Cass. 2e civ., 25 juin 2015, n° 14-13.474
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 28 janvier 2014), qu'à la suite de la délivrance, par la société Soval à la société Marcadet distribution 75 (la société Marcadet), sa locataire commerciale, d'un congé avec refus de renouvellement du bail et offre de paiement d'une indemnité d'éviction, un juge des référés a ordonné une mesure d'expertise en vue de fixer le montant de cette indemnité et prévu que les experts pourraient obtenir la production de diverses pièces ; que le pourvoi formé par la société Soval contre l'arrêt confirmant cette ordonnance et précisant l'identité des sociétés requises de produire ces pièces, parmi lesquelles la société Soval et la société Univu, a été rejeté (2e Civ., 26 mai 2011, Bull., 2011, II, n° 118) ; que, statuant sur l'appel d'une ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises, un arrêt du 22 mars 2011 a ordonné à M. X..., en qualité de représentant de la société Soval, et à la société Septendis, en qualité de représentant de la société Univu, de remettre aux experts divers documents ; que la société Marcadet a sollicité d'un juge de l'exécution qu'il assortisse d'une astreinte l'obligation prescrite par cet arrêt ; que le jugement accueillant cette demande a été frappé d'appel ;
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches :
Attendu que M. X... et la société Septendis font grief à l'arrêt de confirmer le jugement du juge de l'exécution ayant prononcé à l'encontre de M. X..., gérant de la société Soval, et de la société Septendis, gérante de la société Univu, une astreinte provisoire de 7 000 euros par jour de retard pendant soixante jours, délai à l'issue duquel il pourrait être à nouveau statué, faute par elles d'avoir remis aux experts les pièces visées dans le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 mars 2011, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aucune astreinte ne peut être prononcée sans titre exécutoire régulier ; qu'en condamnant M. X... et la société Septendis au paiement d'une astreinte, tandis que l'arrêt du 22 mars 2011, constituant le titre fondant l'astreinte, n'avait jamais été signifié à leurs personnes, les actes des 6 et 4 mai 2011 visés par la cour d'appel n'étant que des « dénonciations » de significations de l'arrêt faites aux sociétés Soval et Univu - et ne mentionnant notamment pas les voies de recours -, la cour d'appel a violé les articles 11 et 503 du code de procédure civile ;
2°/ que le mandat conféré aux dirigeants sociaux n'emporte pas pouvoir de disposer des biens de la société ; qu'en condamnant M. X... et la société Septendis à astreinte, aux fins de production de pièces détenues par les sociétés Soval et Univu, quand les limites du mandat des dirigeants sociaux caractérisent l'empêchement légitime d'un dirigeant social à communiquer des pièces dont la société est propriétaire, la cour d'appel a violé l'article 11 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la décision ordonnant la production d'une pièce à un tiers est, en vertu de l'article 140 du code de procédure civile, exécutoire sur minute et qu'en cas d'exécution au seul vu de la minute, la présentation de celle-ci vaut notification, en application de l'article 503, alinéa 2, du même code ; qu'ayant relevé que l'arrêt du 22 mars 2011 avait été dénoncé, par voie de signification, à M. X..., ès qualités, et à la société Septendis, ès qualités, c'est sans encourir le grief formulé par la première branche du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ;
Et attendu qu'ayant relevé qu'un arrêt avait précisé que les éléments de preuve devaient être requis auprès des dirigeants des sociétés Soval et Univu, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'avait pas le pouvoir de modifier la décision servant de fondement à la demande d'astreinte dont elle était saisie, a décidé que M. X... et la société Septendis, chacun en leur qualité de gérant de ces sociétés, ne pouvaient soutenir qu'en agissant en exécution de cette décision de justice, rendue à l'encontre des sociétés Soval et Univu, ils engageraient leur responsabilité en communiquant des documents appartenant à ces sociétés ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième et quatrième branches du premier moyen annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X... et la société Septendis font grief à l'arrêt de condamner M. X... en qualité de gérant de la société Soval et la société Septendis en qualité de gérante de la société Univu à payer à la société Marcadet la somme de 10 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu'une partie ne peut être condamnée à payer une indemnité pour acharnement procédural quand elle a été attraite en justice par son adversaire auquel elle s'oppose pour la première fois ; qu'en condamnant M. X... et la société Septendis à indemniser la société Marcadet pour l'acharnement procédural dont les sociétés Soval et Univu se seraient rendues coupables, quand c'était la société Marcadet qui avait attrait M. X... et la société Septendis à la procédure d'astreinte et qu'ils n'avaient jamais jusque-là été parties à une procédure les opposant à elle, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les gérants des sociétés Soval et Univu avaient multiplié les procédures pour tenter de s'opposer à la communication des pièces nécessaires aux experts pour évaluer l'indemnité devant revenir à la société Marcadet et ce alors même que la société Soval avait donné congé à la société Marcadet, la cour d'appel en a souverainement déduit l'existence d'un acharnement procédural ayant eu pour conséquence de retarder le paiement de l'indemnité d'éviction due à la société Marcadet, justifiant que soit accueillie la demande de dommages-intérêts de cette dernière ;
Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., ès qualités, et la société Septendis aux dépens ;
Condamne M. X..., ès qualités, et la société Septendis à une amende civile d'un montant global de 3 000 euros envers le Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., ès qualités, et de la société Septendis ; les condamne à payer à la société Marcadet distribution 75 la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille quinze.