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Décisions

ARCEP, 10 octobre 2006, n° 06-1015

ARCEP

se prononçant sur un différend opposant les sociétés 118 218 Le Numéro et Orange France

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Champsaur

Membre :

Mme Toledano, M. Bridoux, M. Curien, M. Douffiagues, M. Feneyrol

ARCEP n° 06-1015

9 octobre 2006

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/19/CE du Parlement Européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »),

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 32-1, L. 34-8, L. 36-8, et R. 11-1 ;

Vu la décision n° 05-0585 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 23 juin 2005 attribuant des ressources en numérotation à la société Le Numéro France (numéros 118 075, 118 218, 118 220, 118 318, 118 713, 118 880 et 118 910) ;

Vu la décision n° 05-0928 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 18 octobre 2005 modifiant la décision n° 05-0599 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 23 juin 2005 attribuant des ressources en numérotation à la société Orange France (numéro 118 712) ;

Vu la déclaration de la société 118218 Le Numéro en date du 9 novembre 2004 modifiée le 10 août 2006 visant à fournir le service téléphonique et autres services que téléphonique et à exploiter un réseau de communications électroniques ouvert au public, ci-après « Le Numéro » ;

Vu l’arrêté du 17 août 2000 modifié autorisant la société France Télécom Mobiles SA à établir un réseau radioélectrique ouvert au public en vue de l’exploitation d’un service numérique paneuropéen GSM F1 fonctionnant dans les bandes des 900 MHz et des 1 800 MHz ("autorisation Orange France") ;

Vu l’arrêté du 18 juillet 2001 autorisant la société Orange France à établir et exploiter un réseau radioélectrique de troisième génération ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ("autorisation Orange France – UMTS") ;

Vu la décision de l'Autorité n° 06-0044 en date du 10 janvier 2006 portant modification du règlement intérieur ;

Vu la demande de règlement d’un différend enregistrée à l'Autorité le 16 juin 2006, présentée par la société 118 218 Le Numéro, RCS de Paris B 478 343 080, dont le siège social est situé 14, boulevard de la Madeleine, représentée par M. Bruno Massiet du Biest, directeur général ;

La société 118 218 Le Numéro (ci-après Le Numéro) demande à l'Autorité :

- de réduire très significativement le taux de rétention prélevé par Orange France sur le tarif public à l'appel du Numéro ;

- de fixer des règles de partage équitable des revenus générés par la facturation de l'air-time par Orange France ;

- d'imposer à Orange France de créer au moins deux paliers de niveau intermédiaire entre chacun des paliers tarifaires actuels et que ces paliers soient fixés à des niveaux identiques à ceux proposés par France Télécom. Par ailleurs, doit être imposé à Orange France de réaliser toute demande de migration de paliers tarifaires du Numéro dans un délai maximal de deux semaines lorsque cette demande est consécutive à une évolution des tarifs de renseignements téléphoniques du groupe France Télécom/Orange France ;

- d'enjoindre à Orange France, de proposer dans un délai maximal d'un mois, une offre d'interconnexion pour la terminaison des SMS sur la base de conditions techniques et tarifaires fixées par l'Autorité.

Par ailleurs, Le Numéro demande à l'Autorité que les conditions qu'elle fixera dans sa décision rétroagissent, de sorte que les nouvelles conditions couvrent l'ensemble de la période litigieuse.

I.  Contexte de la saisine

1.1.  L'ouverture à la concurrence motivée par la nécessité d'établir les conditions d'une situation de concurrence loyale et effective entre opérateurs intégrés et opérateurs non intégrés

Le Numéro rappelle que le Conseil d'Etat dans un arrêt du 25 juin 2004 a estimé que le service de renseignement n'est pas indissociablement lié à l'exploitation du réseau téléphonique. Le Numéro souligne que le Conseil de la Concurrence a également insisté sur les éléments déterminant du fonctionnement concurrentiel des renseignements téléphoniques et sur les risques d'éviction des nouveaux entrants liés à l'intégration des activités d'opérateur de réseau et de fournisseurs de services de renseignements téléphoniques. Le Numéro note que le Conseil a rappelé que parmi les éléments déterminants à un fonctionnement effectif et loyal du marché, il fallait veiller aux conditions d'accès offertes par les opérateurs intégrés, notamment les prestations de départ d'appels et de facturation et recouvrement pour compte  de tiers.

Le Numéro observe que le nouveau processus a permis l'entrée sur le marché des nouveaux acteurs. Le Numéro estime toutefois que le marché est fragilisé par le refus des opérateurs mobiles notamment Orange France, qui intervient à la fois sur les prestations de gros de départ d'appel et sur la facturation et recouvrement pour compte de tiers et sur le marché de renseignements, de proposer des conditions d'accès et d'interconnexion équitables.

Le Numéro indique que les opérateurs mobiles ont montré des réticences à engager des négociations avec les nouveaux entrants et tout particulièrement Orange France. Le Numéro souligne que l'offre d'accès et d'interconnexion d'Orange France ne permet pas une concurrence loyale et effective avec les services de renseignements téléphoniques "convergents". C'est pour cette raison que Le Numéro sollicite l'intervention de l'Autorité sur le préjudice résultant de cette situation pour les consommateurs et le marché.

1.2.  La spécificité des activités de services de renseignements téléphoniques

Le Numéro estime que l'activité d'opérateur de services de renseignements ne peut être assimilée à une activité d'éditeur de contenu. Elle rappelle que ce marché est soumis à des conditions particulières :

- contrairement aux éditeurs de services spéciaux, les opérateurs de renseignements téléphoniques sont des opérateurs de communications électroniques devant être déclarés au titre de l'article L. 33-1 du CPCE,

- c'est un marché caractérisé par l'exigence d'une concurrence sur les prix des appels vers les services de renseignements qui n'existe pas ou très peu pour les autres services de contenus ; les prix des services de renseignements téléphoniques étant comparés par les consommateurs,

- les prix de ces services ont une structure différente de ceux des services spéciaux, due à des contraintes tarifaires particulières,

- la concurrence s'exerce sur le prix offert au départ de chaque réseau fixe ou mobile et sur la perception qu'ont les consommateurs de la cherté et de la simplicité des tarifs offerts sur l'ensemble des réseaux fixes et mobiles,

- les opérateurs de services de renseignements doivent pouvoir offrir des tarifs lisibles et harmonisés sur les réseaux fixes et mobiles, et une tarification permettant aux consommateurs de maîtriser leur consommation,

- contrairement aux services spéciaux, les services de renseignement téléphonique incluent la fourniture de services de communication interpersonnelle vers les abonnés au service téléphonique en cas de mise en relation vers les numéros demandés, qui nécessite un contrôle de bout en bout de l’opérateur de renseignement téléphonique, par exemple pour permettre le retour au centre d’appels en cas d'échec,

- les relations d'accès et d'interconnexion entre l'opérateur de services de renseignements et les opérateurs de boucle locale ne soulèvent pas les mêmes problèmes de co-responsabilité et de risque financier lié à la facturation et aux contenus offerts : forte responsabilité des fournisseurs de renseignements téléphoniques ("capital-marque"), peu de risques déontologiques et d’impayés par rapport aux services spéciaux.

1.3.     Les besoins d'accès et d'interconnexion des opérateurs de renseignements téléphoniques

Le Numéro souligne que les spécificités du marché des renseignements téléphoniques nécessitent de conclure des accords d'accès et d'interconnexion particuliers, à savoir des accords :

- d'accès aux bases d'annuaire auprès de tous les opérateurs de boucle locale,

- d'accès et d'interconnexion de "départ d'appel" permettant l'accessibilité d'un même numéro

118 XYZ au départ de chacune des boucles locales fixes et mobiles incluant l'interconnexion pour l'acheminement en départ d'appel des communications vers le 118 XYZ et les prestations d'accès associés :

- l’accès aux paliers tarifaires,

- les modalités de facturation, recouvrement pour compte de tiers,

- les modalités et niveaux de reversement à l’opérateur de services de renseignements.

- de terminaison d'appels SMS depuis les centres d'appels des opérateurs de renseignements téléphoniques sur chacun des réseaux mobiles où ces services sont accessibles,

- de terminaison d'appels vocaux vers les réseaux fixes et mobiles pour assurer la mise en relation des clients appelant le 118 XYZ vers les autres abonnés dont ils ont sollicité le numéro.

Le Numéro souligne que les conditions financières et techniques offertes sur les principaux réseaux fixes et mobiles contraignent les conditions dans lesquelles elle peut effectivement intervenir sur le marché :

- le niveau et les modalités de reversement offertes par ces accords déterminent les paliers tarifaires que l'opérateur de renseignements téléphoniques peut choisir sans subir de pertes financières,

- le choix des paliers tarifaires sur chaque réseau est contraint par la nécessité commerciale d'adopter autant que possible une tarification unique et simple sur les différents réseaux.

1.4.  Une concurrence exercée principalement face aux offres du groupe intégré Orange France/France Télécom et en l'absence de régulation sur le départ d'appels d'Orange France

Le Numéro considère que son entrée sur le marché des services de renseignements s'exerce face aux services "convergents" offerts par France Télécom/Orange France, qui détient l'ancien monopole des services de renseignements (via le 12) et le regroupement de près de ¾ des abonnés à l'accès au service téléphonique fixe et mobile en France.

Le Numéro note que si les conditions de départ d'appels depuis le réseau de France Télécom sont régulés à titre ex-ante par l'Autorité, les conditions appliquées par Orange France sur son départ d'appels ne font actuellement l'objet d'aucune prescription ni formelle ni informelle.

Le Numéro estime que l'absence de contrôle permet à Orange France d'imposer des conditions d'accès et d'interconnexion sur son réseau très éloignées de celles prévues par les réseaux fixes. Le Numéro indique que ces conditions s'appuient sur les principes suivants :

- le départ d'appel vers le 118 218 n'est pas facturé au Numéro, mais Orange France conserve l’intégralité de l’air time,

- en dépit de airtime, les frais d'interconnexion au réseau d'Orange France, le transit et la terminaison des appels vers les centres d'appels fixes du Numéro sont à la charge du Numéro,

- une rétention supplémentaire de […] % est prélevée par Orange France sur le chiffre d'affaires HT lié à l'application des prix publics du Numéro, soit le prix à l'appel de 1,124 € TTC/appel et la surtaxe à la minute de 5,6 c€/minute.

Le Numéro souligne qu'elle se trouve dans une situation de concurrence insoutenable face aux offres "convergentes" d'Orange France. Cette situation porte un préjudice grave et immédiat à l'ensemble des consommateurs qui sont ainsi soumis à des niveaux de prix trop élevés et illisibles, les dissuadant d'utiliser les services de renseignements au départ de leurs téléphones mobiles. Le Numéro indique que cette situation aggrave la contraction actuelle du marché, estimée à 30 %. Le Numéro précise que la réduction des volumes d'appels a pour effet de renforcer les difficultés rencontrées par les opérateurs de renseignements téléphoniques pour atteindre la rentabilité économique nécessaire au développement de leur activité. Le Numéro souligne qu'en l'absence de réponse à ses demandes pour redéfinir les conditions d'accès et d'interconnexion, elle ne pourra qu’augmenter ses prix publics au détriment de l'intérêt des consommateurs et en renforçant la position de l'opérateur historique.

II.  L'échec des négociations d'accès et d'interconnexion

2.1.  La première demande du Numéro et la conclusion d'un contrat en septembre 2005

Le Numéro indique que sa demande initiale date du 7 décembre 2004, à laquelle Orange France a répondu le 23 février 2005 en indiquant que l'offre serait du même type que celle en vigueur pour les services de renseignements historiques, sous réserve du cadre réglementaire relatif aux conditions d'attribution des 118XYZ.

Le Numéro indique que plusieurs échanges ont eu lieu ainsi que des réunions afin de discuter sur les modalités d’interconnexion et d’accès avec Orange France. Le Numéro précise que le 6 septembre 2005 elle a signé le contrat sans réelles négociations préalables de manière à ce que les numéros 118 puissent être ouverts avant le 2 novembre 2005. Le Numéro indique que l'ouverture technique des numéros 118 a eu lieu le 24 octobre 2005 permettant d'effectuer des tests avant l'ouverture commerciale prévue le 2 novembre 2005.

2.2.   Les négociations relatives aux conditions d'interconnexion et d'accès avec Orange France

Le Numéro souligne qu'elle a adressé le 16 décembre 2005 une demande de négociations à Orange France qui n'y a pas répondu. Le Numéro a fait une relance auprès d'Orange France le 9 janvier 2006, en y ajoutant une demande supplémentaire d'offre de terminaison d'appel de SMS.

Le Numéro indique qu'Orange France par un courrier du 11 janvier 2006 a refusé certaines de ses demandes, mais lui a proposé une réunion qui s'est tenue le 3 février 2006, dont les comptes-rendus établis par Le Numéro et Orange France attestent de nombreux points de divergence entre les deux parties.

Le Numéro précise qu'une nouvelle réunion s'est tenue le 2 mars 2006 où deux comptes- rendus ont été établis attestant d'une ouverture d'Orange France quant à la création de nouveaux paliers tarifaires mais de divergences sur les autres demandes du Numéro. Le Numéro indique que lors d'une réunion le 24 mars 2006, Orange France a maintenu sa position. Le Numéro a adressé à Orange France le 20 avril 2006 une mise en demeure en proposant un compromis sur les points en négociation et demandant à Orange France d'y répondre pour le 5 mai 2006. Le Numéro souligne qu'Orange France ayant maintenu sa position dans un courrier en date du 5 mai 2006, elle a pris acte de l'échec des négociations dans un courrier en date du 18 mai 2006.

III.  Sur la compétence de l'Autorité pour régler le présent litige

3.1.  Les prestations concernent l'interconnexion et l'accès

Le Numéro souligne que les prestations litigieuses sont des prestations d’accès et d’interconnexion qui portent sur :

- l'acheminement du trafic destiné aux services accessibles par des 118XYZ de Le Numéro, depuis les abonnés d'Orange France avec signalisation réciproque jusqu'à des points d'interconnexion. Il s’agit ainsi de la fourniture par Orange France d’une prestation de départ d’appel, avec la possibilité pour Le Numéro du choix du palier tarifaire au sein de la grille d’Orange France mais sans possibilité d’intervention sur l’air time,

- la facturation et le recouvrement par Orange France auprès des clients du Numéro abonnés d'Orange France, du prix des services fournis par le Numéro auprès de ces clients,

- la terminaison des messages SMS envoyés par Le Numéro à ses clients abonnés d'Orange France pour leur confirmer les renseignements demandés.

Le Numéro estime que ces prestations relèvent de l'interconnexion et de l'accès au sens des articles L. 32 et suivants du CPCE et de la directive "Accès" susvisée, comme rappelé par la décision n°05-0061 de l'Autorité et par l'avis n° 05 A-16 du Conseil de la Concurrence.

Le Numéro souligne que l'interconnexion entre le réseau d'Orange France et les commutateurs du Numéro se fait en pratique par l'intermédiaire de Cegetel, mandaté par Le Numéro pour assurer son interconnexion physique avec les opérateurs français notamment Orange France. Le Numéro précise que Cegetel agit pour son compte en exécution du contrat conclu entre Le Numéro et Orange France.

3.2.  L'Autorité est compétente pour assurer l'équité de ces conditions

Le Numéro considère que l'Autorité est compétente pour fixer des conditions équitables d'ordre technique et financier dans lesquelles les prestations d'accès et d'interconnexion devront être assurées, même en l’absence d’obligations ex ante sur les marchés concernés, en se fondant sur les principes listés à l’article L. 32-1 du CPCE.

Le Numéro estime que ses demandes sont nécessaires pour permettre d'une part, aux opérateurs de 118 XYZ d'offrir aux consommateurs des tarifs simples et lisibles, et d'autre part, une concurrence effective entre les opérateurs intégrés et non intégrés, sachant que les opérateurs intégrés sont dans une situation de monopole pour la fourniture des prestations de départ d'appel et de facturation pour compte de tiers, indispensables pour offrir des services  de renseignements téléphoniques accessibles depuis leur réseau. Le Numéro indique que ce litige ne porte pas tant sur un refus d’Orange France de fournir des prestations d’accès et d’interconnexion, à l’exception de l’offre SMS, mais sur les conditions auxquelles elle fournit ses offres.

Le Numéro indique qu’une concurrence loyale entre Orange France, opérateur du 118 712, et Le Numéro justifie que les coûts supportés pour fournir les services de renseignement téléphoniques au départ du réseau d’Orange France ne soient pas abusivement augmentés pour Le Numéro (coûts de la TA SMS) et qu’Orange France prenne en compte les coûts évités dont elle bénéficie. Le Numéro souligne enfin qu’une telle concurrence impose qu’Orange France accepte un juste partage de la marge prenant en compte les prestations de chaque opérateur et les risques encourus. Le Numéro estime que l’Autorité pourra utiliser comme élément de référence une comparaison entre le coût des prestations et la répartition de la marge pour un appel émanant d’un fixe, comparé à un appel émanant d’Orange France ainsi que les éléments relatifs au principe de causalité avec la nature des coûts encourus et d’efficacité économique.

IV.  Les motifs de la demande

4.1.  Les préjudices subis par Le Numéro du fait des tarifs appliqués au départ du réseau d'Orange France

Comparant les tarifs appliqués au départ du réseau d’Orange France pour les appels vers le 118 712 et vers le 118 218, Le Numéro estime qu’elle subit actuellement une situation d’éviction par rapport aux offres du groupe Orange France / France Telecom.

Le Numéro considère que la tarification appliquée au départ d'Orange France vers Le Numéro est préjudiciable à plusieurs titres :

- le niveau des tarifs appliqués par Orange France quel que soit le 118 XYZ appelé est plus élevé que sur les réseaux fixes, du fait de l'application par Orange France de ses tarifs d'air- time à la minute en plus des prix publics des services de renseignement.

Cette surtaxe donne une impression de cherté aux consommateurs et d’imprévisibilité, ce qui conduit à une contraction du marché plus forte que prévue. Cette contraction pénalise Le Numéro car elle doit consentir des investissements publicitaires plus élevés que le groupe France Télécom/Orange France pour pénétrer ce marché sur lequel ce dernier détenait un quasi-monopole.

- les tarifs des appels vers le 118218 sont moins compétitifs que ceux vers le 118 712 :

- Le niveau total des tarifs est plus élevé pour Le Numéro que celui des tarifs de France Télécom Orange France,

- Les tarifs vers le 118 218 sont plus complexes pour les consommateurs que ceux des appels vers le 118 712 d’Orange/France Télécom du fait de l'application d'une surtaxe (5,6 c€ TTC/min) en plus des tarifs de l'airtime et du tarif forfaitaire à l'appel,

- Les tarifs publics des appels vers le 118 218 ne sont pas homogènes sur les principaux réseaux fixes et mobiles au contraire des tarifs "publics" de l'offre "convergente" du 118 712 qui sont les mêmes sur les différents réseaux, sauf pour le réseau de SFR où le palier est inférieur (1,10 € par appel) du fait de l'absence d'offre d'accès par celui-ci au palier à 1,12 €/appel.

Le Numéro note que cette situation concerne la plupart des services de renseignement comparable des autres concurrents du groupe Orange France / France Telecom. Elle considère que ces tarifs sont inadaptés et qu’ils n’ont pas été librement décidés par ces opérateurs tiers, mais résultent directement des conditions d’accès et d’interconnexion appliqués par Orange.

4.2.  Sur l'évolution nécessaire à terme de la pratique tarifaire "airtime + prix publics" imposée par Orange France pour les appels vers les 118 XYZ

· L'air-time représente un niveau de tarif disproportionné au regard du "coût de la communication mobile" vers un 118 XYZ

Le Numéro rappelle qu’Orange France a unilatéralement imposé pour les appels vers tous les 118 XYZ la structure de détail qu'elle appliquait pour les appels vers son ancien numéro de renseignements.

Le Numéro souligne qu'en pratique le montant de l'airtime d'Orange France correspond au prix que cet opérateur applique habituellement pour une communication vers un poste fixe ou mobile en fonction de la formule tarifaire du client (post ou prépayé). Ce tarif varie entre 65 c€ TTC/min pour les cartes prépayées destinées aux jeunes (cartes "ZAP") et 15 c€ TTC/min pour les forfaits destinés aux professionnels (forfait 20h par mois). Un utilisateur mobile "moyen" d'un forfait 2 heures ou 4 heurs paie environ 25 c€ TTC/min au titre de l'air-time.

Le Numéro précise qu’un appel d'un abonné mobile d'Orange France vers Le Numéro, comprenant, en plus du renseignement, une mise en relation de 4 minutes vers un abonné fixe, sera facturé 2,65 € TTC pour un abonné résidentiel d'un forfait 2 heures d'Orange France,  dont 1,25 € au titre de l'air-time, soit 47 % du total ; et 4,65 € TTC pour un utilisateur prépayé "ZAP" d'Orange France, dont 3,25 € au titre de l'air-time, soit 70 % du total. Enfin, Le Numéro précise qu’un même appel vers le 118 218 au départ d’un poste fixe pour le même service, hors SMS, ne coûte que 0,90 €TTC chez France Télécom, quelle que soit la durée de mise en relation (jusque 20 minutes).

Le Numéro considère que l'application de l'airtime est bien supérieure aux coûts d’acheminement de la communication et a pour effet de complexifier et de renchérir la facture des utilisateurs mobiles appelant ses 118 XYZ.

· Une baisse de l'airtime "facturée" par Orange France ne peut intervenir que dans le cadre d'une régulation ex ante

Le Numéro estime que pour remédier à cette situation, Orange France devrait baisser significativement les tarifs variables qu'elle applique pour les appels vers les 118 XYZ : suppression des tarifs d’air time et introduction de tarifs variables spécifiques aux 118 XYZ, inférieurs aux tarifs actuels. Le Numéro considère le comportement économique rationnel d’un acteur qui constate une baisse des volumes de la demande est d’ajuster ses prix pour relancer la demande, ce qui serait réalisable par Orange. Elle estime qu'Orange France souhaite conserver les marges élevées qu'elle prélève sur l'activité d'acheminement et de facturation des appels depuis son numéro vers les 118 XYZ, sur laquelle elle possède une situation de monopole, pour subventionner son activité sur le marché des services de renseignements ouverts depuis peu à la concurrence.

Le Numéro estime que le niveau tarifaire appliqué par Orange sur l’air-time fait partie intégrante de l’économie du contrat d’accès et d’interconnexion passé entre Orange et Le Numéro, et que la question du choix de ce palier tarifaire devrait être considérée comme entrant dans le cadre de ce litige. Cependant, Le Numéro considère qu'une décision de l'Autorité sur ce point n'aurait des effets positifs que si elle était prise pour l'ensemble des opérateurs. Le Numéro ne formule donc pas de demande dans le cadre du présent litige.

4.3.   Sur une évolution immédiate des conditions d'accès et d'interconnexion imposées par Orange France sur son départ d'appels et la méthode que l'Autorité devra suivre pour y parvenir

Le Numéro souligne que les conditions d'accès et d'interconnexion imposées par Orange France créent un effet de ciseau tarifaire empêchant Le Numéro de fixer des tarifs plus compétitifs que ceux pratiqués par Orange France/France Télécom.

· Sur les contraintes empêchant le Numéro de fixer des tarifs plus compétitifs que ceux d'Orange France

Le Numéro indique que le choix de ses prix publics au départ du réseau d'Orange France est contraint par plusieurs effets :

- un taux de rétention de […]% trop élevé ;

- l’existence de charges supplémentaires, en particulier liées à l’acheminement du SMS, Orange France refusant l’interconnexion directe pour la terminaison  d’appels SMS ;

- l’existence de charges supplémentaires pour la mise en relation, en particulier liées à la terminaison d’appels vers les mobiles. Le Numéro précise que l’impact global de cette perte reste encore limité compte tenu du faible nombre d’abonnés référencés dans les bases d’annuaires mobiles, mais que leur enrichissement aggrave progressivement sa situation financière, ce qui nécessitera d’augmenter sa rémunération variable à la minute pour continuer de fournir cette prestation ;

- une granularité insuffisante des paliers tarifaires.

En outre, Le Numéro estime qu’en tant qu’opérateur non intégré, fournissant un service comparable à celui du 118 712, la fourniture de ce service suppose des coûts internes moyens (publicité notamment) supérieurs à ceux d'Orange France / France Télécom et des charges externes dont le niveau n'est pas comparable aux coûts supportés par Orange France / France Télécom en tant qu'opérateur intégré. Le Numéro estime ainsi que pour le groupe Orange France/ France Télécom, la plupart de ces charges représentent soit des charges internes, soit des charges externes qui font l’objet de compensation réciproque sur facture :

- l’envoi du SMS est réalisé par Orange France à coût marginal, sinon nul ;

- la mise en relation ne provoque soit presque aucune charge pour les appels on net, soit une charge compensée pour les appels vers les autres opérateurs mobiles.

Enfin, le groupe France Télécom/Orange France perçoit en outre, pour financer son service de renseignements, un supplément de revenu provenant des niveaux élevés de marges qu'il dégage sur l'application de l'airtime de ses abonnés dont il conserve l'intégralité sur tous les appels vers les 118 XYZ.

Le Numéro estime donc qu’il est nécessaire que des revenus additionnels lui soient accordés pour être en mesure de supprimer la partie variable de son tarif et de baisser le niveau de la partie forfaitaire ; il convient donc d’effectuer un partage de l’air time.

· Sur la référence à un ciseau tarifaire pour illustrer l'inéquité des conditions d'accès et d'interconnexion offertes au Numéro

Le Numéro rappelle qu'un effet de ciseau tarifaire est constaté lorsque l'écart entre les tarifs de détail et les tarifs de gros pratiqués par un opérateur en situation dominante sur l'un des deux marchés ne permet pas à des concurrents au moins aussi efficaces de concurrencer cet opérateur sans dégager une marge raisonnable. Le Numéro souligne que lorsque ce test est positif les tarifs de détail de l'opérateur dominant sont trop bas ou les tarifs de gros pratiqués en amont sont trop élevés, ou les deux. Ce test a déjà été utilisé par l’ARCEP dans d’autres règlements de différends.

· Sur l'insuffisance d'une approche de type "ciseau tarifaire inversé" pour fixer des conditions financières d'accès et d'interconnexion équitables

Le Numéro indique que l’approche de type ciseau tarifaire, si elle permet d’expliquer les choix du Numéro quant aux paliers tarifaires, ne peut être la seule référence pour trancher ce litige. Le Numéro ne peut en effet se contenter de répliquer les tarifs  de  l'opérateur  historique : il doit aussi offrir des tarifs perceptibles par les utilisateurs du marché comme avantageux par rapport au service de l'opérateur historique pour assurer sa compétitivité.

Le Numéro souligne que compte tenu du niveau tarifaire appliqué par Orange France via l'airtime au titre du "coût de la communication mobile", elle souhaite réaliser des niveaux de baisse encore plus importante pour limiter les effets de rétractation du marché mobile qu'il constate.

Le Numéro souligne qu'une simple approche de type "squeeze inversé" aurait des effets pervers dans la mesure où :

- Orange France n'étant pas soumise à un contrôle de ses tarifs de détail, elle pourrait utiliser les marges qu'elle retire de l'application de "l'air time" vers ses services de renseignements et ceux de ses concurrents pour financer des baisses de ses tarifs à l'appel et ainsi évincer ses concurrents,

- Orange France pourrait être tentée d'augmenter les tarifs qu'elle applique au titre de "l'air- time" pour conserver le niveau élevé de ses marges actuelles.

Le Numéro estime qu'il est indispensable qu'elle soit en mesure de supprimer la partie variable de son tarif et de réduire la partie forfaitaire de son tarif afin que les consommateurs voient les tarifs vers les 118 XYZ depuis un mobile devenir moins complexes et moins onéreux, ce qui nécessite un partage de l’air time.

4.4.    Sur le caractère excessif des conditions d'accès et d'interconnexion offertes actuellement par Orange France sur son départ d'appels

S'agissant de l'acheminement des appels vers Le Numéro, celle-ci rappelle qu'Orange France lui a imposé d'utiliser l'offre d'accès et d'interconnexion qu'elle applique aux autres services spéciaux à revenus partagés notamment pour les numéros 089B PQ MC DU.

· L'absence de justification de l'application d'un taux de rétention de […]% sur les prix publics du Numéro

Le Numéro rappelle que le taux de rétention n'a jamais été justifié, ni présenté comme destiné à rémunérer les coûts de facturation/d'encaissement ou de recouvrement d'Orange France, liés à la facturation pour compte de tiers. Elle note que les coûts de détail d’Orange France sont déjà pris en compte dans la tarification "air time + prix public". Le Numéro rappelle qu’Orange France a l'obligation de recouvrir ses coûts de facturation /encaissement/ recouvrement liés à l'acheminement des appels on-net et off-net vers des postes fixes et mobile via ses tarifs d'air-time. Le Numéro considère donc que la rétention opérée par Orange France sur le chiffre d'affaires généré par les prix publics du Numéro consiste pour Orange France à faire payer au Numéro une prestation déjà rémunérée par l'air-time.

· Le niveau réel de la rétention prélevée par Orange France sur chaque appel vers le Numéro s'élève à 30 % du prix de l'appel facturé à l'abonné (après rémunération du coût du transport de la communication)

Le Numéro indique qu'en comparant le niveau de rétention appliqué par Orange France par rapport à celui appliqué au départ des réseaux fixes, il faut tenir compte de :

- l'ensemble du chiffre d'affaires facturé par Orange France à ses clients pour les appels vers un 118 XYZ, y compris l'air-time,

- la rétention de […]% sur les prix publics et celle prélevée sur l'application de l'airtime par rapport à ses coûts internes de départ d'appels.

Le Numéro précise que le départ d'appels d'Orange France serait valorisé au même niveau que sa terminaison d'appel soit un tarif moyen en 2006 fixé par l'Autorité à 9,5 c€/min. Le Numéro indique qu'avec un air-time moyen de 25 c€ TTC/min, soit 21 c€ HT/min, la marge d'Orange France uniquement sur le chiffre d'affaires HT de l'air-time est de 54,6 % sur chaque minute d'appel vers le 118 218, après rémunération de la prestation de départ d’appels.

Le Numéro souligne qu'avec les mêmes hypothèses, pour une communication d'une durée moyenne de 177 secondes vers Le Numéro, la rétention moyenne d'Orange France prenant en compte la marge sur l'air-time et la rétention sur le coût de l'appel au Numéro s'élève à 0,50 c€ HT, soit 29,4 % du chiffre d'affaires total moyen.

- La comparaison du taux de rémunération avec ceux offerts sur les réseaux fixes montre un taux de rétention à périmètre comparable trois à quatre fois supérieur

Le Numéro indique que le taux de facturation pour compte de tiers est de 10 à 14,5% pour France Telecom (en incluant son taux de rétention de 5%, les frais de recouvrement et les impayés irrécouvrables) et de […]% pour Free.

Elle note que si ces taux sont élevés c’est en raison notamment de la prise en compte des impayés élevés générés par les contenus pour "adultes". En prenant en compte la spécificité des services de renseignements, non concernés par ce type de services, elle estime qu’un taux de 5 % du CA HT assurerait la juste rémunération d'une prestation efficace de facturation tout en laissant une marge bénéficiaire confortable à l'opérateur concerné.

Le Numéro prend toutefois comme hypothèse un taux compris entre 10 % et 14,5 %. Elle souligne que pour un appel de durée moyenne de 177s au même prix public du Numéro que celui appliqué sur le réseau d'Orange France, soit un prix moyen HT de 1,078 €, cela conduit à une rémunération moyenne de 10,7 c€ à 15,6 c€, à comparer au niveau de 0,50 c€ prélevé par Orange.

4.5.   Sur la nécessité de mettre en œuvre l'interconnexion SMS ou à défaut une baisse immédiate des tarifs de terminaison SMS

Le Numéro souligne qu'Orange France refuse de faire droit à ses demandes d'accès à une prestation d'interconnexion de terminaison SMS sur son réseau pour réutiliser les interconnexions déjà mises en place avec Orange France, via Cegetel. Le Numéro estime que ce refus la contraint à recourir depuis 2005 à des offres de détail d'acheminement de SMS, ou offres d’aggrégateurs SMS destinées à des éditeurs et non à des opérateurs interconnectés. Le Numéro indique qu’elle n’a pu recourir aux offres de détail d'Orange France accessibles par l'intermédiaire de l'offre SMS + car les tarifs, fondés sur des réductions proportionnelles aux volumes, sont réservés à des aggrégateurs de SMS intermédiaires regroupant les besoins d'un nombre élevé d'éditeurs pour bénéficier de tarifs d'achat intéressants.

Le Numéro précise qu'elle doit actuellement payer une charge d'acheminement SMS de […]c€ par SMS à un aggrégateur, qui reverse une charge d'acheminement SMS à Orange France. Le Numéro considère que ce niveau de charge imposé par Orange France pour fournir son 118 218 est :

- discriminatoire par rapport aux niveaux offerts à l'interconnexion aux autres opérateurs mobiles, où depuis le 1er juillet 2005 l'Autorité a enjoint à Orange France d'offrir un niveau de prix de 4,3 c€ HT par SMS,

- excessif puisqu'Orange France peut dégager une marge commerciale élevée sur l'acheminement des SMS du Numéro aux tarifs de ses offres de détail, alors qu'elle aurait dû faire droit à ses demandes d'interconnexion et lui appliquer des tarifs orientés vers les coûts,

- supérieur au coût interne marginal subi par Orange France / France Télécom pour l'acheminement on-net des SMS vers les clients d'Orange France appelant le 118 712 aggravant les effets d'éviction que Le Numéro subit face au 118 712.

Le Numéro estime qu’Orange France doit faire droit à ses demandes d'interconnexion SMS et lui appliquer des tarifs orientés vers les coûts.

V.  Les demandes de la société Le Numéro

5.1.  Sur le niveau de rémunération équitable qui devrait être fixé entre les parties sur le départ d'appels

Le Numéro demande à l'Autorité de fixer en équité un nouveau taux de rémunération d'Orange France tenant compte des principes de causalité avec la nature des coûts encourus et d'efficacité économique. Le Numéro estime que les conditions financières devront répondre aux objectifs visés à l'article L. 32-1 du CPCE.

· Causalité des coûts dans la tarification de la rétention

Le Numéro souligne que les coûts allouables à la facturation et à l'encaissement des sommes dues au titre des appels vers le 118 218 ne dépendent pas des montants facturés mais du nombre d'appels passés vers ce numéro au cours de l'exercice de facturation.

Le Numéro estime que dans une logique de tarification orientée vers les coûts, la facturation de cette prestation devrait être un montant forfaitaire en fonction du nombre d'appels mais que dans une logique d'équité, on peut fixer le tarif de cette prestation par un prélèvement proportionnel au chiffre d'affaires généré en limitant ce dernier à la partie forfaitaire du prix public du Numéro.

Le Numéro précise que conformément au principe de causalité et en tenant compte des principes qui sous-tendent au traitement équitable, il est souhaitable que la tarification destinée à recouvrir les coûts dits de recouvrement soit proportionnelle au tarif variable d'airtime, voire à celui de la surtaxe variable des prix publics, mais pas aux tarifs forfaitaires des prix publics à l'appel.

· Le niveau de rémunération relatif aux prestations de facturation / encaissement / recouvrement d'un opérateur efficace comme Orange France

La prestation de facturation/encaissement

Le Numéro indique que compte tenu de la solution adoptée par Orange France pour la facturation et l'encaissement des appels vers les 118 XYZ, le coût généré par l'inscription des sommes dues au titre d'un appel vers un 118 XYZ du Numéro est égal au coût marginal nécessaire au traitement de ces sommes dans le système de facturation d'Orange France et à l'impression de la ligne supplémentaire correspondante dans la facture détaillée.

Le Numéro souligne que le niveau de ce coût ne peut être comparé au tarif régulé de 5 % du CA HT appliqué par France Télécom, correspondant à la rémunération de la solution complexe de facturation pour compte de tiers et d'encaissement, qu'elle a mise en œuvre via une chaîne de production distincte permettant l'inscription des sommes dues au titre des appels vers les services spéciaux à revenus partagés sur un 3ème volet de facture.

Il peut toutefois être comparé au niveau résultant du tarif de 1,5 % du CA HT sur les prix publics fixés par l'Autorité dans sa décision n° 01-474 du 18 mai 2001. Le Numéro estime que l'application dans le cas d'Orange France d'une rémunération égale à 1,5 % du tarif public à l'appel du Numéro, et non de […]% sur l'ensemble du chiffre d'affaires Prix Public à l’appel et à la minute de Le Numéro, conduirait à un niveau de rémunération égal à celui qui avait été fixé pour France Télécom dans la décision susvisée. Ce niveau constituerait une solution simple et équitable.

La prestation de recouvrement

S'agissant de la rémunération des coûts de recouvrement, Le Numéro estime qu'il n'y a aucune raison de justifier l'application d'un niveau supérieur au coût moyen de recouvrement et d'impayés encourus par Orange France au titre des communications émises par ses abonnés mobiles vers les postes fixes ou mobiles qui sont facturés au niveau de l'air-time.

Le Numéro souligne que le dispositif de facturation et d'encaissement adopté par Orange France est efficace et ne génère pas d'impayés supplémentaires qui seraient liés à l'inclusion dans la facture d'appels vers les 118 XYZ du Numéro (absence de volet séparé, rareté des impayés en raison du mode de facturation prépayé, qui garantit le paiement, et même pour le postpayé, en raison du prélèvement automatique, absence de risque déontologique et politique de qualité de service de Le Numéro, qui rembourse directement les sommes contestées). Les impayés d’Orange France vers le 118 218 sont donc du même ordre que ceux enregistrés par Orange France au titre de ses communications classiques sortantes facturées au niveau de l’air time.

Le Numéro indique qu’eu égard à l’ensemble de ces raisons, Orange France subit des coûts moyens nettement inférieurs à ceux encourus par France Télécom pour le recouvrement de ses propres services de communications interpersonnelles vers les postes fixes ou mobiles.

Le Numéro souligne qu'elle ne dispose pas de données sur les coûts encourus par Orange France ou par France Télécom pour leurs propres services. Tant qu'Orange France n'aura pas produit ses coûts dans le cadre de la présente procédure, Le Numéro est contraint de procéder à des comparaisons raisonnables basées sur les données dont elle dispose en termes de coûts de recouvrement et d'impayés supportés par un opérateur de boucle locale efficace, et de taille comparable lors de la facturation de niveaux de prix comparables.

Le Numéro considère que le niveau total du coût moyen de facturation / encaissement / recouvrement pour un prix à l'appel avoisinant les niveaux de prix moyen appliqué par Orange France au titre de l'air-time (25 c€ TTC/minute) n'excède jamais 1 c€ HT/min pour un opérateur de la taille d'Orange France ayant adopté une solution efficace, soit un niveau de rémunération total n'excédant pas 4,8 % du prix moyen HT par minute de l'air-time.

En conséquence, Le Numéro estime équitable que l'Autorité fixe le niveau de rémunération d'Orange France pour le recouvrement et les impayés sur la base d'un pourcentage prélevé sur le chiffre d'affaires HT généré par l'application des tarifs de détail d'air-time d'Orange France, et qui sera fixé en tenant compte de la rémunération qui sera déjà accordée, le cas échéant, pour la facturation et l'encaissement via une rétention sur les prix publics à l'appel du Numéro.

Le Numéro considère que la fixation d'un niveau de rétention de 4,8 % sur le chiffre d'affaires HT généré par l'air-time en plus d'une rétention éventuelle de 1,5 % sur ses prix publics HT à l'appel est le montant maximal devant être retenu par l'Autorité pour les prestations de facturation/encaissement et de recouvrement.

· Sur les reversements qui en résultent pour le Numéro et la marge raisonnable d'Orange France

Le Numéro considère que sur une minute moyenne d'air-time évaluée à 25 c€ TTC/minute avec un coût de départ d'appel moyen pour 2006 évalué à 9,5 c€ HT/minute et un coût de facturation/encaissement/recouvrement de 1 c€ HT/min, le niveau de marge sur l'air-time dont dispose actuellement le groupe Orange France/France Télécom sur les appels vers les 118 XYZ est au moins égal à 10,4 c€ HT/minute : soit 49,7 % de l'air-time HT pour 2006.

Le Numéro estime la conservation de cette marge inéquitable en ce que :

- elle est supérieure à celle rémunérant un appel interpersonnel, Orange France bénéficiant de coûts évités (non paiement du transit, de la TA ou des coûts commerciaux pour générer les appels vers les 118 XYZ de Le Numéro) ;

- elle permet à Orange France de fausser la concurrence entre opérateurs intégrés et non intégrés ;

- Orange France perçoit déjà une rémunération pour la prestation de départ d’appel.

Par conséquent, Le Numéro demande à l’Autorité d’imposer à Orange France de lui reverser tout ou partie de la marge générée par l’air time, soit :

- en 2006, sur la base d’un tarif moyen de l’air time de 25c€ TTC (soit 20,9 c€ HT/min) et d’une valorisation des coûts de départ d’appels égale au niveau de TA pour 2006, un reversement à Le Numéro de 10,4 c€ HT par minute ;

- pour les années suivantes, un reversement à Le Numéro calculé sur la base du même tarif moyen d’air time et augmenté chaque année d’un montant égal aux baisses du tarif de TA d’Orange France.

5.2.  Sur la demande de révision des paliers tarifaires accessibles au Numéro

Le Numéro estime nécessaire, afin que l'équilibre entre les intérêts légitimes et raisonnables des différents acteurs soit satisfait, que l'Autorité fasse injonction à Orange France de :

- créer au moins deux paliers de niveau intermédiaire entre chacun des paliers actuellement inscrits dans sa grille,

- harmoniser les tarifs entre les appels depuis les réseaux fixes et mobiles en enjoignant à Orange France de fixer les niveaux de ses paliers à des niveaux identiques à ceux proposés par France Télécom dans sa gamme de paliers tarifaires.

Le Numéro considère par ailleurs que pour respecter le principe d'égalité dans la concurrence, il est légitime que les opérateurs de renseignements téléphoniques puissent réagir à de nouvelles offres tarifaires des services de renseignements téléphoniques du groupe France Télécom/Orange France dans un délai court.

Le Numéro demande donc à l'Autorité d'imposer à Orange France de réaliser toute demande de migration de paliers tarifaires d'un opérateur de renseignements téléphoniques dans un délai maximal de deux semaines, en cas de demande consécutive à une évolution des tarifs d'un des services de renseignements du groupe France Télécom/Orange France.

5.3.  Sur la demande d'interconnexion de terminaison SMS

Le Numéro souligne que la demande d'interconnexion de terminaison SMS est urgente car le refus opposé par Orange France la contraint à passer depuis 2005 par l'intermédiaire d'aggrégateur de SMS, ce qui conduit à l'évincer face aux conditions dont bénéficient les services "convergents" offerts par Orange France /France Télécom. Il permet à Orange France de bénéficier depuis 2005 de marges commerciales qu'elle retire via la fourniture de ses offres "de détail" destinées aux aggrégateurs de SMS.

Le Numéro considère qu'il serait équitable qu'elle se voit appliquer un tarif d'interconnexion à un prix différent et inférieur de celui prévu par l’Autorité dans son analyse des marchés de la terminaison d’appels SMS afin d’éviter tout éviction des opérateurs non intégrés en tenant compte :

- des effets d'échelle supérieurs dont bénéficie actuellement Orange France du fait de la croissance des volumes SMS intervenue depuis 2003,

- de la nécessité de limiter tout phénomène d'éviction lié aux conditions avantageuses dont bénéficient actuellement les services de renseignements d'Orange France/France Telecom pour l'acheminement en interne des SMS vers les propres clients d'Orange France.

Compte tenu du délai depuis lequel le préjudice est subi, Le Numéro demande à l'Autorité d'enjoindre à Orange France de faire droit à sa demande en mettant en œuvre dans un délai d'un mois, une offre d'interconnexion de terminaison SMS sur le réseau d'Orange France. De plus, compte tenu délais qui seraient nécessaires à la mise en œuvre d’une interconnexion spécifique différente de celle offerte actuellement aux autres opérateurs mobiles, Le Numéro estime que cette offre devrait être offerte actuellement aux mêmes conditions que celles proposées aux autres opérateurs mobiles à un tarif égal à celui prévu pour Orange France dans sa décision d'analyse des marchés de la terminaison d'appels publiée en janvier 2006, soit 2,5 c€/HT par SMS.

5.4.  Sur la période d'application des demandes sollicitées

Le Numéro considère, en premier lieu qu'Orange France lui a imposé un contrat d'interconnexion sans négociation préalable, et qu'il y a lieu d'ordonner la rétroactivité des conditions qui seront fixées par l'Autorité à compter du 2 novembre 2005 conformément à l'article L. 32-1 du CPCE. Toutefois, Le Numéro comprend que la jurisprudence de l'Autorité pourrait justifier que la rétroactivité de la décision sollicitée ne puisse s'appliquer à l'obligation d'offrir une prestation d'interconnexion pour les SMS, auquel cas il est important que la mise en œuvre de cette prestation soit réalisée dans un délai d'un mois.

A titre subsidiaire, Le Numéro indique que si l'Autorité ne faisait pas droit à sa demande elle sollicite la rétroactivité de la décision à compter du 16 décembre 2005, date à laquelle elle a demandé à Orange France de modifier les conditions de fourniture de ses prestations.

En second lieu, Le Numéro est consciente que certaines de ses demandes pourront faire l'objet de mesures ex ante lorsque l'analyse du marché des services spéciaux ou d'autres marchés en cours par l'Autorité sera achevée. Elle accepte donc d'inclure dans sa convention avec Orange France une clause de révision des conditions d'interconnexion et d'accès à l'issue de ces analyses de marchés pour mettre la convention en conformité avec les remèdes qui seront décidés par l'Autorité.

Vu la lettre du chef du service juridique en date du 26 juin 2006 adressée aux parties leur transmettant le calendrier de dépôt des mémoires et portant désignation des rapporteurs ;

Vu la lettre du chef du service en date du 3 juillet 2006 portant désignation d'un rapporteur adjoint ;

Vu les observations en défense enregistrées à l'Autorité le 17 juillet 2006,  présentées  par la société Orange France, RCS de Nanterre B 428 706 097, dont le siège social est situé 41-45, boulevard Romain Rolland - 92120 Montrouge, représentée par M. Didier Quillot, Président directeur général ;

A titre liminaire, Orange France estime que Le Numéro ne peut reprocher à Orange France d'être à l'origine d'une augmentation du prix par appel des services de renseignements. Orange France note que la société Le Numéro revendique 45% de part de marché en France seulement six mois après l’ouverture du 118 218 en France.

En outre, Orange France indique que Le Numéro a attendu huit mois après l'ouverture de son service pour saisir l'Autorité sur le fondement de conditions d'accès qu'elle estime non conformes. Orange France considère que ce délai s'explique par le fait que Le Numéro souhaite voir son activité subventionnée par Orange France.

I.  A titre principal, la saisine présentée par Le Numéro est irrecevable

1.1.  Sur l'échec des négociations commerciales

Orange France constate l'absence d'échec des négociations puisque tout d’abord, lors des discussions elle a adapté sa grille de paliers tarifaire prévue dans le contrat d'ouverture des 118 XYZ. Orange France indique que dès la mise en œuvre des numéros au nouveau format, elle a pris en compte les modifications de la grille désirée par les fournisseurs de services de renseignements et en particulier du Numéro. Orange France rappelle que lors des dernières discussions avec Le Numéro, celle-ci a souhaité une nouvelle adaptation de la grille tarifaire qu'Orange France a pris en compte, mais qui n'a pu matériellement être mise en œuvre faute d'indication précise du Numéro.

Ensuite, Orange France souligne que Le Numéro ne peut prétendre qu'Orange France lui aurait imposé de recourir à des agrégateurs de SMS puisqu'Orange France a proposé au Numéro de souscrire au contrat relatif à la solution Push SMS.

En outre, Orange France précise avoir indiqué au Numéro qu'une mise en œuvre d'une prestation de mise en relation par relâchement d'appel et les mécanismes associés étaient à l'étude, mais Le Numéro a déclaré qu'elle n'était pas intéressée par cette prestation. Orange France souligne qu'il ne peut donc avoir eu échec des négociations sur ce sujet.

Orange France rappelle également que Le Numéro depuis la signature du contrat d'ouverture des 118 XYZ n'a émis aucune contestation sur la facturation associée. Orange France considère donc que la requête du Numéro ne remplie pas les conditions prévues à l'article L. 36-8 I du CPCE.

Enfin, Orange France estime qu'il ne peut être reconnu un échec des négociations sur une revendication à caractère purement commercial, à savoir le partage de la marge, qui n'entre pas dans le périmètre des prestations pouvant faire l'objet d'un règlement de différend. Orange France demande à l'Autorité de rejeter les demandes formulées par Le Numéro.

1.2.  L'accord commercial ne porte pas sur des prestations d'interconnexion ou d'accès

Orange France note que la demande du Numéro vise à obtenir un intéressement au trafic généré au départ du réseau d'Orange France vers le 118 218. Orange France constate que Le Numéro souhaite intervenir sur les marges réalisées par Orange France sur les prestations de détail qu'elle commercialise. Orange France estime que Le Numéro ne peut faire une telle demande dans le cadre d'un règlement de différend, qui ne peut porter que sur les conditions d'accès ou d'interconnexion au réseau d'Orange France qu’elle propose aux opérateurs et fournisseurs de services de communications électroniques.

Orange France souligne que la demande du Numéro vise à obtenir un partage des revenus issus de la commercialisation des offres de téléphonie mobile par Orange France auprès de ses clients, ce qui ne rentre pas dans le champ d'application de l'article L. 36-8 du CPCE relatif aux conditions techniques et financières de l'interconnexion ou de l'accès.

1.3.  Sur une application rétroactive des conditions équitables

Orange France constate que dans sa saisine, Le Numéro ne fixe pas la période qu'elle estime litigieuse puisque les conditions d'exécution du contrat n'ont pas été formellement remises en cause par cette dernière.

S'agissant de la rétroactivité des conditions d'un contrat en cours, Orange France rappelle que tant les décisions de l'Autorité que la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris réaffirment le principe de non-rétroactivité qui s'attache aux décisions de l'Autorité. Orange France souligne que ce principe suppose qu'il ne peut être fait droit à une demande concernant une prestation dont les conditions ont été définies par un acte réglementaire ou contractuel pour la période considérée et qui n'ont pas été dénoncées. Pour ces motifs, Orange France demande à l'Autorité de rejeter la demande du Numéro.

Orange France indique que Le Numéro n'a pas remis en cause la validité de l'accord signé avec Orange France ni le paiement des factures qui lui ont été adressées. Orange France estime qu'il y a donc eu accord des parties sur les éléments essentiels du contrat notamment sur la contrepartie financière due par Le Numéro, dont celle-ci ne peut sans méconnaître le principe de non-rétroactivité remettre en cause la validité pour le passé. Orange France considère que Le Numéro ne peut donc réclamer une décision rétroactive de l'Autorité pour une situation contractuelle établie entre les parties depuis septembre 2005.

1.4.La saisine de Le Numéro est irrecevable car elle a pour objet une décision de régulation et non de règlement de différend relatif à des intérêts privés

Orange France indique que la saisine déposée par Le Numéro consiste à détourner la procédure prévue aux articles L. 37-1 et L. 37-2 du CPCE et à l'article L. 36-8 du CPCE. Orange France considère que la demande du Numéro vise à fixer des principes tarifaires qui seraient applicables à l'ensemble des acteurs concernés et à obtenir une décision produisant des effets pour les deux parties au litige mais aussi à l'égard des tiers, ce qui est contraire à l'article L. 36-8 du CPCE.

Orange France rappelle que les dispositions de l'article L. 36-8 I du CPCE ne peuvent conduire à contourner les mécanismes d'identification d'un marché ex ante ou à mettre à la charge d'un opérateur des obligations résultant d'une analyse de marché prévue à l'article L. 37-1 du CPCE. Orange France souligne que la demande du Numéro vise à imposer des obligations qui ne peuvent l'être au regard du droit positif tant pour les conditions d'accès et de départ des appels à partir du réseau d'Orange France que pour les modalités de fourniture de prestations SMS. La mise en place d’un encadrement tarifaire de ses prix et d’une orientation vers les coûts seraient ainsi non justifiées et non conformes au principe de liberté tarifaire.

Orange France rappelle que l'Autorité a eu l'occasion de préciser que la procédure de règlement de différend entre deux opérateurs ne pouvaient conduire à procéder à un constat relevant d'une analyse de marché ou à imposer à l'une des parties une obligation générale s'imposant à l'ensemble du secteur. Orange France demande à l'Autorité de déclarer irrecevable les demandes présentées par Le Numéro.

II.  Sur les revendications formulées par Le Numéro

2.1.    Les demandes présentées par Le Numéro ne sont pas fondées eu égard aux obligations d'Orange France

2.1.1.   Sur les obligations s'imposant à Orange France en matière d'interconnexion et d'accès pour l'acheminement des communications

Orange France indique que Le Numéro souhaite bénéficier d'une prestation d'accès et de départ d'appel pour les appels vers son numéro, qui font partie du marché 15 identifié par la Commission Européenne comme étant le marché de gros de l'accès et du départ d'appels mobile. Orange France rappelle qu'à ce jour elle n'est tenue à aucune obligation sur ce  marché, et que ce de fait Le Numéro ne peut exiger de prestation relevant de ce marché, comme l’Autorité l’a précisé dans sa décision n° 06-0406. Orange France indique, que contrairement à SFR dans la décision précitée, elle n’a pris aucun engagement justifiant la demande d’accès et de départ d’appels de Le Numéro, lequel bénéficie des conditions applicables à tous les fournisseurs de services de renseignements à partir du réseau d’Orange France.

Orange France souligne qu'elle est donc tenue aux seules obligations imposées par l'Autorité dans le cadre de sa décision n° 04-937 du 9 décembre 2004, i.e. obligation d’accepter toute demande d'interconnexion et d'accès à des fins de terminer du trafic vocal à destination des abonnés d'Orange France.

Orange France rappelle que cette obligation vise les seules prestations de terminaison d’appels vocale directe dans le cadre de l’interconnexion physique des réseaux, qui consiste en l'acheminement d'appels en provenance d'autres opérateurs sur le réseau d'Orange France. Orange France indique que les prestations qu’elles proposent ont été considérées comme satisfaisantes par l’Autorité qui n’a pas créé d’obligations supplémentaires (prestations d'acheminement de trafic sur 17 zones arrières et sur 49 points de raccordement d'interconnexion et les prestations d'accès aux sites). Elle note également que l'Autorité a précisé que cette obligation était nécessaire pour qu'Orange France ne favorise pas ses services de détail ou sa société mère sur le marché de détail de la téléphonie fixe ou une société partenaire, répondant ainsi aux critiques de la société Le Numéro.

Orange France considère donc qu'aucune obligation relative aux conditions d'acheminement des appels au départ de la boucle locale du réseau mobile GSM F1 ne peut lui être imposée. De même, Orange France souligne qu'elle n'est soumise à aucune obligation de facturation pour compte de tiers.

2.1.2.  Les obligations relatives à la terminaison SMS

Orange France indique que dans l’attente de la finalisation de son analyse de marché par l’Autorité, elle n'a aucune obligation quant à la terminaison de SMS au bénéfice du Numéro, ni d’obligation d'orientation vers les coûts de ses prestations. Orange France souligne qu'elle conteste le bien fondé de la régulation proposée par l’Autorité dans son analyse de marché, et notamment l'extension de la notion d'interconnexion SMS à des opérateurs de réseaux non mobiles, en estimant qu'il s'agit d'une confusion entre le service de message texte interpersonnel qui peut être développé sur différentes technologies et le support technique lui- même.

Orange France souligne que la terminaison SMS entre opérateurs de réseaux mobiles est une technologie normalisée au sein de la GSM-A. Orange France note que Le Numéro ne dispose pas des éléments de réseau, comme un SMS-C ou un réseau SS7, lui permettant de revendiquer une prestation de terminaison SMS équivalente à celle des opérateurs de réseaux mobiles.

Orange France demande donc à l'Autorité de rejeter les demandes du Numéro relatives à l'acheminement des communications et aux demandes de prestations SMS.

2.2.  Les demandes du Numéro ne sont pas fondées eu égard à sa qualité de fournisseur de services de communications électroniques

Orange France indique qu'à la date de la saisine, Le Numéro n'a pas la qualité d'opérateur de réseau ouvert au public puisqu’elle s’est déclarée en qualité de fournisseur de services de communications électroniques. Elle ne peut donc bénéficier de prestations relevant de l'interconnexion.

Orange France souligne que, quels que soient les termes de la déclaration, Le Numéro ne fait que fournir un service de renseignements téléphoniques aux abonnés d’Orange France sans que ses équipements soient directement raccordés au réseau d’Orange France tant pour le trafic voix sortant que pour les SMS. Le Numéro n'est ainsi qu'un utilisateur de prestations offertes par les opérateurs exploitants de réseaux, qui lui permettent de fournir son service aux abonnés desdits opérateurs et notamment aux abonnés d'Orange France.

Orange France considère qu'en reconnaissant la qualité d'opérateur de réseau ouvert au public au Numéro, cela reviendrait à assimiler en pratique et de façon systématique :

- l'interconnexion à l'accès ;

- et un opérateur exploitant un réseau ouvert au public à un fournisseur de services de communications électroniques.

Orange France rappelle que ces deux types de notion sont distingués au niveau européen comme au niveau national. L'interconnexion est une forme d’accès qui n’existe qu’entre opérateurs de réseaux ouverts au public. Elle implique la réciprocité des prestations entre deux opérateurs exploitants de réseaux et la définition de la notion d'opérateur ne peut conduire à octroyer un droit à l'interconnexion général et absolu.

De même, les catégories d’opérateur de réseaux et de fournisseur de services sont distinguées tant par le Conseil de la concurrence que le Conseil d’Etat.

III.  Les demandes du Numéro sont illégitimes et disproportionnées

3.1. L'extension des conditions de facturation pour compte de tiers pratiquées par France Télécom n'est pas justifiée au cas d'espèce des réseaux mobiles

Orange France note que Le Numéro tente de justifier ses demandes par la pratique de facturation pour compte de tiers de France Télécom, qui relève de l'interconnexion. Orange France indique que le taux cité par Le Numéro est incorrect puisqu’il a été réévalué à la hausse avec l’accord de l’Autorité, et que la prestation de France Télécom ne peut être comparée à celle réalisée par Orange France puisqu’elle ne comprend pas le recouvrement.

Orange France rappelle que les conditions pratiquées par France Télécom relèvent d'une situation particulière, diamétralement opposée à celle du monde mobile. Ainsi, en l'absence de mise en œuvre du dégroupage et de présélection à destination des numéros spéciaux, les concurrents de France Télécom ne disposaient pas de solutions leur permettant de facturer efficacement leurs clients pour les appels vers les services spéciaux. Le monde mobile a été caractérisé dès son ouverture par une pluralité d’opérateurs.

En outre, Orange France indique que les conditions tarifaires pratiquées par les concurrents de France Télécom sur le fixe sont beaucoup plus proches de celles pratiquées sur les réseaux mobiles que de celles pratiquées par France Télécom. La situation de France Télécom ne peut donc être transposée au monde mobile.

3.2.   Orange France respecte ses obligations de non discrimination à l'égard des fournisseurs de services

3.2.1.  Un traitement identique des fournisseurs de services de renseignements

Orange France rappelle qu'au titre de sa licence 3G comme de la réglementation applicable, elle est tenue à une obligation de non discrimination. Elle souligne que Le Numéro a déjà tenté de démontrer le non respect de ses obligations par Orange France devant le Tribunal de commerce de Paris et la Cour d’appel de Paris, mais qu’elle a été déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Orange France souligne qu'elle pratique des conditions d'accès non discriminantes à sa boucle locale aux fournisseurs de services de renseignements par un contrat standard, dont la structure tarifaire est la même vis-à-vis du client mobile quel que soit le fournisseur de services de renseignements. Orange France précise qu'elle a, à ce titre, contractualisé avec France Télécom comme avec n’importe quel acteur, évitant ainsi tout grief de discrimination.

3.2.2.  Sur les allégations du Numéro à l'appui de ses demandes

Orange France estime que Le Numéro compare le service 118 218 avec le 118 712 de France Télécom en omettant certains éléments.

Orange France souligne que le 118 712 ne propose pas la mise en relation vers les mobiles à partir de la boucle locale d'Orange France, et de ce fait Orange France s'étonne de l'avantage qui serait consenti à France Télécom sur une telle modalité.

S'agissant de la prestation technique de mise en relation, Orange France rappelle qu'elle peut être opérée de deux façons : par aboutement ou par relâchement de l'appel. Orange France indique qu'elle ne peut opérer de discrimination entre Le Numéro et le service de renseignements de France Télécom puisqu'elle ne peut mettre en œuvre aujourd'hui la prestation de mise en relation par relâchement d'appel. Quant aux contrats proposés par Orange France concernant la prestation de SMS, dont le contrat SMS Push, il s'agit de contrats standards proposés à tous les fournisseurs de services. C’est ainsi Le Numéro qui a décidé de recourir à un aggrégateur alors qu’elle aurait pu faire le choix de signer le contrat SMS Push.

Orange France considère que, concernant le schéma présenté par Le Numéro page 19 de son mémoire, Le Numéro commet tout d’abord une erreur de méthodologie en démontrant une stratégie d'éviction à partir exclusivement des tarifs de détail, alors qu’une stratégie d’éviction ne peut s'appréhender qu'en comparant les prix de détail et les coûts variables moyens. Ensuite, Orange France note que les hypothèses retenues par Le Numéro ne sont pas documentées et sont éloignées de la réalité. Orange France souligne que contrairement à ce qu'indique Le Numéro, les durées moyennes constatées sur le 712, lorsque Orange France fournissait ce service, étaient de […] secondes pour la demande de renseignements et de […] secondes pour la mise en relation. Les hypothèses retenues par Le Numéro ont donc pour effet de surestimer significativement la différence de tarifs vers le 118 712 et le 118 218 au départ d’Orange France : les durées moyennes observées sur le 118 712 donnent un écart de 0,13 € contre 0,28 € pour les hypothèses retenues par Le Numéro.

Orange France précise que Le Numéro n'indique pas que les appels vers le 118 712 depuis les réseaux mobiles de SFR et de Bouygues Télécom comportent aussi une surtaxe, respectivement de 0,15 €/min et 0,23 €/min.

S'agissant de l'homogénéité des deux services, Orange France constate qu'en comparant les services du 118 218 et 118 712 il existe des différences significatives. Ainsi, outre la non mise en relation au départ du réseau d'Orange France, Le Numéro a décidé de proposer la gratuité du tarif après mise en relation depuis le réseau fixe dans la limite de 20 minutes, alors qu'un consommateur du 118 712 doit s'acquitter d'un tarif normal s'agissant de la communication.

3.2.3.  Sur l'éviction du Numéro

Orange France rappelle que l'Autorité n'a pas vocation à se prononcer dans le cadre d'un règlement de différend entre deux opérateurs sur les prétendues pratiques d'éviction qui seraient mises en œuvre par France Télécom/Orange France.

En outre, Orange France précise qu'elle n'est pas attributaire du numéro 118 712 et n'est plus fournisseur de service de renseignements. Il ne peut donc y avoir d'intégration des activités d'opérateur exploitant un réseau de boucle locale mobile et de fournisseur de services de renseignements, Orange France n’opérant pas de services de renseignements.

Orange France rappelle qu'Orange France et France Télécom sont titulaires de deux autorisations d'opérateurs de réseaux et de services soumises à des obligations de séparation comptable. Orange France indique qu'aucune offre convergente reposant sur le marché fixe et sur le marché mobile n'existe, ce qui est confirmé par le Conseil de la concurrence et l’Arcep qui ont identifié un marché des services de renseignements, quel que soit le réseau d’accès.

Par ailleurs, Orange France s’interroge sur la possibilité pour Le Numéro de subir une situation d’éviction alors que cette société détient 45% des parts de marché, ce qui démontre la stratégie de leader de Le Numéro.

Enfin, Orange France conteste l’affirmation de Le Numéro selon laquelle on assisterait à une contraction du marché. Elle considère que les chiffres de l’observatoire de l’Autorité pour 2004 et 2005 contredisent cette allégation et qu’une éventuelle baisse des appels serait davantage due à la perplexité des utilisateurs face à la modification des formats de numéros et à la baisse de qualité. En tout état de cause, deux mois après la fermeture du 12, il serait trop tôt pour apprécier une éventuelle contraction du marché.

3.3.  Les demandes du Numéro sont injustifiées au regard de ses besoins

3.3.1.  L'harmonisation est possible dans la situation actuelle

Orange France estime que les demandes de Le Numéro visent à harmoniser les tarifs de son service de renseignements au départ des réseaux mobiles, comme il le fait au départ des fixes. Orange France rappelle que tout acteur est libre de déterminer ses prix et peut s'il le souhaite mettre en œuvre une péréquation de ceux-ci, comme ça se fait couramment dans le secteur. Orange France souligne que plusieurs fournisseurs de services ont d’ailleurs fait le choix d’une plus grande homogénéité de leurs tarifs entre réseaux fixes et mobiles, et notamment l’Annuaire Universel, Conduit , Telenet Hosting, Telemedia ou encore Intra Call center et Pictures on Line.

Orange France constate que Le Numéro a choisi pour son service 118 218 d'inclure 20 minutes de mise en relation depuis le réseau fixe alors que ce coût pourrait être réalloué dans son plan d'affaires de façon à homogénéiser les tarifs entre les réseaux de départ. Orange France note en outre que Le Numéro pratique une homogénéisation de ses tarifs pour le 118 075, 118 318 et 118 713. Les tarifs appliqués au départ des réseaux fixes et mobiles sont ainsi identiques (hors air time) pour deux services du Numéro : le 118 318 et le 118 713.

Orange France souligne que la différenciation entre la tarification au départ des réseaux fixes ou mobiles n’est donc que le résultat d’un choix délibéré du Numéro. Le Numéro souhaite ainsi faire financer ses dépenses de communication via un intéressement au volume de trafic.

3.3.2.  Le règlement de différend n'aura pas d'impact sur cet objectif

Orange France estime qu'en admettant une modification des conditions applicables à partir de son réseau, une telle modification ne permettra pas d'atteindre l'objectif recherché par Le Numéro puisque chaque opérateur est libre de déterminer les offres de services mobiles et leurs tarifs.

Orange France rappelle que les conditions économiques proposées par les opérateurs aux fournisseurs de services et en particulier aux fournisseurs de services de renseignements relèvent du droit de la liberté commerciale.

3.4. Les demandes sont disproportionnées et inéquitables au plan économique et au regard de la situation d'Orange France

3.4.1.   Les conditions financières proposées par Orange France au Numéro sont parmi les plus favorables, y compris celles de facturation

Orange France précise qu'elle pratique les conditions financières les plus favorables tant pour le consommateur que pour les fournisseurs de services et ne comprend pas ce qui peut justifier une demande en équité. Orange France indique que ses offres de téléphonie mobile proposées à ses abonnés intègrent dans les forfaits les communications vers l'ensemble des 118, ce qui n'est pas le cas des autres opérateurs.

Orange France note que Le Numéro affirme que le prix TTC de l'air-time pour les forfaits ZAP est de 65 c€ alors qu'en réalité le prix de la communication varie de 45 c€/min au maximum. Orange France conteste également le calcul fixant à 4,65c€ TTC le prix d’un appel vers un 118 XYZ avec mise en relation pendant 4 minutes.

S'agissant de l'air time, Orange France indique que les affirmations du Numéro sont erronées, puisque le fait que sur les réseaux mobiles la composante tarifaire relative au service soit différente de la communication mobile est un élément positif pour le consommateur, lui permettant d'identifier le prix correspondant à chacune des prestations.

Orange France souligne que les conditions qu'elle propose aux fournisseurs de services sont les moins onéreuses par rapport à ses concurrents. Ainsi contrairement à Orange France, SFR pratique notamment des frais de mise en service de […] € HT, des frais de modifications tarifaires, techniques ou celles liées au mandataire financier. Bouygues Télécom facture des frais pour toute modification tarifaire pour un montant de […]€ HT et des frais de modification technique pour […]€ HT.

Enfin, Orange France indique qu’elle ne retient que […]% alors que pour les services à palier mixte, le montant conservé par Bouygues Télécom est de […]% dans l’hypothèse d’une solution par relâchement d’appel et au plus de […] % en cas de mise en relation avec aboutement d’appel. Pour les paliers au forfait à l’appel, Bouygues Télécom conserve […]%. SFR quant à lui conserve […]%.

3.4.2.   La demande du Numéro revient à mettre en œuvre une tarification pour les services de renseignements téléphoniques inéquitables, eu égard à la situation du marché mobile et des offres d'accès proposées par Orange France

Les prestations d'acheminement d'appels

Orange France souligne que l’offre mobile est un « bien système ». Conformément à la théorie économique, il en ressort une faible élasticité-prix de chacune des composantes de cette offre au regard du bien système global. Les affirmations de Le Numéro sur la sensibilité des consommateurs aux prix des services de renseignements téléphoniques sont donc erronées. Orange France indique en outre que des études internes concernant la perception du prix des services de renseignements par ses clients indiquent effectivement une faible connaissance de ce prix alors que l'usage depuis les mobiles vers ce type d'appel continue de croître.

Orange France précise que la demande du Numéro revient à séparer le marché mobile de détail en fonction de l'usage et des numéros appelés en autant de sous-marchés sur lesquels seraient actifs des acteurs spécifiques. Orange France indique que la demande du Numéro porte sur l'accès pour ses services de contenu à une clientèle déjà constituée.

Orange France estime qu'une telle approche ne reflète pas les modèles économiques existants ou confirmés avec le bien système et l'attribution des autorisations 3G. Elle n'est pas  conforme à l'objectif poursuivi par le cadre réglementaire en faveur du développement des investissements et des services. Orange France indique également que l’air time rémunère non seulement la fourniture des services de communication mobile dans ses composantes accès au réseau et acheminement du trafic ou des services, mais également l’acquisition et le renouvellement des clients, la distribution des services ou encore la subvention des terminaux.

Orange France estime que l'Autorité et le Conseil de la concurrence ont constaté un développement concurrentiel du marché de détail grâce à l’arrivée des MVNO. Il n'apparaît donc pas justifié ni raisonnable de lui imposer des obligations particulières dans le cadre du présent litige alors que l’analyse du marché 15 a été suspendue et celle des numéros spéciaux est en cours.

La prestation de SMS

Orange France indique que la demande de Le Numéro concerne la mise en place d’un service de SMS de notification, non spécifique aux services de renseignements, et qui n’est pas lié à l’interconnexion. Elle souligne qu'il serait inéquitable de lui imposer de fournir une nouvelle prestation d'accès ou d'interconnexion à son réseau pour ce type d’acteurs ainsi qu'une obligation d’orientation vers les coûts des prestations fournies. Orange France note que le projet de décision d’analyse de marché de l’Autorité relatif à la terminaison d’appels SMS propose d'encadrer le tarif de terminaison SMS entre opérateurs mobiles à 3 c€ pour Orange France et SFR et à 3,5 c€ pour Bouygues Télécom, sans indiquer que ce tarif, plus élevé que celui demandé par Le Numéro, doit être offert à d'autres acteurs du marché.

Orange France considère qu'une telle obligation devrait être imposée en application d'une analyse de marché qui n'a pas été effectuée. Orange France demande à l'Autorité de constater le caractère excessif et disproportionné des demandes du Numéro.

3.4.3.  Les revendications du Numéro ne sauraient prospérer au nom de l'équité

Orange France souligne que la demande du Numéro visant à revoir la tarification des clients finaux d'Orange France aurait des conséquences importantes sur son activité.

Elle remettrait en cause les offres de détail d'Orange France et les modèles contractuels existants entre Orange France et les fournisseurs de services demandant l'ouverture de numéros sur le réseau d'Orange France. Les demandes de Le Numéro visent ainsi à considérer le rôle d’Orange France comme celui d’un pur intermédiaire transparent, agissant uniquement dans l’exécution de prestations de facturation, d’encaissement voire de recouvrement pour le compte de Le Numéro et de sous traitant technique.

S'agissant des offres postpayées, Orange France indique qu'outre les modifications des contrats clients, cela reviendrait à développer une facturation séparée de celle réalisée pour les prestations fournies par Orange France, afin de refléter le cadre du mandat de facturation et de respecter le règles comptables et fiscales de facturation. Orange France estime que les coûts associés à une telle évolution seraient assez élevés et inefficaces. Orange France précise en outre que ceci ne répondrait pas aux besoins des acteurs visant à obtenir "une garantie" d'être payés : Orange France ne sera pas en mesure de garantir le paiement de sommes dues à des fournisseurs de services, sauf à se voir imposer de réaliser des opérations de crédit. Ceci impliquerait pour Orange France d’obtenir le statut d’établissement financier.

Par ailleurs, cette situation aurait également des conséquences en ce qui concerne les moyens de paiement. Orange France souligne que les cartes prépayées qu'elle émet pourraient être qualifiées de monnaie électronique permettant d’éteindre la créance entre l’opérateur tiers et le détenteur de la carte. Orange France serait alors susceptible d’être qualifiée d’émetteur et gestionnaire de cette monnaie stockée sur la carte, ce qui lui imposerait d’obtenir les agréments adaptés et de respecter les règles prudentielles s'appliquant en la matière, tirée de  la réglementation financière.

Orange France estime que lui imposer de telles contraintes seraient inéquitables d'autant qu'elle :

- respecte ses obligations, puisqu'elle permet à ses abonnés de consulter des services de contenus sans créer de discrimination entre les différents fournisseurs de services,

- met en œuvre les moyens permettant aux opérateurs d'accéder à son réseau, d'être payés des sommes dues au titre des consultations réalisées à partir du réseau d'Orange France.

Pour ces motifs, Orange France demande à l'Autorité de dire et décider :

- A titre principal, que les demandes de Le Numéro sont irrecevables,

- A titre subsidiaire, que les demandes de Le Numéro ne sont pas proportionnées, ni équitables ni justifiées et doivent être rejetées.

Vu les mesures d’instruction adressées aux parties par un courrier du chef du service juridique en date du 28 juillet 2006 ;

Vu les observations en réplique enregistrées à l'Autorité le 2 août 2006, présentées par  la société 118 218 Le Numéro ;

I. La saisine déposée par Le Numéro répond aux conditions de recevabilité énoncées à l'article L. 36-8 du CPCE

1.1.  Sur l'existence d'un différend entre Le Numéro et Orange France

Le Numéro estime qu'Orange France ne peut prétendre qu'il n'existe pas de différend justifiant l'intervention de l'Autorité dans le cadre de l'article L. 36-8 du CPCE. S'agissant des demandes relatives aux paliers tarifaires, Le Numéro souligne avoir pris acte le 18 mai 2006 de l'annonce de principe faite par Orange France d'ouvrir de nouveaux paliers tarifaires mais a constaté qu'aucune offre concrète ne lui avait été faite pas plus qu'elle n'a obtenu d'accord de la part d'Orange France sur une harmonisation de ces paliers avec ceux proposés par France Télécom pour les réseaux fixes. Le Numéro rappelle qu'il y a bien eu échec des négociations sur cette demande. Le Numéro confirme également que sa demande d’interconnexion SMS est recevable.

Concernant la prestation de "relâchement d'appel", Le Numéro précise que l'évolution proposée par Orange France ne répond pas à ses demandes concernant l'amélioration des conditions d'accès et d'interconnexion sur le réseau d'Orange France. Cette évolution porterait en effet atteinte à l’un des principaux outils de différenciation concurrentielle dont disposent les fournisseurs de services de renseignement.

S'agissant de la facturation des prestations d'acheminement, Le Numéro considère qu'elle se trouvait dans une situation de contrainte économique du fait de l'ouverture des numéros 118 et que de ce fait elle ne pouvait en refuser le paiement sous peine de contravention à ses obligations contractuelles. Le Numéro rappelle que dès le départ elle a contesté le refus de négocier d’'Orange France, même si elle a dû se résoudre à le signer.

Sur le caractère "commercial" des demandes du Numéro, il n'exclut pas l'existence d'un différend justifiant l'intervention de l'Autorité puisque les conventions d'accès et d'interconnexion sont des contrats commerciaux prévus à l'article D. 99-9 du CPCE.

1.2.   Le Numéro ne demande pas à l'Autorité de modifier les conditions contractuelles proposées par Orange France sur le marché de détail

Le Numéro souligne que contrairement à ce qu'affirme Orange France, elle n'a pas formulé ses demandes de façon à obliger Orange France à modifier les conditions contractuelles appliquées à ses clients finaux. Le Numéro demande à l'Autorité d'intervenir sur les conditions financières d'accès et d'interconnexion appliquées par Orange France sans ses relations avec Le Numéro. Le Numéro demande à l'Autorité que sa décision prenne en compte la situation concurrentielle prévalant sur le marché de détail de la téléphonie mobile, i.e. les marges indues réalisées par Orange France sur les tarifs de détail, afin de fixer les conditions équitables d'accès et d'interconnexion au réseau d'Orange France et mettre fin à la situation d'éviction dont est victime Le Numéro.

1.3.   La période d'application de la décision à venir et les pouvoirs d'intervention de l'Autorité sont conformes à une pratique décisionnelle bien établie

Le Numéro rappelle que contrairement à ce qu'affirme Orange France, elle a pris soin de préciser la période temporelle d'application de ses demandes. Elle rappelle que la condition de remise en cause formelle des conditions contractuelles litigieuses, nécessaire selon Orange France, serait en l’espère remplie. Le Numéro souligne que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 20 janvier 2004 donne compétence à l’Autorité pour conférer à ses décisions de règlement de différend une portée rétroactive, et considère que limiter la rétroactivité au cas de dénonciation ou de refus de payer, qui exposerait la partie concernée à une exception d'inexécution, comme le souhaite Orange France, serait inéquitable. Le Numéro rappelle qu'une telle solution imposerait à la partie victime de dénoncer ses relations contractuelles pour obtenir un tarif équitable et l'obligerait à suspendre ses activités économiques pendant la procédure jusqu'à la décision de l'Autorité. Le Numéro demande à l'Autorité de rejeter l'argumentation d'Orange France qui est infondée.

Le Numéro souligne enfin que contrairement à ce qu'affirme Orange France, les processus d'analyses de marché concernant les prestations de services spéciaux, de terminaison SMS et d'accès et de départ d'appels sur les réseaux mobiles ne font pas échec à la compétence de l'Autorité pour trancher le présent litige relatif aux conditions d'accès et d'interconnexion.

II.   Les demandes du Numéro doivent être tranchées dans le cadre d'un règlement de différend

2.1.   L'Autorité est compétente au regard de la qualification des prestations litigieuses d'accès et d'interconnexion

· L'Autorité est compétente pour déterminer les conditions d'accès et d'interconnexion imposées par Orange France pour ses départs d'appels

Le Numéro renvoie à ses précédentes observations en maintenant que ses demandes portent exclusivement sur une révision des conditions tarifaires et financières des offres d'accès et d'interconnexion faites par Orange France sur son départ d'appels. Le Numéro estime que l'Autorité est compétente pour faire droit à sa demande dans la mesure où les prestations litigieuses sont déjà fournies à Le Numéro par Orange France et qu'elle ne demande à l'Autorité que d'en préciser les conditions équitables d'ordre technique et financier.

· L'Autorité est compétente pour se prononcer sur la prestation de terminaison de SMS

Le Numéro observe, d'une part, que dans ses observations Orange France admet qu'elle ne refuserait pas d'offrir des prestations d'accès ou d'interconnexion pour la terminaison de SMS, d'autre part, que l'argumentation d'Orange France liée à la qualification de cette prestation est infondée et doit être écartée. Le Numéro considère qu'il n'y a aucun obstacle à ce qu'elle bénéficie d'une prestation de terminaison de SMS qui relève de l'interconnexion.

Le Numéro s'est déclaré comme opérateur conformément à la décision n° 05-61 de l'Autorité. Il exploite des commutateurs de téléphonie publique lui permettant d'assurer l'acheminement et la commutation des appels vers ses propres 118 XYZ puis la mise en relation de ces appels vers les correspondants demandés par les appelants issus du réseau d'Orange France. Le Numéro doit ainsi être distingué des simples éditeurs de contenu et le fait qu’il fasse appel à un sous traitant pour la collecte est indifférent. Le Numéro indique avoir conclu un accord avec Orange France qui lui fournit des prestations d'accès et d'interconnexion pour l'acheminement des appels et la facturation des appels qui lui sont destinés. Le Numéro considère qu'il lui est indispensable de recourir à des prestations d'interconnexion pour fournir ses services. Le Numéro indique qu'Orange France ne peut contester de la compétence de l'Autorité pour traiter du présent litige concernant une prestation de terminaison de SMS qui relève de l'interconnexion.

2.2.  Les circonstances actuelles correspondent aux conditions identifiées par le Conseil de la concurrence pour une intervention rapide de l'Autorité sur ce marché

Le Numéro rappelle que dans son avis relatif aux conditions de mise en œuvre de la transition vers le format de numéro 118 XYZ, le Conseil de la concurrence a relevé les risques d'éviction tarifaire qui seraient susceptibles d'apparaître entre opérateurs intégrés et opérateurs non intégrés sur le marché des services de renseignements. Le Numéro indique que le Conseil avait aussi relevé le contraste entre les obligations imposées à France Télécom en matière d'accès à son réseau notamment en matière de facturation pour compte de tiers et l'absence de régulation des offres d'accès proposées par les autres opérateurs de boucle locale notamment les opérateurs mobiles.

S'agissant des tarifs de détail offerts au départ des réseaux mobiles, Le Numéro précise que le Conseil attirait l'attention de l'Autorité sur le fait que la situation initiale sur ce marché, caractérisée par un alignement des tarifs appliqués au départ des réseaux mobiles sur ceux appliqués par France Télécom pourrait évoluer vers des pratiques différentes. Le Numéro indique que le Conseil soulignait l'importance d'une surveillance par l'Autorité des risques de discrimination sur les prix de gros et de détail des opérateurs intégrés et les moyens dont dispose l'Autorité pour y remédier, y compris celui du règlement de différend.

Le Numéro considère que sa saisine correspondant à l'un des risques envisagés par le Conseil comme justifiant une intervention de l'Autorité en règlement de différend. Il renvoie à ses précédentes observations concernant les pratiques discriminatoires qu'Orange France impose pour l'accès à son réseau au regard des conditions dont le groupe Orange France / France Télécom bénéficie pour la fourniture de ses propres services de renseignements téléphoniques.

III. Orange France n'oppose aucun motif valable pour rejeter les demandes de Le Numéro sur ses prestations de départ d'appels

3.1.   Les préjudices subis par Le Numéro vis-à-vis des consommateurs justifient une action rapide de l'Autorité

Le Numéro note qu'Orange France ne conteste pas les problèmes rencontrés par Le Numéro dans la concurrence menée face aux services convergents du groupe Orange France / France Télécom vis-à-vis des clients mobiles d'Orange France.

Le Numéro indique qu'Orange France ne peut prétendre que les tarifs vers le 118 218 seraient comparables à ceux appliqués vers les 118 712. Le Numéro constate qu'Orange France omet de rappeler que l'attente des consommateurs mobiles face à la concurrence est d'obtenir une baisse des prix et une simplification des tarifs. Orange France ne peut donc faire croire que les consommateurs ne sanctionneront pas un service concurrent du 118 712 qui ne peut avoir des tarifs inférieurs et plus simples que ceux d’Orange France.

Le Numéro souligne qu'Orange France ne peut prétendre que Le Numéro offrirait gratuitement la mise en relation vers les fixes ou les mobiles alors que les clients mobiles appelant le 118 712 se verraient appliquer un tarif normal. Le Numéro précise que les appels passés vers le 118 218 au départ de son réseau se voient appliquer les tarifs d'air-time d'Orange France pendant la durée de la communication auxquels il faut ajouter une surtaxe de 5,6 c€ TTC/min pour les appels vers le 118 218.

Le Numéro indique qu'Orange France ne peut affirmer que Le Numéro disposerait de la possibilité d'harmoniser ses tarifs sur les différents réseaux fixes et mobiles. Le Numéro précise que les exemples cités par Orange France dans ses observations ne sont pas comparables aux services fournis par le 118 218 ou le 118 712 car ils n'incluent pas les mêmes services de renseignement à valeur ajoutée, d'envoi de SMS et de mise en relation que le 118 218 ou le 118 712.

Le Numéro indique qu'Orange France ne peut argumenter que les parts de marché significatives que le 118 218 a pu conquérir sur le marché des services de renseignements démontreraient que Le Numéro n'a subi aucun préjudice. Le Numéro précise qu'elle a acquis une part de marché significative grâce à sa promotion publicitaire et à ses efforts pour offrir des services de renseignements de qualité. Le Numéro note que le marché concerné n'est pas un marché d'abonnements comme les marchés de la présélection ou de l'accès haut débit : les parts de marché peuvent donc rapidement s’effondrer en raison du comportement d’éviction des opérateurs qui contrôlent l’accès. Par ailleurs, Le Numéro souligne qu'elle reçoit en moyenne beaucoup moins d'appels en provenance du réseau d’Orange France en proportion du nombre de clients qu'au départ des autres réseaux mobiles.

3.2. Orange France confirme le caractère discriminatoire des conditions dont bénéficie le groupe Orange France / France Télécom pour la fourniture de son service 118 712 sur le réseau d'Orange France

Le Numéro indique qu’Orange France était opérateur du 712 jusqu’en avril dernier et que la commercialisation des services de renseignement de Orange France/France Télécom sur les réseaux fixes et mobiles est assurée sous la marque Orange. En outre Orange France est entièrement contrôlée par France Télécom et n’est pas soumise à une quelconque obligation de séparation comptable des activités de renseignement et de départ d’appels. Enfin, l’offre du 118 712 est une offre convergente du groupe Orange France/France Télécom. Il est donc indéniable que les marges excessives dégagées sur l'application des tarifs de l'air-time vers  les 118 XYZ et les conditions particulières dont bénéficie le 118 712 pour assurer sa terminaison SMS ou la mise en relation vers les mobiles confèrent des avantages aux services du 118 712.

3.3. Orange France confirme le caractère excessif des conditions d'accès et d'interconnexion offertes à Le Numéro

Le Numéro souligne qu'en évaluant ce qui est réellement comparable au niveau appliqué depuis les réseaux fixes, c'est à dire en tenant compte de la différence entre la part reversée à

Le Numéro par Orange France et le montant du chiffre d'affaires total facturé par Orange France aux appelants vers le 118 218, le taux de rétention n'est pas de […] % mais d'un niveau moyen égal à plus de 46 % du chiffres d'affaires généré.

Le Numéro note qu'Orange France ne fournit aucun motif visant à justifier la légitimité d'un tel niveau de rétention, et surtout des niveaux excessifs de marge qu'elle conserve sur l'air- time.

Le Numéro estime que le fait qu’Orange prélève des taux de rétention inférieurs à certains de ses concurrents n’enlève en rien au caractère excessif de ceux qu’il lui applique aujourd’hui.

3.4. Orange France ne démontre pas le caractère prétendument inéquitable et disproportionné des demandes de Le Numéro concernant l'évolution des conditions actuelles de reversement

Le Numéro constate qu'Orange France ne conteste pas l'analyse détaillée fournie par Le Numéro dans sa saisine relative à l'évaluation de la marge dégagée par Orange France sur l'application de l'air-time pour les appels 118 218 de Le Numéro, pas plus que la méthodologie appliquée et les montants évalués.

Le Numéro ne demande pas de provoquer un quelconque bouleversement juridique et technique invoqué par Orange France. En effet, les modifications visées par Le Numéro sur le contrat d’accès et d’interconnexion qui lie aujourd’hui les parties, ne concernent que l’augmentation des niveaux de reversement pratiqués aujourd’hui par Orange France et l’accès à des paliers tarifaires supplémentaires.

IV.  Orange France conteste, sans en justifier, le droit de Le Numéro de bénéficier de l'interconnexion pour la terminaison de son trafic SMS

4.1.   Le Numéro est un opérateur de communications électroniques et non un simple éditeur de services

Le Numéro souligne que contrairement à ce qu'affirme Orange France, les activités de réseau de Le Numéro ne reposent pas sur l'utilisation des "services de détail" d'opérateurs tiers pour traiter les appels issus des différents réseaux fixes et mobiles et notamment les appels issus du réseau mobile d'Orange France. Le Numéro indique qu'elle exploite plusieurs commutateurs de téléphonie publique utilisant des interfaces d'interconnexion SS7 prescrits par l'Autorité afin d'assurer elle-même l'acheminement et la commutation des appels vers ses propres 118 XYZ, puis la mise en relation de ces appels vers les correspondants demandés par les appelants issus du réseau d'Orange France. Le Numéro précise qu'elle dispose de ressources de signalisation nécessaires appelées "codes points sémaphores" permettant à tous les opérateurs dont Orange France de disposer des informations nécessaires pour programmer les règles de commutation nécessaires au bon acheminement du trafic vers les commutateurs du réseau de Le Numéro. En outre, Orange France livre le trafic destiné aux 118 XYZ de Le Numéro via l’interconnexion physique mise en œuvre au nom de Le Numéro par 9Cegetel.

Le Numéro bénéficie donc d’un droit à l’interconnexion SMS et Orange France ne peut considérer que Le Numéro serait un simple éditeur de contenus. Le refus d’Orange France lui cause un préjudice lié au surcoût de recourir à des solutions palliatives et plus onéreuses que celles résultant de la mise en œuvre effective du droit à l'interconnexion.

4.2.   Le refus d'Orange France cause un préjudice à Le Numéro qui doit fournir des services directement concurrents de ceux d'Orange France

Le Numéro précise que sa demande d'interconnexion SMS ne répond pas aux besoins d'un opérateur souhaitant intervenir dans des conditions de concurrence équivalentes à celles des activités d'envois de SMS via le réseau Internet ou à partir des rares postes fixes équipés d'une fonctionnalité d'envoi de SMS au départ des réseaux fixes. Elle ne correspond pas non plus aux simples exigences d’un éditeur de contenus qui souhaite permettre la réception de SMS aux appelants mobiles dans le cadre d’un service de pur contenu, où l’envoi de SMS constitue une prestation supplémentaire et accessoire.

Le Numéro considère que son activité répond à la nécessité pour les opérateurs de services de renseignements de fournir des services identiques à ceux fournis par les opérateurs mobiles eux-mêmes au départ de leur propre réseau pour leurs services de renseignements téléphoniques.

Le Numéro indique que la fourniture par Orange France de prestations d'interconnexion équivalentes à celles dont elle bénéficie pour fournir ses prestations au détail est un pré-requis indispensable au respect des conditions d'une concurrence loyale entre son activité intégrée et celles de ses concurrents.

S'agissant des services de renseignements fournis en concurrence directe avec ceux fournis par Orange France / France Télécom sur son propre réseau mobile, Le Numéro estime que les effets d'une surfacturation pénalisent les activités des concurrents vis-à-vis des utilisateurs mobiles raccordés à ce réseau.

Le Numéro souligne que le refus opposé par Orange France de fournir une prestation d'interconnexion SMS doit être analysé au regard des conséquences qu'il produit dans la concurrence que Le Numéro s'efforce de livrer à Orange France / France Télécom sur le marché des services de renseignements téléphoniques.

Le Numéro conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que dans sa saisine et demande à l'Autorité de rejeter l'ensemble des arguments présentés par Orange France comme non fondés en fait et en droit.

Vu le courrier de la société Le Numéro enregistré le 3 août 2006 souhaitant un délai supplémentaire pour répondre à la demande de mesures d’instruction adressées aux parties le 28 juillet 2006 ;

Vu les réponses des parties enregistrées le 4 août 2006 à la demande de  mesures  d’instruction ;

Vu les nouvelles observations en défense enregistrées le 23 août 2006 présentées par la société Orange France ;

I.  La demande de Le Numéro est irrecevable au regard des dispositions des articles L. 34 et L. 36-8 du CPCE

Orange France renvoie à ses précédentes observations en matière d’irrecevabilité.

1.1.  Sur la présentation des faits matérialisant le différend entre Le Numéro et Orange France et la période d'application des demandes de Le Numéro

Orange France constate que les demandes de Le Numéro en matière de paliers tarifaires n’ont cessé d’évoluer alors qu'Orange France répondait favorablement aux demandes précédentes. Orange France rappelle qu'elle a mis en œuvre une granularité importante des paliers qui n'existait pas pour les services de renseignements accessibles à partir de son réseau avant l'introduction des nouveaux services de renseignements. Orange France souligne qu'elle reste ouverte à ce type de demande de la part des fournisseurs de services.

Orange France indique que le 21 juillet 2006, Le Numéro a demandé une modification de palier tarifaire applicable au 118 218 avec effet au 16 octobre 2006, à laquelle Orange France a répondu favorablement en invitant Le Numéro à préciser le palier qu'elle souhaitait voir implémenter dans le réseau d'Orange France. Cette dernière souligne que la demande de Le Numéro ne lui permettait pas de réaliser l'intervention technique faute d'indication définitive du palier retenu. Orange France considère qu'il n'y a pas eu d'échec de négociations sur la demande de palier tarifaire.

S'agissant de la prestation de mise en relation par relâchement d'appel, Orange France souligne que Le Numéro a rejeté cette proposition le 18 mai 2006 alors même que des réunions bilatérales avaient eu lieu entre les parties.

S'agissant des SMS, Orange France rappelle qu'elle n'a pas contraint Le Numéro à passer par un agrégateur de SMS et ne lui a pas refusé l'accès à son réseau. Elle a en effet proposé à Le Numéro un contrat SMS Push le 18 janvier 2006 permettant d'adresser des SMS aux clients d'Orange France en étant raccordée au SMS-C de cette dernière. De même, Orange France indique qu'elle n'a pas refusé l'accès à ses clients mobiles et que de ce fait il ne peut y avoir eu d'échec des négociations.

S'agissant de la demande visant à obtenir la rétroactivité des conditions équitables qui seraient prononcées, Orange France souligne que Le Numéro n’a saisi que tardivement l’Autorité. En outre, le renvoi à une contestation non circonstanciée des modalités d'un contrat signé et dûment exécuté ne peut être considéré comme un désaccord permettant la révision rétroactive des prestations. Orange France rappelle ses précédentes écritures.

1.2.   La demande de Le Numéro vise à encadrer l'activité d'opérateur de téléphonie mobile et non à trancher un litige entre deux parties relatif aux conditions d'accès au réseau d'Orange France

Orange France constate que dans ses observations en réplique, Le Numéro demande à l'Autorité de fixer la marge d'Orange France sur le marché de détail de la téléphonie mobile et en particulier sur airtime en contrepartie de la commercialisation de ses offres de téléphonie mobile. Orange France considère que par cette demande, Le Numéro tente d'obtenir une rémunération supplémentaire tirée de l'activité de téléphonie mobile d'Orange France.

Orange France demande à l'Autorité de déclarer cette demande irrecevable au regard des articles L. 34 et L. 36-8 du CPCE puisqu'il ne s'agit pas d'un litige portant sur les conditions d'accès qu'elle propose à Le Numéro, pas plus que sur les conditions techniques et financières associées à cet accès, mais une demande visant à réguler les marges qu'un opérateur mobile est autorisé à réaliser dans son activité d'opérateur de service de téléphonie auprès du public.

Orange France souligne que Le Numéro ne peut se prévaloir d'être en concurrence avec les opérateurs mobiles notamment Orange France puisque cet opérateur n'intervient pas sur le marché de détail mobile pour fournir une offre mobile "bien système" et renvoie à ses précédentes observations.

II.  Les demandes de Le Numéro sont injustifiées puisque le 118 712 n'est pas avantagé par Orange France

2. 1. Il n'existe pas de transfert de marge au profit du 118 712

Orange France rappelle que seule France Télécom est titulaire du 118 712. L'utilisation de la marque Orange France pour le service 118 712 ne peut être considérée comme une discrimination mise en œuvre par Orange France, il s’agit en effet d’une simple stratégie commerciale.

Orange France indique qu’Orange France et France Télécom sont juridiquement deux entités distinctes. Il existe ainsi une séparation des comptes d'Orange France SA et des comptes de France Télécom. Il ne peut donc être reproché à Orange France un manque de transparence dans la gestion de ses comptes ni une confusion dans le traitement comptable de ses activités et du fournisseur de service qu'est le 118 712 de France Télécom, pas plus qu'un transfert de la marge issue de son activité d'opérateur de boucle locale mobile au profit du 118 712 au détriment du 118 218.

2.2.  L'absence de discrimination entre le 118 712 et le 118 218

Contrairement à ce qu'indique Le Numéro, Orange France rappelle qu'elle n'a pas mis en œuvre de pratique discriminatoire visant à avantager le 118 712 aux dépens des services concurrents.

2.3.  L'absence de pratiques d'éviction

Orange France renvoie à ses précédentes observations mais considère que si l'Autorité devait être compétente pour examiner des pratiques d'éviction, elle ne pourra que constater l'absence d'une telle pratique puisque Le Numéro ne démontre pas qu'il existerait un ciseau tarifaire.

III.  La demande d'harmonisation des conditions de départ d'appel fixe et mobile n'est pas légitime

3.1.   Les prestations de départ d'appel sont l'une des composantes du "bien système" consommé sur le marché mobile de détail et font partie du marché 15 de gros d'accès et de départ d'appel sur les réseaux mobiles

3.1.1.   La revendication de Le Numéro sur les marges réalisées par Orange France au titre de l'airtime porte sur l'activité d'opérateur mobile de détail

Orange France rappelle que contrairement à ce que démontre Le Numéro, les offres sur le marché de détail mobile ne sont pas structurées selon une distinction entre une composante accès et une composante fixe. Orange France indique que les offres mobiles prépayées représentent […] % du marché en parc à fin juin 2006 et les tarifs proposés aux clients finals couvrent un ensemble de prestations du "bien système" mobile qui ne se décompose pas en tarif d'accès d'une part et tarif de communication de départ d'appel d'autre part.

Orange France précise que les opérateurs mobiles ont mis en œuvre des services pour lesquels leur rémunération correspond à celle de ce "bien système" et destinée notamment à couvrir les coûts associés à l'ensemble des composantes de ce "bien système". Ainsi, contrairement aux opérateurs qui fournissent une offre de téléphonie mobile sur le marché de détail mobile en concurrence auprès des clients finals, Le Numéro ne supporte pas les coûts et les risques associés à la fourniture d’un « bien système » sur le marché. Au contraire, les services de renseignements constituent l’une des composantes de ce « bien système ». L’approche du Numéro reviendrait donc à déstabiliser le fonctionnement économique du marché mobile en privilégiant exclusivement une concurrence par services, de type « dégroupé », c’est à dire pris isolément par fonctionnalité et par numéro. Un tel schéma serait contraire à l’efficacité économique en termes d’innovation et d’investissements.

Orange France considère donc la demande de Le Numéro infondée, sauf à remettre en cause le fonctionnement du marché de détail mobile et le marché de gros.

3.1.2.   Le marché de gros sous-jacent est identifié comme le marché de l'accès et du départ d'appel sur les réseaux mobiles

Orange France note que Le Numéro souhaite obtenir des prestations de départ d'appel  fournies par Orange France sur le marché de détail une rémunération au titre du service de renseignements qu'il fournit. Orange France estime qu'une telle demande pourrait être identifiée comme faisant partie d'un marché spécifique de gros du départ d'appel à destination des 118XYZ de Le Numéro, marché non régulé à ce jour.

3.2.   Le contexte du développement des services fixes et la situation sur les services mobiles

Orange France considère que le développement du marché mobile ne peut conduire à ce jour de façon légitime à une intervention visant à restreindre la liberté tarifaire et commerciale d'un opérateur mobile tel qu'Orange France.

3.2.1.  Les investissements d'un opérateur mobile

Orange France rappelle que les investissements consentis par Le Numéro pour son service de renseignements téléphoniques portent essentiellement sur les dépenses de publicité concernant le contenu du service fourni. S'agissant de la marge excessive présentée par Le Numéro, Orange France souligne que cette affirmation est injustifiée.

S'agissant des risques et des investissements, Orange France considère absurde de comparer ceux des services de renseignements avec ceux des opérateurs mobiles pour déployer leur réseau. Orange France précise que pour apprécier sa rentabilité économique, on peut considérer la valeur ajoutée économique actualisée cumulée, en référence au taux normatif de rémunération du capital fixé par l'Autorité. On note alors qu’il a fallu près de 11 ans à un opérateur comme Orange France pour dégager une valeur économique positive en acceptant des risques et des investissements très élevés.

S'agissant des coûts d'acquisition et de fidélisation qu'elle supporte, Orange France indique que ceux-ci sont de plusieurs centaines de milliers d'euros par an. Il convient également de prendre en compte la spécificité des clients pré payés, dépourvus de durée d’engagement.

Orange France estime que la demande de Le Numéro sur une rémunération de l'airtime fait ainsi abstraction des investissements consentis par un opérateur mobile pour les besoins de son activité. Orange France rappelle que c'est l'ensemble des efforts financiers consentis par l'opérateur mobile qui bénéficie aux fournisseurs de services de renseignements.

3.2.2.   La facturation pour compte de tiers mise en œuvre sur le réseau de France Télécom

Orange France précise que la facturation pour compte de tiers a été mise en place pour permettre aux concurrents de France Télécom de fournir leurs services aux utilisateurs de lignes France Télécom en l'absence de solution économique leur permettant d'assurer la relation contractuelle avec le client. Orange France indique que ce n'est pas le cas du marché mobile qui a connu un développement et une concurrence par les infrastructures dès le départ.

La situation ne peut être transposée à Le Numéro qui n'est pas un concurrent d'Orange France au titre de la fourniture d'un service de téléphonie mobile. Orange France précise que lors d’une consultation du service de renseignements de Le Numéro, le client reste client d’Orange France au titre tant de l’accès que de la communication mobile qui reste fournie par Orange France et en aucun cas par Le Numéro.

IV.  Les conditions revendiquées par Le Numéro sont inéquitables et disproportionnées 

4.1.  Les conditions d'ouverture des numéros 118 d'Orange France sont justifiées

4.1.1.   Les fournisseurs de services de renseignements sont libres de la tarification de leurs services et peuvent avoir une stratégie différente

Orange France indique que les conditions d'ouverture des numéros 118 XYZ qu'elle propose permet aux acteurs de développer leur stratégie commerciale grâce à un panel de paliers adaptés à leurs besoins. Il existe ainsi une grande diversité en termes de paliers choisis et de services fournis. Elle indique par ailleurs que certains services comme le 118001 ou 118421 ont des services comparables à ceux du 118 712 (SMS, mise en relation..) avec le même tarif de 1.12 € par appel sans surtaxe.

En outre, Orange France souligne que la mise en relation n'est pas proposée de façon uniforme par tous les acteurs mais qu'à partir de son réseau la mise en relation vers les mobiles n'est pas proposée par le 118712, contrairement au 118218 de Le Numéro.

Orange France considère que les conditions d'ouverture de 118 XYZ qu'elle propose n'empiètent et ne restreignent pas la capacité de différenciation et permet aux acteurs de développer leurs revenus et de choisir la tarification adaptée. Elle estime que les estimations fournies par Le Numéro sont infondées.

4.1.2.  Il ne peut être imposé à un opérateur mobile une homogénéisation des tarifs des communications mobiles avec des communications mobiles fournies par d'autres opérateurs mobiles ou par des opérateurs fixes

Orange France renvoie à ses précédentes observations et précise que l'harmonisation des tarifs de communications pratiquées par les opérateurs depuis des boucles locales concurrentes est contraire à la concurrence et au principe de liberté tarifaire. Orange France précise qu'à supposer qu'une harmonisation des tarifs proposés pour les communications associées aux services de renseignements soit possible, elle se heurterait à de nombreux obstacles (absence de justification économique, disparition du principe de « bien système », contraintes techniques).

Orange France considère qu'aucune équité ne peut être trouvée dans les demandes de Le Numéro s'agissant d'une tarification identique des communications associées à la consultation des services de renseignement dans le cas des offres mobiles. De ce fait, Orange France souligne qu'il n'y a aucune justification pour imposer que les tarifs des communications au départ des réseaux fixes et des réseaux mobiles soient identiques. Orange France indique que la composante airtime appliquée aux appels au départ des réseaux mobiles rémunère l'activité spécifique à l'exploitation et la fourniture des communications mobiles.

4.1.3.    Les taux présentés par Le Numéro comme étant ceux d'Orange France ne reposent sur aucun élément

S'agissant du taux de rétention

Orange France note que les données relatives au taux de rétention présentées par Le Numéro ne sont pas fondées de même que la conclusion selon laquelle le taux d’Orange France serait excessif par rapport à ceux de France Télécom.

Orange France observe que Le Numéro commet une erreur en mélangeant le taux de rétention et le chiffre d'affaire généré par l'air-time. En outre, elle remet en cause par ce biais l'existence de la partie airtime qui fonde le modèle économique de la téléphonie mobile et qui ne peut être comparé à celui de la téléphonie fixe.

S'agissant du taux de rémunération du capital, Orange France souligne que ce taux ne couvre qu’une partie des risques. En outre, si ce taux comprend une rémunération des capitaux sous la forme traditionnelle du WACC, elle ne peut être qualifiée de « juste » puisque le WACC ne prend pas en compte la perte des possibilités de choix s'offrant à l'entreprise régulée. Elle ainsi par construction sous évaluée.

Périmètre de la facturation pour compte de tiers mise en œuvre sur le marché fixe

Orange France constate que Le Numéro omet d'indiquer que dans le cadre des prestations offertes par France Télécom aux opérateurs tiers, il n'y a pas de prestation de recouvrement des créances impayées suite à la première relance. Le Numéro compare donc des prestations différentes en termes de périmètre.

Orange France indique qu’en contrepartie de la mise à disposition de services spéciaux par ses cocontractants, Orange France verse à ces derniers une somme convenue entre les parties et correspondant non pas à un acte de vente réalisé auprès d’un abonné et à un prix de détail donné, mais à un prix exprimé en nombre d’appels global et/ou heures de connexion sur les numéros concernés. Orange France ne rend pas compte des prestations de facturation, encaissement ou recouvrement qu’elle réalise : elle n’agit pas au nom et pour le compte de ses cocontractants mais les rémunère au titre des prestations qu’ils lui fournissent. Le client final n’est d’ailleurs pas connu du fournisseur de services. Il existe donc un lien de créance qu’entre Orange France et son abonné : les sommes sont dues à Orange France qui fait son affaire du recouvrement. De même, en cas d’offres prépayées, le client à une créance à l’encontre d’Orange France et non à l’égard du fournisseur de services.

Eu égard à l’ensemble des prestations ainsi fournies par Orange France, le taux de […]% ne peut être disproportionné. Il est en outre inférieur à celui des autres opérateurs mobiles.

4.1.4. L'équité doit s'apprécier au regard des expériences étrangères s'agissant de l'ouverture à la concurrence des services de renseignements

Orange France indique qu'il existe une diversité importante des tarifs au départ des réseaux mobiles sur le marché britannique, qui s'explique par l'introduction de la concurrence sur les services de renseignements : si elle permet la liberté tarifaire, elle révèle aussi les différences de coûts des opérateurs.

Orange France souligne que la composante airtime comme la rétention sont appliquées sur d'autres marchés européens et que de ce fait il ne peut être avancé que les pratiques d'Orange France sont injustifiées ou déraisonnables.

4.2.  Sur la demande d'une offre d'interconnexion SMS

Orange France souligne que l'Autorité a distingué dans sa décision n° 06-593 les offres d'interconnexion réservées aux opérateurs mobiles entre eux et celles offertes à d'autres opérateurs de réseaux ouverts au public. Orange France indique que ces offres ne seront pas soumises aux mêmes contraintes puisque seuls les opérateurs de réseaux et services mobiles peuvent bénéficier pour un service interpersonnel de SMS du niveau tarifaire de 3c€ imposé à Orange France et SFR.

Orange France souligne que la demande de Le Numéro est inéquitable puisque la régulation n'impose aucun encadrement tarifaire sur les prestations de terminaison de SMS qui ne relèvent pas de l'interconnexion. Orange France estime que Le Numéro ne peut prétendre à ce type d'offre car elle n'est pas éligible à une prestation SMS d'interconnexion pour un service interpersonnel, par nature réciproque. Orange France rappelle qu'il n'y a en matière de SMS aucune relation d'interconnexion envisageable avec un fournisseur de services de renseignements exerçant son activité sur un 118 XYZ : il ne fournit aucun service de joignabilité par SMS. Orange France indique qu'il n'existe aucune réciprocité entre l'opérateur mobile et l'opérateur de service de renseignements s'agissant notamment des SMS. Orange France indique que la requérante reconnaît elle-même qu’elle ne fournit pas un service interpersonnel.

Orange France précise que la qualification d'opérateur, compte tenu des diversités de situation qu'elle peut revêtir, n'emporte pas de facto la possibilité de prétendre à toute prestation relevant de l'interconnexion. En outre, Orange France souligne que l'opérateur doit être exploitant de réseau ouvert au public et que la prestation revendiquée doit être pertinente eu égard à la situation de l'opérateur. Or Le Numéro ne propose aucun service de joignabilité par SMS.

Orange France indique que les SMS dont il s'agit dans le cadre du service de Le Numéro consistent en la livraison par Le Numéro d'un contenu qu'elle réalise à un utilisateur final, ce qui correspond à la définition que donne l'Autorité des éditeurs utilisant des SMS. Or ces éditeurs n’ont pas droit à l’interconnexion.

Orange France rappelle que dans le cadre de l’analyse de marché des TA SMS, il n'a pas été estimé utile d'encadrer les tarifs pratiqués par les opérateurs mobiles s'agissant de leurs offres de SMS Push, qui s'adresse notamment à Le Numéro. Orange France indique que Le Numéro ne peut donc demander à bénéficier d'un tarif à 2,5 c€ ou correspondant aux coûts de l'opérateur.

Orange France conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que dans ses premières observations en défense.

Vu le courrier du chef du service juridique de l'Autorité en date du 5 septembre 2006 adressé aux parties leur transmettant le questionnaire des rapporteurs et fixant au 15 septembre 2006 la clôture des réponses ;

Vu les réponses des parties enregistrées le 15 septembre 2006 au questionnaire des rapporteurs ;

Vu la lettre de l'adjoint au chef du service juridique de l'Autorité en date du 18 septembre 2006 convoquant les parties à une audience devant le collège le 3 octobre 2006 ;

Vu le courrier de la société Orange France enregistré le 22 septembre 2006 souhaitant que l'audience du 3 octobre 2006 ne soit pas publique ;

Vu le courrier de la société 118218 Le Numéro enregistré le 26 septembre 2006 souhaitant que l'audience du 3 octobre 2006 ne soit pas publique ;

Vu les courriers des parties enregistrés le 26 septembre 2006 transmettant des observations ;

Après avoir entendu le 3 octobre 2006, lors de l'audience devant le collège (composé de M. Paul Champsaur, président, de Mme Joëlle Toledano, et de MM. Edouard Bridoux, Nicolas Curien, Jacques Douffiagues, Michel Feneyrol)

- le rapport de Mle Aurélie Doutriaux, rapporteur présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de M. Bruno Massiet du Biest et Maître Dupuis-Toubol pour la société 118218 Le Numéro ;

- les observations de M. Patrick Roussel, Mmes Hilaire et Müh-Wallerand pour la société Orange France.

En présence de :

- M. Charles-Henry Tranié, Mme Céline Fronval, pour la société 118218 Le Numéro,

- Mmes Bénédicte Javelot, et Virginie Nunes, pour la société Orange France ;

- MM. Philippe Distler, directeur général, François Lions, directeur général adjoint, Loïc Taillanter, Benoît Loutrel, Ari Bibas, Fabien Fontaine, Mmes Joëlle Adda, Isabelle Kabla- Langlois, Lucile Badaire-Loiseau, Clémentine du Payrat, Laure Souvre, agents  de  l'Autorité ;

Sur la publicité de l’audience

L’article 15 du règlement intérieur susvisé dispose que « l’audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n’est pas conjointe le collège de l’Autorité en délibère ». Les sociétés Orange France et Le Numéro ont indiqué par courriers enregistrés les 22 septembre 2006 et 26 septembre 2006 qu’elles souhaitaient que l'audience du 3 octobre 2006 ne soit pas publique. Par conséquent, l’audience n’a pas été publique.

Le collège (MM. Paul Champsaur, président, Mme Joëlle Toledano, MM. Edouard Bridoux, Nicolas Curien, Jacques Douffiagues, Michel Feneyrol) en ayant délibéré le 10 octobre 2006, hors la présence du rapporteur, des rapporteurs adjoints et des agents de l'Autorité ;

Adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après.

I.  Contexte

1.  Evolution du marché des services de renseignements

Par sa décision n° 249300 du 25 juin 2004, le Conseil d’Etat a enjoint à l’Autorité de « définir, dans un délai de six mois à compter de la présente décision, les conditions de l’attribution de numéros d’un même format à tous les opérateurs offrant des services de renseignements téléphoniques et de la révision du plan de numérotation, afin que, sous réserve le cas échéant d’une période transitoire, le numéro 12 ne puisse plus être utilisé pour le service de renseignement par opérateur ».

Dans le souci de satisfaire à l’injonction prononcée par le Conseil d’Etat, dans le cadre de ses pouvoirs découlant des articles L. 36-7 et L. 44 du code des postes et des communications électroniques (« CPCE »), l’ARCEP a adopté le 27 janvier 2005 trois décisions1 ayant pour objet l’introduction d’un format de numérotation unique du type « 118XYZ ».

La décision n°05-0061 dédie les numéros de la forme 118XYZ aux services de renseignement téléphonique et les conditions d’éligibilité à ce numéro. La procédure d’attribution est prévue par la décision n°05-0062. La décision n°05-0063 prévoit une période de transition afin de faire coexister pendant une période les anciens numéros de renseignements téléphoniques et les nouveaux numéros en 118XYZ. Il a ainsi été décidé que l’ouverture commerciale des nouveaux numéros se ferait le 2 novembre 2005, et la fermeture commerciale des anciens numéros le 3 avril 2006.

Les candidatures ont été déposées le 15 avril 2005, pour l’attribution initiale des numéros 118XYZ (les futures demandes se feront selon les règles de gestion du plan national de numérotation), et ont donné lieu à attribution des numéros aux sociétés présentes par ordre de passage prédéterminé par tirage au sort. Le 14 juin 2005, 56 numéros ont été choisis par les 27 candidats présents au tirage au sort organisé par l'Autorité.

L'Autorité a publié le 6 juillet 2005 le tableau final des attributions de 118 XYZ par société. La société Le Numéro a obtenu 7 numéros dont le 118 218 et le groupe France Télécom 4 numéros dont le 118 712. Si le 118 712 a d’abord été attribué à la société Orange France le 23 juin 2005, le groupe France Télécom a ensuite demandé, le 10 octobre 2005, que ce numéro soit transféré à la société France Télécom, qui en est ainsi devenue l’attributaire à compter du 18 octobre 2005 en vertu de la décision n°05-0928 susvisée.

2.  Cadre réglementaire applicable

En vertu de l’article L. 36-8 du CPCE, il incombe à l’Autorité de trancher les litiges en précisant « les conditions équitables d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion et l’accès doivent être assurés ».

Un règlement de différend peut intervenir dans le contexte d’un litige formé sur un marché régulé au titre de la régulation ex ante des opérateurs disposant d’une influence significative, issue d’une analyse de marché effectuée conformément aux articles L. 37-1 et suivants du CPCE, mais également sur des prestations non régulées à ce titre.

Au cas d’espèce, en ce qui concerne les terminaisons d’appel voix et SMS, Orange France est soumise à une régulation particulière dans la mesure où elle a été déclarée puissante sur les marchés de la terminaison d’appel respectivement voix et SMS, à destination des clients de son réseau. A ce titre, elle doit respecter plusieurs obligations dont celle de faire droit aux demandes raisonnables d’interconnexion et celle d’orientation de ses tarifs vers les coûts (cf. décisions n° 04-936, n° 04-937 en date du 9 décembre 2004, et n° 06-0779 en date du 14 septembre 2006 pour la terminaison d’appel voix et n° 06-0593 en date du 27 juillet 2006 pour la terminaison d’appel SMS).

En ce qui concerne les autres prestations d’accès ou d’interconnexion, la société Orange France n’est soumise à aucune contrainte spécifique autre que celles applicables à tous les opérateurs de réseau ouvert au public en vertu des dispositions du code des postes et des communications électroniques, et aux dispositions insérées dans les cahiers des charges annexés à ses arrêtés d’autorisation GSM et UMTS susvisés.

Il peut être souligné à cet égard que la société Orange France doit en vertu du cahier des charges annexé à son autorisation UMTS susvisé offrir des conditions non discriminatoires aux fournisseurs de services2.

Si le marché de l’accès et du départ d’appel fait partie de la liste des marchés pertinents définie par la Commission européenne dans sa recommandation3 du 11 février 2003, il s’avère que cette analyse a été suspendue en mai 2005 par l’Autorité. Il en résulte donc qu’à ce jour le marché de l’accès et du départ d’appel mobile n’est pas régulé en France au titre des articles L. 37-1 et suivants du CPCE. Ainsi, au jour d’adoption de la présente décision, la société Orange France n’est soumise notamment à aucune obligation tarifaire en ce qui concerne la prestation de départ d’appel au titre des compétences dévolues à l’Autorité en vertu des articles L. 37-1 et suivants du CPCE.

A l’exception des prestations de terminaison d’appels voix et SMS sur son réseau, la société Orange France n’est donc soumise à aucune obligation tarifaire spécifique, et n’a a fortiori pas d’obligation d’orientation de ses tarifs vers les coûts.

II.  Sur les demandes relatives aux paliers tarifaires

La société Le Numéro formule les demandes suivantes en termes de paliers tarifaires :

- imposer à Orange France de créer au moins deux paliers de niveau intermédiaire entre chacun des paliers tarifaires actuels et que ces paliers soient fixés à des niveaux identiques à ceux proposés par France Télécom ;

- imposer à Orange France de réaliser toute demande de migration de paliers tarifaires de Le Numéro dans un délai maximal de deux semaines lorsque cette demande est consécutive à une évolution des tarifs de renseignements téléphoniques du groupe France Télécom/Orange France.

La société Orange France considère que ces demandes sont irrecevables. Elle indique avoir fait « droit aux souhaits d’adaptation de la grille des paliers tarifaires prévue au Contrat d’ouverture des 118 XYZ » et que « lors des dernières discussions entre Le Numéro et Orange, Le Numéro a fait une nouvelle demande d’adaptation de la grille tarifaire qu’Orange a pris en compte mais n’a pu matériellement mettre en œuvre faute d’indication précise émanant de la requérante. »4

1.  Sur la demande de création de nouveaux paliers tarifaires

Il ressort des pièces du dossier que les discussions ont commencé entre les parties par une réunion en date du 3 février 2006. Le compte rendu de cette réunion5 réalisé par Le Numéro indique notamment que Le Numéro souhaitait sortir des contraintes des paliers tarifaires proposés par Orange et pouvoir fixer librement le tarif de son service 118XYZ et le faire évoluer dans des délais raisonnables en fonction de l’évolution du marché. A cette demande, la société Orange a répondu selon Le Numéro que les paliers tarifaires avaient été fixés par Orange après consultation des annuairistes et qu’elle ne souhaitait pas multiplier les paliers tarifaires dans son réseau. Elle était cependant prête à considérer, au cas par cas, toute demande raisonnable, à faire une étude d’impact et de faisabilité et à lui répondre dans un délai de moins d’un mois. Ce compte-rendu indique que Le Numéro ne s’estimait pas satisfait de cette position, qui ne lui offrait (selon ses termes) aucune garantie dans la mise en œuvre de la liberté tarifaire qu’il souhaitait obtenir.

Il ressort du compte rendu de cette même réunion6 réalisé par la société Orange France que « Orange France propose au Numéro d’expliciter précisément son besoin en termes d’ouverture de nouveau palier et de souplesse tarifaire, et Orange France s’engage à lui rendre dans un délai d’un mois ».

En outre, dans le compte-rendu de la réunion du 2 mars 20067 entre Le Numéro et Orange France, il est indiqué que « A la suite de la demande de le Numéro de pouvoir bénéficier de la mise en place d’un nouveau palier tarifaire, Orange revient vers le Numéro en indiquant qu’après étude interne la fonctionnalité est en effet disponible avec un délai d’implémentation de 6 semaines. A ce titre, Orange invite Le Numéro à formuler officiellement par voie de courrier sa demande pour prise en compte par Orange ».

Dans un courrier en date du 13 mars 20068, la société Le Numéro indique : « le délai de six semaines pour l’implémentation d’un nouveau palier semble satisfaisant. Toutefois, je vous rappelle, comme je vous l’indiquais précédemment, que nous ne pouvons pas fixer le montant du palier tarifaire souhaité tant que nous n’avons pas un accord sur l’ensemble des points financiers en suspens. Je reviendrai vers vous lorsque nous serons d’accord sur l’ensemble des questions » (souligné par l’Autorité).

Dans un courrier en date du 20 avril 20069, la société Le Numéro confirme sa demande concernant la création de paliers à l’appel supplémentaires par rapport à ceux disponibles actuellement dans la grille d’Orange France. Elle demande ainsi de « créer au moins deux paliers de niveaux intermédiaires entre chacun des paliers actuellement inscrits dans la grille d’Orange » et qu’Orange France s’assure « que sa gamme de paliers tarifaires incluent ceux actuellement existants chez France Télécom ».

Dans la réponse à ce courrier10, la société Orange France, le 5 mai 2006, s’étonne du ton employé dans celui-ci, et de ce que Le Numéro ne mentionne pas les axes de collaboration proposés par Orange, notamment : « l’ouverture de nouveaux paliers tarifaires permettant d’adapter la tarification du service de renseignements Le Numéro à la stratégie commerciale de votre société et de répondre ainsi à votre attente ».

Dans une correspondance en date du 18 mai 200611, la société Le Numéro indique à Orange France que « l’annonce de principe que vous faites sur la possibilité dont vous disposez d’ouvrir de nouveaux paliers tarifaires ne s’est toujours pas traduite par une offre concrète».

En réponse à ce courrier, Orange France, par un courrier électronique en date du 1er juin 200612, a proposé à la société Le Numéro « une réunion dont l’objet principal serait l’ouverture de nouveaux paliers tarifaires. En effet, nous souhaiterions connaître votre position au regard de votre demande initiale sur ce sujet ». La société Le Numéro a répondu le 8 juin13 : « notre demande, telle que rappelée dans notre dernier courrier (création de deux paliers de niveau intermédiaire entre chacun des paliers actuellement inscrits dans la grille ; rendre possible une harmonisation des tarifs entre fixe et mobile en prévoyant des paliers identiques à ceux proposés par FT), est assez claire. Nous n’attendons simplement qu’une confirmation de votre part que vous l’acceptez ».

Enfin, dans un courrier en date du 21 juillet 200614, soit après la saisine de l’Autorité, la société Le Numéro a demandé à Orange France « de bien vouloir effectuer un changement du palier tarifaire concernant les appels vers le 118 218 depuis le réseau d’Orange ». Elle indique ainsi pour la première fois qu’elle demande la mise en place d’un palier égal à […] € l’appel et […] € par minute, sous réserve de la décision de l’Autorité à venir concernant le présent litige.

S’agissant de ses demandes d’adaptation de la grille des paliers tarifaires, la société Le Numéro ne justifie donc pas au jour de la saisine d’un désaccord formel avec la société Orange France. En effet, comme le confirment les pièces du dossier, la société Orange France n’était pas opposée à l’ouverture de nouveaux paliers tarifaires permettant d’adapter la tarification du service de Le Numéro à sa stratégie commerciale. Cependant, il lui était matériellement impossible de faire droit à la demande de la société Le Numéro dans la mesure où celle-ci était imprécise quant à la définition concrète des nouveaux paliers à mettre en place.

La condition de l’échec des négociations commerciales n’étant pas remplie, la demande susvisée de la société Le Numéro ne répond pas aux conditions de recevabilité posées par les dispositions précitées de l’article L. 36-8 du CPCE. Elle doit donc être rejetée.

2.  Sur la demande de migration dans un délai de deux semaines en cas de modification par France Télécom de ses tarifs de détail

La société Le Numéro demande la mise en place d’un délai de deux semaines en cas de modification par France Télécom de ses tarifs de détail, considérant que « le délai d’implémentation d’un nouveau tarif de 6 semaines inscrit à notre contrat actuel était acceptable dans une phase initiale de lancement, mais il s’avérera beaucoup trop long lorsque l’évolution de notre tarif sera motivée par la nécessité de devoir réagir à la concurrence, et en particulier, lors des évolutions tarifaires à venir des services de renseignements du groupe France Télécom/Orange France. Nous vous demandons donc de nous offrir la possibilité d’obtenir des migrations de paliers dans un délai plus court, inférieur à deux semaines, dans le cas spécifique d’une évolution des tarifs appliqué par votre groupe sur ses propres services de renseignements »15.

La requérante précise dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs que cette demande de migration concerne « la modification du tarif de détail appliqué par Orange, à savoir l’abandon de l’application des tarifs de détail correspondant à un palier tarifaire donné, et l’application des tarifs de détail correspondant à un autre palier tarifaire inscrit dans la liste des paliers tarifaires (l’offre de « grille des tarifs ») auxquels Orange donne accès. ». Sa demande vise donc à obtenir un droit de modification de ses paliers à l’intérieur de la grille d’Orange dans un délai de deux semaines.

Le Numéro souligne que cette diminution du délai de migration lui est nécessaire afin de pouvoir réagir à de nouvelles offres tarifaires des services de renseignements téléphoniques du groupe France Télécom/Orange France dans un délai raccourci, dans un souci d’égalité dans la concurrence. La requérante indique également que ce délai imposé par Orange France n’est pas justifié techniquement.

Cependant, la société Le Numéro n’apporte aucun élément probant démontrant le bien fondé de sa demande.

En outre, comme il est exposé en partie IV de la présente décision, les conditions que la société Orange France offre à tous les fournisseurs de services de renseignements sont identiques. Ainsi, tant la société Le Numéro que France Télécom en tant que fournisseur de services de renseignements sont soumises à un délai de six semaines lorsqu’elles demandent à la société Orange France de modifier un palier tarifaire. Par conséquent, lorsque la société Le Numéro obtiendra une modification de son palier tarifaire, la société France Télécom ne pourra modifier le sien que dans un délai de six semaines et inversement. Il n’existe donc aucune asymétrie entre les fournisseurs de services. Faire droit aux demandes de Le Numéro sur ce point équivaudrait donc à le faire bénéficier d’une discrimination positive ayant pour effet de lui conférer une plus grande réactivité commerciale que ses concurrents, ce qui n’est pas justifié par Le Numéro dans sa demande.

Enfin, il ressort des réponses au questionnaire des rapporteurs les éléments suivants. D’une part, le tableau réalisé par la société Le Numéro montre que l’ensemble des opérateurs ont des délais supérieurs à ceux d’Orange France ([…]) à l’exception de la société […]. Enfin, celui de la société […] n’est pas mentionné et celui de […] dépend de l’étude de faisabilité. D’autre part, Orange France indique que « le délai nécessaire pour assurer une modification de paliers est identique à celui d’une ouverture de numéro soit, en principe, 6 semaines si la « migration » se fait sur un palier existant. Ce délai correspond au délai habituel pour les ouvertures de numéros dans le réseau d’Orange France. Ces délais permettent à Orange France de mettre en œuvre et respecter les processus techniques requis pour les modifications de ce type dans le réseau eu égard notamment aux implémentations requises et aux contraintes de plan de travail des équipes devant procéder aux interventions dans le réseau. »

Par conséquent, la demande de la société Le Numéro de bénéficier d’une durée de migration de deux semaines en cas de modification par France Télécom de ses tarifs de détail n’apparaît pas en l’espèce justifiée. Sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, cette demande est donc rejetée.

Au demeurant, dans la mesure où aucune information tarifaire n’est donnée au consommateur lorsqu’il joint un service de renseignement, il apparaît légitime que le fournisseur de ce service informe le consommateur de sa décision de modifier ses tarifs, notamment par affichage et publicité des nouveaux tarifs, dans un délai suffisant et préalablement à la mise  en œuvre de cette évolution.

III.  Sur la demande d’interconnexion SMS

Dans sa saisine16, la société Le Numéro relève que « Orange refuse de façon constante de faire droit aux demandes répétées de Le Numéro visant à lui permettre d’accéder à une véritable prestation d’interconnexion de terminaison SMS sur son réseau afin de réutiliser les interconnexions qu’il a déjà mis en place avec le réseau d’Orange ».

Plus précisément, il ressort de sa saisine que la société Le Numéro demande à Orange France de lui offrir une prestation d’interconnexion SMS identique à celle offerte entre exploitants de réseaux mobiles.

Le Numéro considère en effet que son activité SMS « répond directement à la nécessité pour les opérateurs de services de renseignement de fournir des services comparables à ceux fournis par les opérateurs mobiles eux mêmes au départ de leur réseau pour leurs propres services de renseignements téléphoniques. La fourniture par Orange France de prestations d’interconnexion équivalentes à celles dont elle bénéfice elle-même en interne pour fournir ses propres prestations au détail est donc un pré requis indispensable au respect des conditions d’une concurrence loyale entre son activité  intégrée  et  celles  de  ses  concurrents »17.

La société Orange France conteste le droit de la société Le Numéro à l’offre d’interconnexion SMS qu’elle propose à ce jour, en ce que celle-ci est réservée aux exploitants de réseaux mobiles pour des communications interpersonnelles dans un principe de réciprocité des flux. Elle conteste également le droit à la société Le Numéro à une offre particulière d’interconnexion, indiquant que ces prestations ne peuvent être revendiquées que par des exploitants de réseaux ouverts au public. Elle estime de plus « que la prestation revendiquée doit être pertinente eu égard à la situation de l’opérateur, or la requérante ne propose aucun service de joignabilité par SMS ». Elle précise qu’elle a proposé à la société Le Numéro de souscrire un contrat de type « Push SMS » tel que le contrat « Light Push Livraison » dont les tarifs suivent une grille dégressive en fonction des volumes envoyés18.

1.  Les dispositions applicables en termes de droit à l’interconnexion

L’interconnexion se définit en vertu de l’article L. 32 9°) du CPCE comme « la liaison physique et logique des réseaux ouverts au public exploités par le même opérateur ou un opérateur différent, afin de permettre aux utilisateurs d’un opérateur de communiquer avec les utilisateurs du même opérateur ou d’un autre, ou bien d’accéder aux services fournis par un autre opérateur ».

L’article L. 32 6°) de ce même code dispose qu’ « on entend par services de communications électroniques les prestations consistant entièrement ou principalement en la fourniture de communications électroniques ». Les communications électroniques sont définies par l’article L. 32 1°) du CPCE comme « les émissions, transmissions ou réceptions de signes, de signaux, d’écrits, d’images ou de sons, par voie électromagnétique ».

En vertu de l’article L. 32 15°) du CPCE, est un opérateur « toute personne physique ou morale exploitant un réseau de communications électroniques ouvert au public ou fournissant au public un service de communications électroniques ».

Le Numéro souhaite bénéficier d’une offre d’interconnexion régie par l’article L. 34-8 du CPCE, lequel dispose dans son II que « Les exploitants de réseaux ouverts au public font  droit aux demandes d’interconnexion des autres exploitants de réseaux ouverts au public (…) présentées en vue de fournir au public des services de communications électroniques. La demande d’interconnexion ne peut être refusée si elle est justifiée au regard, d’une part, des besoins du demandeur, d’autre part, des capacités de l’exploitant à les satisfaire ».

L’article 4 de la directive accès susvisée dispose également que « les opérateurs de réseaux ouverts au public de communications ont le droit et, lorsque d’autres entreprises titulaires d’une autorisation le demandent, l’obligation de négocier une interconnexion réciproque pour fournir des services de communications électroniques accessibles au public, de façon à garantir la fourniture de services et leur interopérabilité dans l’ensemble  de  la  Communauté ».

En conséquence, le bénéfice d’un droit à l’interconnexion est offert aux opérateurs qui, d’une part, exploitent un réseau ouvert au public et, d’autre part, fournissent ou ont pour objectif de fournir un service de communications électroniques accessible au public.

Comme il a été précisé dans la décision n° 06-0593 de l’Autorité en date du 27 juillet 2006 portant sur la définition des marchés pertinents de gros de la terminaison d’appel SMS (TA SMS) sur les réseaux mobiles en métropole, la prestation de terminaison d’appel SMS est une prestation d’interconnexion. En effet, au regard de l’examen des trois critères posés par l’article L. 32 9°) du CPCE, la terminaison d’appel SMS, en tant qu’elle constitue la manifestation de la liaison physique et logique entre des réseaux ouverts au public exploités par un même opérateur ou par des opérateurs différents, relève du régime juridique de l’interconnexion.

Dans cette même décision, l’Autorité a reconnu le droit à l’interconnexion SMS à d’autres exploitants de réseau que les seuls exploitants de réseau mobile. Elle a en effet indiqué, page 26, que « Bien que, à la connaissance de l’Autorité, il n’y ait pas encore eu de demande formelle en ce sens émanant d’opérateurs autres que mobiles, tout exploitant de réseau de communications électroniques ouvert au public (y compris notamment un opérateur fixe, un agrégateur, voire un FAI [fournisseur d’accès Internet]) est éligible à l’interconnexion SMS. En effet, conformément à l’article L. 34-8 du CPCE, tout opérateur mobile doit faire « droit aux demandes d’interconnexion des autres exploitants de réseau ouvert au public ».

Autrement dit, le fait que les opérateurs fixes, les agrégateurs et les FAI recourent aux offres SMS Push, c’est-à-dire de vente en gros de SMS-MT proposées par les opérateurs mobiles à tout acteur désirant acheminer un SMS vers le terminal mobile de l’appelé (agrégateurs de SMS, opérateurs mobiles tiers, opérateurs fixes, fournisseurs d’accès Internet, éditeurs de services, etc.), n’exclut pas le fait que ces acteurs pourraient légitimement bénéficier de conditions tarifaires particulières au titre de l’interconnexion.

Celle-ci pourrait toutefois se présenter sous une forme technique différant de la TA SMS offerte aux opérateurs mobiles tiers pour tenir compte des particularités des réseaux considérés.

En revanche, un éditeur de services, qui, en tant que fournisseur de services de communication au public par voie électronique (prévisions météorologiques, actualités sportives, cotations boursières, etc.) ou en tant que distributeur de services de communications électroniques (état des relevés de comptes bancaires, situation personnelle au regard d’un contrat d’assurance, annonce de la date de livraison d’une commande, etc.), est un utilisateur final, ne peut se prévaloir d’aucun droit à l’interconnexion ».

Il convient donc de vérifier la qualité d’exploitant de réseau ouvert au public de la société Le Numéro et ses besoins en termes d’interconnexion.

2.  Application au cas d’espèce

Tout d’abord, la société Le Numéro est un opérateur au sens de l’article L. 32 15°) du CPCE précité. Celle-ci s’est vue délivrée par l’Autorité le 15 novembre 2004 un récépissé de déclaration d’opérateur en tant que fournisseur de services de communications électroniques. La société Le Numéro a, le 10 août 2006, modifié sa déclaration d’opérateur en indiquant qu’elle était un opérateur « à la fois de réseau et de services de communications électroniques depuis l’origine de son activité commerciale ».

Cette déclaration modifiée est étayée par les pièces du dossier d’instruction :

- d’une part, la société Le Numéro indique, dans ses observations en réplique en date du 2 août 2006, qu’« elle exploite des commutateurs de téléphonie publique, assure elle- même l’acheminement et la commutation des appels vers ses propres 118XYZ, puis la mise en relation de ces appels vers les correspondants demandés par les appelants issus du réseau d’Orange » (souligné par l’Autorité) ;

- d’autre part, elle précise, dans sa réponse en date du 4 août 2006 au questionnaire des rapporteurs, qu’elle « exploite quatre commutateurs téléphoniques « Volt Delta » pour assurer la réception des appels issus des différents réseaux fixes et mobiles vers ses 118XYZ, l’acheminement de ces appels vers ces centres d’appels situés en France et au Maroc, ainsi que le ré-acheminement à l’interconnexion des appels vers les réseaux fixes et mobile en cas de mise en relation » (souligné par l’Autorité).

Ainsi, la société Le Numéro, au regard des éléments fournis à l’Autorité, exploite un réseau de communications électroniques ouvert au public en ce qu’elle assure l’acheminement de communications électroniques entre deux clients d’un même réseau ou de réseaux différents.

Ensuite, en ce qui concerne son activité et ses besoins en termes de SMS, la requérante a indiqué dans sa saisine19 que « les clients des services de renseignement téléphonique attendent des opérateurs qu’ils proposent l’envoi systématique d’un SMS (voire plusieurs) récapitulant les données demandées pour chaque renseignement fourni oralement via son 118 XYZ ». Elle précise dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs que « le service SMS, fourni actuellement par Le Numéro, consiste à transmettre les informations demandées par oral par son client sous la forme d’un message écrit au format prédéfini, comprenant le nom, l’adresse et le numéro de téléphone » (réponse V-2).

Il ressort ainsi des éléments du dossier que la société Le Numéro fournit au titre de son service d’envoi de SMS une prestation de contenu et non d’interconnexion ; elle acquiert des SMS en gros pour son propre usage. De ce fait, à l’image d’autres éditeurs de contenu (banque, météo, astrologie, sport, etc.), le SMS envoyé par la société Le Numéro à ses clients ne constitue donc pas un service de communications électroniques accessible au public.

La société Le Numéro a ainsi le statut d’utilisateur final en ce qui concerne la prestation de SMS. On entend en effet par utilisateur final au titre de l’article 2 n) de la directive cadre susvisée : « un utilisateur qui ne fournit pas de réseaux de communication publics ou de services de communications électroniques accessibles au public », l’utilisateur étant, au titre du h) du même article, « une personne physique ou morale qui utilise ou demande un service de communications électroniques accessibles au public ». Si la société Le Numéro utilise bien des ressources de communication électronique, elle le fait afin de transmettre un service de contenu, et non un service de communication électronique accessible au public.

Dans ces conditions, la société Le Numéro ne peut être qualifiée d’exploitant de réseau ouvert au public demandant une interconnexion de terminaison SMS afin de fournir au public des services de communications électroniques. Ne pouvant être qualifiée que d’utilisateur final pour ce qui concerne la prestation d’envoi de SMS, la société Le Numéro n’est pas fondée à demander une prestation de terminaison d’appel SMS.

La demande de la société Le Numéro de bénéficier d’une offre d’interconnexion de terminaison SMS similaire à celle que la société Orange France offre aux deux autres exploitants de réseau mobile, ou à celle qu’elle pourrait offrir à tout autre exploitant de réseau ouvert au public, n’est en l’espèce pas justifiée au titre de l’activité fournie par Le Numéro en ce qui concerne les envois de SMS.

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de la société Le Numéro en ce qui concerne l’interconnexion SMS, cette demande est rejetée.

IV.  Sur les demandes relatives à la baisse du taux de rétention et au partage de l’airtime

La société Le Numéro demande à l’Autorité de réduire très significativement le taux de rétention prélevé par Orange France sur son tarif public à l’appel et de fixer des règles de partage équitable des revenus générés par la facturation de l’airtime par Orange France.

La société Le Numéro a précisé ses demandes de la façon suivante :

- en ce qui concerne le taux de rétention :

  • fixer le tarif de la prestation de facturation/encaissement à un prélèvement proportionnel au chiffre d’affaires généré par la partie forfaitaire du prix public de Le Numéro ; Le Numéro indique que ce taux pourrait être de 1,5% de son tarif public à l’appel, conformément à ce qui avait été prévu dans la décision n° 01-474 de l’Autorité en date du 18 mai 2001 ;
  • fixer le tarif de la prestation de recouvrement en proportion du tarif variable d’airtime ; Le Numéro précise que ce taux pourrait être de 4,8% de l’airtime car, en raison de la nature du service qu’elle fournit, le taux d’impayés est bien moindre que pour les autres services à valeur ajoutée. Par conséquent, les coûts de recouvrement et d’impayés d’Orange France sont bien inférieurs à ceux au départ des fixes.

- en ce qui concerne le partage de l’airtime :

  • pour l’année 2006, imposer à Orange France de reverser à Le Numéro 10,4 c€ par minute sur la base d’un tarif moyen de l’airtime de 25c€ TTC et d’une valorisation des coûts de départ d’appel égale au niveau de terminaison d’appel pour 2006 d’Orange France ;
  • pour les années suivantes, imposer à Orange France un reversement calculé sur la base du même tarif moyen d’airtime et augmenté chaque année d’un montant égal aux baisses du tarif de terminaison d’appel d’Orange France.

La société Le Numéro précise dans ses observations qu’il est « exclusivement demandé à l’ARCEP d’intervenir sur les conditions financières d’accès et d’interconnexion appliquées par Orange France dans ses relations avec Le Numéro »20 et que : « excepté la demande d’une prestation de terminaison de SMS, ses demandent portent exclusivement sur une révision des conditions tarifaires et financières des offres d’accès et d’interconnexion faites par Orange sur son départ d’appels, Orange fournissant d’ores et déjà lesdites prestations. Le Numéro ne demandant pas de nouvelles prestations d’interconnexion ou d’accès, le désaccord porte ainsi exclusivement sur les modalités de fourniture de prestations »21.

La société Orange France considère ces demandes comme non recevables. Elle souligne que la société Le Numéro n’a émis aucune contestation s’agissant de la facturation associée au contrat signé et qu’elle aurait pu saisir l’Autorité d’une demande de mesures conservatoires lors de la signature du contrat si elle considérait ne l’avoir pas souscrit librement. En ce qui concerne l’airtime, elle indique également qu’il ne peut y avoir d’échec des négociations au sens de l’article L. 36-8 du CPCE pour des prestations ne relevant ni de l’accès ni de l’interconnexion. Sur le fond, elle estime ces demandes ni équitables, ni justifiées, ni proportionnées et qu’il convient donc de les rejeter.

Il ressort des éléments du dossier que les sociétés Le Numéro et Orange France sont deux acteurs qui coopèrent pour la fourniture d’un service de renseignement à un client de la société Orange France et contribuent ensemble à la création de la valeur ajoutée du service ainsi fourni. Les demandes de Le Numéro relatives respectivement au taux de rétention et au partage de l’airtime ont un seul et même objectif : modifier la répartition actuelle de la valeur ajoutée prévue par le contrat entre les parties.

En l’absence d’obligation réglementaire spécifique sur le partage de cette valeur ajoutée opposable à l’une ou l’autre des parties, la question que pose la société Le Numéro vise donc à évaluer si les conditions financières du contrat signé entre les parties sont équitables.

1.    Sur les assertions de la société Le Numéro relatives aux conditions financières contraignantes qui lui seraient imposées par Orange France

La société Le Numéro considère que les conditions d’accès et d’interconnexion appliquées  par Orange France lui sont inéquitables en ce qu’elles lui imposent une tarification de son service de renseignements inadaptée. Elle estime en effet ne pas en avoir librement décidé, car d’après elle les tarifs de détail des appels au 118 218 depuis la boucle locale d’Orange France résultent directement des conditions d’accès et d’interconnexion appliquées par Orange France. Elle dénonce les points suivants :

- le niveau des tarifs de l’ensemble des 118 XYZ depuis la boucle locale d’Orange France est plus élevé que depuis un réseau fixe, du fait de l'application par Orange France de ses tarifs d'air-time à la minute en plus des prix publics des services de renseignement.

Le Numéro considère que ce niveau trop élevé, dissuadant les consommateurs d'utiliser les services de renseignements au départ de leurs téléphones mobiles, conduit à une contraction du marché plus forte que prévue. Elle précise que la réduction des volumes d'appels a pour effet de renforcer les difficultés rencontrées par les opérateurs de renseignements téléphoniques pour atteindre la rentabilité économique nécessaire au développement de leur activité. Elle estime à ce titre devoir consentir des investissements publicitaires plus élevés que le groupe France Télécom/Orange France pour pénétrer ce marché sur lequel ce dernier détenait un quasi-monopole.

Le Numéro souligne que, selon elle, les consommateurs se plaignent de la tarification complexe et des factures élevées générées par les appels vers les 118 XYX des concurrents d’Orange France, et en particulier vers le 118 218 de Le Numéro.

- le tarif vers le 118 218 au départ de la boucle locale d’Orange France est plus élevé que celui du 118 712 d’Orange France / France Telecom, sa structure est plus complexe (ajout d’une surtaxe à la minute 5,6 c€ TTC), et les tarifs publics des appels vers le 118 218 ne sont pas homogènes sur les principaux réseaux fixes et mobiles, au contraire des tarifs du 118 712 fixés, à la date de la saisine et à la clôture de l’instruction, à 1,124 c€ par appel (sauf 1,10 c€ par appel sur le réseau de SFR). Les tarifs des appels vers le 118 218 seraient donc moins compétitifs que ceux vers le 118 712.

Le Numéro souligne que : « A cet égard, l’ARCEP pourra utiliser comme élément de référence une comparaison entre le coût des prestations et la répartition de la marge pour un appel émanant du réseau fixe, comparé à un appel émanant du réseau Orange […]»22.

L’Autorité constate qu’il existe effectivement une différence de prix entre un appel vers le 118 218 émis depuis une boucle locale fixe et depuis la boucle locale d’Orange France. Il convient alors de comparer les recettes de Le Numéro au départ d’un réseau fixe et du réseau mobile d’Orange France afin d’évaluer s’il existe une contrainte tarifaire imposée par cette dernière sur Le Numéro.

A cet égard, Le Numéro indique, dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs, que le nombre d’appels passés au 2ème trimestre 2006 vers le 118 218 depuis la boucle locale d’Orange France est de […], pour […] minutes de communication, ce qui correspond à une durée moyenne d’appel de […] secondes.

Avec des tarifs de détail TTC de respectivement 1,124 €/appel + 5,6 c€/min depuis un mobile Orange France et 0,90 €/appel depuis un poste fixe, Le Numéro perçoit au détail entre […] et […]c€ HT de plus pour un appel de […] secondes au départ de la boucle locale d’Orange France par rapport à un appel depuis un réseau fixe de référence23. En outre, elle économise 2 c€ de départ d’appel, dans la mesure où cette prestation ne lui est pas facturée au départ du réseau d’Orange France. En revanche, elle fournit une prestation enrichie par l’envoi de SMS, ce qui correspond à un coût supplémentaire d’au moins […] c€ selon les données de Le Numéro.

Par conséquent, selon les hypothèses avancées par Le Numéro, elle perçoit une recette moyenne supplémentaire comprise entre […] et […] c€ pour un appel moyen provenant d’un mobile Orange France par rapport à un appel de même durée provenant d’une boucle locale fixe. Cette recette additionnelle est ramenée aux environs de […] à […] c€ en prenant en compte le coût du SMS.

En comparaison avec la tarification appliquée depuis un réseau fixe, non critiquée par la requérante dans ses observations, ces éléments laissent penser que la société Le Numéro serait en mesure de supprimer la surtaxe à la minute de 5,6 c€ TTC (ce qui lui réduirait sa recette moyenne de […]c€ par appel) et de choisir dans le même temps un tarif forfaitaire à l’appel inférieur à celui du 118 712, qui valait, à la date de la saisine et à la clôture de l’instruction, 1,124 c€ par appel.

Eu égard aux éléments du dossier, Le Numéro n’a donc pas établi qu’elle n’est pas en mesure de modifier librement son tarif depuis la boucle locale d’Orange France afin de le rendre plus abordable et moins complexe, ni qu’elle n’est pas en mesure de choisir un tarif de détail homogène, simple et d’un niveau inférieur à celui du 118 712.

Concernant la contraction du marché des services de renseignements postérieurement à son ouverture à la concurrence en avril dernier, l’Autorité note que la société Le Numéro indique dans un communiqué de presse du 24 juillet 2006 : « Avec plus de 40% de part de marché et une notoriété spontanée supérieure à 52%, le 118 218 s’affirme comme le leader du marché des renseignements téléphoniques, trois mois après son  ouverture  à  la  concurrence.  Le 118 218 a traité plus de 30 millions d’appels depuis son ouverture en novembre 2005. On compte près de 10 millions d’utilisateurs du 118 218, ce nombre continuant à croître de plusieurs centaines de milliers chaque semaine.

Le 118 218 constate que la baisse actuelle du volume d’appels vers les différents services de renseignement téléphonique est inférieure à celle constatée dans d’autres pays qui ont effectué les mêmes réformes, nécessaires pour introduire la concurrence sur ce marché. Cette baisse, qui est la conséquence d’un apprentissage nécessaire des consommateurs à la nouvelle numérotation, devrait progressivement se résorber, au bénéfice des acteurs qui, comme le 118 218, offrent un rapport qualité-prix meilleur que l’ancien service du 12. »

En outre, la dynamique du marché semble s’orienter vers une baisse des appels passés vers les services de renseignements depuis un poste fixe, notamment du fait du nombre croissant de foyers connectés à Internet, ce qui leur permet d’accéder à des services de renseignement gratuits en ligne, contrairement aux appels passés depuis une boucle locale mobile, lesquels répondent à un besoin spécifique du consommateur en situation de mobilité, l’usage de l’Internet mobile n’étant pas à ce jour arrivé au même stade de diffusion.

Enfin, Le Numéro n’ayant pas établi qu’elle n’était pas en mesure de modifier librement son tarif à la baisse, elle n’a pas davantage démontré que, si contraction durable du marché il y avait, celle-ci devrait être regardée comme imputable au caractère inéquitable des tarifs imposés par Orange France.

Par conséquent, les allégations de Le Numéro quant aux contraintes tarifaires imposées par Orange France doivent ainsi être écartées.

2.  Sur les discriminations alléguées entre le 118 218 et le 118 712

La requérante soulève de manière générale la nécessité du respect du principe de loyauté de la concurrence entre le groupe Orange France / France Télécom, opérateur exploitant le 118 712, et Le Numéro exploitant le 118 218. A cet effet, elle considère que le caractère intégré de ce groupe crée une discrimination au détriment des fournisseurs de services non intégrés, le 118 712 bénéficiant de charges internes inférieures aux charges externes d’un opérateur non intégré, ce qui lui permet de mettre en œuvre des tarifs plus agressifs sur le marché de détail, et permet à Orange France de subventionner la commercialisation du 118 712.

 

Le Numéro décrit son « éviction » du marché tenant aux tarifs appliqués au départ du réseau d’Orange France, ainsi qu’aux conditions d’accès et d’interconnexion qui lui seraient imposées en amont par Orange France. L’effet de ciseau tarifaire résultant de ces deux séries de pratiques doit, selon Le Numéro, être apprécié de manière constructive, c’est-à-dire qu’il convient de dépasser l’appréciation de la simple réplicabilité de l’offre du 118 712 par le 118 218, pour permettre à Le Numéro d’offrir de meilleures conditions que son concurrent. S’agissant de l’éviction résultant des tarifs de détail du 118 712, la saisine relève principalement que le service fourni par le 118 218 est plus cher que celui fourni par le 118 712 du fait de la surtaxe de 5,6 c€/min, et que par ailleurs le 118 712 bénéficie d’une homogénéité tarifaire au départ des différents réseaux mobiles et fixes à l’exception de celui de SFR. Elle note que sa part de marché sur les appels au départ du réseau d’Orange France est plus faible qu’au départ des autres réseaux mobiles proportionnellement à leurs parcs respectifs. En ce qui concerne l’éviction résultant des conditions de gros offertes par Orange, Le Numéro relève que l’airtime représente un niveau tarifaire disproportionné au regard du coût de la communication mobile vers un 118 XYZ, sans toutefois souhaiter faire de la révision de ce mode de tarification l’objet du règlement de différend.

La société Orange France conteste l’ensemble de ces arguments.

De manière liminaire, l’Autorité relève que la saisine de la société Le Numéro ainsi que son mémoire en réplique pratiquent une assimilation entre « intégration verticale » et « discrimination interne/externe entre les services de départs d’appels qu’[Orange France] fournit à ses concurrents au départ de sa boucle locale mobile et les conditions dont bénéficient les services de renseignements du groupe Orange/France Télécom », exposant ainsi largement le fait que l’appartenance d’Orange France et de France Télécom au même groupe emporte une discrimination interne avec Le Numéro, opérateur non-intégré.

A cet égard, l’Autorité souhaite rappeler qu’Orange France et France Télécom bénéficient tous deux d’une personnalité morale propre et fournissent des activités distinctes : si France Télécom apparaît comme étant un fournisseur de services de renseignement, ce n’est pas le cas pour la société Orange France qui n’est qu’opérateur de réseau mobile. En particulier, c’est la société France Telecom qui est attributaire du 118 712 et fournit à ce titre un service de renseignement et non la société Orange France.

En outre, leurs relations au titre de la fourniture du service du 118 712 sont régies par un contrat d’ouverture de numéro(s) identique à celui proposé à Le Numéro. En effet, il ressort du contrat signé entre les sociétés Orange France et France Télécom le 10 janvier 2006, transmis par Orange France dans le cadre de la présente procédure, et de celui signé entre les sociétés Orange France et Le Numéro, qu’Orange France réserve les mêmes conditions financières au 118 712 et au 118 218. Plus largement, Orange France avance dans ses observations24 qu’elle est tenue par une obligation de non-discrimination, et « pratique ainsi des conditions d’accès non discriminantes à sa boucle locale aux fournisseurs de services de renseignements dans un contrat standard et dont la structure tarifaire est la même vis-à-vis du client mobile quel que soit le fournisseur de service de renseignements. (…) Orange France a à ce titre contractualisé avec France Télécom comme avec n’importe quel acteur évitant ainsi tout grief de discrimination ».

Par-delà cette remarque préalable, il convient d’apprécier la matérialité des éventuelles discriminations revendiquées par Le Numéro.

A cet égard, l’Autorité souhaite relever au principal qu’une situation d’éviction peut se produire quand une entreprise verticalement intégrée dispose d’une puissance de marché sur un marché amont et qu’elle est en concurrence sur un marché aval. Elle est alors tentée de commercialiser le bien aval à un tarif suffisamment bas, par rapport au tarif du bien intermédiaire vendu en amont, pour empêcher le développement de la concurrence sur ce marché en supprimant l’espace économique minimal nécessaire à ses concurrents. Elle favorise donc ses activités de détail (ou filiales spécialisées) au détriment de ses concurrents sur le marché de détail.

Au cas d’espèce, la requérante argue de l’existence d’un effet de ciseau et d’une éviction sans toutefois qualifier le marché sur lequel Orange France serait en position dominante ni surtout tenter d’apporter des éléments permettant de démontrer l’effet d’éviction qui en résulterait. En particulier, elle n’apporte aucun élément de coût, éléments pourtant indispensables à la conduite d’un test de ciseau tarifaire.

En outre, à l’examen, il apparaît qu’aucun des éléments soulevés par Le Numéro n’établit de discrimination emportant éviction du marché. On relève à cet effet que Le Numéro ne démontre pas en quoi la tarification plus élevée du 118 218 par rapport au 118 712 serait rendue nécessaire par les pratiques tarifaires d’Orange France. En effet, comme exposé ci- avant, elle ne démontre pas qu’elle n’est pas en mesure de modifier librement son tarif depuis la boucle locale d’Orange France afin de le rendre plus abordable et moins complexe, et en particulier de choisir un tarif d’un niveau inférieur à celui du 118 712. Elle ne montre pas davantage en quoi le comportement d’Orange France expliquerait que Le Numéro reçoive en moyenne moins d’appels en provenance du réseau d’Orange France en proportion du nombre de clients qu’au départ des autres réseaux mobiles.

Le Numéro considère que l’application au détail d’un tarif d’airtime contribue à renforcer l’effet d’éviction dont elle s’estime victime. Cependant, l’Autorité relève que tous les opérateurs de renseignements sont soumis à cette même structure de tarif d’appel au départ du réseau d’Orange France, y compris en particulier le 118 712, ce qui exclue que cette pratique puisse avoir un lien avec un éventuel effet de ciseau. En tout état de cause, Le Numéro ne demande pas de réviser ce mode de tarification dans le cadre du présent litige.

S’agissant enfin de l’allégation de pratique de commercialisation conjointe du 118 712 par Orange France et France Télécom, elle n’est assise sur aucun élément de preuve. Par ailleurs, il ressort d’un arrêt du 29 mars 2006 de la 14ème chambre section A de la Cour d’appel de Paris que celle-ci a confirmé l’ordonnance rendue le 13 mars par le Tribunal de Commerce de Paris établissant que Le Numéro n’apportait pas d’éléments suffisamment probants à l’appui de son affirmation selon laquelle le 712 aurait aiguillé ses clients vers le 118 712.

Par suite, eu égard aux éléments du dossier, l’existence d’une pratique d’éviction et d’une discrimination mise en place par la société Orange France au bénéfice de la société France Télécom et au détriment de la requérante n’est pas établie.

3.  Sur le niveau du taux de rétention et l’absence d’équité de la marge d’Orange France générée par l’airtime

Dans ses observations, la société Le Numéro invoque plusieurs éléments justifiant la baisse demandée concernant le taux de rétention d’Orange France et le partage de l’airtime. La saisine de la société Le Numéro vise en effet à établir que l’équilibre contractuel actuel est inéquitable, en vue d’obtenir un partage différent de la rémunération liée à la fourniture d’un service de renseignement au départ du réseau d’Orange France.

La requérante estime en effet que la tarification appliquée au détail depuis la boucle locale d’Orange France permet à cette dernière de prélever sur les consommateurs une marge importante, notamment du fait qu’Orange France bénéficie des coûts évités, i.e. les coûts commerciaux ayant contribué à générer l’appel (supportés par Le Numéro), les charges de terminaison d’appel et les charges de transit.

Le Numéro souligne à cet égard la différence avec la situation qui prévaut au départ des postes fixes et estime qu’il convient de reverser cette marge au fournisseur de service de renseignements, ce qui revient notamment à partager les revenus générés par l’airtime.

En premier lieu, il convient d’écarter plusieurs moyens de la société Le Numéro en ce qu’ils ne sont pas fondés.

Tout d’abord, la société Orange France n’est soumise à aucune régulation ex ante spécifique en ce qui concerne les modalités tarifaires d’accès et d’interconnexion nécessaires à l’acheminement des services de renseignement vers le 118 218, imposée au titre de la régulation d’opérateur puissant sur le fondement des articles L. 37-1 et suivants du CPCE. En particulier, aucune obligation d’orientation vers les coûts ne s’impose à cet opérateur.

Dans ces conditions, il n’est pas approprié, comme le fait la société Le Numéro, de se fonder sur une prise en compte des seuls coûts estimés de la prestation de facturation, encaissement, recouvrement. Ainsi, il n’est pas pertinent de considérer qu’il appartient à Orange France de justifier le taux de reversement ou d’imposer le respect du principe de causalité des coûts pour fixer le niveau du taux de facturation/encaissement et du taux de recouvrement. Pour la même raison, il n’est donc pas non plus pertinent de relever que la société Orange France perçoit avec l’airtime une rémunération supérieure à celle d’un appel interpersonnel puisqu’elle profiterait de coûts évités en ce qui concerne le transit, la terminaison d’appel et les coûts commerciaux de publicité.

En outre, la référence à la décision n°01-474 du 18 mai 2001 de l’Autorité, qui fixait le taux de facturation pour compte de tiers applicable par France Telecom, n’est pas pertinente. D’une part cette décision a été adoptée à l’encontre de l’opérateur historique soumis alors à une obligation d’orientation de ses tarifs vers les coûts pour la prestation de facturation pour compte de tiers, qui de surcroît n’inclut pas la composante recouvrement pour les services à revenus partagés. D’autre part, le taux fixé en 2001 a évolué lors des approbations annuelles du catalogue d’interconnexion de France Télécom (cf. en particulier la décision n° 03-1231 de l’Autorité en date du en date du 13 novembre 2003 approuvant l’offre technique et tarifaire d’interconnexion de France Télécom pour les exploitants de réseaux ouverts au public L. 33-1 pour l’année 2004).

Ensuite, l’Autorité a déjà démontré que, en l’état du dossier, il est impossible de conclure à l’existence d’une discrimination dans les conditions offertes par la société Orange France à la société Le Numéro et à France Télécom en tant que fournisseur de services de renseignements. Par conséquent, les arguments de Le Numéro alléguant une éventuelle discrimination afin d’obtenir un partage de l’airtime ne sont pas fondés.

Enfin, si la société Le Numéro a transmis le 26 septembre 2006 la décision du régulateur italien (AGCOM), elle n’en tire aucun moyen supplémentaire.

Au demeurant, cette décision de l’AGCOM a été prise sur le fondement de l’article 7.6 de la directive cadre susvisée en vertu duquel : « dans des circonstances exceptionnelles, lorsqu’une autorité réglementaire nationale considère qu’il est urgent d’agir, par dérogation à la procédure définie aux paragraphes 3 et 4, afin de préserver la concurrence et de protéger les intérêts des utilisateurs, elle peut adopter immédiatement des mesures proportionnées qui ne sont applicables que pour une période limitée ». Il s’agit ainsi d’une décision d’analyse de marché qui, en raison de circonstances exceptionnelles invoquées par le régulateur italien qui justifient une urgence à agir, n’a pas à être soumise à examen de la Commission européenne. Cette décision définit, à titre conservatoire, un marché et désigne les opérateurs mobiles comme disposant d’une influence significative afin de pouvoir in fine leur imposer des contraintes tarifaires. Cette décision est par nature limitée dans le temps et ne peut devenir pérenne qu’à travers l’élaboration et la notification d’une réelle analyse de marché.

Par conséquent, les mesures décidées par le régulateur italien ne peuvent aucunement être transposées au cas d’espèce où l’Autorité a été saisie pour trancher un litige en équité entre deux parties sur le fondement de l’article L. 36-8 du CPCE, et n’agit donc pas au titre de ses compétences définies aux articles L. 37-1 à L. 37-3 du CPCE.

En deuxième lieu, il convient de préciser les responsabilités des deux parties concernant un appel au 118 218 au départ de la boucle locale d’Orange France.

A cet égard, il ressort des termes du contrat signé le 13 septembre 2005 par la requérante que la société Orange France rémunère la société Le Numéro pour son offre de communication et lui reverse à ce titre […] % du tarif du service hors airtime. De l’examen du dossier et des réponses au questionnaire des rapporteurs, il apparaît que :

- la société Orange France est rémunérée par l’airtime et […]% du tarif de détail applicable au contenu et réalise la prestation de départ d’appel et de facturation, encaissement, recouvrement. La société Orange France fournit par ailleurs le service d'envoi de SMS et est rémunérée à ce titre (via un agrégateur choisi par Le Numéro) ;

- la société Le Numéro est rémunérée par […]% du tarif de détail applicable au contenu ; elle fournit le service de renseignement et le SMS de confirmation, ainsi que la collecte de l’appel et, le cas échéant, la mise en relation.

L’Autorité estime ainsi que l’appelant abonné à la société Orange France qui fait appel aux services du 118 218 n’est pas exclusivement le client d’un opérateur ou de l’autre. L’appelant se retrouve ainsi à la fois :

- client d’Orange France pour le transport de la communication en situation de mobilité jusqu’au point d’interconnexion sur lequel l’opérateur de collecte vient prendre livraison de l’appel ;

- client de Le Numéro pour le transport de l’appel au-delà de ce point et pour le service de contenu lui-même.

L’Autorité note que le service fourni est une combinaison indissociable d’un service de communication électronique en situation de mobilité et d’un service de renseignement téléphonique.

Il convient ainsi en dernier lieu d’examiner si, compte tenu des prestations fournies par les deux parties, les termes financiers du contrat signé entre les parties, dont notamment le reversement prévu au contrat (concernant le taux de reversement et son assiette, en ce qu’elle n’inclut pas l’airtime), ne seraient pas inéquitables pour Le Numéro.

Tout d’abord, la société Le Numéro estime que le taux de rétention de la société Orange France est abusif comparé aux taux pratiqués par les opérateurs fixes. Toutefois, ce moyen ne saurait prospérer.

La société Le Numéro indique dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs que sur les réseaux fixes où le 118 218 est ouvert, France Telecom tarifie la facturation pour compte de tiers à 5%, Free et Alice offrent un taux de […]%, MCI est à […]%, Cegetel à […]%. Elle note que SFR et Bouygues Télécom sont respectivement à […] et […]%.

Il convient cependant de noter que les taux pratiqués au départ des fixes ne sont pas strictement comparables à celui d’Orange France. D’une part, le périmètre des prestations auxquels s’appliquent les taux diffère : au départ des fixes, le taux de rétention s’applique au tarif global facturé au client alors qu’au départ des mobiles, le taux ne s’applique qu’à la composante service du tarif ; la composante airtime ou transport en est ainsi exclue. D’autre part, le service de renseignement offert au départ d’un téléphone mobile n’est pas non plus comparable à celui offert depuis un poste fixe dans la mesure où par nature ce service est offert en mobilité, ce qui lui confère une valeur ajoutée supplémentaire, accroît la disponibilité à payer de l’utilisateur final qui ne dispose pas de mode d’accès alternatif à cette information, l’Internet mobile n’étant pas à ce jour arrivé à un stade de diffusion conséquent, et implique par ailleurs une structure de coûts différente. Quant au taux pratiqué par France Télécom, effectivement inférieur, il ne comprend pas la prestation de recouvrement.

En ce qui concerne les évaluations du niveau réel de rétention présentées par la société Le Numéro, l’Autorité note tout d’abord que la requérante invoque un taux de réel de 30 % dans sa saisine (page 28) puis un taux de 46% dans son mémoire en réplique (page 23) sans justifier cette dernière estimation. En outre, si Le Numéro prend en compte dans son calcul la différence de périmètre auquel les taux de rétention s’appliquent entre les réseaux fixes et les réseaux mobiles, en précisant qu’elle propose un taux calculé sur les deux composantes service et transport, elle omet d’intégrer le fait que les opérateurs fixes facturent la prestation de départ d’appel sur le marché de gros (alors que dans le cas présent Orange France ne facture pas le départ d’appel), ce qui sous évalue la rémunération des opérateurs fixes.

Ensuite, en ce qui concerne la rémunération des prestations citées ci-avant, la prestation SMS de confirmation et son coût associé est effectuée en sus du contrat signé entre les parties et n’a donc pas à être prise en compte dans l’examen du caractère équitable ou non des termes financiers du contrat signé entre les parties. En outre, l’Autorité a déjà démontré que la société Le Numéro ne pouvait bénéficier des tarifs de terminaison SMS offerts par Orange  France aux deux autres opérateurs de réseau mobile métropolitain.

Pour les prestations de transport effectuées par Le Numéro, celle-ci indique dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs, que :

- la collecte des appels lui coûte 1c€/mn, hors transit ;

- la mise en relation lui coûte 1c€/ mn hors transit vers un fixe ;

- la mise en relation lui coûte 9,5c€ /mn hors transit vers un mobile.

Sans se prononcer sur les niveaux de coûts de collecte et de mise en relation vers un fixe, Le Numéro estime qu’elle encourt des charges excessives pour la mise en relation vers un mobile.

Comme le souligne la requérante, la mise en relation vers les mobiles est effectivement plus coûteuse en raison du coût de la terminaison d’appel vers les mobiles. Le coût de toute mise en relation est à la charge de Le Numéro, dans la mesure où cette prestation relève de sa responsabilité, ce qui est admis par les deux parties.

En termes de revenus, s’il est exact que la société Orange France perçoit une rémunération importante en cas de mise en relation, il ne revient pas à l’Autorité, dans le cadre du présent règlement de différend, de se prononcer sur ce point, mais de s’assurer que le contrat n’est pas inéquitable en ce qui concerne la rémunération de Le Numéro.

Or, selon les réponses de la requérante au questionnaire, la mise en relation est fournie pour 60% des appels vers le 118 218. Sur ces 60%, 99% des mises en relation sont à destination d’un poste fixe et 1% à destination d’un poste mobile. Cette différence est essentiellement due au fait qu’à ce jour les listes d’annuaires contiennent peu d’abonnés mobiles, en raison de la procédure d’inscription : ces derniers doivent donner leur consentement expresse pour y être mentionnés, contrairement aux abonnés du fixe. Ainsi, s’il n’est pas exclu que la prestation de mise en relation à destination des mobiles puisse devenir à terme, avec l’enrichissement des annuaires mobiles, problématique en termes de financement, ce ne peut être le cas au jour d’adoption de la présente décision.

Il convient également de souligner que le tarif de la société Le Numéro constitue un tarif péréqué dans la mesure où il est appliqué qu’il y ait ou non mise en relation et que celle-ci soit à destination d’un mobile ou d’un poste fixe. Il n’y a donc pas lieu, pour vérifier l’équité des termes du contrat, d’étudier la rémunération supplémentaire perçue par la société Le Numéro lors d’une mise en relation, mais bien sa rémunération moyenne sur l’ensemble des appels.

Le Numéro est ainsi capable de rémunérer l’ensemble de ses coûts fixes et variables, y compris la terminaison d’appel vers les mobiles, avec le revenu forfaitaire qu’elle touche via l’opérateur de boucle locale fixe, pourtant inférieur au revenu qu’elle touche pour la seule partie forfaitaire d’un appel depuis la boucle locale d’Orange France, net des coûts d’envoi du SMS de confirmation.

Dans ces conditions, l’Autorité considère que Le Numéro, eu égard au très faible nombre de mises en relation à destination des mobiles à ce jour, n’a pas démontré en quoi le tarif appliqué au départ des mobiles Orange France constituait une rémunération inéquitable de sa prestation.

Enfin, l’argument de Le Numéro selon lequel il convient de comparer « entre le coût des prestations et la répartition de la marge pour un appel émanant du réseau fixe, comparé à un appel émanant du réseau Orange […]» ne saurait davantage prospérer.

Dans ses observations, Le Numéro estime qu’une minute d’airtime peut être valorisée à 25 c€ TTC et qu’un appel dure en moyenne […] secondes. Le Numéro considère en outre que les coûts de la prestation pour Orange France correspondent aux seuls coûts du départ d’appel, qu’elle estime à 9,5 c€/min., et des opérations de facturation, encaissement, recouvrement, qu’elle estime à au plus 1 c€/min. Le Numéro estime que, au regard de ces coûts, le revenu d’Orange France sur ces appels est inéquitable par rapport à ses propres revenus.

A titre liminaire, l’Autorité estime que les hypothèses de calcul de la société Le Numéro sont contestables dans la mesure où elles ne prennent pas en compte l’ensemble des coûts éventuels incombant à un opérateur de réseau mobile. En outre, Orange France permet au client d’accéder au service de renseignements de Le Numéro en mobilité. Il crée donc une valeur ajoutée supplémentaire à celle fournie par un opérateur de boucle locale fixe, ce qui peut justifier un partage de la valeur ajoutée différent.

Toutefois, en utilisant ces hypothèses, l’Autorité note que le tarif de détail d’un appel depuis un mobile Orange France est alors ramené à 1,124 € TTC/appel + 30,6 c€ TTC/min, contre 0,90 € TTC/appel depuis un poste fixe. La recette commune aux deux opérateurs pour un appel de […] secondes dépasse ainsi de 71 c€ HT celle perçue pour un appel passé depuis un poste fixe, soit un revenu de 94% plus élevé.

Selon ces mêmes hypothèses, Orange France percevrait, après déduction du coût du départ d’appel (la prestation facturation, encaissement, recouvrement étant elle aussi fournie par un opérateur fixe), un revenu supérieur d’environ […] à […] c€25 à celui perçu par un opérateur de boucle locale fixe de référence. Or, comme exposé ci-avant (partie IV.1), Le Numéro perçoit une rémunération supplémentaire comprise entre […] et [...] c€ pour un appel émanant du réseau d’Orange France par rapport à un appel émanant d’un réseau fixe de référence.

L’Autorité note donc que même en prenant en compte les hypothèses de Le Numéro, ce qui ne préjuge pas de leur validité, les surplus de revenus perçus par chacun des deux opérateurs sont ainsi relativement proches en comparaison avec le fixe. Il apparaît donc que, s’il existe effectivement un revenu important pour les opérateurs à l’occasion de la fourniture du service de renseignements en mobilité, et une nette différence de prix au détail par rapport au fixe, il n’est en revanche pas établi, d’après les hypothèses avancées par Le Numéro, et contrairement à ce que la requérante invoque dans sa saisine, que la structure actuelle de la tarification crée une « disproportion flagrante » dans le partage de la valeur ajoutée entre les deux opérateurs compte tenu des prestations qu’ils offrent.

Par suite, il n’est pas établi que les conditions financières fixées par le contrat signé entre les parties et qui rémunèrent les prestations de celles-ci et fixent les conditions de partage de la valeur ajoutée entre les parties soient à ce jour inéquitables.

Dans ces conditions et sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des demandes de la société Le Numéro visant à obtenir une modification des termes de ce contrat, ces demandes sont rejetées.

V.  Sur la demande de donner un caractère rétroactif à la décision

Dans la mesure où l’Autorité a démontré qu’il était justifié de rejeter les demandes de la société Le Numéro, sa dernière demande relative à la rétroactivité des mesures adoptées par l’Autorité est devenue sans objet. Il n’y a donc pas lieu d’y faire droit.

Décide :

Article 1 : Les demandes de la société Le Numéro sont rejetées.

Article 2 : Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Le Numéro et Orange France la présente décision qui sera rendue publique, sous réserve des secrets protégés par la loi.

NOTES : 

1 Décisions n° 05-0061, 05-0062 et 05-0063, J.O n° 69 du 23 mars 2005 textes n° 45, 46 et 47.

2 Chapitre XIII du cahier des charges relatif à l'établissement et l'exploitation d'un réseau radioélectrique ouvert au public à la norme UMTS de la famille IMT 2000 et à la fourniture du service téléphonique au public, article 13.3 : « Relations avec les fournisseurs de services.

L'opérateur devra veiller, dans le cadre des accords commerciaux qu'il pourrait conclure avec les fournisseurs de services, à ne pas créer de discrimination entre fournisseurs de services.

Les abonnés de l'opérateur doivent effectivement être en mesure de choisir le ou les fournisseurs de services de leur choix avec lesquels l'opérateur a conclu des accords commerciaux. Ce choix ne doit pas être entravé par la mise en œuvre de mesures particulières, notamment de dispositifs techniques, visant à privilégier l'accès à certains fournisseurs de services »

3 Recommandation C(2003)497 de la Commission des Communautés européennes du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d’être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive « cadre » (recommandation « marchés pertinents »).

4 Mémoire en défense p. 6.

5 Annexe 15 de la saisine de Le Numéro.

6 Annexe 16 saisine de Le Numéro.

7 Annexe 17 saisine de Le Numéro.

8 Annexe 18 saisine de Le Numéro.

9 Annexe 19 saisine de Le Numéro.

10 Annexe 20 saisine de Le Numéro.

11 Annexe 21 saisine de Le Numéro.

12 Annexe 5 réponse de Le Numéro à la mesure d’instruction adressée par les rapporteurs aux parties en août 2006.

13 Annexe 5 réponse de Le Numéro à la mesure d’instruction précitée.

14 Annexe 6 réponse de Le Numéro à la mesure d’instruction précitée.

15 Courrier du 20 avril 2006 précité.

16 Page 32 de la saisine de Le Numéro.

17 Page 28 mémoire en réplique d’Orange France.

18 Cf. courriers en date du 16 janvier et 5 mai 2006.

19 Page 32 de la saisine de Le Numéro.

20 Page 6 du mémoire en réplique de Le Numéro.

21 Page 10 du mémoire en réplique de Le Numéro.

22 Page 17 de sa saisine.

23 Compte tenu des données fournies par Le Numéro lors de l’instruction du présent règlement de différend, l’Autorité a pris comme paramètres caractéristiques d’un OBL fixe de référence un taux de rétention compris entre 10 et 14,5% et un départ d’appel de 1 c€ / min.

24 Page 17 de son mémoire en défense.

25 Ce calcul exclut la prestation de terminaison d’appel SMS, propre aux seuls opérateurs mobiles.