Cass. crim., 11 janvier 2000, n° 99-81.143
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
Mme Chanet
Avocat général :
M. Géronimi
Avocat :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 85, 86, 88, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré irrecevable la citation directe délivrée le 25 juin 1996 à Y... et ce, à la requête de X..., partie civile ;
" aux motifs qu'il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour de Cassation que la partie civile ayant fait le choix de la voie de l'instruction préparatoire ne peut abandonner cette dernière pour user, à l'encontre de la même personne et concernant les mêmes faits, de celle de la citation directe ; que tel est bien le cas en l'espèce, X... ayant déposé plainte avec constitution de partie civile contre Y... pour abus d'autorité et dénonciation calomnieuse le 4 août 1995, une ordonnance d'irrecevabilité n'ayant été rendue par le magistrat instructeur que le 26 août 1997... que X... n'est pas plus fondé à arguer de "l'atteinte particulièrement grave à ses droits" de partie civile au regard des dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que ce sont bien deux voies distinctes qui lui étaient offertes en application des règles de procédure pénale en vigueur pour autant toutefois que leur mise en oeuvre ne déroge pas aux principes tels que rappelés ci-dessus par la Cour de Cassation ; qu'il convient au surplus de souligner que sa qualité de partie civile constituée dans le cadre d'une procédure d'information lui ouvrait des droits propres qu'il lui appartenait d'exercer, ainsi qu'il l'entendait, dans le respect cependant des formes légales ; que dès lors, il importe peu que l'instruction litigieuse ait été clôturée par une ordonnance de non-lieu ou par une ordonnance d'irrecevabilité comme en l'espèce ;
" alors que, d'une part, l'interdiction faite à une partie civile constituée devant le juge d'instruction d'abandonner la voie de l'instruction préparatoire pour procéder par voie de citation directe à raison des mêmes faits, en ce qu'elle a pour finalité de faire obstacle tant à l'existence de doubles poursuites pour des mêmes faits qu'à un risque de contradiction de décision, suppose qu'une information ait été ouverte, autrement dit que l'action publique ait été mise en mouvement et que par conséquent, lorsque la partie civile agit par voie d'action, qu'elle ait procédé à la consignation qui lui a été impartie par le juge d'instruction, de sorte que tant que n'est pas intervenue cette consignation, le plaignant, qui n'a pas la qualité de partie civile, ne saurait se voir opposer le principe ci-dessus rappelé contrairement à ce qu'a considéré la cour d'appel de Nancy par une interprétation erronée des règles de droit ;
" alors que, d'autre part, l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme garantissant le droit pour toute personne de voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, la Cour, en déclarant irrecevable la citation directe introduite par X... pour précisément mettre un terme à l'inertie des autorités judiciaires et donc avant que celles-ci aient prononcé une ordonnance fixant la consignation et permettant la mise en mouvement de l'action publique, a ainsi violé l'article 6 susvisé qui non seulement assure une garantie au justiciable mais tend également à lui permettre d'user de toutes les possibilités procédurales pour obtenir un examen rapide de sa cause " ;
Vu les articles 388, ensemble 85 et 88 du Code de procédure pénale ;
Attendu, selon ces textes, qu'aucune plainte avec constitution de partie civile déposée devant le juge d'instruction ne fait obstacle à une saisine de la juridiction correctionnelle par voie de citation directe, dès lors que l'auteur de la plainte n'a pas versé la consignation fixée par le juge d'instruction ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et de l'examen des pièces de procédure, que X... a porté plainte devant le juge d'instruction contre Y..., le 4 août 1995, pour abus d'autorité, et le 28 mars 1996, pour dénonciation calomnieuse ; que, le 26 juillet 1996, le juge d'instruction a fixé le montant de la consignation ; qu'entre temps, le 25 juin 1996, X... a fait citer Y... devant le tribunal correctionnel pour y répondre des mêmes faits ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la citation directe délivrée par la partie civile à Y..., les juges énoncent que la partie civile qui a fait le choix de la voie de l'instruction préparatoire ne peut abandonner celle-ci pour user de celle de la citation directe à l'encontre de la même personne pour les mêmes faits ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy en date du 2 février 1999 et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz.