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Décisions

Cass. soc., 12 mai 2017, n° 15-28.943

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Paris, du 22 oct. 2015

22 octobre 2015

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. Y... a été engagé le 1er mai 2001 en qualité d'avocat salarié par la société Fiducial Sofiral, société d'avocats inscrite au barreau des Hauts-de-Seine appartenant au groupe Fiducial ; que les participations de ce groupe dans différentes sociétés, dont la société Fiducial Sofiral, sont gérées par la société civile Fiducial SC ; que, licencié par la société Fiducial Sofiral le 15 novembre 2011, M. Y... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes à l'encontre des sociétés Fiducial Sofiral et Fiducial SC, puis de la seule société Fiducial SC ; que, par arrêt du 15 mai 2014 rendu sur contredit, la cour d'appel a dit que l'affaire était de la compétence du conseil de prud'hommes, que la société Fiducial SC était employeur, avec la société Fiducial Sofiral, de M. Y..., et a évoqué l'affaire au fond ; que, par arrêt du 16 avril 2015, la cour d'appel a ordonné la réouverture des débats ; que, par arrêt du 22 octobre 2015, la cour d'appel a dit irrecevable la demande en intervention forcée de la société Fiducial Sofiral, a rejeté la demande de la société Fiducial SC tendant à voir être écartées des débats un certain nombre de pièces, a dit nul le licenciement du salarié prononcé par la société Fiducial Sofiral, et a débouté l'intéressé de sa demande en réintégration ;

 

Sur le pourvoi n° 15-29.129 des sociétés Fiducial SC et Fiducial Sofiral en ce qu'il est formé à l'encontre de l'arrêt n° 256 du 16 avril 2015 :

 

Vu l'article 978, alinéa 1, du code de procédure civile ;

 

Attendu que les sociétés Fiducial SC et Fiducial Sofiral se sont pourvues le 23 décembre 2015 contre l'arrêt du 16 avril 2015 ;

 

Attendu que la déclaration de pourvoi n'a pas été suivie, dans le délai prévu par le texte susvisé, d'un mémoire contenant les moyens de droit invoqués à l'encontre de la décision attaquée, sans que les auteurs du pourvoi puissent se prévaloir d'une prorogation, d'une suspension ou d'une interruption du délai dont ils disposaient à cet effet ;

 

Qu'il s'ensuit que la déchéance est encourue ;

 

Sur la recevabilité du pourvoi n° 15-29.129 de la société Fiducial Sofiral, en ce qu'il est formé à l'encontre de l'arrêt du 15 mai 2014, contestée par la défense :

 

Vu les articles 1351 du code civil dans sa rédaction alors applicable et 611 du code de procédure civile ;

 

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que l'autorité de la chose jugée attachée à une décision juridictionnelle est limitée aux parties, c'est-à-dire aux personnes qui ont été appelées en la cause ; que, selon le second de ces textes, en matière contentieuse, nul ne peut se pourvoir en cassation contre une décision à laquelle il n'a pas été partie, à moins qu'elle n'ait prononcé condamnation à son encontre ;

 

Attendu que la société Fiducial Sofiral s'est pourvue en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 mai 2014 qui l'a déclarée coemployeur de M. Y... ;

 

Que l'arrêt attaqué n'ayant prononcé aucune condamnation à l'encontre de la société Fiducial Sofiral qui a seulement été déclarée employeur du salarié sans avoir été appelée en la cause, il s'ensuit que le pourvoi de cette société contre un arrêt dont les dispositions n'ont pas force de chose jugée à son égard, et contre lequel elle pouvait former une tierce opposition, n'est pas recevable ;

 

Sur la recevabilité du pourvoi n° 15-29.129 de la société Fiducial SC en ce qu'il est formé à l'encontre de l'arrêt du 15 mai 2014, contestée par la défense :

 

Vu l'article 621 du code de procédure civile ;

 

Attendu que nul ne peut se pourvoir deux fois contre le même arrêt ;

 

Attendu que la société Fiducial SC a formé, le 23 décembre 2015, contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 15 mai 2014, un pourvoi enregistré sous le n° 15-29.129 ;

 

Attendu que la société Fiducial SC qui, en la même qualité, avait déjà formé contre la même décision, à l'encontre de la même partie, le 15 juillet 2014, un pourvoi enregistré sous le n° 14-20.874 dont elle s'est désistée le 17 novembre 2014, n'est pas recevable à former un nouveau recours en cassation ;

 

Sur la recevabilité du pourvoi n° 15-29.129 de la société Fiducial Sofiral, en ce qu'il est formé à l'encontre de l'arrêt n° 541 du 22 octobre 2015, contestée par la défense :

 

Attendu que l'arrêt n° 541 du 22 octobre 2015 a dit nul le licenciement prononcé le 15 novembre 2011 par la société Fiducial Sofiral, partie intervenante forcée ; que celle-ci a en conséquence intérêt au sens de l'article 609 du code de procédure civile à former un pourvoi contre cette décision, même en l'absence de condamnation pécuniaire ; que le pourvoi est recevable ;

 

Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi n° 15-28.943 de M. Y... :

 

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

 

Sur le second moyen du pourvoi n° 15-29.129 des sociétés Fiducial SC et Fiducial Sofiral pris en sa quatrième branche, en ce qu'il vise les chefs de dispositif de l'arrêt du 22 octobre 2015 relatifs à la demande en intervention forcée et au licenciement :

 

Attendu que les sociétés Fiducial SC et Fiducial Sofiral font grief à l'arrêt de rejeter la demande en intervention forcée et de dire nul le licenciement, alors, selon le moyen, que le juge ne peut rendre une décision au fond sans avoir entendu la partie concernée par cette dernière ; qu'en déclarant nul le licenciement de M. Y..., prononcé le 15 novembre 2011, par la société Fiducial Sofiral, après avoir déclaré cette dernière irrecevable en son intervention forcée, la cour d'appel, qui a ainsi décidé en son absence la nullité du licenciement qu'elle avait prononcé, a violé les articles 14 et 16 du code de procédure civile ;

 

Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que la société Fiducial Sofiral était partie au procès de première instance à l'initiative de M. Y... au cours duquel celui-ci contestait la validité de son licenciement, qu'elle a donc été entendue par cette juridiction et qu'elle n'était pas défenderesse au contredit formé devant elle à l'encontre du jugement auquel elle était partie, en a, à bon droit, déduit, en application des articles 554 et 555 du code de procédure civile, que la demande en intervention forcée de cette société, formée par la société Fiducial SC, était irrecevable, et a, sans violer les dispositions des articles 14 et 16 du même code, statué sur la demande en nullité du licenciement dont elle était saisie ; que le moyen n'est pas fondé ;

 

Mais sur le second moyen du pourvoi n° 15-29.129 des sociétés Fiducial SC et Fiducial Sofiral pris en ses deuxième et troisième branches, en ce qu'il vise les chefs de dispositifs de l'arrêt du 22 octobre 2015 rejetant la demande tendant à ce que les pièces n° 5, 9, 11 à 13, 17, 18, 26, 39, 40, 42, 43, 72, 74, 75, 81 à 97 et 103 produites par le salarié soient écartées des débats, et disant nul le licenciement :

 

Vu les articles 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, et 4 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 ;

 

Attendu, selon ces textes, qu'en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ; que, sous réserve des strictes exigences de sa propre défense devant toute juridiction et des cas de déclaration ou de révélation prévus ou autorisés par la loi, l'avocat ne peut commettre, en toute matière, aucune divulgation contrevenant au secret professionnel ;

 

Attendu que pour débouter la société Fiducial SC de sa demande tendant à ce que soient écartées des débats certaines pièces produites par M. Y... et, au vu notamment de ces pièces, dire nul le licenciement prononcé par la société Fiducial Sofiral, l'arrêt, après avoir constaté que l'intéressé avait la qualité d'avocat, retient que la société Fiducial SC ne peut se prévaloir des dispositions relatives au secret professionnel de l'avocat dès lors que la relation professionnelle qui s'est nouée entre elle et M. Y..., au-delà de l'apparence selon laquelle il effectuait, en sa qualité d'avocat salarié de la société Fiducial Sofiral, des missions de défense et de conseil pour cette première société, était une relation de nature salariée, incompatible avec les exigences de l'article 7, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1971, aux termes duquel un avocat ne peut être salarié que d'un autre avocat ou d'une association ou société d'avocats, et que les pièces dont il est demandé qu'elles soient écartées des débats avaient été produites devant le conseil de prud'hommes, puis devant la cour d'appel lors des débats au terme desquels a été rendu l'arrêt du 15 mai 2014, sans qu'à aucun moment la société Fiducial SC ne s'y oppose et ne soutienne, ainsi qu'elle le fait seulement après trois années de procédure, que cette production était prohibée ;

 

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés du silence de la société Fiducial SC, et alors qu'ayant constaté que M. Y... avait la qualité d'avocat, elle aurait dû, peu important les conditions d'exercice de sa profession, rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si les pièces qu'il produisait étaient couvertes par le secret professionnel et si leur production répondait aux strictes exigences de sa défense dans le cadre du litige prud'homal l'opposant à la société Fiducial SC, la cour d'appel a violé les textes susvisés et privé sa décision de base légale ;

 

Et attendu que la cassation à intervenir du chef de la nullité du licenciement entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif critiqué par le troisième moyen du pourvoi n° 15-28.943 et relatif à la demande de réintégration du salarié ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CONSTATE la déchéance du pourvoi n° 15-29.129 des sociétés Fiducial SC et Fiducial Sofiral formé à l'encontre de l'arrêt n° 256 de la cour d'appel de Paris du 16 avril 2015 ;

 

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi n° 15-29.129 des sociétés Fiducial SC et Fiducial Sofiral formé à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 mai 2014 ;

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Fiducial SC de sa demande tendant à ce que les pièces n° 5, 9, 11 à 13, 17, 18, 26, 39, 40, 42, 43, 72, 74, 75, 81 à 97 et 103 produites par M. Y... soient écartées des débats, dit nul le licenciement de M. Y... prononcé par la société Fiducial Sofiral, et déboute M. Y... de sa demande en réintégration formée à l'encontre de la société Fiducial SC, l'arrêt rendu le 22 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

 

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille dix-sept.