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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 19 janvier 2006, n° 04/01448

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Maupard Fiduciaire (SA)

Défendeur :

Triebel, Courde, Gem Technologies (SA), Armington Finance Ltd (Sté), Auzan

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Laporte

Conseillers :

M. Fedou, M. Coupin

Avoués :

SCP Bommart Minault, SCP Keime Guttin Jarry, SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod

Avocats :

Me Parrinello, Me Toury

T. com. Versailles, 1re ch., du 28 janv.…

28 janvier 2004

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société GEM TECHNOLOGIES est une société anonyme holding qui contrôle, directement ou indirectement, plusieurs sociétés dont GEM ELECTRONIQUE MESURES et SEFRAM. Son capital est détenu majoritairement par la société ARMINGTON FINANCE LTD. Etaient aussi associés messieurs Daniel AUZAN, François COURDE, Henri TRIEBEL et Claude PERILLARD. Les administrateurs étaient messieurs JACQUIER, PERILLARD et TRIEBEL lequel était le Président du conseil. La société MAUPARD FIDUCIAIRE est le commissaire aux comptes des deux sociétés GEM TECHNOLOGIES et GEM ELECTRONIQUE MESURES.

Suite à un désaccord entre les actionnaires majoritaires et monsieur TRIEBEL, une discussion a conduit à l’élaboration d'un projet de protocole emportant cession par messieurs COURDE et TRIEBEL de leurs actions dans les deux sociétés GEM et rachat par ces derniers des titres des sociétés SEFRAM et MEGE.

Les cessions réciproques d'actions devaient être accompagnées de la démission des mandats d’administrateurs de messieurs TRIEBEL et COUDE au cours d'assemblées devant être réunies, pour les remplacer, le 03 octobre 2003, date convenue pour la signature du protocole.

Ce jour-là, invoquant une offre extérieure reçue pour le rachat de la société SEFRAM moyennant le prix de 250.000 euros, les actionnaires majoritaires n'ont pas signé le projet de protocole, messieurs TRIEBEL et COURDE ont alors retiré leur démission d'administrateurs.

L’assemblée des actionnaires de la société GEM ELECTRONIQUE MESURE n'a, en conséquence, adopté aucune des résolutions relatives au remplacement de ses administrateurs.

Celle de la société GEM TECHNOLOGIES, pareillement convoquée, a été ajournée au motif d'une incertitude sur la régularité d'un pouvoir. Son président monsieur TRIEBEL a convoqué le 07 octobre 2003 les administrateurs à une réunion du conseil, qui s'est tenue le 13 du même mois, au cours de laquelle a été décidé l’ajournement sine die de l’assemblée générale de démission des administrateurs.

Le 10 octobre 2003, la société MAUPARD FIDUCIAIRE, commissaire aux comptes, a convoqué l’assemblée générale des actionnaires de la société GEM TECHNOLOGIE pour le 16 octobre sur un ordre du jour identique à celle ajournée.

Le 16 octobre 2003, cette assemblée a révoqué messieurs TRIEBEL et JACQUIER de leurs fonctions d'administrateurs et a nommé, pour les remplacer, messieurs Jean-Pascal et Claude BATTESTI.

Le conseil d'administration, réuni à sa suite, a désigné monsieur Olivier BATTESTI aux fonctions de Président et monsieur Jean-Pascal BATTESTI à celles de directeur général.

A la demande de monsieur TRIEBEL, le président du tribunal de commerce de Versailles, statuant en référé, a rendu une ordonnance désignant la SCP LAUREAU JANNEROT administrateur provisoire de la société GEM TECHNOLOGIES.

C'est dans ces circonstances que monsieur TRIEBEL a introduit devant les juges du fond de cette même juridiction, à l’encontre de la société GEM TECHNOLOGIES et de la société MAUPARD FIDUCIAIRE, une action en annulation des convocations et, conséquemment, des décisions prises par l’assemblée du 16 octobre 2003.

La société ARMINGTON FINANCES et monsieur Daniel AUZAN sont intervenus volontairement aux côtés de la société GEM TECHNOLOGIES. Monsieur François COURDE en a fait de même auprès de monsieur Henri TRIEBEL. Ces derniers ont ajouté à leurs prétentions une demande de dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 28 janvier 2004, cette juridiction a déclaré nulle la convocation de l’assemblée générale envoyée le 10 octobre 2003 sous la signature de la société MAUPARD FIDUCIAIRE et a, en conséquence, annulé les décisions de nomination de messieurs Olivier et Jean-Pascal BATTESTI aux fonctions d'administrateurs et, respectivement, de président du conseil et de directeur général. Elle a chargé l’administrateur provisoire de régulariser les formalités au registre du commerce. Elle a condamné la société MAUPARD FIDUCIAIRE à payer à monsieur Henri TRIEBEL 10.000 euros de dommages et intérêts et a débouté monsieur François COURDE de sa demande au même titre comme les sociétés MAUPARD FIDUCIAIRE, ARMINGTON FINANCE et monsieur Daniel AUZAN de leur demande reconventionnelle.

Elle a donné mission à l’administrateur provisoire de réunir une assemblée des actionnaires de la société GEM TECHNOLOGIES afin de les inviter à se prononcer sur la révocation des mandats d'administrateurs et la désignation de leurs remplaçants.

Elle a alloué 2.500 euros à messieurs Henri TRIEBEL et François COURDE pour leurs frais irrépétibles et condamné les sociétés MAUPARD FIDUCIAIRE, GEM TECHNOLOGIES, ARMINGTON FINANCE et monsieur Daniel AUZAN aux dépens.

Appelante de cette décision, la société MAUPARD FIDUCIAIRE expose que, par courrier du 21 août 2003, elle avait requis la réunion d’une assemblée ; que, constatant après l’ajournement de celle du 03 octobre qu'aucune assemblée n'était convoquée et s'avisant donc de la carence des organes de direction à répondre à sa demande, elle a estimé qu'une telle situation justifiait qu'elle y procédât elle-même.

Elle considère avoir agi conformément à sa mission, dans l’intérêt social de la société GEM TECHNOLOGIES qui était en proie à un conflit entre actionnaires et se heurtait à un comportement dilatoire de monsieur Henri TRIEBEL. Elle estime ainsi avoir respecté les dispositions des articles L. 225- 103 du code de commerce et 194 du décret du 23 mars 1967.

Elle ajoute que les irrégularités alléguées n'entrainent pas la nullité de plein droit de la convocation.

Elle soutient que n'est pas justifiée la somme allouée à monsieur Henri TRIEBEL dont elle discute la réalité du préjudice moral en relevant qu'elle n'est pas responsable du conflit entre les actionnaires et en observant que la tenue de l’assemblée du 16 octobre 2003 n'en a pas retardé l’issue.

Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement, de débouter monsieur Henri TRIEBEL et monsieur François COURDE de toutes leurs demandes, de condamner monsieur Henri TRIEBEL à lui restituer la somme de 10.000 euros perçue en exécution provisoire du jugement ; ainsi qu'à lui payer une somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société GEM TECHNOLOGIES a conclu une première fois le 10 février 2005 aux côtés de messieurs TRIEBEL et COURDE, puis, après avoir constitué comme son avoué la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS-BOCCON-GIBOD en remplacement de la SCP KEIME-GUTTIN-JARRY, a demandé, seule cette fois, par des conclusions récapitulatives signifiées le 11 mai 2005 qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s’en rapportait à justice et sollicitait, de la partie qui succombera, 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Messieurs Henri TRIEBEL et François COURDE procèdent ensemble à un long exposé de l’historique du conflit et de la démarche globale de leur éviction.

Ils soutiennent que les dispositions des articles L. 225-103 du code de commerce et 194 du décret du 23 mars 1967 ont été méconnues par la société MAUPARD FIDUCIAIRE puisque l’assemblée du 03 octobre 2003 a été valablement convoquée et s'est réunie régulièrement.

Ils soulignent l’absence de toute correspondance entre la lettre de la société MAUPARD FIDUCIAIRE du 21 août 2003 et le texte de la convocation que cette dernière a émise le 10 octobre, alors pourtant qu'elle avait été convoquée le 7 du même mois à la réunion du conseil d'administration qui s'est tenue le 10 octobre.

Ils invoquent aussi les dispositions de l’article L. 225-105 du code de commerce en relevant que le commissaire aux comptes s’est vu dicter l’ordre du jour de l’assemblée.

Ils concluent ainsi à la nullité de la convocation et à celle des décisions prises par l’assemblée du 16 octobre 2003.

Ils considèrent que le commissaire aux comptes n'a pas compétence pour apprécier la régularité d'une assemblée d'actionnaires ou de son ajournement. Ils font valoir les causes légitimes du report tenant à la nullité du pouvoir remis par la société ARMINGTON FINANCE à monsieur BATTESTI.

Ils affirment que le principe d'indépendance du commissaire aux comptes prévu par l’article L. 225-222 du code de commerce et l’interdiction d'immixtion dans la gestion édictée par l’article L. 225-235 du même code, ont été violés.

Monsieur Henri TRIEBEL expose qu’il a été révoqué dans des conditions abusives et vexatoires qui doivent être appréciées à la date du 16 octobre 2003 et non pas au vu des accords ultérieurement intervenus ; qu’il n’a pas pu présenter ses observations et que la décision portait atteinte à sa dignité et à sa réputation.

Messieurs TRIEBEL et COURDE demandent en conséquence à la cour de débouter la société MAUPARD FIDUCIAIRE de ses demandes, de confirmer le jugement, de condamner cette dernière à  leur payer, à chacun, 10.000 euros pour appel abusif et 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société ARMINGTON FINANCE a été assignée par acte en date du 24              février 2005 délivré à personne habilitée, mais n'a pas constitué avoué.

Monsieur Daniel AUZAN a assigné à domicile par acte en date du 25 janvier 2005 et réassigné le 18 mai 2005, mais n'a pas constitué avoué.

La présente décision sera réputée contradictoire en application de l’article 474 du nouveau code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 08 septembre 2005 et l’affaire a été évoquée à l’audience du 22 novembre 2005.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que l’article L. 225-103 du code de commerce édicte que l’assemblée générale des actionnaires d’une société anonyme de type classique est convoquée par le conseil d’administration ; qu’il ajoute qu'à défaut, elle peut l’être par les commissaires aux comptes ;

Considérant que l’article 194 du décret du 23 mars 1967 précise que le commissaire aux comptes ne peut convoquer l’assemblée des actionnaires qu'après en avoir vainement requis, par lettre recommandée, la réunion par le conseil d'administration ;

Considérant en l’espèce que, par lettre recommandée adressée au président de la société GEM TECHNOLOGIES le 21 août 2003, la société MAUPARD FIDUCIAIRE a demandé la convocation d'une assemblée afin de statuer sur la révocation de messieurs TRIEBEL et JACQUIER de leurs fonctions d'administrateurs, précisant qu’à défaut, dans un délai de quinze jours, il y procèderait lui-même ;

Considérant que le 18 septembre 2003, la société GEM TECHNOLOGIES convoquait l’assemblée générale afin qu'il soit statué sur divers points et, notamment, sur la "nomination d’administrateurs en remplacement d’administrateurs démissionnaires" ; que le rapport du conseil aux actionnaires précisait que les démissions d'administrateurs concernaient messieurs TRIEBEL et JACQUIER ;

Considérant ainsi qu'il doit être retenu que la convocation de cette assemblée d'actionnaires donnait satisfaction à la demande du Commissaire aux comptes du 21 août puisque les résolutions proposées aboutissaient, en cas d'approbation, à l’interruption des mandats d'administrateur des deux intéressés ;

Considérant au demeurant que le procès-verbal ne mentionne pas une quelconque protestation de la société MAUPARD FIDUCIAIRE, présente à l’assemblée, sur la substitution de démissions proposées aux révocations requises ; qu’en tout état de cause, et par application de l’article L. 225-105 du code de commerce, la révocation d'un administrateur peut être prononcée par l’assemblée, même si la question n'est pas inscrite à l’ordre du jour ;

Considérant que l’assemblée ainsi convoquée à la demande du commissaire aux comptes s'est effectivement réunie le 03 octobre 2003 ainsi que l’établit le procès-verbal qui est produit aux débats ;

Considérant toutefois qu'elle a été ajournée par décision de monsieur Henri TRIEBEL, président, au motif que le pouvoir présenté par monsieur BATTESTI pour la société ARMINGTON FINANCE LTD ne faisait pas ressortir la qualité du signataire de ce document ;

Considérant que dès le 07 octobre 2003, le président de la société GEM TECHNOLOGIES a convoqué le conseil d'administration pour la date du 13 octobre sur l’ordre du jour suivant "Convocation d'une assemblée générale ordinaire sur deuxième convocation en raison de l’ajournement de la 1ère assemblée du 03 octobre 2003 - Questions diverses"; que cette lettre de convocation a été adressée à la société MAUPARD FIDUCIAIRE en sa qualité de commissaire aux comptes, par un envoi recommandé dont elle a accusé réception le 08 octobre 2003 ;

Considérant que dès le 10 du même mois, cette dernière, représentée par monsieur Patrick MAUPARD, procédait, sur du papier à l’entête de la société GEM TECHNOLOGIES, à une nouvelle convocation de l’assemblée, pour le 16 octobre 2003, avec un ordre du jour identique à celui de l’assemblée convoquée le 03 octobre précédent ;

Considérant que la société MAUPARD FIDUCIAIRE a justifié cette initiative par la phrase suivante "Compte tenu que l’Assemblée Générale du 03 octobre a été ajournée dans des conditions contestées, et qu’elle n'a pas fait l’objet d'une nouvelle convocation immédiate ainsi que je l’avais demandé au Président, j'ai l’honneur de vous reconvoquer le jeudi 16 octobre prochain à 11 heures, dans les locaux de mon cabinet au 18 rue Jean Mermoz - 75008 PARIS" ;

Considérant que lors de la réunion du conseil d'administration du 13 octobre, à laquelle a participé monsieur Patrick MAUPARD en sa qualité de commissaire aux comptes, il lui a été demandé des explications sur la nouvelle convocation d’une assemblée, au surplus à une date où messieurs TRIEBEL et AUZAN devaient se rendre à Chambéry sur convocation de la cour d'appel ; que les réponses du commissaire aux comptes ont été consignées dans le procès-verbal du conseil, dans les termes suivants : « Le Commissaire aux comptes explique avoir été mis en demeure par ARMINGTON FINANCE, Daniel AUZAN et J.P. BATTESTI de reconvoquer une assemblée nouvelle sans tenir un conseil d'administration intermédiaire. En application de l'article L. 225-103 II du code de commerce, le commissaire aux comptes indique avoir appliqué cette procédure sans délai. La mise en demeure ayant reçue le vendredi 10 octobre, le sixième jour franc après cette date correspond au jeudi suivant. Le commissaire aux comptes ignorait la date précise de cette audience. » ;

Considérant que le conseil d'administration, réuni le 13 octobre, a pris la décision d'ajourner sine die l’assemblée générale et a demandé expressément à monsieur MAUPARD d'ajourner celle qu’il avait convoquée pour le 16 octobre 2003 ; que ce dernier n'en a rien fait ; que l’assemblée a été tenue en l'absence de messieurs TRIEBEL et COURDE et a révoqué messieurs Henri TRIEBEL et Pierre JACQUIER de leurs fonctions d'administrateurs ;

Considérant que les dispositions combinées des articles L. 225-103 du code de commerce et 194 du décret du 23 mars 1967 ouvrent au commissaire aux comptes la faculté de convoquer une assemblée d'actionnaire mais soumettent cette possibilité à la condition d'une requête préalable présentée au conseil d'administration et demeurée vaine ;

Considérant que la demande de réunion d'une assemblée, formulée par la société MAUPARD FIDUCIAIRE dans sa lettre du 21 août 2003 a été effectivement suivie d’effet puisque l’assemblée a été convoquée pour le 03 octobre suivant, selon des modalités dont la régularité n'est pas discutée ;

Considérant que, président du conseil d'administration et président de l’assemblée, monsieur Henri TRIEBEL avait toute qualité pour procéder à la vérification de la régularité des pouvoirs des actionnaires représentés ; qu'il n'entre pas dans les fonctions du commissaire aux comptes d'émettre un avis sur le caractère fondé ou non d’une telle décision d’ajournement ;

Considérant que c'est sans tarder que le président a convoqué de nouveau le conseil d'administration pour le 13 octobre 2003 afin qu’il soit statué sur la convocation d'une deuxième assemblée, suite à l’ajournement de la première ; qu'il n'y avait aucune carence des organes de gestion dans l’exécution conforme à la réglementation, du processus de réunion de l’assemblée sollicitée par la société MAUPARD FIDUCIAIRE dans sa lettre du 21 août ;

Considérant, dans ces circonstances que l’émission par la société MAUPARD FIDUCIAIRE d'une convocation, dès le 10 octobre 2003, sans même attendre la réunion du conseil convoquée pour le 13 du même mois, ne satisfaisait manifestement pas aux conditions fixées par l’article 194 du décret du 23 mars 1967, la société GEM TECHNOLOGIES ne se trouvant pas en l’espèce, ainsi que l’ont relevé à bon droit les premiers juges, dans une situation autorisant le commissaire aux comptes à convoquer une assemblée générale des actionnaires ;

Considérant ainsi que la convocation émise par la société MAUPARD FIDUCIAIRE était irrégulière ;

Considérant que l’article L. 225-104 du code de commerce édicte en son deuxième alinéa que toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée ;

Considérant que, comme le relève la société MAUPARD FIDUCIAIRE, la nullité est facultative ; qu’il convient en l’espèce de relever que l'assemblée a été réunie à une date où monsieur Henri TRIEBEL ne pouvait être présent puisque convoqué à une audience devant la cour d'appel de Chambéry, ainsi qu’il en justifie, alors que l’ordre du jour qui visait sa démission le concernait personnellement ;

Considérant que l’affirmation de monsieur MAUPARD de son ignorance de la date de ce nécessaire déplacement en province ne peut pallier la gravité de la réunion d'une assemblée hors la présence du président du conseil d'administration, alors même que celui-ci avait informé le commissaire aux comptes de son inévitable absence, ce jour-là, et lui avait demandé d'ajourner l’assemblée convoquée ;

Considérant enfin que la société GEM TECHNOLOGIES elle-même s'en rapporte à justice sur le mérite des demandes ;

Que doit en conséquence recevoir confirmation le jugement entrepris en ses dispositions prononçant la nullité de la convocation émise par la société MAUPARD FIDUCIAIRE le 10 octobre 2003, celle de la décision de l’assemblée du 16 octobre comme celle de la délibération du conseil d'administration qui l’a suivie le 18 octobre 2003 ;

Considérant que l'émission par le commissaire aux comptes d'une convocation d'actionnaire en violation des dispositions de l’article 194 du décret du 23 mars 1967 est fautive ;

Considérant que la simple constatation de l’existence d'un conflit d'actionnaires ne saurait justifier que la société MAUPARD FIDUCIAIRE se soit substituée indûment aux organes de gestion qui fonctionnaient normalement ; que le commissaire aux comptes n'a pas qualité pour qualifier de dilatoire le comportement de monsieur Henri TRIEBEL qui a procédé à une application rigoureuse de la loi et à un exercice normal de ses attributions en vérifiant la qualité des pouvoirs présentés par une personne qui, de surcroit, n'était pas elle-même actionnaire ;

Considérant que l’article L. 225-105 du code de commerce dispose que l’ordre du jour des assemblées est arrêté par l’auteur de la convocation ; qu’en l’espèce la société MAUPARD FIDUCIAIRE par la voie de son représentant monsieur Patrick MAUPARD a expliqué, lors de la réunion du conseil d'administration du 13 octobre, que son attitude résultait d'une mise en demeure qu'elle avait reçue de la société ARMINGTON FINANCE LTD ainsi que de messieurs AUZAN et BATTESTI de procéder à cette convocation sans tenir un conseil d'administration intermédiaire ;

Considérant que la société MAUPARD FIDUCIAIRE ne peut ainsi prétendre avoir agi dans l’intérêt de la société en convoquant l’assemblée annulée alors que c’est au seul avantage et à la demande d'un groupe majoritaire d'actionnaires qu'elle a pris cette initiative manquant par-là à son devoir d'indépendance ;

Considérant que la première résolution adoptée par l’assemblée annulée du 16 octobre 2003 a porté sur la révocation, à effet du lendemain, de messieurs monsieur Henri TRIEBEL et Pierre JAQUIER ; que cette révocation sans préavis et sans que les intéressés aient disposé de la possibilité de présenter leurs explications et leurs moyens a été suivie d'une inscription modificative au registre du commerce que les premiers juges ont ordonné à l’administrateur provisoire d'annuler ;

Considérant qu'en plus du préjudice résultant de l’atteinte à la dignité et à la réputation de monsieur Henri TRIEBEL par l’effet de sa révocation précipitée, ce dernier s'est vu privé brutalement de la rémunération qui était attachée à ses fonctions de président ;

Considérant que c'est par une appréciation exacte de ces préjudices que les premiers juges ont condamné la société MAUPARD FIDUCIAIRE à payer à monsieur Henri TRIEBEL la somme de 10.000 euros ;

Que le jugement sera, en conséquence, confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que messieurs Henri TRIEBEL et François COURDE ne démontrent pas le caractère abusif du comportement de la société MAUPARD FIDUCIAIRE qui a exercé une voie de recours que lui réserve la loi sans qu'il soit démontré que cette action ait dégénéré en abus, ni ne justifient du préjudice qu'ils allèguent ; que leur demande en paiement de dommages et intérêts doit être rejetée ;

Considérant en revanche qu'il serait inéquitable de laisser à leur charge des frais non compris dans les dépens qu'ils ont été contraints d’engager en cause d'appel ; que la société MAUPARD FIDUCIAIRE sera condamnée à payer à chacun d'eux une indemnité complémentaire de 1.500 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant que l’équité ne commande pas d'allouer des sommes sur le fondement du même texte à la société MAUPARD FIDUCIAIRE comme à la société GEM TECHNOLOGIES ;

Considérant que la société MAUPARD FIDUCIAIRE qui succombe dans l’exercice de son recours doit être condamnée aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

DEBOUTE monsieur Henri TRIEBEL et monsieur François COURDE de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE la société MAUPARD FIDUCIAIRE à payer à chacun de monsieur Henri TRIEBEL et de monsieur François COURDE la somme complémentaire de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à application de ce même texte au bénéfice de la société MAUPARD FIDUCIAIRE et de la société GEM TECHNOLOGIES,

CONDAMNE la société MAUPARD FIDUCIAIRE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par les SCP KEIME-GUTTIN-JARRY et LISSARRAGUE-DUPUIS-BOCCON-GIBOD, avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.