Cass. crim., 12 avril 2016, n° 16-80.738
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Avocat :
SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article préliminaire, les articles 138, 186, 394, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, ensemble violation du droit à l'égalité des armes ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable les appels interjetés contre les ordonnances des 18 et 29 décembre 2015 ordonnant le placement sous contrôle judiciaire de M. X... et Mme Y... ;
"aux motifs que la cour est saisie sur le fondement de l'article 394 du code de procédure pénale lequel ne dispose pas que dans le cadre d'une convocation par procès-verbal par le procureur de la République, la voie de l'appel serait ouverte à l'égard des ordonnances de placement sous contrôle judiciaire du juge des libertés et de la détention ; que la décision du Conseil constitutionnel du 13 juillet 2011 est relative à l'article 186 du code de procédure pénale lequel énonce de façon limitative les ordonnances du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention sur lesquelles les mis en examen peuvent interjeter appel ; que dans cette décision du 13 juillet 2011, le Conseil constitutionnel précise que « les dispositions de l'article 186 du code de procédure pénale ne sauraient, sans apporter une restriction injustifiée aux droits de la défense, être interprétées comme excluant le droit du mis en examen de former appel d'une ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention faisant grief à ses droits et dont il ne pourrait utilement remettre en cause les dispositions, notamment, devant la juridiction de jugement » ; mais que le Conseil constitutionnel rappelle aussi que la limitation du droit d'appel d'une partie peut être justifié par l'objectif d'une bonne administration de la justice dont le Conseil constitutionnel a reconnu la valeur constitutionnelle et qu'il a déjà retenu parmi les motifs de nature à justifier une limitation du droit de recours du mis en examen dans la procédure pénale ; que la loi pénale étant d'interprétation stricte, le juge pénal ne peut raisonner par analogie et donc, la décision du Conseil constitutionnel précitée n'est pas transposable en l'espèce ; qu'enfin, en l'absence de texte, ou de décision prétorienne de la Cour de cassation, il n'entre pas dans les pouvoirs d'une cour d'appel, qui ne peut se substituer au législateur et contrevenir au principe de la séparation des pouvoirs, de créer un recours et d'en fixer les délais et les modalités ; que, et surtout, par application des articles 397-3, 141-1,148-1 et 148-2 du code de procédure pénale, le tribunal correctionnel saisi par convocation délivrée par le procureur de la République est compétent pour connaître des demandes de main-levée ou de modification des mesures de contrôle judiciaire ordonnées par le juge des libertés et de la détention ; qu'il n'y a donc pas atteinte aux droits de la défense ; en conséquence, les appels de M. X... et Mme Y... seront déclarés irrecevables ;
"1°) alors qu'en vertu des articles 139, 186 et 394 du code de procédure pénale, le prévenu qui, dans le cadre d'une convocation par procès-verbal, est soumis jusqu'à sa comparution devant le tribunal à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire, peut interjeter appel de la décision du juge des libertés et de la détention ; qu'en l'espèce, en déclarant irrecevable l'appel formé par les prévenus à l'encontre des ordonnances du juge des libertés et de la détention de Montpellier qui les a placés sous contrôle judiciaire, avec pour obligation de fournir un cautionnement d'un montant de 10 000 euros chacun avant le 5 janvier 2016, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés ;
"2°) alors que même sans texte, le prévenu doit pouvoir former appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention faisant grief à ses droits et dont il ne pourrait utilement remettre en cause les dispositions, notamment, devant la juridiction de jugement ; que tel est le cas en l'espèce et qu'en refusant de reconnaître à M. X... et Mme Y... le droit de former appel à l'encontre des décisions de placement sous contrôle judiciaire décidées par le juge des libertés et de la détention dans le cadre de leur convocation par procès-verbal, en se fondant sur les motifs inopérants susvisés, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes et principes susvisés ;
"3°) alors qu'à titre subsidiaire, n'est pas compatible avec les principes du procès équitable et d'égalité des armes entre les parties, la possibilité qui est offerte au procureur de la République d'interjeter appel des décisions du juge des libertés et de la détention portant sur le contrôle judiciaire des prévenus convoqué par procès-verbal, tandis que cette même possibilité est refusée aux prévenus ; que dès lors, en refusant de déclarer recevable l'appel formé par les prévenus à l'encontre des ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier qui les a placés sous contrôle judiciaire, avec pour obligation de fournir un cautionnement d'un montant de 10 000 euros chacun avant le 5 janvier 2016, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le droit à un procès équitable et le principe de l'égalité des armes" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... et Mme Y... ont été déférés le 18 décembre 2015 devant le procureur de la République, qui, après leur avoir donné connaissance des faits qui leur étaient reprochés, leur a notifié la date de leur comparution devant le tribunal, conformément aux dispositions de l'article 394 du code de procédure pénale ; qu'ils ont été placés, le jour même, par ordonnances du juge des libertés et de la détention, sous contrôle judiciaire avec pour obligation de fournir un cautionnement ; que M. X... et Mme Y... ont relevé appel de ces ordonnances de placement sous contrôle judiciaire ;
Attendu que, pour déclarer ces appels irrecevables, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que, d'une part, aucune disposition instaurant la procédure de comparution par procès-verbal n'ouvre la voie de l'appel contre les ordonnances de placement sous contrôle judiciaire du juge des libertés et de la détention, d'autre part, en l'absence de droit d'appel contre ces ordonnances, les requérants, à qui il était loisible de saisir le tribunal correctionnel afin de solliciter la main-levée ou la modification de ces mesures de contrôle judiciaire, en application des articles 141-1 et 148-2 du code de procédure pénale, n'étaient pas dépourvus de recours à l'encontre de ces dernières, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;