Cass. com., 12 mai 2021, n° 19-16.815
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Rapporteur :
Mme Lefeuvre
Avocats :
SCP Alain Bénabent, SCP Zribi et Texier
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges,14 mars 2019), par un acte notarié du 25 avril 2014, M. et Mme [Z] ont cédé l'intégralité des parts sociales qu'ils détenaient dans le capital de la société [Personne physico-morale 2] à la société [Personne physico-morale 1] (la société [D]) et à Mme [I]. Cet acte stipulait que « concernant l'exercice 2013, cédants et cessionnaires conviennent aux présentes que M. [K] [Z] percevra ses dividendes de l'exercice 2013, au plus tard le 31 janvier 2015. »
2. Le 27 juin 2014, M. [D], en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant de la société [D], et Mme [I] ont signé un acte intitulé « engagement de porte-fort » dont l'article 2 stipulait, d'un côté, que « M. [P] [D], Mme [R] [I] et la société [Personne physico-morale 1] se portent fort d'une part de la distribution de dividendes par la Sarl [Personne physico-morale 2] (dont la nouvelle dénomination sera [P] [D]) précitée d'un montant de 30 000 euros, à prélever sur les bénéfices et les réserves de ladite société et d'autre part de la mise en paiement effective de ces dividendes avant le 31 janvier 2015, en application de l'article 1120 du code civil », et, de l'autre, qu'« à défaut de l'existence de cette distribution de dividendes et de la mise en paiement avant le 31 janvier 2015, ils s'engagent à verser solidairement et personnellement une indemnité d'un montant de 30 000 euros à M. [K] [Z]. »
3. Aucune distribution et mise en paiement de dividendes n'étant intervenue et aucun règlement n'ayant été effectué, M. [Z] a assigné la société [D], M. [D] et Mme [I] en paiement.
Examen des moyens
Sur le premier et le second moyens, réunis
Enoncé des moyens
4. La société [D], M. [D] et Mme [I] font grief à l'arrêt de déclarer valide la promesse de porte-fort et de les condamner solidairement à verser une certaine somme à M. [Z], alors :
« 1°/ que la convention de vote par laquelle un associé s'engage à voter dans un sens déterminé est illicite lorsqu'elle est contraire à l'intérêt social ; que l'engagement par lequel un associé se porte-fort du versement par la société de dividendes d'un montant prédéterminé au profit du bénéficiaire de la promesse constitue une convention de vote illicite lorsque ledit versement excède les capacités de la société ; qu'en l'espèce, la SAS [Personne physico-morale 1], Mme [I] et M. [D] sont portés fort du versement par la société [Z], devenue [D], de dividendes d'un montant de 30 000 euros au profit de M. [Z] au titre de l'exercice clos en 2014 ; que ledit exercice s'étant révélé déficitaire, la société n'a pas pu voter le versement des dividendes promises ; que la cour d'appel a pourtant cru pouvoir condamner solidairement la SAS [Personne physico-morale 1], Mme [I] et M. [D] à verser à M. [Z] la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en relevant que "l'engagement librement signé par les parties constitue [?] une promesse de porte-fort et non une convention de vote" ; qu'en statuant ainsi, cependant que la promesse de porte-fort souscrite par les associés relativement au versement de dividendes d'un montant prédéterminé constituait bien une convention de vote illicite, la cour a violé l'article 1120 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article L. 233-3, I.2, du code de commerce ;
2°/ que la faute du bénéficiaire de la promesse de porte-fort, cause de son dommage, exonère le promettant de tout ou partie de sa responsabilité ; qu'en l'espèce, la SAS [Personne physico-morale 1], Mme [I] et M. [D] se sont portés fort du versement par la SARL [Z] de dividendes d'un montant de 30 000 euros au profit de M. [Z] au titre de l'exercice clos en 2014 ; que cet exercice a fait apparaître un résultat déficitaire en raison du transfert, par M. [Z], d'une partie de l'activité de la SARL [Z], devenue [D], vers sa société [Personne physico-morale 3] ; que pour condamner solidairement la SAS [Personne physico-morale 1], Mme [I] et M. [D] à verser à M. [Z] la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel s'est contentée de relever qu'"en l'absence de bénéfice distribuable par la SARL [Personne physico-morale 2] devenue [P] [D], il appartenait donc à la SAS [Personne physico-morale 1], Mme [I] et M. [D] de se substituer à elle et de verser à M. [K] [Z] la somme de 30 000 euros, conformément à leurs obligations contractuelles" ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [Z] n'avait pas commis une faute entraînant une exonération, partielle ou totale, de la responsabilité encourue par les promettants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1120 et 1147 du code civil, dans leurs rédactions applicables à la cause. »
Réponse de la Cour
5. Après avoir reproduit les termes de l'article 2 de l'acte du 27 juin 2014 prévoyant qu'à défaut de l'existence d'une distribution de dividendes par la société [Personne physico-morale 2], la société [D], M. [D] et Mme [I] s'engageaient à payer solidairement et personnellement une indemnité de 30 000 euros à M. [Z], l'arrêt retient qu'en l'absence de bénéfices distribuables, il appartenait à la société [D], M. [D] et Mme [I] de respecter cet engagement. Il en déduit qu'il n'est pas nécessaire de rechercher si ces derniers ont commis une faute causant un préjudice à M. [Z]. En cet état, abstraction faite du motif surabondant critiqué par le premier moyen, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche, invoquée par le second moyen, que ses appréciations sur la nature de l'engagement en cause rendaient inopérante, a exactement retenu que la société [D], M. [D] et Mme [I] devaient être condamnés solidairement à payer la somme de 30 000 euros à M. [Z].
6. Par conséquent, le moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.