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Décisions

CA Reims, 13 septembre 2022, n° 21/01657

REIMS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH

Conseillers :

Madame Véronique MAUSSIRE, Madame Florence MATHIEU

CA Reims n° 21/01657

12 septembre 2022

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré :

- s'agissant de la qualification juridique de l'opération, que le contrat avait porté, indépendamment du procédé de fabrication, sur un travail spécifique et que la SASU L'Arbre Maison avait en réalité sous-traité à la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois les éléments de structure de la maison des maîtres de l'ouvrage ; que l'opération juridique intervenue entre elles devait ainsi être qualifiée de contrat de sous-traitance ; que le sous-traitant n'étant pas contractuellement lié au maître de l'ouvrage, sa responsabilité ne pouvait être engagée que sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle alors que les demandeurs fondaient l'intégralité de leurs demandes sur la responsabilité contractuelle ; qu'ils ne pouvaient donc obtenir la résiliation du contrat de sous-traitance et être indemnisés des préjudices subis sur ce fondement ;

- s'agissant de la demande reconventionnelle de la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois visant à se faire régler les frais de gardiennage, que l'ossature en bois et la charpente n'avaient jamais été livrées sur le chantier de sorte que la propriété de ces matériaux n'avait pas été transférée aux maîtres de l'ouvrage ; qu'au surplus, la livraison des matériaux était à la charge du fournisseur, soit la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois, obligation qu'elle n'avait jamais exécutée ; qu'elle devait donc être déboutée de sa demande à ce titre.

Par déclaration reçue le 19 août 2021, M. [L] et Mme [Y] ont formé appel de cette décision.

Par conclusions notifiées le 19 mai 2022, ils demandent à la cour de :

Vu les articles 16, 565, 696 et 700 du code de procédure civile, l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 n° 75-1334, 1240 (préalablement 1382) et suivants du code civil, L 231-1 à L 231-13 et R 231-1 à R 231-14 du code de la construction et de l'habitation,

1 - ANNULER le jugement dont appel du 23 juin 2021 en raison de l'absence de réouverture des débats sur la qualification de la nature de la responsabilité contractuelle ou quasi-délictuelle découlant du contrat de sous-traitance tel qu'alléguée par les consorts [L]-[Y] ;

2 ' EVOQUER en ce cas les demandes des consorts [L]-[Y] ;

3 - CONDAMNER la société Les Ateliers du Bâti-Bois au paiement de la somme de 36 538 € 32 représentant le remboursement du coût des prestations de fabrication de l'ossature et de la charpente de la maison des consorts [L]-[Y], non exécutées et non livrées dans les délais impartis, avec les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 27 juillet 2015 ;

4 - LA CONDAMNER au remboursement des loyers d'un montant de 606 € 34 par mois entre le 18 février 2014, date maximale de livraison de la maison, et le 31 décembre 2014, soit la somme de 6 366 € 57 (606 € 34 x 10,5 mois), à celle de 609 € 19 par mois du 1er janvier 2015 au 31 janvier 2016, date du congé de la location initiale, soit la somme de 7 919 € 47 (609 € 19 x 13 mois), ainsi que celle de 349 € 24 par mois à compter du 15 janvier 2016 et ce jusqu'au 8 octobre 2018, soit la somme complémentaire de 12 134 € 36, ce qui représente la somme totale de 26 420 € 40 au titre de la réparation des préjudices matériels locatifs causés aux consorts [L]-[Y];

5 - LA CONDAMNER au paiement de la somme mensuelle complémentaire de 31 € 63 exposée au titre de la location d'un emplacement de stationnement de véhicule automobile entre le 18 février et le 31 décembre 2014, soit la somme totale de 332 € 12 (31 € 63 x 10,5 mois), ainsi qu'à celle de 31 € 83 du 1er janvier 2015 au 31 janvier 2016, soit la somme totale de 413 € 79 (31 € 83 x 13 mois), soit ensemble 745 € 91 ;

6 - LA CONDAMNER au paiement de la somme de 15 000 € au titre du dédommagement de leurs préjudices moraux tenant aux tracasseries et contrariétés rencontrées alors que, bien qu'ayant rempli leurs obligations financières dès la date de la commande, ils n'ont rien reçu en retour et que la société Les Ateliers du Bâti-Bois a gravement manqué de toute loyauté en leur faisant faussement croire qu'elle avait mis le marché à exécution alors qu'il n'en était rien ;

7 - LA CONDAMNER aux dépens dont distraction au profit de Maître Croon, avocat de la SCP Sammut-Croon-Journe-Leau, avocats postulants, aux offres de droit qui comprendront le remboursement de la somme de 6 000 € au titre du remboursement des frais non compris dans les dépens sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile ;

Subsidiairement et à défaut d'annulation du jugement dont appel,

INFIRMER à tout le moins ledit jugement dont appel rendu en ce que faute de réouverture des débats, il a débouté les consorts [L]-[Y] de leurs demandes comme ne reposant pas sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle ;

CONDAMNER la société les Ateliers du Bâti-Bois au paiement de la somme de 36 538 € 32 représentant le remboursement du coût des prestations non exécutées avec les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 27 juillet 2015 sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle ;

LA CONDAMNER à titre de dommages et intérêts au remboursement des loyers d'un montant de 606 € 34 par mois entre le 18 février 2014, date maximale de livraison de la maison, et le 31 décembre 2014, soit la somme totale de 6.366 € 57 (606 € 34 x 10,5 mois), à celle de 609 € 19 par mois du 1er janvier 2015 au 31 janvier 2016, date du congé de la location initiale, soit la somme totale de 7 919 € 47 (609 € 19 x 13 mois), soit ensemble 14 286 € 04, ainsi que celle de 349 € 24 par mois à compter du 15 janvier 2016 et ce jusqu'au 8 octobre 2018, date de réception des travaux d'édification de leur maison au titre de la réparation de leur préjudice matériel inhérent à l'obligation de continuer à régler des loyers alors qu'ils en auraient été dégrevés si la société les Ateliers du Bâti-Bois avait correctement et ponctuellement rempli ses prestations ;

LA CONDAMNER au paiement de la somme mensuelle complémentaire de 31 € 63 exposée au titre de la location d'un emplacement de stationnement de véhicule automobile entre le 18 février et le 31 décembre 2014, soit la somme totale de 332 € 12 (31 € 63 x 10,5 mois), ainsi qu'à celle de 31 € 83 du 1 er janvier 2015 au 31 janvier 2016, soit la somme totale de 413 € 79 (31 € 83 x 13 mois), soit ensemble 745 € 91 ;

LA CONDAMNER au paiement de la somme de 15 000 € au titre du dédommagement de leurs préjudices moraux tenant aux tracasseries et contrariétés rencontrées alors que, bien qu'ayant rempli leurs obligations financières dès la date de la commande, ils n'ont rien reçu en retour et que la société Les Ateliers du Bâti-Bois a gravement manqué de toute loyauté en leur faisant faussement croire qu'elle avait mis le marché à exécution alors qu'il n'en était rien ;

LA CONDAMNER aux dépens dont distraction au profit de Maître Croon, avocat de la SCP Sammut-Croon-Journe-Leau, avocats postulants, aux offres de droit qui comprendront le remboursement de la somme de 6000 € au titre du remboursement des frais non compris dans les dépens sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile .

Par conclusions notifiées le 16 février 2022, la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois, formant appel incident, demande à la cour de :

Vu les articles 1582 et suivants du code civil ,

Vu l' article 1247 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce,

Vu les articles 1134, 1184, du code civil dans leur rédaction applicable à l'espèce,

Vu les articles 515, 696 et 700 du code de procédure civile ,

Vu les pièces versées au débat,

SUR LE FOND :

Sur la relation juridique entre les parties :

A titre principal,

- juger que la société Les Ateliers du Bâti-Bois n'est intervenue au titre de la construction de la maison individuelle des consorts [L]-[Y] qu'en qualité de fournisseur du constructeur, la société L'Arbre Maison ;

Subsidiairement,

- juger que même si l'intervention de la société Les Ateliers du Bâti-Bois devait être qualifiée de contrat de sous-traitance, il n'existerait aucun lien contractuel entre la

société Les Ateliers du Bâti-Bois et les consorts [L]-[Y] ;

En toute hypothèse,

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a jugé qu'il n'existait aucun lien contractuel entre la société Les Ateliers du Bâti-Bois et les consorts [L]-[Y] ;

Sur les demandes des consorts [L]-[Y] :

CONSTATER que les consorts [L]-[Y] ont payé le prix de l'ossature bois et de la charpente fabriquées par la société Les Ateliers du Bâti-Bois et qu'ils en sont devenus

propriétaires,

JUGER qu'elle s'est parfaitement exécutée de ses obligations contractuelles, et qu'aucune faute contractuelle ou délictuelle ne peut lui être reprochée,

CONSTATER qu'ensuite de la mise en 'uvre de l'assurance souscrite par les consorts [L]-[Y], ces derniers ont pu faire édifier leur maison sans surcoût à leur charge,

JUGER que les consorts [L]-[Y] ne justifient d'aucun préjudice ;

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il débouté les consorts [L]-[Y] de

leur demande en résiliation judiciaire du contrat conclu entre la société Les Ateliers du Bâti-Bois et la société L'Arbre Maison ;

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il débouté les consorts [L]-[Y] de

toutes leurs demandes, fins et prétentions indemnitaires tendant à voir condamner la société

Les Ateliers du Bâti-Bois au paiement de :

o La somme de 36 538,32 € représentant le remboursement du coût des prestations

outre intérêts légaux à compter du 27/07/2015,

o La somme de 14 286,04 € à titre de dommages-intérêts (location), ainsi que 349,24 €

par mois à compter du 15/01/2016 et ce jusqu'à la date du jugement à intervenir, ainsi

qu'à 745,91 €,

o La somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour tracasseries,

o La somme de 6000 € au titre de l' article 700 du code de procédure civile , outre les

dépens de l'instance,

DEBOUTER les consorts [L]-[Y] de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;

A TITRE RECONVENTIONNEL :

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Les Ateliers du Bâti-Bois de sa demande au titre des frais de gardiennage,

CONDAMNER in solidum les consorts [L]-[Y] au paiement de la somme de

10 918 € au titre des frais de gardiennage, à parfaire jusqu'au jugement à intervenir

(103 €/mois),

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONDAMNER in solidum les consorts [L]-[Y] au paiement d'une somme de

6000 € au titre de l' article 700 du code de procédure civile , outre les dépens de l'instance.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, il est rappelé que conformément aux dispositions de l' article 954 du code de procédure civile , la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

La demande d'annulation du jugement :

Par application de l' article 12 du code de procédure civile , le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

A titre principal, M. [L] et Mme [Y] entendent voir prononcer l'annulation du jugement.

Ils soutiennent que le premier juge ne pouvait les débouter des demandes indemnitaires qu'ils avaient formées sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la SARL Les Ateliers du Bati-Bois au motif qu'ils ne devaient agir que sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle sans réouvrir les débats et ce pour respecter le principe du contradictoire édicté par l' article 16 du code de procédure civile .

Il est constant que sauf règles particulières, le juge n'a pas l'obligation de rechercher lui-même la règle de droit applicable au litige dès lors que le demandeur a précisé le fondement juridique de sa demande.

Si, parmi les principes directeurs du procès, l' article 12 du code de procédure civile oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, il ne lui fait pas obligation, sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes ( Cour de cassation, assemblée plénière 21 décembre 2007 (n° 06-11.343 ).

C'est par conséquent à bon droit que le premier juge, qui n'était pas tenu de réouvrir les débats, a débouté M. [L] et Mme [Y], qui agissaient exclusivement sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois, de leur demande de résiliation judiciaire du contrat et de leurs demandes indemnitaires en découlant, au motif qu'ils étaient tiers au contrat souscrit entre la société L'Arbre Maison et la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois.

Il n'y a donc pas lieu à annuler un jugement qui n'est pas critiquable sur ce point.

La qualification juridique de l'opération entre la société L'Arbre Maison et la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois :

Les parties s'opposent sur la qualification juridique de l'intervention de la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois, M. [L] et Mme [Y] considérant que celle-ci a agi en qualité de sous-traitant de la société L'Arbre Maison alors que l'intimée soutient qu'elle n'est intervenue qu'en qualité de fournisseur de la première, qu'elle n'était tenue que d'un contrat de vente avec elle et qu'elle ne s'est donc engagée ni envers la société l'Arbre Maison ni envers les consorts [L]-[Y] à poser, installer ou livrer les éléments de bois qu'elle fournissait.

L' article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 définit la sous-traitance comme l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage.

Un entrepreneur est qualifié de sous-traitant et non de simple fournisseur chaque fois que l'ouvrage livré constitue un assemblage spécifique ; qu'il en est ainsi du contrat conclu entre le locateur d'ouvrage et l'entrepreneur aux termes duquel les poutres et les poteaux livrés résultent d'un travail spécifique destiné à un chantier déterminé et comportant un assemblage particulier.

Il ressort des pièces versées aux débats que M. [L] et Mme [Y] ont conclu le

14 juin 2012 avec la société L'Arbre Maison un contrat de construction d'une maison individuelle à usage d'habitation avec fourniture de plans (des avenants ont été régularisés par la suite); que dans ce cadre, le constructeur a commandé à la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois une ossature en bois et une charpente moyennant des coûts respectifs de 12 030,19 euros (facture du 20 mars 2013 pour l'ossature) et 24 508,13 euros (facture du 19 août 2013 pour la charpente).

Les plans versés par M. [L] et Mme [Y] démontrent que tant l'ossature que la charpente s'insèrent dans un assemblage sur-mesure avec une cotation précise et un respect des cotes notées dans les plans.

C'est par conséquent à juste titre et par une motivation que la cour fera sienne qu'il a été considéré par le premier juge que le contrat ne pouvait être qualifié de vente de matériaux avec les conséquences qu'entendait lui donner la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois mais que celle-ci s'était vu confier un travail d'assemblage spécifique et non standardisé ou produit en série qui correspondait à un travail de sous-traitance.

En tant que de besoin, il sera ajouté que par deux attestations de transfert de propriété non datées mais dont la matérialité n'est pas contestée (pièces n° 8 et 9 des appelants), la société L'Arbre Maison a déclaré avoir passé commande de divers matériaux auprès de la société Habitbois (Les Ateliers du Bâti-Bois) payables par avance par un versement direct du maître de l'ouvrage, la propriété de ces fournitures spécifiques étant transférée à celui-ci dès leur livraison sur le chantier par le fournisseur.

La livraison des matériaux devait être assurée sur site par la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois, et il s'agit là encore d'un élément permettant de qualifier un contrat de sous-traitance.

Enfin, c'est à juste titre que les maîtres de l'ouvrage font valoir que le paiement qu'ils ont réalisé entre les mains du sous-traitant n'a pu faire disparaître le lien contractuel entre les deux sociétés comme il est improprement soutenu par la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois, ce paiement s'inscrivant dans le cadre des dispositions d'ordre public des articles L 231-1 à L 231-13 du code de la construction et de l'habitation applicables au contrat de construction de maison individuelle.

Néanmoins, ce paiement s'analyse en réalité en un paiement direct consenti par le maître de l'ouvrage au sous-traitant et non en une délégation de paiement qui n'a pas été formellement consentie par les parties et qui ne se présume pas (l'avance faite par les maîtres de l'ouvrage au sous-traitant pour approvisionnement telle qu'elle figure dans les attestations de transfert de propriété n'en est pas une) , la première facture du 20 mars 2013 ayant au surplus été adressée par la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois à la société L'Arbre Maison et non directement aux maîtres de l'ouvrage à la différence de la seconde facture.

La SARL Les Ateliers du Bâti-Bois ne peut donc affirmer qu'en leur payant directement le montant des factures, M. [L] et Mme [Y] ont éteint leur dette de prix envers la société L'Arbre Maison ainsi que la dette de prix de cette dernière envers la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois.

La responsabilité délictuelle de la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois :

Aux termes de l' article 1382 ancien du code civil applicable à la date des faits, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Dans ce cadre, si les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes, elles ne doivent pas nuire aux tiers ; il en résulte que le manquement par un cocontractant à une obligation contractuelle est de nature à constituer un fait illicite à l'égard d'un tiers au contrat lorsqu'il lui cause un dommage.

M. [L] et Mme [Y], qui sont tiers au contrat entre l'entrepreneur principal et son sous-traitant et qui ne peuvent donc solliciter la résiliation judiciaire de ce contrat, viennent à hauteur de cour modifier le fondement juridique de leurs demandes et agir sur celui du texte susvisé.

Ils soutiennent que la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois a commis une faute puisque les matériaux commandés se devaient d'être livrés à [Localité 6], les maîtres de l'ouvrage n'en devenant propriétaires qu'à compter du jour de la livraison ; que cette société a donc violé son obligation de livraison.

Il ressort des éléments déjà développés que M. [L] et Mme [Y] ne sont pas devenus propriétaires de l'ossature en bois et de la charpente puisqu'ils n'ont pas été livrés et que la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois, agissant dans le cadre d'un contrat de sous-traitance, devait procéder elle-même à la livraison de l'ossature et de la charpente, les deux attestations de transfert de propriété dèjà examinées évoquant clairement une obligation de livraison sur le chantier par le fournisseur, soit la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois.

Il est par conséquent inexact de prétendre, comme le fait l'intimée, que la livraison incombait à la société L'Arbre Maison.

Il n'est pas contestable que les élément litigieux n'ont jamais été livrés aux maîtres de l'ouvrage.

Ce manquement est constitutif d'une faute.

Les préjudices et le lien de causalité entre cette faute et les préjudices :

1° Le remboursement du paiement des factures :

Les appelants sollicitent le remboursement du paiement des factures correspondant au coût de l'ossature en bois et de la charpente.

Comme ils le reconnaissent eux-mêmes à hauteur de cour, ils ne peuvent agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle, étant tiers au contrat.

N'ayant pas la possibilité juridique de solliciter la résiliation de ce contrat, ils ne peuvent davantage obtenir d'un tiers la restitution des sommes qu'ils ont versées qui n'est au demeurant pas un préjudice mais la conséquence de la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient au moment de contracter.

La cour observe à cet égard que les maîtres de l'ouvrage ont déclaré leur créance auprès du mandataire liquidateur de la société L'Arbre Maison le 23 octobre 2013.

Les appelants doivent donc justifier d'un préjudice exclusivement fondé sur l'action délictuelle qu'ils engagent.

Or, ils sont particulièrement taisants sur le fait que les travaux relatifs à l'ossature en bois et à la charpente ont été pris en charge par une autre entreprise, la société SMCB, qui a pris le relais suite à la défaillance du constructeur et ce dans le cadre de la garantie de livraison prévue au contrat.

Le chantier a été achevé le 8 octobre 2018 ainsi qu'il ressort du procès-verbal de réception signé par les maîtres de l'ouvrage et il ne leur a donc été réclamé aucun surcoût, qui aurait seul été de nature à constituer un préjudice à leur égard ainsi que le relève à juste titre l'intimée.

Les appelants seront par conséquent déboutés de leur demande à ce titre.

2° Le préjudice locatif :

M. [L] et Mme [Y] sollicitent la réparation des préjudices locatifs qu'ils ont subis (loyer et emplacement de stationnement) du fait du retard de livraison de la maison (elle devait être livrée le 18 février 2014 au plus tard), ce qui les a obligés à rembourser les crédits pour cette construction tout en réglant un loyer.

Bien qu'aucun élément ne soit produit sur la date effective d'ouverture du chantier qui constitue le point de départ du délai laissé au constructeur pour exécuter ses obligations, il peut se déduire du contrat de construction de maison individuelle signé le 14 juin 2012 que le chantier devait être terminé au plus tard le 18 février 2014, cette date n'étant au demeurant pas contestée par le sous-traitant du constructeur.

En revanche, aucune date limite de livraison n'a été formalisée pour ce qui concerne la conception et la mise en place de l'ossature en bois et de la charpente, travaux de sous-traitance à la charge de la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois.

Les appelants, sur lesquels repose la charge de la preuve, ne produisent pas non plus d'éléments pouvant permettre de déterminer à quelle date la livraison devait être faite.

Ils n'ont pas non plus enjoint au sous-traitant de leur livrer les éléments litigieux avant la sommation interpellative qu'ils lui ont fait délivrer le 22 juillet 2015.

Il ressort également du procès-verbal de constat dressé le 29 juin 2017 par Maître [Z], huissier de justice à [Localité 5] que l'ossature en bois est stockée dans les locaux de la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois, ce qui vient démentir les allégations de M. [L] et de Mme [Y] selon lesquelles ce matériel n'aurait jamais été élaboré.

Ces incertitudes concernant la date exigée de livraison s'ajoutent au fait que le constructeur a été placé en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité le 24 septembre 2013.

Il n'est donc pas permis, au vu des seuls éléments produits par les appelants, de considérer que le préjudice locatif est en lien de causalité direct avec l'absence de livraison de l'ossature en bois et de la charpente ; enfin, à supposer même qu'une date butoir de livraison ait été prévue, il était nécessaire de réaliser après cette pose d'autres travaux (plomberie, carrelage, électricité, plâtrerie isolation) qui n'étaient pas à la charge de la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois.

Les appelants ne peuvent faire supporter à cette société les préjudices qui apparaissent avoir été subis du fait de l'arrêt du chantier paralysé par la procédure collective du constructeur.

C'est par conséquent à juste titre que l'intimée oppose aux maîtres de l'ouvrage que le retard dans le chantier est dû à la liquidation judiciaire de la société L'Arbre Maison qui avait seule la qualité de constructeur et qui seule était tenue d'un délai de livraison, de sorte qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les préjudices invoqués et une quelconque faute qui lui serait imputable.

Les appelants seront déboutés de leur demande indemnitaire à ce titre.

3° Le préjudice moral :

Les appelants étant déboutés de l'intégralité de leurs prétentions indemnitaires ne peuvent prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral dont la charge n'incombe pas à la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois;

La décision sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a débouté M. [L] et Mme [Y] de leurs demandes indemnitaires qui ne peuvent davantage aboutir sur un fondement délictuel que sur le fondement contractuel improprement invoqué en première instance.

La demande reconventionnelle formée par la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois :

L'intimée réitère la demande dont elle a été déboutée par le premier juge au titre des frais de gardiennage des matériaux entreposés dans ses locaux pour un montant total 10 918 euros (103 euros par mois x 106 mois).

Il a été précédemment jugé que les attestations de transfert de propriété comportaient une obligation de livraison sur le chantier à la charge de la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois.

M. [L] et Mme [Y] n'étaient donc pas tenus de venir chercher les matériaux à l'entrepôt.

Les frais de gardiennage doivent par conséquent rester à la charge de la société.

La décision sera également confirmée sur ce point.

L' article 700 du code de procédure civile :

La décision sera confirmée.

Succombant en leur appel, M. [L] et Mme [Y] ne peuvent prétendre à une indemnité à ce titre.

L'équité justifie qu'il soit alloué à la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois la somme de

3000 euros.

Les dépens :

La décision sera confirmée.

M. [L] et Mme [Y] seront condamnés in solidum aux dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Déboute M. [E] [L] et Mme [P] [Y] de leur demande d'annulation du jugement.

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne sauf à préciser qu'à hauteur de cour, les demandes indemnitaires de M. [E] [L] et de Mme [P] [Y] sont rejetées sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

Y ajoutant ;

Condamne in solidum M. [E] [L] et Mme [P] [Y] à payer à la SARL Les Ateliers du Bâti-Bois la somme de 3000 euros sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile .

Condamne in solidum M. [E] [L] et Mme [P] [Y] aux dépens de l'instance d'appel.