs moyennes des câbles de renvoi en espace dédié ou restreint sont similaires dans les écritures des deux parties :

- France Télécom indique une longueur moyenne de […] m dans les répartiteurs de plus de 5000 lignes et de […] m dans les répartiteurs de moins de 5000 lignes ;

- Neuf Cegetel évalue, sur la base de ses factures de câbles de renvoi, ces longueurs moyennes à […] m dans les répartiteurs de plus de 5000 lignes et […] m dans les répartiteurs de moins de 5000 lignes.

Comme indiqué précédemment, l’Autorité estime donc devoir retenir, compte tenu de ce qui précède, les coûts unitaires et paramètres de modélisation indiqués par France Télécom pour évaluer les coûts hors infrastructures mutualisées.

Ainsi, pour des câbles L804 mono-module, l’Autorité évalue les coûts propres à un câble de renvoi et à son installation, hors prise en compte des frais non récurrents liés aux commandes et aux chantiers, à :

- […] € par câble dans un espace dédié ou restreint ;

- […] € par câble dans une salle de cohabitation.

3.4.         Sur les coûts récurrents

L’Autorité note que Neuf Cegetel ne prend pas en compte, dans son évaluation, les charges liées à la réalisation par France Télécom des différentes prestations. Ces charges directes, charges indirectes et charges d’exploitation et maintenance, correspondent effectivement à des postes de coûts supportés par France Télécom tout au long de la vie d’un câble de renvoi.

Dès lors, l’Autorité se fonde sur les éléments communiqués par France Télécom pour évaluer les coûts récurrents par câble de renvoi.

Ainsi, pour des câbles L804 mono-module, l’Autorité évalue ces coûts récurrents à :

- 10,20 € par câble par mois dans un espace dédié ou restreint ;

- 11,50 € par câble par mois dans une salle de cohabitation.

3.5.         Sur l’appréciation des tarifs au regard des coûts

Le 15 mai 2008, France Télécom a publié une nouvelle version de son offre de référence d’accès à la boucle locale avec les tarifs suivants pour les câbles de renvoi, en vigueur depuis le 1er juillet 2008 :

- dans le cas des salles de cohabitation :

- pour les nouveaux câbles de renvoi : 1967 € lors de la commande et un frais récurrent mensuel de 11,50 €

- pour les câbles de renvoi de moins de cinq ans : 53,50 € par mois

- pour les anciens câbles de plus de cinq ans : 11,50 € par mois

- dans le cas des espaces dédiés ou restreints :

- pour les nouveaux câbles de renvoi : 1723 € lors de la commande et un frais récurrent mensuel de 10,20 €

- pour les câbles de renvoi de moins de cinq ans : 47,00 € par mois

- pour les anciens câbles de plus de cinq ans : 10,20 € par mois

Compte tenu de l’évaluation des coûts menée précédemment, fondée sur les éléments transmis à l’Autorité dans le cadre de l’instruction, de l’orientation vers les coûts du tarif des câbles de renvoi et du mode de tarification retenu par France Télécom, qui prévoit un recouvrement des coûts des infrastructures mutualisées et non mutualisées en cinq ans, il n’apparaît pas à l’Autorité qu’il y ait lieu de remettre en cause ces tarifs.

Ces tarifs ne sont pas différenciés en fonction de la taille des répartiteurs. L’Autorité note à ce sujet qu’une telle différenciation des tarifs en fonction de la taille des répartiteurs aurait conduit, comme indiqué par France Télécom dans ses écrits du 3 juillet 2008, à un tarif par câble de renvoi plus élevé dans le cas des plus petits répartiteurs.

3.6.         Conclusion sur la tarification des câbles de renvoi

L’analyse par l’Autorité des coûts des câbles de renvoi se fonde sur les éléments de coûts unitaires et les paramètres de dimensionnement transmis par France Télécom dans ses écrits. France Télécom indique par ailleurs que les tarifs des câbles de renvoi publiés le 15 mai dans son offre de référence d’accès à la boucle locale se fondent sur ces mêmes éléments de coût.

Compte tenu de la faible évolution sur la période litigieuse du parc de câbles de renvoi installés, l’Autorité estime que les coûts des câbles de renvoi ne sont pas susceptibles d’avoir connu d’évolution significative sur cette période. D’ailleurs, rien dans les écrits de France Télécom n’indique que les éléments de coûts unitaires et de paramétrage transmis à l’Autorité auraient évolué sur cette même période.

Dès lors l'Autorité estime qu’il y a lieu d'appliquer ces tarifs à l'ensemble des câbles de renvoi de Neuf Cegetel à compter du 4 février 2008.

Décide

Article 1 : Il est donné acte du désistement de la société Neuf Cegetel de l’ensemble de    ses demandes de règlement de différend l’opposant à France Télécom visant les frais de résiliation.

Article 2 : À compter du 4 février 2008, France Télécom appliquera aux prestations de  câbles de renvoi facturées à Neuf Cegetel les tarifs prévus par l’offre de référence d’accès à la boucle locale publiée le 15 mai 2008.

Article 3 : France Télécom devra appliquer la présente décision dans un délai de quatre semaines à compter de sa notification.

Article 4 : Le surplus des demandes formulées par les parties est rejeté.

Article 5 : Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés  Neuf Cegetel et France Télécom la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.