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Décisions

ARCEP, 7 juin 2007, n° 2007-0502

ARCEP

se prononçant sur un différend opposant les sociétés Free SAS et France Télécom

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Champsaur

Membre :

M. Bridoux, M. Curien, M. Rapone, M. Raude, Mme Toledano, Mme Gauthey

ARCEP n° 2007-0502

6 juin 2007

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement Européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications  électroniques (directive "cadre") ;

Vu la directive 2002/19/CE relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques aux ressources associés ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu  le  code  des  postes  et  des  communications  électroniques,  notamment  ses  articles,   L. 34-8, L. 36-8, R. 11-1 à R. 11-5 et D. 99-10 ;

Vu l’arrêté du 12 mars 1998 modifié autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu l'arrêté du 9 novembre 1999 modifié autorisant la société Free SAS à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu la décision n° 05-0278 de l'Autorité en date du 19 mai 2005 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès large bande livrées au niveau régional et sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché ;

Vu la décision n° 05-0280 de l'Autorité en date du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros des offres d'accès large bande livrés au niveau régional ;

Vu la décision n° 05-1103 de l’Autorité en date du 15 décembre 2005 se prononçant sur un différend opposant Colt Télécommunications France à France Télécom ;

Vu la décision de l'Autorité n° 06-0044 en date du 10 janvier 2006 portant modification du règlement intérieur 

Vu la demande de règlement d’un différend enregistrée à l'Autorité le 9 février 2007, présentée par la société Free SAS, RCS de Paris B 421 938 861, dont le siège social est situé 8, rue de la Ville l'Evêque – 75008 Paris, représentée par M. Franck Brunel, directeur général ;

I-  Sur les demandes

Dans sa saisine en date du 9 février 2007, Free SAS (ci-après « Free ») demande à l'Autorité :

  • « d'ordonner à France Télécom de conclure dans les 15 jours suivants le prononcé de la décision un avenant au contrat DSL Collect IP établissant que la tarification de la collecte de trafic IP s'effectue à compter du 1er janvier 2007 sur la base :
  • d'un montant mensuel forfaitaire de 3 euros HT par accès facturé dans le cadre du contrat DSL Access d'une part, et d'autre part ;
  • du trafic mesuré selon la méthode décrite et valorisée sur la base d'un montant de 20 euros HT par Mbit/s mesuré selon la méthode du 95ième percentile ;
  •  sous réserve que le débit moyen du parc de DSL Access que France Télécom commercialise auprès de Free n'excède pas 50 kbit/s. »

 II-  Sur la recevabilité

Sur l’échec des négociations

Free indique avoir engagé, le 7 septembre 2006, une négociation visant à ce que la facturation de l’acheminement du trafic de l’offre « DSL Collect IP » se fasse forfaitairement par accès. Free souligne que cette demande a aussi été exprimée lors d'une réunion bilatérale avec France Télécom.

Free souligne que bien que sans réponse de la part de France Télécom, il a poursuivi sa démarche de négociation le 19 octobre 2006, en proposant à France Télécom une tarification selon une équation affine en fonction du débit mesuré.

Free indique avoir réitéré sa demande, en l'absence de réponse de la part de France Télécom, le 21 décembre 2006. Free note que début janvier 2007, France Télécom lui a demandé de ne pas faire intervenir de tierces parties et a accepté une réunion bilatérale le 19 janvier 2007 qui a été déprogrammée la veille par France Télécom. Free souligne que le 23 janvier 2007, France Télécom lui a annoncé l’annulation d’une réunion programmée le 25 janvier 2007, ainsi que son refus de négocier. Free indique avoir précisé, le 24 janvier 2007, la portée de sa position exprimée le 19 octobre 2006.

Free estime que l’échec des négociations est avéré et qu’il y a lieu pour lui de saisir l'Autorité d'une demande de règlement de différend en application des articles L. 34-8 et L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques (CPCE).

Sur la compétence de l’Autorité

Sur la transparence et l’objectivité des tarifs des offres de collecte en interfaces IP et ATM.

Free indique que, conformément à l’article D. 99-10 du CPCE, les tarifs des offres « DSL Collect IP » et « DSL Collect ATM » doivent être objectifs et transparents, ceci devant conduire, selon l’opérateur, à ce que l’offre tarifaire de collecte de France Télécom reflète la structure des coûts sous jacents.

Free estime de plus que l’offre « DSL Collect ATM » ne respecte ni le principe d’objectivité prévu à l’article D. 99-10 du CPCE ni le principe de non discrimination prévu à l'article 3 de la décision n° 05-0280 de l'Autorité en date du 19 mai 2005.

III-    Sur le fond

Free indique avoir conclu dès 2002 avec France Télécom une convention d'accès à la boucle locale ainsi que des contrats couvrant, d’une part, l'accès aux DSLAM de France Télécom et, d’autre part, la collecte de trafic généré par les utilisateurs. En zone dégroupée, Free précise qu'il maîtrise intégralement le réseau de desserte des répartiteurs dégroupés et la qualité de service de ses clients.

En zone non dégroupée, où il indique compter 560 000 abonnés au 31 décembre 2006, Free précise qu'il ne maîtrise ni les paramètres de l'accès ni ceux du réseau de desserte, qui sont définis et mis en œuvre par France Télécom qui, selon Free, fait généralement évoluer de façon unilatérale les spécifications techniques de ses offres DSL.

Free précise qu’au cours de l'été 2005, France Télécom a fait évoluer sans concertation le débit de la voie montante du profil « Max », ce qui a engendré une augmentation du trafic de près de 25 %, contraignant les opérateurs alternatifs à commander en urgence des extensions de capacités pour lesquelles l’offre de référence de France Télécom ne comporte pas d'engagement de délais de mise en service.

Dans ces conditions, Free indique qu'il a été amené à mettre en œuvre […]. Free indique que depuis le 1er novembre 2006, il met en œuvre […].

Sur les tarifs de l’offre « DSL Collect IP  »

Free considère que les tarifs de l’offre « DSL Collect IP » doivent refléter la structure des coûts sous-jacents, à savoir :

- d’une part des coûts fixes de génie civil ;

- et d’autre part des coûts d’équipements actifs proportionnels au trafic traité.

Free demande par conséquent que la structure tarifaire de l'offre de collecte de trafic IP comprenne une partie fixe, indépendante du trafic acheminé, conformément aux dispositions de l’article D.99-10 du CPCE.

Free indique qu'il s’approvisionne uniquement auprès de France Télécom et que sa demande n’est pas susceptible de perturber le marché de gros, dont la fluidité est désormais limitée du fait de la réduction du nombre des acteurs.

Free rappelle enfin, conformément à la décision n° 05-0280 de l’Autorité, que, sur le marché de gros des offres d’accès large bande livrées au niveau régional, France Télécom est tenue de pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants sauf si ces tarifs constituent des tarifs d’éviction.

Au vu du modèle de coût de collecte mis en consultation par l’Autorité, Free estime que sa demande ne constituerait pas un tarif d’éviction pour 2 000 répartiteurs dégroupés, estimé sur la base des coûts incrémentaux d’un opérateur alternatif efficace, en considérant qu’un opérateur peut accepter des surcoûts temporaires dès lors que l'accès à la boucle locale offre la possibilité de diffusion de flux audiovisuels, contrairement aux offres d’accès large bande livrées au niveau régional.

Sur la comparaison des offres « DSL Collect ATM » et « DSL Collect IP »

Free rappelle que les offres d'accès large bande livrées au niveau régional commercialisées par France Télécom offrent aux opérateurs la possibilité de prendre livraison du trafic en mode ATM, à un niveau relativement plus capillaire qu’en mode IP.

Free estime par ailleurs que le débit facturé pour la collecte ATM est évalué forfaitairement à 25 kbit/s par accès, quel que soit le trafic effectivement généré par le client, tandis que l’offre de collecte IP est facturée sur la base du débit consommé. Selon Free, ceci instaure une distorsion de concurrence par rapport aux opérateurs qui utilisent l’offre de collecte ATM, dans la mesure où celle-ci est facturée sur la base d’un débit inférieur de plus de 30 % au débit facturé en collecte IP.

Sur la possibilité d’une livraison de l’offre « DSL Collect IP » au niveau départemental

Free estime que son réseau présente un niveau de capillarité comparable à celui de Neuf Cegetel, client de l'offre de collecte ATM : ce niveau lui permettrait de prendre livraison du trafic IP à un niveau départemental, au lieu des 17 points de raccordements haut débit dont il dispose actuellement. Free, qui ne souhaite pas investir dans l’ATM, qu’il juge être une technologie obsolète, demande néanmoins à être placé dans une situation comparable à celle de Neuf Cegetel, et à bénéficier des tarifs plus faibles qu’une telle offre permettrait.

Free précise avoir proposé à France Télécom de prendre en charge les investissements nécessaires à cette évolution, c’est à dire à l’installation de nouveaux BAS, proposition restée sans réponse.

Sur l’intérêt des consommateurs et des  territoires

Free indique que le bénéfice des utilisateurs et l’intérêt des territoires sont incompatibles avec la structure tarifaire de l’offre « DSL Collect IP », qui conduit l'opérateur à proposer, en zones non dégroupées, des offres de détail en retrait par rapport à celles proposées en zones dégroupées.

Free évoque ainsi l’absence, dans son parc « DSL Access », d’accès en ADSL2+ et la nécessité pour lui de mettre en œuvre […].

Free indique enfin que l’ensemble de ses demandes est raisonnable.

Vu les observations en défense enregistrées le 13 mars 2007, présentées par la société France Télécom, RCS Paris n° 380129866, dont le siège social est situé 6 place d’Alleray Paris cedex 15, représentée par Monsieur Eric Debroeck, directeur de  la  réglementation ;

I-  Sur les demandes

France Télécom demande à l’Autorité de rejeter l’ensemble des prétentions de Free, qu’elle juge irrecevables.

II-  Sur la recevabilité

Sur l’échec des négociations

France Télécom précise que, comme indiqué dans ses courriers datés du 26 octobre 2006 et du 5 janvier 2007, elle n’a jamais refusé d’échanger sur le sujet. France Télécom précise a contrario que l’envoi de courriers presque simultanément de la part de Free atteste de sa volonté évidente de suspendre unilatéralement toute discussion.

France Télécom indique que Free entend depuis l’origine limiter les discussions à l’approbation pure et simple de sa proposition du 19 octobre 2006, alors que la détermination des tarifs « DSL Collect IP » était réglementairement encadrée, que par ailleurs un groupe de travail étudiait les modes d’allocation des coûts de collecte et enfin qu’un autre groupe de travail visant à examiner la question de la tarification de la collecte IP et ATM allait être lancé de manière imminente.

France Télécom précise que les courriers de janvier 2007 de Free présentent une vision manifestement tronquée de la réalité en affirmant, sur le seul fondement de l’annulation de la réunion du 18 janvier et de la retranscription unilatérale d’un échange téléphonique, l’existence d’un « refus de France Télécom de s’engager dans une démarche de rapprochement des points de vue ».

France Télécom déclare que Free ne produit en réalité aucun document matérialisant un quelconque constat d’échec des négociations. En conséquence, France Télécom considère qu’aucune demande d’évolution du tarif de son offre de collecte IP ne peut prospérer au titre de la présente saisine. Dès lors, France Télécom estime que l’Autorité ne peut considérer sur la base de ces éléments que le désaccord serait avéré entre les parties et ouvrirait la voie à un arbitrage dans les conditions prévues à l’article L. 36-8 du CPCE.

France Télécom estime en outre que, dans les décisions n° 00-489 et n° 00-1092, l’Autorité a retenu que les conditions de recevabilité doivent être appréciées « à la date de la demande ». Or, France Télécom soutient que Free ne démontre pas l’échec des négociations et qu’il ne saurait être accepté que le simple fait qu’un opérateur affirme l’échec des négociations suffise à ce qu’il soit avéré.

Sur la compétence de l’Autorité

France Télécom soutient que Free confond la reconnaissance par l’Autorité d’une infraction éventuelle à la réglementation avec la mission qui lui a été confiée par le législateur au titre de l’article L. 36-8 du CPCE. France Télécom estime qu’en demandant à l’Autorité de constater que l’évaluation forfaitaire du trafic de l’offre de collecte ATM ne respecte pas l’article D. 99-10 du CPCE, Free méconnaît la compétence de l’Autorité au regard de l’article L. 36-8 du CPCE. France Télécom souligne en outre que les principes de l’article D.99-10 n’impliquent en aucune façon que la tarification reflète les coûts sous-jacents et renvoie à ce titre à la décision n° 06-551 de l’Autorité.

France Télécom indique que Free admet que les dispositions contractuelles en cours s’appliquent, celles-ci n’ayant pas été contestées par Free qui se borne à faire le constat d’un échec des négociations sur sa demande d’évolution de la tarification pour l’avenir de l’offre de collecte IP.

France Télécom estime que Free ne peut demander à l’Autorité de modifier pour le passé des conditions contractuelles en vigueur entre les parties, et proposées à l’ensemble des opérateurs de manière non discriminatoire, sans méconnaître le principe de non rétroactivité des actes administratifs et la jurisprudence du Conseil d’Etat selon laquelle un règlement de différend comportant un effet rétroactif est entaché d’une incompétence ratione temporis.

III-    Sur le fond

Sur les tarifs de l’offre « DSL Collect IP  »

France Télécom estime que l’offre « DSL Collect IP » est orientée vers les coûts, ces coûts étant déterminés sur la base du coût d’usage effectif du réseau pour un opérateur efficace dans les zones où l’offre « DSL Collect IP » est effectivement souscrite.

France Télécom précise que ces coûts sont susceptibles d’augmenter avec l’extension du dégroupage. France Télécom estime ainsi que ses coûts prévisionnels 2007, proches des tarifs actuels, sont nettement supérieurs aux tarifs demandés par Free. L’opérateur rappelle qu’en septembre 2006, l’offre « DSL Collect IP » a connu une importante baisse, sans qu’il y ait eu parallèlement d’évolution de l’offre « DSL Collect ATM ».

France Télécom estime que si des coûts fixes existent bel et bien, Free en sous-estime le poids, notamment celui des conduits 2 Mbit/s reliant les répartiteurs non fibrés, et qu’il n’y a pas de règle évidente pour déterminer l’inducteur de coût pertinent, le groupe présidé par Dominique Bureau, traitant de l’allocation des coûts joints de collecte, n’ayant de plus pas apporté de réponse définitive sur ce point. France Télécom estime en outre que le trafic unitaire diffère notablement selon les opérateurs et qu’il serait injuste de retenir une tarification égale quel que soit l’usage.

France Télécom estime également que la mise en œuvre d’une facturation à l’accès serait incertaine car la prestation de collecte ne se réfère qu’au débit et pas à l’accès et ne pourrait être immédiate car elle devrait pouvoir s’appliquer à tout type d’opérateur, en particulier à ceux qui réalisent de la collecte compte de tiers, ce qui nécessiterait un délai d’au moins un an pour faire évoluer son système d’information.

France Télécom estime de plus que selon la présentation faite par l’ARCEP lors de la réunion multilatérale du 23 novembre 2006, relative à la modélisation des réseaux de collecte, la demande de Free place le tarif de l’offre de collecte IP à un niveau d’éviction pour le dégroupage des répartiteurs de 3500 lignes.

Sur la comparaison des offres « DSL Collect ATM » et « DSL Collect IP »

France Télécom précise que le montant de l’abonnement mensuel d’un conduit de collecte ATM est égal au maximum du débit garanti souscrit par l’opérateur et du nombre d’accès DSL du conduit de collecte, multiplié par un débit unitaire plancher, par accès, établit aujourd’hui à 25 kbit/s.

France Télécom estime que l’offre « DSL Collect ATM » n’est pas tarifée forfaitairement à l’accès, la plupart des opérateurs garantissant un débit supérieur à 25 kbit/s, et qu’elle ne confère donc aucun avantage concurrentiel aux opérateurs l’utilisant, d’autant plus que les conditions de commercialisation de ces deux offres sont non discriminatoires entre opérateurs.

France Télécom indique en outre avoir « débridé » mi-2005 le trafic des conduits de collecte pour permettre aux opérateurs de bénéficier d’un écoulement d’un trafic plus important, à la demande de l’ARCEP et de plusieurs opérateurs, afin de rapprocher cette facturation de celle de la collecte IP, tarifée à la quantité de trafic consommé, telle que mesurée selon la méthode du 95ième percentile.

France Télécom estime que l’écart tarifaire entre la collecte IP et la collecte ATM doit être maintenu dans la continuité de la régulation mise en œuvre par l’Autorité et des décisions prises par le Conseil de la Concurrence depuis 1999, visant à préserver un espace économique entre ces offres.

France Télécom souligne que l’avis n° 05-0089 de l’Autorité a permis d’évaluer l’écart nécessaire entre les tarifs de la collecte ATM et ceux de la collecte IP, écart estimé à 3 euros pour un débit moyen de 23 kbit/s et à 7 euros pour un débit moyen de 50 kbit/s. France Télécom estime, au regard de cette décision, que les tarifs actuels sont conformes aux objectifs de l’ARCEP et que les tarifs demandés par Free ne sont pas acceptables.

Sur la possibilité d’une livraison de l’offre « DSL Collect IP » au niveau départemental

France Télécom indique que l’exploitation de nouveaux BAS, contraire à l’efficacité économique, ne relève pas de ses obligations réglementaires, dès lors que cette architecture n’est pas utilisée pour ses propres besoins. France Télécom ajoute que cette évolution serait illogique dans la mesure où elle réfléchit à des scenarii de suppression des BAS et que Free dispose d’ores et déjà de l’offre « DSL Collect ATM », pour bénéficier d’une offre plus capillaire.

Sur l’intérêt des consommateurs et des  territoires

France Télécom ajoute avoir libéré le débit remontant en faveur des consommateurs, que l’ADSL2+ est disponible en zones non dégroupées et que […].

France Télécom estime que […].

Vu les observations en réplique enregistrées le 2 avril 2007 présentées par la société Free SAS ;

I-  Sur la recevabilité

Sur l’échec des négociations

Free estime n’avoir saisi l’Autorité que lorsqu’il a eu la certitude que France Télécom refusait de négocier. Free indique en outre que la doctrine de l’Autorité considère, au regard de la décision de règlement de différend n° 06-1179, que l’échec des négociations est noué dès lors que le demandeur n’obtient pas de réponse à sa demande.

Free indique que les conditions techniques et financières d’une offre de gros soumise à des obligations peuvent faire l’objet d’une demande d’arbitrage. Free précise que le CPCE ne prévoit pas que des demandes de règlement de différend seraient irrecevables dès lors qu’elles porteraient sur les conditions techniques et financières d’une offre de gros. Free ajoute que l’Autorité peut être saisie à tout moment d’une demande d’arbitrage quand bien même des travaux seraient en cours.

Sur la compétence de l’Autorité

Free indique qu’il ne sollicite pas de l’Autorité le prononcé de constats ou de sanctions mais qu’il demande à l’Autorité de partager sa perception selon laquelle les offres de collecte ATM et IP ne respectent pas les principes généraux posés par le législateur. Free confirme ainsi que l’Autorité peut et doit imposer dans le cadre d’une demande d’arbitrage que des tarifs d’accès respectent les principes posés par l’article D.99-10 du CPCE.

Par ailleurs, Free indique que le moyen soulevé par France Télécom, selon lequel l’Autorité ne peut modifier pour le passé des conditions contractuelles en vigueur entre les parties, doit être écarté dans la mesure où l’Autorité a considéré, en matière tarifaire, que ses décisions pouvaient prendre effet à la date à laquelle le désaccord était intervenu, ce qui a été confirmé par l’arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 20 janvier 2004.

Free soutient en outre que les prestations effectuées par France Télécom sont exécutées sous l’empire de conditions contractuelles définies unilatéralement par France Télécom.

II-   Sur le fond

Sur les tarifs de l’offre « DSL Collect IP  »

Free estime que France Télécom ne produit aucun élément prouvant que ses tarifs actuels sont orientés vers les coûts et que l’extension géographique du dégroupage est pratiquement sans effet sur les revenus de France Télécom, dans la mesure où elle reçoit des revenus à travers le paiement de redevances récurrentes liées au dégroupage et aux prestations connexes du dégroupage.

Free estime qu’une tarification partielle à l’accès n’est pas problématique dans la mesure où il n’existe pas de différences très importantes de consommation entre opérateurs et où la modification de la structure tarifaire que Free demande pourrait être réalisée à tout moment grâce aux outils dont dispose France Télécom. Free indique en outre qu’il ne fait pas de collecte pour compte de tiers.

Free estime que sa demande conduirait à une facture moyenne de 4 à 5 euros HT par accès et par mois, ce qu’il estime ne pas constituer un tarif d’éviction pour 2000 répartiteurs dégroupés, au vu du modèle de coût de collecte mis en consultation par l’Autorité.

Sur la comparaison des offres « DSL Collect ATM » et « DSL Collect IP »

Free estime que les avis et décisions cités par France Télécom, visant à préserver un écart tarifaire entre la collecte IP et la collecte ATM, doivent être replacés dans leur contexte, à savoir une situation réglementaire différente et des réseaux de collecte des opérateurs tiers alors plus faiblement déployés du fait du dégroupage encore naissant.

Free ajoute que la collecte ATM n’est désormais plus utilisée par les opérateurs tiers pour commercialiser, sur le marché de gros, des accès livrés au niveau national en mode IP et que le maintien d’un écart tarifaire entre les collectes IP et ATM n’est plus pertinent en 2007.

Free note d’une part que France Télécom ne donne aucun élément d’information sur le trafic réellement consommé en « DSL Collect ATM », et d’autre part que cette offre, tarifée forfaitairement, n’est pas sensible au trafic consommé, contrairement à l’offre « DSL Collect IP ».

Sur la possibilité d’une livraison de l’offre « DSL Collect IP » au niveau départemental

Free estime qu’il est techniquement et financièrement impossible de basculer l’ensemble de son parc en ATM comme l’y invite France Télécom, et qu’il serait illogique d’investir dans l’ATM, qui selon Free est une technologie chère et obsolète.

Free estime que la multiplication des BAS est possible et simple à mettre en œuvre et que France Télécom reconnaît que son offre de gros est inefficace aux dépends des opérateurs alternatifs qui l’utilisent.

Sur l’intérêt des consommateurs et des  territoires

Free estime que l’offre bi-VC de France Télécom ne peut être mise en œuvre, du fait de son tarif historiquement dissuasif, des frais actuels relatifs à la modification du nombre de VC, et enfin, du fait du doublement du nombre d’équipements LNS que cette migration impliquerait.

Free indique ne pas pouvoir fournir d’ADSL2+ en zones non dégroupées du fait des tarifs de modification des accès excessifs et des tarifs élevés de la collecte IP.

Free ajoute que ses raccordements sont très largement dimensionnés.

Vu les observations en réplique enregistrées le 23 avril 2007 présentées par la société France Télécom ;

I-  Sur la recevabilité

Sur l’échec des négociations

France Télécom précise qu’elle n’a jamais indiqué que l’existence d’obligations sur le marché de gros avait pour effet de rendre irrecevable la saisine de Free mais qu’il semble difficilement concevable qu’un arbitrage remette en cause des principes définis au titre de la régulation ex ante.

France Télécom estime que Free ne peut se prévaloir d’une quelconque symétrie avec la décision n° 06-1179 dans la mesure où pour ce différend Free avait expressément refusé la demande qui lui avait été faite par la société Coordialis. France Télécom indique que l’Autorité s’est fondée, dans le cadre de la décision précitée, sur l’existence d’échanges pour considérer que l’échec des négociations était formé.

Sur la compétence de l’Autorité

France Télécom indique que la demande de Free, visant à ce que l’ARCEP partage sa perception selon laquelle les offres de collecte ATM et IP ne respectent pas les principes généraux posés par le législateur, est sans fondement dans le cadre d’une demande d’arbitrage aux motifs qu’elle n’entre pas dans les prérogatives de l’ARCEP au titre de l’article L. 36-8 du CPCE et qu’elle conduirait l’Autorité à qualifier une pratique sanctionnable alors même que ces offres sont encadrées par l’Autorité.

France Télécom indique que la position défendue par Free empêche celui-ci de réclamer la fixation de conditions techniques et tarifaires de l’offre de collecte IP antérieurement à l’envoi de courrier établissant selon Free l’échec des négociations. France Télécom indique qu’à aucun moment des discussions engagées par Free, celui-ci n’a dénoncé les grilles tarifaires  qui lui ont été communiquées dans les formes prévues par les accords auxquels il a souscrit et signés, ce qui ne saurait dès lors faire courir contractuellement la période litigieuse.

France Télécom déclare que c’est  à  tort  que  Free  sollicite  de  l’ARCEP  qu’elle  fixe  au 1er janvier 2007 des conditions techniques et tarifaires qui n’ont pas été remises en cause. France Télécom déclare qu’une décision de l’Autorité qui fixerait les conditions techniques et tarifaires de l’offre au 1er janvier 2007 empièterait sur les conditions contractuelles en vigueur entre les parties et ce, en contradiction avec les principes posés par la jurisprudence constante de la Cour d’appel de Paris.

II-   Sur le fond

Sur les tarifs de l’offre « DSL Collect IP  »

France Télécom confirme que la demande de Free est inférieure à ses coûts et conduirait à un tarif d’éviction.

France Télécom estime également que le revenu de l’accès n’a pas vocation à rémunérer les coûts de la prestation de collecte et que le revenu du dégroupage, dont le niveau d’extension est, selon France Télécom, très contrasté entre les opérateurs, n’a pas vocation à rémunérer les coûts de collecte.

Sur la comparaison des offres « DSL Collect ATM » et « DSL Collect IP »

France Télécom indique que le passage d’un débit IP à un débit ATM se fait par un facteur multiplicatif de 1,25 et non par un facteur inférieur à 1 comme le prétend Free.

France Télécom indique, en outre, que le débit garanti souscrit par les opérateurs ATM était en moyenne de […]kbit/s en 2006 et de […]kbit/s en mars 2007, soit une valeur supérieure au « forfait » de 25 kbit/s évoqué par Free, et, qui plus est, du même ordre de grandeur que la consommation moyenne en IP avancée par Free dans ses écritures.

France Télécom ajoute que la règle de facturation de la collecte IP écrête les pics de trafic selon à la méthode du 95ième percentile, effet d’autant plus important que le nombre de points de raccordement est réduit et qui n’existe pas en ATM.

France Télécom estime, sur la base de sa propre simulation, que les tarifs actuels de ses offres de collecte permettent à Free de bénéficier de conditions économiques équivalentes en IP à celles qu’il pourrait obtenir en ATM avec un taux de raccordement local suffisant.

France Télécom estime que le maintien d’un écart tarifaire entre l’ATM et l’IP est d’autant plus nécessaire que de nouveaux acteurs sont entrés sur le marché et que l’offre ATM constitue un enjeu majeur pour plusieurs opérateurs.

France Télécom estime que Free ne peut méconnaître les travaux en cours dans le secteur ni les réunions multilatérales au cours desquelles plusieurs opérateurs ont indiqué ne pas partager les revendications de Free.

Sur la possibilité d’une livraison de l’offre « DSL Collect IP » au niveau départemental

France Télécom indique que Free n’est pas cohérent en prétendant que l’installation de BAS par France Télécom serait aisée et la migration du parc de Free d’IP en ATM irréalisable.

Sur l’intérêt des consommateurs et des  territoires

France Télécom estime que Free surévalue le coût d’une migration de son parc en bi-VC et confirme qu’il sous dimensionne sa collecte dès lors que sa facture a diminué alors que son parc a augmenté.

France Télécom confirme par ailleurs que dans le cadre des décisions de l’ARCEP et du Conseil de la concurrence, l’évolution des conditions tarifaires de l’offre « DSL Collect IP » ne peut se faire que dans le cadre d’une analyse globale cohérente avec les tarifs de l’offre « DSL Collect ATM ».

Vu le courrier du chef du service juridique en date du 25 avril 2007 adressé aux parties leur transmettant le questionnaire des rapporteurs et fixant au 11 mai 2007 la clôture des réponses ;

Vu le courrier de la société Free SAS enregistré le 4 mai 2007 souhaitant un délai pour répondre au questionnaire des rapporteurs ;

Vu le courrier de l’adjoint au chef du service juridique en date du 7 mai 2007 adressé aux parties maintenant au 11 mai 2007 la clôture des réponses au questionnaire des rapporteurs ;

Vu les réponses des parties enregistrées le 11 mai 2007 au questionnaire des  rapporteurs ;

Sur les coûts de France Télécom

France Télécom estime que le revenu de l’accès n’a pas vocation à rémunérer les coûts de la prestation de collecte et que l’obligation de non éviction ne peut être considérée globalement, comme la somme de l’accès et de la collecte. France Télécom estime que ceci reviendrait à lui laisser la possibilité de subventionner la collecte par l’accès, ce que France Télécom dit ne pas faire, et ce qui ne pourrait être fait par un opérateur alternatif.

France Télécom indique également que le modèle de coût de collecte développé par l’ARCEP ne peut être adapté pour modéliser ses propres coûts dans la mesure où le modèle ne prévoit pas de réseau de brassage ATM régional. Selon France Télécom, les choix faits par Free (technologies propriétaires spécifiques ou taux de bouclage minimal) sont inadaptés à un réseau desservant 12 500 répartiteurs et nécessitant une sécurisation importante.

France Télécom fournit ses coûts prévisionnels 2007 relatifs à la prestation « DSL Collect    IP », en distinguant ses principaux postes de coûts, ramenés à un coût par accès ou par Mbit/s. Ces coûts s’élèvent à […] euros par accès et de […] euros par Mbit/s, en ramenant à l’accès les coûts de génie civil et de câble et au Mbit/s les coûts des équipements actifs.

France Télécom précise enfin que des augmentations de […] des débits moyens par abonné conduiraient respectivement à des augmentations du coût des équipements actifs de […].

Sur l’évaluation du coût pour un opérateur alternatif efficace

France Télécom indique que le modèle de coût de collecte développé par l’ARCEP présente trois inconvénients majeurs : il minimise les kilomètres et non les coûts ; il ne prend pas en compte les coûts de reconfiguration des infrastructures à chaque étape de son déploiement ; le réseau modélisé n’est pas fonctionnel, du fait de la technique de chaînage des DSLAM envisagée et de l’absence de fibres supplémentaires ou d’équipements WDM pour transporter en parallèle des flux ATM et IP.

Free estime en revanche que le modèle développé par l’ARCEP décrit un réseau qui fonctionne parfaitement. En effet, Free indique chaîner, dans son propre réseau, des DSLAM qui incluent des fonctions de premier niveau de routage. Free ajoute que le taux de bouclage qu’il observe pour son propre réseau est faible, cohérent avec l’hypothèse retenue par l’Autorité dans son modèle de coût de collecte et que son réseau est principalement constitué d’IRU achetés auprès de la société Neuf Cegetel.

Free indique qu’une augmentation de 10 % du débit moyen par abonné serait sans incidence sur ses coûts, tandis qu’une augmentation de 50 % conduirait à un coût supplémentaire de près de 3 millions d’euros, pour la mise à jour des transpondeurs et des cartes de certains routeurs IP.

Sur la possibilité d’une livraison de l’offre « DSL Collect IP » au niveau départemental

Free indique que le nombre et la localisation des BAS de France Télécom permettrait d’ores et déjà, dans un très grand nombre de cas, la livraison du trafic IP à un niveau départemental.

France Télécom indique que les investissements qui seraient induits par la multiplication des BAS pourraient ne pas être rentabilisés et que cette multiplication aurait un impact majeur sur son propre réseau.

France Télécom estime par ailleurs que la multiplication des BAS au niveau départemental ne fait pas partie des demandes de Free et ne peut pas, à ce titre, être traitée dans le cadre du présent litige.

Sur les débits moyens des abonnés

Free indique qu’en moyenne la demande libre de débit est de 110 kbit/s, hors flux audiovisuels, pour un abonné dégroupé et comprise entre […] kbit/s pour un abonné non dégroupé en ADSL.

France Télécom indique que les débits moyens constatés, sur son propre parc de détail sont :

- de […]kbit/s pour les offres inférieures ou égales à 1 Mbit/s ;

- de […]kbit/s pour les offres comprises entre 1 et 8 Mbit/s ;

- et de […]kbit/s pour les offres à 18 Mbit/s.

Vu le courrier de la société Free SAS enregistré le 14 mai 2007 transmettant des éléments complémentaires à l’appui de sa réponse au questionnaire des rapporteur ;

Vu le courrier du chef du service juridique en date du 15 mai 2007 informant les parties que la date d’audience est fixée au 24 mai 2007 à 9h30 ;

Vu le courrier de la société Free SAS enregistré le 16 mai 2007 transmettant des éléments complémentaires à l’appui de sa réponse au questionnaire des rapporteur ;

Free indique que conformément à ses comptes consolidés au 31 décembre 2006, la valeur moyenne des IRU qu’il a acquis est de 4,67 euros par mètre linéaire et que le poste « équipements de transmission et routage IP » représente 19,6 millions d’euros d’immobilisations brutes.

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 18 mai 2007 transmettant de nouvelles observations relatives aux réponses de Free SAS au questionnaire des rapporteurs ;

France Télécom estime que les informations transmises par Free ne sont pas représentatives de l’ensemble des opérateurs alternatifs et ne peuvent être utilisées telles quelles, dans la mesure où elles concernent à la fois son réseau régional et son réseau national, ce qui conduirait à considérer à tort que ces deux types de réseau présentent des coûts homogènes.

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 18 mai 2007 demandant la communication des fichiers dont Free SAS a demandé le classement en secret des affaires, ainsi que toutes les données non versées au contradictoire dans le cadre de la présente procédure et dont les rapporteurs auraient pu avoir connaissance ;

Vu le courrier du chef du service juridique en date du 21 mai 2007 adressé à France Télécom indiquant qu’aucun élément couvert par le secret des affaires n’a été communiqué aux rapporteurs et qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de France Télécom de lui communiquer les fichiers dont Free SAS a demandé le classement en secret des affaires, ainsi que toutes les données non versées au contradictoire ;

Vu le courrier de la société Free SAS enregistré le 21 mai 2007 indiquant que l’instruction aurait gagné selon lui à être allongée ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 22 mai 2007 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Vu le courrier de la société Free SAS enregistré le 23 mai 2007 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Après avoir entendu le 24 mai 2007, lors de l'audience devant le collège (composé de M. Paul Champsaur, président, de Mmes Gabrielle Gauthey, Joëlle Tolédano, et de MM. Edouard Bridoux, Nicolas Curien, Denis Rapone, Patrick Raude) :

· le rapport de MM. Igor Primault et Sylvain Moll, rapporteurs présentant les conclusions et les moyens des parties ;

· les observations de MM. Franck Brunel et Alexandre Archambault, pour la société Free SAS ;

· les observations de M. Eric Debroeck pour la société France Télécom.

En présence de :

· MM. Franck Brunel et Alexandre Archambault, pour la société Free SAS ;

· MM. Eric Debroeck, Jean Mazier, Roland Grima, Marc Lebourges, Houmed Ibrahim, Gabriel Lluch et Mme Isabelle Crocq, pour la société France Télécom ;

· M. Philippe Distler, directeur général, M. François Lions, directeur général adjoint, MM. Igor Primault, Sylvain Moll, Vincent Gougeon, Mmes Joëlle Adda, Pascale Terral agents de l'Autorité ;

Sur la publicité de l'Audience

L'article 14 du règlement intérieur susvisé dispose que « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe le collège de l'Autorité en délibère ». Free et France Télécom ont indiqué par courriers enregistrés respectivement le 23 mai 2007 et le 22 mai 2007 qu'ils ne souhaitaient pas que l'audience soit publique. Par conséquent l'audience n'a pas été publique.

Le collège (composé de M. Paul Champsaur, président, de Mmes Gabrielle Gauthey, Joëlle Tolédano, et de MM. Edouard Bridoux, Nicolas Curien, Denis Rapone, Patrick Raude) en ayant délibéré le 7 juin 2007, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité ;

Adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après.

I- Sur la recevabilité de la saisine formée par la société Free

I.1- Sur la compétence de l’Autorité

Aux termes des dispositions de l’article L. 36-8 (I) du code des postes et des communications électroniques (CPCE), « en cas de refus d’accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès au réseau de communications électroniques, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut être saisie du différend par l’une ou l’autre partie ».

Ainsi, il résulte des dispositions précitées que l’Autorité peut être saisie d’une demande de règlement de différend par un opérateur qui a signé une convention d’accès avec un autre opérateur afin notamment de régler un différend relatif à un échec des négociations ou un désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’accès à un réseau de communications électroniques.

Aux termes des dispositions de l’article L. 32 8) du CPCE « on entend par accès toute mise à disposition de moyens, matériels ou logiciels, ou de services, en vue de permettre au bénéficiaire de fournir des services de communications électroniques. Ne sont pas visés par le présent code les systèmes d’accès sous condition et les systèmes techniques permettant la réception de services de  communication  audiovisuelle,  définis  et  réglementés  par  la  loi n° 86-1087 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ».

L’Autorité a précisé à l’article 1er de la décision n° 05-0280 du 19 mai 2005 que « France Télécom doit faire droit à toute demande raisonnable d’accès à des éléments de réseau, ou à des moyens qui y sont associés portant sur le marché de gros des offres d’accès large bande livrés au niveau régional. Elle doit notamment offrir les prestations d’accès suivantes : (…) une offre d’accès en interface IP et en interface ATM ».

En conséquence, l’offre « DSL Collect IP » proposée par France Télécom a pour finalité de déterminer les modalités techniques et financières d’une offre de collecte de trafic en mode IP, issu d’accès large bande livrés au niveau régional permettant aux opérateurs de communications électroniques et notamment à la société Free de fournir à ses abonnés un accès haut débit en dehors des zones dégroupées.

Il s’ensuit que l’offre « DSL Collect IP » proposée par France Télécom constitue une prestation d’accès au sens des dispositions de l’article L. 32 8) du CPCE.

Ainsi, l’Autorité est compétente pour trancher un différend entre deux opérateurs de communications électroniques résultant de l’échec des négociations ou d’un désaccord sur l’exécution d’une convention « DSL Collect IP », qualifiable de convention d’accès. Pour autant, la compétence qui est reconnue à l’Autorité pour connaître du différend intervenu entre les sociétés Free et France Télécom ne saurait préjuger de la recevabilité de la demande formulée par la société Free dans le cadre de sa saisine.

I.2- Sur la recevabilité des demandes formées par la société Free dans le cadre de sa saisine

Sur la fin de non recevoir opposée par France Télécom tirée de ce que la procédure de règlement de différend ne saurait qualifier un non respect d’une obligation réglementaire 

France Télécom soutient, dans ses observations en défense, que Free confond « la reconnaissance par l’ARCEP d’une infraction éventuelle à la réglementation avec la mission qui lui a été confiée par le législateur au titre de l’article L. 36-8 du CPCE ». France Télécom estime qu’en « demandant à l’ARCEP de constater que l’évaluation forfaitaire du trafic consommé de l’offre d’accès interfaces ATM ne respecte pas l’article D. 99-10 du code des postes et des communications électroniques », Free méconnaît la compétence du régulateur au regard de l’article L. 36-8 du CPCE. Par ailleurs, France Télécom cite, à l’appui de ses observations en défense, la décision n° 05-1009 de l’Autorité en date du 1er décembre 2005 relative un différend survenu entre les sociétés Western Télécom et France Télécom.

Il résulte des observations en défense formées par France Télécom que cette dernière entend déplacer le différend sur le terrain de l’article L. 36-11 du CPCE relatif à la procédure de sanction. En effet, France Télécom considère que Free demande à l’Autorité de constater le non respect par France Télécom des dispositions de l’article D. 99-10 du CPCE aux termes duquel « les conditions tarifaires des conventions d’interconnexion et d’accès respectent les principes d’objectivité et de transparence. Elles doivent pouvoir être justifiées sur demande de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ».

À l’appui  de  son  argumentation,  France  Télécom  invoque  la  décision  n°  05-1009  du  1er décembre 2005 dans laquelle l’Autorité avait indiqué que « (…) la procédure de règlement de différend définie à l’article L. 36-8 ne vise pas à sanctionner le non respect d’une obligation réglementaire mais à résoudre un refus d’accès ou d’interconnexion, l’échec des négociations commerciales ou un désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’accès ou d’interconnexion (…) ».

France Télécom procède toutefois à une lecture incomplète de la décision précitée. En effet, la société Western Télécom, qui était demanderesse au cas d’espèce, avait expressément demandé à l’Autorité, dans le cadre de sa saisine, de constater que France Télécom « pratiquait des prix discriminant non orientés vers les coûts et non transparents sur le transit international de gros (…) ».

En l’espèce, Free fait référence à de nombreuses reprises, dans le cadre de sa saisine, aux dispositions de l’article D. 99-10 du CPCE. En effet, Free souligne notamment que « les tarifs de l’offre d’accès en interface IP et ATM sont tenus d’être transparents et objectifs, comme l’impose le code », que « le principe d’objectivité et de transparence posé à l’article D. 99-10 du CPCE doit conduire l’offre tarifaire de France Télécom à refléter la structure des coûts sous jacent » et qu’au « cas d’espèce de l’offre d’accès en interface IP, Free est fondée à faire valoir que la structure tarifaire de celle-ci se doit de comprendre une partie fixe, indépendante du trafic traité afin d’être conforme aux principes posés par l’article D. 99-10 du code des postes et des communications électroniques ».

Toutefois, Free ne demande aucunement à l’Autorité de constater que France Télécom ne respecte pas les dispositions de l’article D. 99-10 du CPCE. Or, l’Autorité a eu l’occasion de rappeler dans la décision n° 01-0474 du 18 mai 2001 qu’elle est liée par les demandes des parties et qu’elle ne peut statuer au-delà ou en deçà de ce qui lui a été demandé. Dans ces conditions, l’Autorité doit uniquement se prononcer sur la demande qui lui a été présentée par Free dans le cadre de sa saisine, laquelle n’a pas pour objet de demander à l’Autorité de se prononcer sur le respect par France Télécom des dispositions de l’article D. 99-10 du CPCE.

Par ailleurs, il convient de se reporter à l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 30 janvier 20071 à la suite d’un recours formé par la société SFR à l’encontre d’une décision de règlement de différend2 qui avait enjoint à SFR de proposer à AFONE, sur le fondement de l’arrêté du 18 juillet 20013, « une offre permettant l’accueil d’AFONE en tant qu’opérateur mobile virtuel sur son réseau ».

SFR soutenait que l’ARCEP ne pouvait pas, dans le cadre d’un règlement de différend, lui imposer de se conformer à l’arrêté du 18 juillet 2001 au motif que l’appréciation du respect d’une autorisation administrative relèverait de la procédure prévue à l’article L. 36-11 du CPCE.

La Cour d’appel de Paris a écarté ce premier moyen au motif que l’Autorité « qui n’a pas fait usage de son pouvoir de sanction (…) s’est bornée à prendre en considération le contexte législatif et réglementaire applicable au différend opposant SFR à Afone, qu’il lui incombait de trancher en application de l’article L. 36-8 (…) ». En outre, la Cour d’appel de Paris a considéré que « la circonstance que l’ARCEP n’ait pas fait usage envers SFR, à l’issue du contrôle qu’elle a effectué sur la foi des documents remis par cette dernière, de son pouvoir de sanction au titre d’un manquement à l’arrêté d’autorisation du 18 juillet 2001, ne la prive pas du droit de constater un tel manquement à l’occasion du règlement d’un différend opposant SFR à un opérateur désireux de conclure une convention MVNO ».

Ce faisant, la Cour d’appel de Paris reconnaît non seulement l’indépendance des deux procédures mais également la possibilité pour l’Autorité d’enjoindre à un opérateur, dans le cadre d’une décision de règlement de différend, de mettre en œuvre de manière effective ses obligations issues d’une autorisation administrative.

En conséquence, la fin de non recevoir tirée de ce que Free aurait demandé à l’Autorité de constater le non respect par France Télécom des dispositions de l’article D. 99-10 du CPCE doit être écartée dans la mesure où Free n’a jamais formulé une telle demande dans le cadre de sa saisine. Le moyen opposé par France Télécom ne saurait remettre en cause la recevabilité de la demande formée par Free dans le cadre de sa saisine.

Sur la fin de non recevoir opposée par France Télécom tirée de l’absence d’échec des négociations.

La société France Télécom soutient, dans ses observations en défense, qu’il n’y a pas eu un échec des négociations entre les sociétés Free et France Télécom aux motifs que la société Free « entend depuis l’origine manifestement limiter les discussions à l’approbation pure et simple par France Télécom de sa proposition du 19 octobre 2006 alors que France Télécom a indiqué » que « la détermination des tarifs de DSL Collect IP était réglementairement encadrée » et qu’un « groupe de travail rassemblant l’ensemble du secteur étudiait le mode d’allocation des coûts de collecte et qu’un groupe de travail sur la tarification de la collecte IP et ATM allait être lancé de manière imminente ».

En outre, la société France Télécom considère que « Free ne produit en réalité aucun document matérialisant un quelconque constat d’échec des négociations ». En conséquence, France Télécom estime qu’ « aucune demande sur l’évolution du tarif de l’offre de collecte IP ne peut perdurer au titre de la présente saisine, de même qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier présenté dans la saisine qu’un refus définitif n’ait été opposé à Free par France Télécom ».

Enfin, la société France Télécom invoque, à l’appui de ses observations en défense, les décisions n° 00-489 et n° 00-1092 dans lesquelles l’Autorité a retenu, selon France Télécom, que les conditions de recevabilité doivent être appréciées « à la date de la demande ». Or, France Télécom soutient que « Free ne démontre pas dans sa saisine que les négociations qu’elle a engagées avec France Télécom feraient l’objet d’un désaccord ».

Au regard de l’ensemble des éléments invoqués par France Télécom à l’appui de ses observations en défense, il convient d’examiner la pertinence de chacun des arguments soulevés en défense par France Télécom.

Sur l’argument opposé en défense par France Télécom tiré de ce qu’un groupe de travail rassemblant l’ensemble du secteur étudiait le mode d’allocation des coûts de collecte et qu’un groupe de travail sur la tarification de la collecte IP et ATM allait être lancé de manière imminente

Pour apprécier la pertinence de l’argument invoqué par France Télécom, à l’appui de sa fin de non recevoir, il convient de se reporter aux dispositions des articles L. 34-8 (I) et L. 36-8 (I) du CPCE.

Aux termes des dispositions de l’article L. 34-8 (I) b) du CPCE « l’interconnexion ou l’accès font l’objet d’une convention de droit privé entre les parties concernées. Cette convention détermine, dans le respect des dispositions du présent code et des décisions prises pour son application, les conditions techniques et financières de l’interconnexion ou de l’accès (…). Lorsque cela est indispensable pour respecter les objectifs définis à l’article L. 32-1, l’Autorité peut imposer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l’accès ou de l’interconnexion (…) à la demande d’une de parties, dans les conditions prévues à l’article L. 36-8 ».

Ainsi, il apparaît à la lecture des dispositions précitées que les conventions d’accès sont des conventions de droit privé librement négociées par les parties au contrat sous réserve de respecter les dispositions du CPCE et les décisions prises pour son application. En outre, il apparaît également, à la lecture des dispositions de l’article L. 34-8 (I) b) du CPCE, que l’Autorité a compétence pour imposer à la demande d’une des parties au contrat, dans les conditions prévues à l’article L. 36-8 du CPCE, les modalités de l’accès ou de l’interconnexion afin de permettre la mise en œuvre effective des objectifs de régulation mentionnés à l’article L. 32-1 du CPCE.

En outre, aux termes des dispositions de l’article L. 36-8 (I) du CPCE « en cas de refus d’accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès au réseau de communications électroniques, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut être saisie du différend par l’une ou l’autre partie (…). Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés (…) ».

Il résulte de ce qui précède que l’Autorité a compétence d’une part, pour imposer à la demande d’une des parties à un contrat d’accès ou d’interconnexion, dans les conditions prévues à l’article L. 36-8 du CPCE, les modalités de l’accès ou de l’interconnexion afin de permettre la mise en œuvre effective des objectifs de régulation mentionnés à l’article L. 32-1 du CPCE en application de l’article L. 34-8 (I) b) du CPCE et, d’autre part, pour connaître, sur le fondement de l’article L. 36-8 (I) du CPCE, d’un différend relatif aux modalités financières de la fourniture d’une prestation d’accès entre deux opérateurs dans le cadre d’une convention d’accès à un réseau de communications électroniques à la demande de l’une des parties au contrat.

Il s’ensuit que la circonstance qu’un groupe de travail rassemblant l’ensemble du secteur étudiait le mode d’allocation des coûts de collecte et qu’un groupe de travail sur la tarification de la collecte IP et ATM allait être lancé de manière imminente est sans incidence sur la possibilité qui est offerte par la loi aux opérateurs de communications électroniques de saisir l’Autorité d’une demande de règlement de différend et, par voie de conséquence, sur l’étude de la recevabilité de la demande de règlement de différend de Free et ne saurait faire obstacle à une saisine de l’Autorité sur le fondement de l’article L. 36-8 (I) du CPCE.

En conséquence, l’argument tiré de ce qu’il ne peut y avoir eu un échec des négociations commerciales au motif qu’un groupe de travail rassemblant l’ensemble du secteur étudiait le mode d’allocation des coûts de collecte et qu’un groupe de travail sur la tarification de la collecte IP et ATM allait être lancé de manière imminente est inopérant.

Sur le moyen de défense opposé par France Télécom tiré de ce que la détermination des tarifs de « DSL Collect IP » est réglementairement encadrée

En application des dispositions de l’article L. 37-1 du CPCE, l’Autorité est en charge de la détermination des marchés pertinents du secteur des communications électroniques, susceptibles d’être soumis à une régulation ex ante. Pour ce faire, l’Autorité conduit une analyse concurrentielle de ces marchés et désigne le ou les opérateurs réputés exercer une influence significative sur ces marchés.

En l’espèce, l’Autorité a considéré à l’article 1er de la décision n° 05-0278 du 19 mai 2005 que le marché de gros des offres d’accès large bande livrées au niveau régional est pertinent tout en précisant que « ce marché comprend les offres de gros d’accès large bande par DSL livrées au niveau régional indépendamment du type de clientèle finale visée et de l’interface de livraison utilisée (…) ». En outre, l’Autorité a considéré à l’article 2 de la décision précitée que « France Télécom exerce une influence significative sur le marché de gros des offres d’accès large bande livrées au niveau régional tel que défini par l’article 1er de la présente décision ».

Il résulte de ce qui précède que France Télécom exerce une influence significative sur le marché de gros des offres d’accès large bande livrées au niveau régional. Dans ces conditions et conformément aux dispositions de l’article L. 37-2 (2°) du CPCE « l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes fixe en les motivant : (…) les obligations des opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques, prévue aux articles L. 38 et L. 38-1 ».

Aux termes des dispositions de l’article L. 38 (I) 4°) du CPCE « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d’interconnexion et d’accès, une ou plusieurs des obligations suivantes, proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l’article L. 32-1 : (…) ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d’éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ».

En l’espèce, l’Autorité a indiqué à l’article 9 de la décision n° 05-0280 du 19 mai 2005 que « France Télécom est tenue de ne pas pratiquer de tarifs d’éviction sur le marché de gros des offres d’accès large bande livrées au niveau régional » et précisé à l’article 10 de la décision précitée que « France Télécom doit offrir les prestations d’accès large bande livrées au niveau régional ainsi que des prestations associées à des tarifs reflétant les coûts correspondants, sous réserve du respect de l’article 9 de la présente décision ».

Ainsi, l’encadrement règlementaire défini par la décision de l’Autorité n° 05-0280 en date du 19 mai 2005 lui laisse la possibilité de préciser le tarif que France Télécom doit appliquer au regard de ses obligations.

En  effet,  l’Autorité,  en  application  de  l’article  L.  36-8  (I)  du  CPCE,  peut  préciser  les « conditions équitables d’ordre technique et financier dans lesquelles l’accès ou l’interconnexion peuvent être assurés (…) ».

En conséquence, le moyen en défense tiré de ce que la demande de Free serait irrecevable au motif que les tarifs de gros des offres d’accès large bande livrées au niveau régional sont réglementairement encadrés doit être écarté.

Sur la fin de non recevoir opposée par France Télécom tirée de ce que Free ne démontre pas dans sa saisine que les négociations qu’il a engagées avec France Télécom feraient l’objet d’un échec

Aux termes des dispositions de l’article L. 36-8 (I) du CPCE « en cas de refus d’accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau de communications électroniques, l’Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l’une où l’autre des parties ».

Free déclare avoir engagé le 7 septembre 2006 une démarche de négociations visant à faire évoluer la méthode de tarification du débit consommé dans le cadre du contrat « DSL Collect IP ». Free indique que bien que sans réponse de la part de France Télécom, il a adressé, par courrier en date du 19 octobre 2006, une demande de modification du mode de calcul de la facture de collecte de trafic IP dans le cadre du contrat « DSL Collect IP ». Free a indiqué dans ce même courrier son souhait que le « contrat évolue vers une certaine forfaitisation du prix de la collecte de trafic IP dans le sens de rapprocher le principe de facturation de « DSL Collect IP » avec celui en vigueur dans le cadre du contrat « DSL Collect ATM » (…) ».

Il ressort du dossier de procédure que France Télécom a indiqué à Free, par courrier en date du 26 octobre 2006, avoir pris connaissance de la proposition d’une tarification partiellement forfaitaire de la collecte du trafic de son offre « DSL Collect IP ». France Télécom précise à Free, dans ce même courrier, que des réflexions sont menées sur le sujet au sein du groupe de travail initié par l’ARCEP et présidé par Dominique Bureau et que l’ARCEP a annoncé l’organisation prochaine d’une réunion portant spécifiquement sur la tarification de la collecte ATM et IP. En outre, France Télécom a indiqué à Free qu’au regard de ces éléments et de l’état actuel du dossier, France Télécom ne saurait répondre formellement à la demande qui lui a été présentée par Free.

Par courrier en date du 21 décembre 2006, Free indique à France Télécom avoir constaté qu’elle ne s’était toujours pas engagée dans une démarche de négociations. Free indique à France Télécom avoir pris acte de son refus de négocier autour de la méthode de tarification du débit consommé dans le cadre de « DSL Collect IP » et qu’il demandera l’intervention de l’ARCEP.

Il ressort du dossier de procédure que par courrier en date du 5 janvier 2007, France Télécom a rappelé à Free qu’elle n’a jamais refusé d’ouvrir des discussions ce sujet. France Télécom précise être prête sur le principe, en cohérence avec le groupe de travail initié par l’Autorité, à engager des discussions sur les modalités de facturation de l’offre « DSL Collect IP » notamment dans le cadre du groupe de travail. France Télécom précise que Free n’aurait pas réellement voulu ouvrir de discussions en indiquant dans son courrier du 19 octobre 2006 qu’il s’agissait de « son ultime proposition ». France Télécom informe Free qu’elle ne peut souscrire à un quelconque constat de son refus d’une démarche de discussion des modalités de facturation de « DSL Collect IP ».

Free a indiqué à France Télécom, par courrier en date du 22 janvier 2007, avoir constaté avec regret l’annulation le 18 janvier 2007 d’une réunion entre Free et France Télécom prévue le 21 janvier 2007 qui devait constituer la première réponse de France Télécom à la démarche initiée par Free. Free déclare, dans ce même courrier, constater le refus de France Télécom de s’engager dans une démarche « de rapprochement des points de vue ».

Par courrier en date du 23 janvier 2007, Free déclare prendre acte du refus de France Télécom à la suite d’une conversation téléphonique qui aurait eu lieu le 23 janvier 2007 et au cours de laquelle France Télécom aurait déclaré ne pas vouloir négocier les tarifs de l’offre « DSL Collect IP ».

Enfin, par courrier en date du 24 janvier 2007, Free rappelle à France Télécom sa proposition de modification du mode de calcul de la facture de la collecte IP dans le cadre du contrat « DSL Collect IP ». En outre, Free déclare avoir pris acte de l’attitude de France Télécom qui, selon Free, n’a jamais répondu à la demande de négociations sur ce dossier.

Il s’ensuit que ces échanges de correspondances qui ont eu lieu entre les sociétés France Télécom et Free doivent être regardés comme traduisant un échec des négociations, au sens des dispositions de l’article L. 36-8 (I) du CPCE, portant sur la modification de la structure et du niveau tarifaire de l’offre « DSL Collect IP » proposée par France Télécom. Ainsi, la fin de non recevoir opposée par France Télécom et tirée de l’absence d’échec des négociations doit être écartée.

I.3- Sur la fin de non recevoir opposée par France Télécom tirée de ce que l’Autorité n’aurait pas compétence pour modifier rétroactivement les tarifs de l’offre « DSL Collect IP » dans le cadre d’un règlement de différend, Free demandant que la décision à intervenir conduise à la formalisation d’un avenant au contrat « DSL Collect IP » établissant que la tarification de la collecte à l’issue du règlement de différend s’effectue au 1er janvier 2007

France Télécom soutient, dans ses observations en défense, que « Free admet que les dispositions contractuelles en cours s’appliquent encore et qu’elles n’ont aucunement été dénoncées par cet opérateur qui se borne à faire le constat d’un échec des négociations sur l’évolution de la tarification pour l’avenir de l’offre de collecte IP » dans la mesure où Free demande « l’établissement pour l’avenir d’une nouvelle tarification de l’offre de collecte de trafic IP ». Or, France Télécom considère que « Free ne peut demander à l’ARCEP de modifier pour le passé les conditions contractuelles en vigueur entre les parties, et que France Télécom propose de manière non discriminatoire à l’ensemble des opérateurs ». Dans ces conditions, France Télécom soutient que l’Autorité ne peut substituer rétroactivement, aux conditions contractuelles régulièrement définies entre les parties, d’autres conditions techniques et tarifaires dans le cadre d’un règlement de différend.

Pour apprécier la pertinence des moyens soulevés par France Télécom, il convient de se reporter à la jurisprudence de la Cour d’appel de Paris.

En effet, la Cour d’appel de Paris a retenu dans un arrêt du 20 janvier 20044 que « la mission régulatrice que la loi a conféré à l’ART lui donne notamment le pouvoir d’imposer aux opérateurs relevant de son autorité des prescriptions et des injonctions ayant une incidence sur la conclusion, le contenu ou l’exécution de leurs conventions, et de restreindre ainsi, pour des motifs d’ordre public économique, le principe de liberté contractuelle dont  ils  bénéficient ; qu’aucun texte ne lui interdisait de fixer, pour la prestation en cause, un tarif en valeur absolue pour les années antérieures à sa saisine et une méthode de calcul pour les années ultérieures »5.

Ainsi, l’Autorité a compétence, dans le cadre d’un règlement de différend, pour définir les conditions équitables applicables à l’offre « DSL Collect IP » à une date antérieure à sa saisine.

Toutefois, si l’Autorité a la possibilité de faire rétroagir, le cas échéant, de nouveaux tarifs à l’issue de sa décision de règlement de différend à une date à laquelle les parties n’avaient pas été en mesure de déterminer le tarif de l’offre déjà souscrite et fournie, il convient d’examiner plus précisément la date à compter de laquelle, en l’espèce, sous réserve que les conditions de recevabilité soient réunies, l’Autorité pourrait appliquer de nouveaux tarifs aux prestations souscrites par Free et objet du présent différend.

En effet, la société Free demande à l’Autorité une modification des tarifs de l’offre « DSL Collect IP » à compter du 1er janvier 2007 soit à une date postérieure, d’une part, au premier courrier en date du 19 octobre 2006, versé au dossier de procédure, adressé par Free à France Télécom dans lequel Free fait connaître à France Télécom son souhait d’obtenir une modification de la tarification de l’acheminement du trafic de l’offre d’accès large bande livrée au niveau régional en IP et, d’autre part, au premier courrier de France Télécom du 26 octobre 2006 par lequel elle fait savoir à Free qu’elle ne saurait répondre formellement à sa demande. Dans ces conditions, il apparaît, au regard des éléments versés au dossier de procédure, qu’au 1er janvier 2007, date à laquelle Free demande que les tarifs qui seront définis dans le cadre la présente décision de règlement de différend s’appliquent, le différend était déjà constitué.

Ainsi, l’Autorité a la possibilité, dans le cadre d’une décision de règlement de différend, sous réserve que les conditions de recevabilité soient réunies, de procéder rétroactivement à une fixation des tarifs relatifs à l’acheminement du trafic de l’offre d’accès large bande livrée au niveau régional en IP par France Télécom à compter du 26 octobre 2006 et donc a fortiori à compter du 1er janvier 2007 comme le demande Free dans le cadre de sa saisine et comme l’Autorité estime qu’il y a lieu d’y faire droit.

En conséquence, la fin de non recevoir tirée de ce que l’Autorité n’a pas compétence pour modifier rétroactivement les tarifs de l’offre « DSL Collect IP » dans le cadre d’un règlement de différend doit être écartée.

Toutes les fins de non recevoir ayant été écartées, la demande de Free est donc recevable.

II. Analyse

II.1- Introduction

Le nombre d'accès haut débit DSL était de 12,85 millions à la fin du premier trimestre 2007, en croissance de 30 % sur un an. Orange détenait une part de marché d'environ 49 % et les opérateurs alternatifs une part d’environ 51 %.

Les deux tiers des accès DSL des opérateurs alternatifs sont construits sur des lignes dégroupées, principalement dans les zones urbaines et périurbaines. En zone rurale, les opérateurs alternatifs n'ont généralement pas encore installé leurs réseaux et équipements et ne peuvent donc pas utiliser l’offre de dégroupage de la boucle locale de France Télécom.

Le tiers des accès DSL restant, produit par les opérateurs alternatifs en milieu rural, est fondé sur les offres d'accès large bande livrées  au  niveau  régional  par  France  Télécom.  Fin  mars 2007, on comptait 1,9 million d'accès large bande livrés au niveau régional.

Ces offres consistent en la fourniture d'un canal logique supportant un flux de données haut débit entre chaque abonné final et un point de livraison du trafic aux opérateurs alternatifs. Ce canal logique est supporté par deux segments physiques distincts :

- un lien DSL activé sur une paire de cuivre téléphonique entre le modem DSL du client final et le répartiteur où est installé l'équipement actif DSL du réseau de France Télécom (DSLAM) ;

- un réseau de collecte de trafic, essentiellement constitué de boucles optiques connectant les 12 500 répartiteurs de France Télécom à quelques dizaines de nœuds d'agrégation et de livraison du trafic aux opérateurs alternatifs.

Les offres d'accès large bande livrées au niveau régional comprennent la fourniture des deux segments, le premier étant appelé « accès » et le deuxième « collecte ». Le trafic collecté par France Télécom pour les opérateurs alternatifs peut leur être livré selon deux modalités : une livraison en mode ATM au niveau départemental et régional ou une livraison en mode IP au niveau régional.

Le présent règlement de différend porte sur le segment de la collecte des offres d'accès large bande livrés au niveau régional, et de manière plus précise sur les modalités de tarification de la prestation d’acheminement du trafic livré par France Télécom en mode IP.

Le marché de gros des offres d’accès large bande livrées au niveau régional fait partie des marchés pertinents soumis à une régulation ex ante. Les décisions d'analyse de marché correspondantes, n° 05-0278 et n° 05-0280, ont été adoptées le 19 mai 2005.

France Télécom est déclarée exercer une influence significative sur ce marché et est régulée à ce titre. Elle doit notamment publier une offre de référence et faire droit à toute demande raisonnable d’accès.

Les principes de tarification de ces offres sont encadrés par les articles 9 et 10 de la décision n° 05-0280 de l'Autorité : les tarifs doivent refléter les coûts de production et ne doivent pas avoir pour effet d'évincer les opérateurs alternatifs du marché.

II.2- Objet et périmètre des demandes de Free

Ainsi que mentionné ci-avant, le litige porte sur le tarif de France Télécom pour la prestation d’acheminement du trafic livré en mode IP de l’offre de gros d’accès large bande livrée au niveau régional à destination de la clientèle résidentielle, ainsi que sur la date à compter de laquelle ce nouveau tarif trouverait à s’appliquer.

Trois sujets connexes ont fait l'objet de développements importants dans les écritures des parties. Il s'agit :

- des tarifs de l'accès ;

- des tarifs de la collecte ATM et ;

- des points de livraison du trafic de l'offre de collecte IP.

L'Autorité note qu'aucun de ces points ne fait partie des demandes formulées par Free, notamment dans les récapitulatifs figurant aux pages 4 et 23 de sa saisine et en page 21 de ses observations en réplique. Il ne saurait donc y être apporté de réponse dans le cadre de la présente décision.

Les tarifs relatifs à l’acheminement du trafic livré au niveau régional en mode IP, dénommé ci-après « collecte IP », figurent au sein de la prestation « DSL Collect IP » de l'offre de référence « Offre d’accès et de collecte DSL », publiée par France Télécom depuis le 27 juillet 2005 en application de la décision d’analyse de marché n° 05-0280 susvisée.

Les tarifs mensuels actuels de la collecte IP dépendent uniquement du débit et s’échelonnent entre 265 et 210 euros HT par Mbit/s consommé, mesuré selon la méthode du 95ième percentile, cette méthode étant définie en annexe à l'offre de référence de France Télécom.

Free demande un changement de la structure et du niveau de ces tarifs. Il demande que la tarification de la collecte IP s'effectue sur la base d'un montant mensuel forfaitaire de 3 euros HT par accès auquel s’ajoute un montant mensuel de 20 euros HT par Mbit/s consommé, mesuré selon la méthode du 95ième percentile.

Ces deux problématiques, de structure tarifaire d'une part et de niveau tarifaire d'autre part, seront analysées successivement en parties II.3 et II.4.

II.3- Structure tarifaire de la collecte IP

Sur l'existence de coûts fixes et leur tarification

Free demande que dans la structure tarifaire de la collecte IP soit introduite une partie fixe, tarifée à l’accès et reflétant la proportion de coûts fixes de génie civil et de fibres, par nature indépendante du débit écoulé sur le réseau.

France Télécom ne conteste pas qu'une part importante des coûts de son réseau de collecte relève des coûts fixes de tranchées, de génie civil et de fibres. France Télécom estime en revanche qu’il n’existe pas de règle évidente pour l'allocation de tels coûts fixes et renvoie à l'absence de conclusion des travaux du groupe de travail réuni par l'Autorité et présidé par Dominique Bureau.

L'Autorité note que plusieurs structures tarifaires peuvent, au sein d'un même secteur, coexister ou se succéder dans le temps en fonction du stade de développement du marché et donc de la recherche d'efficacité économique des acteurs. Ainsi, sur le marché de gros de l'accès à l’Internet bas débit :

- depuis 1997, l'offre de gros permettant aux opérateurs alternatifs de fournir des accès à l’Internet bas débit était le catalogue d'interconnexion de France Télécom, exclusivement tarifé à la minute consommée ; les offres de détail étaient également tarifées en fonction du temps de connexion du client final ;

- au début des années 2000, France Télécom a proposé aux opérateurs alternatifs une offre d'interconnexion forfaitaire illimitée, les opérateurs payant à France Télécom le raccordement et non la minute consommée ; quelques offres d'accès à Internet illimitées et forfaitaires ont alors été commercialisées sur le marché de détail.

L'Autorité considère, comme France Télécom, qu'il n'existe pas de règle unique ou définitive de tarification des coûts fixes de production. Néanmoins, la demande de Free visant à une modification de la structure tarifaire actuelle de l'offre de collecte IP ne saurait être rejetée pour ce motif.

Sur l'efficacité économique du mode de tarification demandé par Free

Le cadre législatif et réglementaire en vigueur amène à privilégier les formes de tarification qui favorisent l'efficacité économique et optimisent les avantages pour le consommateur.

L'article L32-1 II du CPCE dispose en effet que l'Autorité veille :

« 2º à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ;

[...] 3º au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;

[...] 7º à la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements ; »

L'article D. 311 du CPCE dispose de plus que, s’agissant des méthodes de tarification, l’Autorité « veille à ce que les méthodes retenues promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable et optimisent les avantages pour le consommateur ».

Au regard du cadre réglementaire en vigueur, l’Autorité considère que la structure tarifaire proposée par Free présente l’avantage, par rapport à la structure tarifaire actuelle, d’être cohérente avec la structure de coût sous-jacente des réseaux de collecte, constituée d’une part de coûts fixes de génie civil indépendants du débit et d’autre part de coûts variables aux débits liés aux équipements actifs et aux conduits reliant les répartiteurs non fibrés.

La structure tarifaire demandée par Free permet ainsi de corriger les inefficacités économiques induites par les tarifs actuels. En effet, le recouvrement des coûts fixes de génie civil par un tarif variable au Mbit/s tend à restreindre le volume de trafic acheté par certains opérateurs alternatifs et indirectement à dégrader la qualité de service perçue par les consommateurs.

Le maintien d'une rémunération de France Télécom en partie dépendante du débit consommé lui permet à la fois de rentabiliser ses équipements de réseaux existants et d'être rémunérée pour les investissements futurs qui s’avèreraient nécessaires à l'acheminement d'un trafic plus important que le trafic actuel. En outre, cette dépendance au débit apparaît juste, au sens du moyen mis en avant par France Télécom à la page 12 de ses observations en défense.

L'Autorité note que l'évolution de la structure tarifaire proposée par Free est préférable à celle proposée lors de l'audience par France Télécom qui consisterait à facturer les coûts fixes au répartiteur, c'est-à-dire indépendamment de la part de marché et du nombre d'accès activés par chaque opérateur. Les opérateurs de faible envergure seraient en effet évincés du marché.

L'ensemble de ces éléments amène l'Autorité à considérer que la modification de la structure tarifaire de l'offre de collecte IP, conduisant à l'introduction d'une partie fixe indépendante du débit consommé, est conforme aux objectifs d'efficacité économique et de satisfaction de la demande des consommateurs prévus par le CPCE.

Sur la relation entre la tarification de la collecte ATM et celle de la collecte IP

Les parties ont consacré de longs développements dans leurs mémoires à l'existence ou non d'une discrimination entre la tarification de la collecte ATM et celle de la collecte IP et à l'existence ou non d'une tarification forfaitaire à l'accès de la collecte ATM.

L'Autorité constate que les opérateurs utilisant la collecte ATM, dont France Télécom elle- même conformément au protocole de cession interne n° 6 publié sur son site, ne se voient pas facturer une partie du trafic effectivement écoulé. En effet, chaque conduit de collecte présente un débit crête théorique de 64 Mbit/s indépendant du débit garanti choisi par l’opérateur client.

Ces mêmes opérateurs semblent pouvoir satisfaire la demande de débit de leurs clients pour un coût par abonné significativement inférieur à celui des opérateurs utilisant la collecte IP, selon les informations fournies par France Télécom à la page 11 de ses observations en réplique.

L'Autorité note que la majorité des coûts de production de la collecte IP est commune avec ceux de la collecte ATM, les deux offres s'appuyant sur du génie civil, des équipements de transmission et des équipements de routage en grande partie communs. La demande de Free conduit à rétablir une certaine neutralité technologique entre la structure de tarification de la collecte IP et de la collecte ATM.

Sur les difficultés de mise en œuvre opérationnelles

France Télécom estime que la mise en œuvre d’une facturation partielle à l’accès de la collecte IP ne pourrait être immédiate car elle devrait pouvoir s’appliquer à tout type d’opérateurs, y compris à ceux qui réalisent la collecte pour compte de tiers. France Télécom estime que des mécanismes de comptage des accès seraient alors nécessaires et ne pourraient être mis en œuvre de manière automatique avant un an.

Au cas d’espèce, l'Autorité note que Free a précisé dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs ne pas effectuer de collecte pour compte de tiers, ce que n'a pas contesté France Télécom. Dès lors, le trafic collecté par Free est en relation directe avec les accès DSL qu’il loue.

France Télécom connaît donc chaque mois le nombre d'accès que lui loue Free et le débit qu’il consomme au titre de la collecte IP. Ces deux prestations lui sont d'ores et déjà facturées au titre de l'offre d'accès large bande livrée au niveau régional.

Le changement de facturation demandé par Free consiste en pratique à réduire le coût unitaire du Mbit/s consommé et à ajouter une partie fixe proportionnelle au nombre d'accès loués. Ces modifications ne nécessitent aucun nouveau mécanisme de comptage des accès et peuvent donc techniquement être mises en œuvre rapidement et de manière rétroactive.

France Télécom ne pourrait ainsi se prévaloir de l'existence d'opérateurs réalisant de la collecte pour compte de tiers pour différer la mise en œuvre éventuelle d'une modification de tarification de la collecte IP au bénéfice de Free qui n’en réalise pas.

Par ailleurs, pour les opérateurs alternatifs réalisant de la collecte IP pour compte de tiers, ce qui concerne vraisemblablement un nombre d’accès extrêmement restreint, l'Autorité note que France Télécom peut s'exonérer d'une modification lourde de son système d'information. En effet, France Télécom dispose de possibilités de contrôle a posteriori car elle active et contrôle à la fois les accès et les conduits de collecte de son offre d'accès large bande livrée au niveau régional. Une solution déclarative pourrait dès lors être envisagée.

Sur les difficultés de mise en œuvre contractuelles

France Télécom estime que les contrats d’accès et de collecte sont juridiquement distincts et qu’il est donc impossible juridiquement d’utiliser, dans la facturation de la collecte, les unités de facturation de l’accès.

L’Autorité considère que le choix de cette forme contractuelle relève de la seule responsabilité de France Télécom et n'a pas été imposé par l'Autorité. Dans sa décision d’analyse de marché n° 05-0278, l’Autorité définit un unique marché pertinent rassemblant les prestations d’accès et de collecte et France Télécom est libre d'opter pour un contrat unique si elle l'estime opportun.

Par ailleurs, l'Autorité note que le contrat « DSL Collect ATM » fait d'ores et déjà référence au nombre d'accès livrés au titre du contrat « DSL Access » en précisant en son paragraphe 10.2 des Conditions Spécifiques que « le montant de l’abonnement relatif à un conduit de collecte dépend […] de son débit garanti et du nombre d’accès supportés par le conduit de collecte ».

L'Autorité ne peut que rejeter l'argument développé par France Télécom selon lequel il serait juridiquement impossible de mettre en œuvre pour l'offre de collecte IP un mécanisme qu'elle met d'ores et déjà en œuvre pour l’offre de collecte ATM et qui au surplus découlerait d'une forme contractuelle qu'elle a elle-même choisie.

Conclusion sur la structure tarifaire de la collecte IP

L'Autorité considère que la demande de Free visant à bénéficier, au titre de l'offre « DSL Collect IP », d'une tarification de la collecte IP comprenant une partie fixe à l'accès et une partie variable au débit est une demande justifiée et raisonnable.

La partie II. 4 ci-après vise à définir les niveaux de tarifs permettant à la fois de satisfaire la structure tarifaire demandée par Free et le respect du cadre réglementaire auquel est soumise France Télécom.

II.4- Niveau tarifaire de la collecte IP

Sur le cadre en vigueur

Les obligations tarifaires auxquelles France Télécom est soumise sur les différents marchés pertinents sont définies par les décisions d'analyse de marché adoptées par l'Autorité après consultation publique, avis du Conseil de la concurrence et avis de la Commission européenne et des autorités réglementaires des autres États membres de l’Union européenne. Pour le marché des offres de gros d’accès large bande livrées au niveau régional, la décision n° 05- 0280 en date du 19 mai 2005 prévoit :

- en son article 9 que « France Télécom est tenue de ne pas pratiquer de tarifs d’éviction sur le marché de gros des offres d’accès large bande livrées au niveau régional » ;

- en son article 10 que « France Télécom doit offrir les prestations d’accès large bande livrées au niveau régional ainsi que les prestations associées à des tarifs reflétant les coûts correspondants, sous réserve du respect de l’article 9 de la présente décision. L'Autorité sera amenée à faire évoluer le système de comptabilisation et d'allocation des coûts de France Télécom actuellement en vigueur par une décision complémentaire ultérieure ».

L'obligation tarifaire d'orientation vers les coûts vise à éviter une surfacturation des offres de gros d’accès large bande livrées au niveau régional par France Télécom dans les zones rurales où les opérateurs alternatifs ne sont pas en mesure de la concurrencer sur la base du dégroupage, ce qui aurait pour effet de générer des tarifs excessifs sur le marché de détail, freinant le développement du marché dans son ensemble.

L'obligation tarifaire proscrivant l'éviction vise inversement à prévenir une tarification trop agressive des offres de gros d’accès large bande livrées au niveau régional par France Télécom, qui aurait pour effet de contraindre l'extension du dégroupage des opérateurs alternatifs, de diminuer la rentabilité de leurs investissements dans leurs propres réseaux d'accès et de collecte DSL et, le cas échéant, de les évincer de tout ou partie du marché.

Aux termes du dispositif de la décision n° 05-0280, les tarifs des offres de gros d’accès large bande livrées au niveau régional de France Télécom doivent être alignés sur le plus élevé de ces deux facteurs.

Dans le cadre du présent litige, l’Autorité est donc amenée à évaluer d’une part les coûts de France Télécom pour fournir la prestation de collecte IP dans le cadre de l’offre « DSL  Collect IP » et d’autre part les coûts d’un opérateur alternatif efficace déployant son propre réseau, ces coûts permettant d'évaluer le niveau d'éviction en deçà duquel France Télécom n'est pas autorisée à établir les tarifs de son offre.

Les modèles de coût et les tests de ciseau réalisés par l'Autorité sont mis en œuvre segment par segment. Un modèle réglementaire de coût de l'accès a été publié en 2004 et un modèle réglementaire de coût de la collecte a été soumis à consultation publique le 30 janvier 2007. Le présent différend porte exclusivement sur la collecte IP. Seront donc successivement examinés ci-après :

- les coûts de collecte IP de France Télécom ;

- le niveau des tarifs d'éviction évalué sur la base du modèle de coût de collecte développé par l’Autorité.

Sur l’évaluation des coûts de France Télécom

De manière classique, les coûts des offres régulées peuvent être évalués de deux manières : en se fondant sur les extraits de la comptabilité réglementaire de l’opérateur concerné ou par une modélisation technico-économique.

Au regard des éléments transmis par les parties dans le cadre de la présente procédure, l'Autorité n'est pas en mesure de conduire une modélisation technico-économique du réseau de collecte de France Télécom. En effet, ni France Télécom ni Free n'ont fourni d'éléments détaillés sur les coûts unitaires des équipements, actifs et passifs, utilisés par l'opérateur historique.

En revanche, France Télécom a fourni en réponse au questionnaire des rapporteurs une évaluation de ses coûts complets de production de la prestation de collecte effectuée dans le cadre de l’offre « DSL Collect IP ». France Télécom indique que cette évaluation est fondée sur des éléments comptables issus de ses coûts prévisionnels pour l’année 2007.

France Télécom a distingué ses principaux postes de coûts, ramenés à un coût par accès d’une part et un coût par Mbit/s d’autre part. Si l’on retient la proposition de France Télécom, conforme à la demande de Free, consistant à ramener d’une part à l’accès les coûts de génie civil et de câble et d’autre part au Mbit/s les coûts des équipements actifs, ces coûts sont, y compris les coûts commerciaux et les coûts communs :

- de […] euros par mois et par Mbit/s consommé, mesuré selon la méthode du 95ième percentile ;

- auxquels s'ajoutent […] euros par accès DSL et par mois.

L'Autorité note que Free n'a pas contesté l’évaluation fournie par France Télécom.

Par ailleurs, ces niveaux sont cohérents avec la réponse de France Télécom au questionnaire des rapporteurs, indiquant qu’une augmentation de […] des débits moyens des abonnés conduirait respectivement à une augmentation du coût des équipements actifs de […].

Par ailleurs, France Télécom précise que les coûts de […] euros par accès et de […] euros par Mbit/s s’obtiennent par pondération des coûts prévisionnels pour l’année 2007, dans la « zone de dégroupage » définie par France Télécom d’une part et en dehors de cette zone d’autre part […].

France Télécom estime que l’extension du dégroupage au cours des douze prochains mois conduira à faire évoluer la pondération des deux zones, ce qui se traduirait mécaniquement par une hausse de ses coûts. À l'inverse, la croissance naturelle du marché au même horizon temporel aura tendance à diminuer les coûts par accès.

L'Autorité considère qu'il est légitime d'établir les tarifs applicables en 2007, en se fondant sur les coûts transmis par France Télécom pour l’exercice 2007 et la pondération constatée des zones en 2007.

Les coûts prévisionnel 2008 pourront être pondérés avec une répartition des accès entre les zones pour l’exercice 2008, et les tarifs pourront évoluer en conséquence.

L'ensemble des éléments exposés ci-avant conduit l'Autorité à retenir pour l'offre « DSL Collect IP » un tarif mensuel d'acheminement du trafic égal à 75,1 euros par Mbit/s consommé et mesuré selon la méthode du 95ième percentile, auxquels s'ajoutent 3,9 euros par accès DSL, sous réserve que ces tarifs ne constituent pas des tarifs d’éviction.

Ces tarifs, arrêtés en application de l'article 10 de la décision n° 05-0280, sont compatibles avec la demande de structure tarifaire formulée par Free et avec les coûts de production de France Télécom. La partie suivante vise à vérifier qu'ils sont également compatibles avec l’article 9 de la décision n° 05-0280.

Sur l’évaluation du niveau d'éviction

L'article 9 de la décision n° 05-0280 interdit à France Télécom de pratiquer des tarifs d'éviction, c'est-à-dire ne pouvant pas être répliqués par un opérateur alternatif efficace construisant son propre réseau de collecte avec une rémunération normale du capital investi.

L’Autorité a soumis à consultation publique un modèle réglementaire du coût de collecte le 30 janvier 2007 et a publié, le 23 avril 2007, les contributions non confidentielles transmises par les acteurs à cette occasion. Ce modèle permet de calculer les coûts de construction d'un réseau de collecte par un opérateur alternatif ayant recours au dégroupage et donc de vérifier le respect du principe tarifaire de non éviction.

Dans le cadre du présent règlement de différend, le modèle réglementaire de coût de collecte soumis à consultation publique le 30 janvier 2007 a été précisé sur la base des réponses des parties au questionnaire des rapporteurs.

Ainsi, la part de marché retenue pour calculer les coûts de production d'un opérateur alternatif efficace a été fixée à 20 %, conformément à la proposition de Free. Cette proposition n'a pas été contestée par France Télécom et paraît cohérente au regard du mouvement actuel de consolidation du marché.

Sur le linéaire et le coût du génie civil

Les opérateurs alternatifs ont déployé leurs équipements, hors projets subventionnés par les collectivités, sur environ 1 500 répartiteurs. Les opérateurs alternatifs ont annoncé pour fin 2008 un déploiement sur environ 2 000 répartiteurs, auxquels s'ajouteront 1 000 répartiteurs dégroupés dans le cadre de projets publics.

La présente partie vise à calculer le coût du réseau passif, génie civil et fibres, afin de vérifier si les tarifs de collecte IP de France Télécom sont inférieurs ou non aux coûts prospectifs que supporteront les opérateurs alternatifs déployant leur propre réseau de collecte pour dégrouper du 1 500ième au 2 000ième répartiteur.

France Télécom indique, dans sa réponse à la consultation publique susmentionnée puis sa réponse au questionnaire des rapporteurs, que le modèle de coût de collecte développé par l’Autorité minimise les kilomètres et non les coûts, ne prend pas en compte les coûts de reconfiguration des infrastructures et, au final, produit une topologie de réseau qui ne fonctionne pas.

L'Autorité constate :

- que la topologie de réseau produite par le modèle développé par l’Autorité est extrêmement proche de la topologie que Free décrit pour son réseau dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs, et que celui-ci fonctionne ; Free utilise en effet des fonctions de chaînage des équipements que France Télécom n'a pas mises en œuvre dans son réseau ;

- que la longueur du réseau infrarégional calculé par le modèle pour dégrouper les   1 200 répartiteurs équipés par Free fin 2006 est de 14 000 kilomètres en cohérence avec les longueurs que Free a fournies en réponse à la consultation publique sur le modèle de coût de collecte.

L'Autorité s'accorde en revanche avec France Télécom pour estimer que le modèle soumis à consultation publique simule des liens de raccordement trop longs entre deux sites. Une limitation de la longueur maximale des liens à 80 kilomètres par lien, portée maximale des liens 10 Gbit/s de Free, est donc retenue pour les calculs exposés ci-après.

Dans la version du modèle mise en consultation publique, l’hypothèse retenue était que pour fournir du haut débit, un opérateur devait disposer d'une paire de fibres dédiée au haut débit par artère pour un coût net de 2 euros par an par mètre linéaire.

Free a indiqué dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs que, conformément à ses comptes consolidés au 31 décembre 2006, la valeur moyenne des IRU qu’il a acquis est de 4,67 euros par mètre linéaire. En retenant une durée d’amortissement de 10 ans de ces IRU et un taux de rémunération du capital de 12,83 %, le coût net annuel serait de 0,8 euros par mètre linéaire.

L’Autorité note cependant que l’extension du dégroupage se poursuit désormais essentiellement via l’offre de raccordement passif « Liaison fibre optique » de France Télécom. Free indique dans sa réponse à la consultation publique susmentionnée que son coût de location de fibre à France Télécom au titre de cette offre est de 1,75 euros par mètre linéaire et par an.

Sur la base du modèle de coût de collecte soumis à consultation publique le 30 janvier 2007 et modifié selon les paramètres décrits précédemment, l’Autorité estime que le coût de construction d'un réseau de fibres, pour dégrouper du 1 500ième au 2 000ième répartiteur, est au maximum de 5,8 euros par accès et par mois.

Sur le coût des équipements actifs

L’Autorité constate que les parties n’ont fourni aucune estimation des coûts unitaires des routeurs IP ni de la structure de leur déploiement. L'Autorité n'est donc pas en mesure de conduire une modélisation détaillée du coût des équipements actifs d'un opérateur alternatif efficace.

En revanche, Free indique dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs que le poste « équipements de transmission routage IP » représente globalement 19,6 millions d’euros d’immobilisations brutes au 31 décembre 2006, selon ses comptes audités.

Cette donnée comptable sera retenue pour la suite, augmentée d'un coût de maintenance standard de 10 % par an, un taux de remplissage classique de 70 % et une hypothèse de débit moyen de 110 kbit/s par abonné, pour 1,9 million d'abonnés, correspondant au nombre d’abonnés dégroupés de Free au 31 décembre 2006.

L’Autorité estime sous ces hypothèses que le coût des équipements actifs déployés par un opérateur alternatif efficace utilisant des équipements de même type que ceux de Free est inférieur à 3 euros par Mbit/s et par mois sur son réseau de collecte infrarégional de dégroupage.

Il convient de noter que cette faible dépendance des coûts d'un opérateur alternatif efficace au débit est cohérente avec la réponse de Free au questionnaire des rapporteurs, précisant qu’une augmentation de 10 % du débit moyen par abonné serait sans incidence sur ses coûts, tandis qu’une augmentation de 50 % conduirait à un coût relativement faible de 3 millions d’euros.

Conclusion sur le niveau d’éviction

Selon Free, la consommation moyenne des abonnés finals est comprise, pour les offres ADSL et ADSL2+, entre 32 kbit/s et 110 kbit/s, mesurés selon la méthode du 95ième percentile. Cette consommation est en augmentation rapide compte tenu du développement de sites Internet proposant des vidéos gratuites ou payantes. Le niveau d'éviction est donc compris, suivant le débit retenu, entre 5,9 euros et 6,1 euros par abonné et par mois.

L'application d'une tarification égale aux coûts de production, soit 75,1 euros par Mbit/s consommé, auxquels s'ajoutent 3,9 euros par accès DSL, conduit, selon toutes les hypothèses raisonnables de consommation des abonnés finals, à une facturation supérieure à 6,2 euros par mois. Ce niveau est supérieur au niveau d'éviction calculé ci-avant.

Une orientation des tarifs de l'offre de collecte IP vers les coûts de production de France Télécom avec une structure tarifaire en deux parties, à l'accès pour les coûts fixes et au Mbit/s pour les coûts variables, telle que demandée par Free, est donc conforme aux articles 9 et 10 de la décision n° 05-0280.

Espace tarifaire entre la collecte ATM et la collecte IP

France Télécom estime dans ses mémoires que l’écart tarifaire entre les collectes IP et ATM doit être maintenu, dans la continuité de la régulation mise en œuvre par l’Autorité et des décisions prises par le Conseil de la Concurrence depuis 1999, afin de préserver un espace économique entre ces offres.

France Télécom a en effet été sanctionnée par le Conseil de la concurrence à hauteur de 80 millions d'euros pour abus de position dominante le 8 novembre 2005 pour avoir laissé un espace économique insuffisant entre l'offre d'« option 3 » livrée en ATM et l'offre d'« option 5 » livrée en IP. L'insuffisance de cet espace économique a retardé jusqu’en octobre 2002 le déploiement des réseaux des opérateurs alternatifs et limité leur capacité de pénétration du marché du haut débit.

L’Autorité constate que le marché a significativement évolué depuis la généralisation du dégroupage. Free, qui collecte en IP le trafic livré au niveau régional, avait dégroupé au        31 mars 2007 environ 1 500 répartiteurs. Ce déploiement, couvrant notamment la plupart des préfectures de département, lui permettrait de s’interconnecter, moyennant des ajustements marginaux de son réseau, à un niveau départemental, comme le permet actuellement l’offre de collecte ATM.

Dès lors qu'il n'existe plus de différence de capillarité significative entre les opérateurs collectant le trafic en ATM et ceux collectant le trafic en IP, il n'existe plus de justification économique à maintenir un espace tarifaire entre les offres de collecte ATM et les offres de collecte IP.

L'Autorité note en particulier que le dispositif de la décision n° 05-0280 susvisée n’impose pas à France Télécom de maintenir un tel espace tarifaire et que cette analyse a été soumise au Conseil de la concurrence qui ne l'a pas critiquée.

L'Autorité note au demeurant que la modification tarifaire induite par la présente décision conduit à laisser un espace économique significatif entre les tarifs de l'offre de collecte IP et ceux de la collecte ATM, plus avantageux.

III- Date d’application des tarifs de la collecte IP

La société Free demande à l’Autorité une modification de la structure et du niveau tarifaire de la collecte IP à compter du 1er janvier 2007. Au regard des éléments examinés dans la partie I de la présente décision portant sur la recevabilité, cette demande est recevable.

Les tarifs arrêtés dans le cadre de la présente décision sont fondés sur des coûts prévisionnels 2007 fournis par France Telecom elle-même. Une facturation selon cette nouvelle grille à compter du 1er janvier 2007 permet à France Telecom de recouvrer ses coûts sur l'ensemble de l'année.

A l'inverse et dès lors que la demande de Free est recevable, rien ne justifierait que Free dût s'acquitter d'un montant supérieur aux tarifs arrêtés par la présente décision à compter du 1er janvier 2007.

L’Autorité estime en conséquence équitable de retenir la date du 1er janvier 2007 pour l’application de la présente décision, dès lors que cette date est postérieure au début de la période litigieuse.

Décide

Article 1 : A compter du 1er janvier 2007, France Télécom appliquera sans frais  de  migration, ni coûts supplémentaires, à l’ensemble du trafic relevant du marché de gros des accès large bande livrés au niveau régional livré à Free SAS dans le cadre de l'offre « DSL Collect IP », les tarifs mensuels suivants :

  • 75,1 euros HT par Mbit/s consommé, mesuré selon la méthode du 95ième percentile ;
  • auxquels s'ajoutent 3,9 euros HT par accès DSL.

Article 2 : France Télécom devra appliquer la présente décision et mettre en conformité le contrat signé avec Free SAS dans un délai de quatre semaines à compter de sa notification.

Article 3 :    Le surplus des demandes formulées par les parties est rejeté.

Article 4 :  Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés  Free SAS et France Télécom la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.

NOTES :

1 Cour d’appel de Paris, 30 janvier 2007, SFR c/ AFONE, 2006/07964.

2 Décision n° 06-0406 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 4 avril 2006 se prononçant sur un différend opposant la société Afone et SFR.

3 Arrêté du 18 juillet 2001 autorisant la Société française du radiotéléphone (SFR) à établir et exploiter un réseau radioélectrique de troisième génération ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public, Journal Officiel n° 192 du 21 août 2001, page 13422.

4 CA Paris, 20 janvier 2004, Completel c/ France Télécom, n° 2003/13088.

5 L’arrêt de la Cour d’appel de Paris a été rendu dans le cadre d’un recours formée par la société Completel à l’encontre de la décision n° 03-0701 de l’Autorité en date du 5 juin 2003 opposant Completel à France Télécom.