Cass. 1re civ., 6 novembre 2002, n° 00-15.220
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu qu'Eugène X... a épousé en 1929, sous l'ancienne communauté légale de meubles et acquêts, Lucienne Y..., dont il a eu trois enfants, René, Aline épouse Z... et Paul ; qu'il a créé successivement en 1934, la SARL X... et Cie ayant pour objet l'exploitation d'une usine de fabrication de grillages et gabions, implantée au lieudit Ravin Rouge à Oran, puis en 1947, la société Grillages X..., chargée de la commercialisation de ces produits ; qu'après l'indépendance de l'Algérie, il a créé en France la société Zimmerfer, puis en 1966, la société Segez ayant le même objet social que la société X... et Cie ; que Lucienne Y..., dont il vivait séparé depuis 1956, étant décédée le 28 novembre 1965, Eugène X... a établi, le 5 juillet 1967, une convention avec ses enfants au sujet de certains biens dépendant de l'indivision post-communautaire ; que, le 4 septembre 1967, il a épousé en secondes noces, sous le régime de la séparation de biens, Mme Christiane A..., avec laquelle il vivait depuis 1962 et à laquelle il a consenti, le 13 janvier 1969, une donation au dernier vivant ;
qu'Eugène X... étant décédé le 12 mai 1990, M. René X... a demandé la liquidation des successions de ses deux parents ; que, statuant au vu d'une expertise ordonnée en première instance, l'arrêt confirmatif attaqué (Chambéry, 15 mars 2000) a arrêté l'actif restant à partager pour chacune des successions ;
Sur la première branche du premier moyen relatif à la succession de Lucienne Y... :
Attendu que M. René X... fait grief à l'arrêt attaqué, d'avoir retenu que la machine à gabions, que Mme A... avait été autorisée à vendre et dont le prix de 700 000 francs se trouvait consigné entre les mains du notaire, avait été attribuée à Eugène X... par la convention du 5 juillet 1967, de sorte que son prix de vente dépendait de sa seule succession et non de l'indivision post-communautaire B..., sans répondre aux conclusions qui faisaient valoir que cette attribution réalisait une donation nulle pour vice de forme ;
Mais attendu que la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, exactement relevé que cette convention, ne comportant que des dispositions entre copartageants, ne constituait pas une donation soumise aux prescriptions de l'article 931 du Code civil, mais un partage partiel, dont la validité n'était pas subordonnée à l'établissement d'un acte authentique ; qu'elle a ainsi répondu aux conclusions prétendument omises et légalement justifié sa décision ;
Sur les deuxième et troisième branches du même moyen :
Attendu que M. René X... fait grief à la cour d'appel d'avoir, ayant exposé que le frère du défunt, M. Yvan X..., avait cédé, le 15 novembre 1962, 4464 parts de la société X... et Cie à M. Paul C... qui les avait rétrocédées à Eugène X... le 7 octobre 1966, retenu que l'indemnité versée à ce dernier par l'ANIFOM ne pouvait dépendre de la succession de Lucienne Y..., sans répondre aux conclusions invoquant le caractère fictif des cessions intervenues en novembre 1962, et d'avoir privé sa décision de base légale au regard des articles 14 de la loi n 70-632 du 15 juillet 1970 et 2 du décret n 70-720 du 5 août 1970, relatifs à l'indemnisation de la dépossession des biens situés en Algérie acquis à titre onéreux jusqu'au 3 juillet 1962 ;
Mais attendu que, d'une part, après avoir énuméré les diverses cessions auxquelles M. Yvan X... avait procédé le 15 novembre 1962, au profit des trois enfants de son frère ainsi qu'au profit de M. Paul C..., la cour d'appel a écarté leur caractère fictif, en retenant que les parts ainsi cédées étaient sorties de la communauté antérieurement au décès de Lucienne Y... le 28 novembre 1965 ;
que, d'autre part, ayant relevé que l'ANIFOM avait procédé à l'indemnisation des actionnaires de la société X... selon les modalités souhaitées par M. René X..., la cour d'appel a légalement justifié sa décision, sans avoir à vérifier l'application des textes susvisés soumis au contrôle des instances administratives ;
Sur les quatrième et cinquième branches du même moyen :
Attendu que M. René X... fait grief à l'arrêt attaqué, d'avoir écarté de la succession de Lucienne Y... le terrain et les bâtiments industriels de Ravin Rouge, alors, d'une part, que la renonciation d'Eugène X..., dans la convention du 5 juillet 1967, à ses droits sur ces biens immobiliers laissait subsister les droits de ses coïndivisaires, et que, d'autre part, les indemnités versées à leur sujet par l'ANIFOM dépendaient de l'indivision post-communautaire, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel aurait violé les articles 815 et 1401 du Code civil ;
Mais attendu que, d'une part, la cour d'appel a exactement relevé que du fait de la dépossession liée à l'indépendance de l'Algérie, cet immeuble ne pouvait en tant que tel être compris parmi les biens à partager ; que, d'autre part, ayant retenu par motifs adoptés que le terrain de Ravin Rouge et les bâtiments qui y étaient édifiés avaient été transférés à la société X... et Cie, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit que l'indemnisation relative à ces immeubles se confondait avec l'indemnisation des parts de cette société répartie entre Eugène X... et ses enfants ;
Sur la sixième branche :
Attendu que M. René X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir écarté de la liquidation de la communauté B... la SARL Grillages X..., au motif qu'elle avait été liquidée en 1962, sans répondre aux conclusions dans lesquelles il faisait valoir que les indemnités de dépossession devaient être réintégrées dans l'indivision post-communautaire ;
Mais attendu qu'ayant constaté, au vu du rapport d'expertise, que l'indemnité perçue par Eugène X... ne portait que sur 50 % des parts, la cour d'appel en a implicitement déduit qu'elle n'excédait pas sa part de communauté ;
Sur la septième branche, telle qu'elle figure au mémoire en demande et est reproduite en annexe au présent arrêt :
Attendu, qu'ayant relevé qu'il ressortait d'une attestation notariée que cet appartement était propre à Eugène X..., la cour d'appel a souverainement retenu que la présomption édictée par le texte susvisé se trouvait ainsi écartée ;
Et sur la huitième branche :
Attendu que M. René X... fait enfin grief à la cour d'appel d'avoir retenu qu'il résultait de la convention du 5 juillet 1967, que le prêt de 1 560 000 francs, consenti à Eugène X... par la société X... et Cie, faisait confusion avec le montant de son compte courant dans la société Zimmerfer, et d'avoir ainsi violé l'article 1300 du Code civil ;
Mais attendu que, tout en constatant qu'Eugène X... avait pu régulièrement inscrire à son compte courant dans la société Zimmerfer le montant du prêt qui lui avait été consenti par la société X... et Cie, l'arrêt attaqué précise que la convention ne prévoit aucune compensation entre les dettes de ces deux sociétés ; d'où il suit que ce dernier grief manque en fait et que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen relatif à la succession d'Eugène X..., pris en sa première branche :
Attendu que le rejet du premier moyen rend la première branche inopérante ;
Sur les deuxième et troisième branches du second moyen :
Attendu que M. René X... fait grief à la cour d'appel de ne pas avoir répondu à ses conclusions, dans lesquelles il faisait valoir que Mme A..., qui les détenait en sa qualité de liquidateur de la société Segez, s'était abstenue de communiquer à l'expert les pièces permettant de déterminer les montants respectifs des comptes courants des époux D..., et d'avoir ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 11 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la faculté d'injonction prévue par ce texte relève du pouvoir discrétionnaire des juges du fond, qui apprécient souverainement les éléments d'information recueillis par l'expert ainsi que les conséquences à tirer du refus de l'une des parties de communiquer certaines pièces ; que le grief ne peut être accueilli ;
Sur les quatrième et cinquième branches du même moyen :
Attendu que M. René X... fait grief à la cour d'appel d'avoir admis la régularité des acquisitions immobilières effectuées par Mme A..., en dénaturant le rapport d'expertise et sans répondre aux conclusions, dans lesquelles il faisait valoir que la rémunération globale de 274 188 francs, pour la période considérée n'avait pu permettre le paiement d'acquisitions pour 650 000 francs ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu, sans dénaturation des constatations de l'expert, que les acquisitions litigieuses avaient été payées par compensation avec le compte courant de l'acquéreur, qui était largement provisionné par les rémunérations non perçues par Mme A... dans son activité de gérante de la société Segez de 1974 jusqu'à sa dissolution ; qu'elle a ainsi répondu aux conclusions prétendument omises qui ne faisaient état que des salaires versés, mentionnés sur les déclarations fiscales pour un montant global de 274 188 francs entre 1974 et 1982, représentant une rémunération annuelle inférieure à 35 000 francs ;
Sur la sixième branche :
Attendu que M. René X... fait encore grief à la cour d'appel d'avoir exclu les actifs de la société Segez de tout rapport à la succession d'Eugène X..., sans répondre aux conclusions dans lesquelles il faisait valoir que l'acquisition à titre gratuit par Mme A... de parts de cette société constituait en réalité une donation à son profit ;
Mais attendu, qu'en retenant que l'activité exercée par Mme A... en tant que gérante pendant plusieurs années sans percevoir de rémunération correspondant à ses fonctions constituait la contrepartie des attributions litigieuses, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument omises ;
Et sur la septième branche :
Attendu que M. René X... fait enfin grief à la cour d'appel de ne pas avoir inclus dans l'actif de la succession de son père les 4 464 parts de la société X... et Cie dont elle avait relevé l'acquisition en 1966, et d'avoir ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 711 et 724 du Code civil ;
Mais attendu, qu'après avoir constaté que la totalité des parts de cette société avaient donné lieu à une indemnisation de l'ANIFOM, la cour d'appel a retenu qu'Eugène X... avait pu disposer de son vivant de l'indemnisation personnelle lui revenant, dès lors que ses enfants avaient reçu leur propre part, et a inclus dans l'actif à partager le solde du certificat d'indemnisation pour un montant de 900 000 francs ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision et que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. René X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme A..., veuve X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille deux.