Cass. com., 3 mars 2009, n° 07-20.515
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Thomas-Raquin et Bénabent
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 13 septembre 2007) que, par décision du 17 avril 1997, les actionnaires des sociétés Pyragric et Ukoba (les sociétés) ont modifié l'article 14 de leurs statuts et octroyé le droit de vote attaché aux actions à leur usufruitier ; que, selon testament authentique du 14 février 1998, Eric Y..., président directeur général des sociétés qui détenait 5 085 actions sur les 10 000 du capital de la première ainsi que 449 des 1 000 actions du capital de la seconde, a légué à son épouse, Mme Danielle Y... l'usufruit de 3 500 actions de la société Pyragric et de 380 actions de la société Ukoba, la nue-propriété revenant à ses enfants (les nus-propriétaires) qui détenaient en pleine propriété 1 585 actions de la société Pyragric et 99 actions de la société Ukoba ; que Eric Y... est décédé le 16 février 1998 ; que la direction de ces sociétés a alors été assurée par M. Guy Y..., frère du défunt qui détenait une partie importante des actions ; que par une première décision du 19 octobre 2006, devenue irrévocable par suite du rejet du pourvoi, il a été jugé que les dividendes dont l'attribution avait été décidée par l'assemblée générale du 25 juin 1998 étaient acquis à Mme Danielle Y..., usufruitière des titres démembrés ; que le 14 décembre 2000, l'assemblée générale des sociétés a accordé aux associés l'option, en cas de distribution de dividendes, entre leur paiement en numéraire ou en actions ; que le 10 mai 2001, l'assemblée générale a décidé une distribution de dividendes et la possibilité pour les associés d'exercer leur droit d'option ; que les nus-propriétaires qui ont revendiqué le droit d'opter pour un paiement en dividende en actions, ont soutenu que Mme Danielle Y... ne pouvait recevoir que l'usufruit des nouvelles actions et ont réclamé des dommages-intérêts à M. Guy Y... pour avoir obtenu le contrôle des sociétés et la dilution des actions démembrées détenues par eux ;
Attendu que les nus-propriétaires font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande de dommages-intérêts dirigée contre M. Guy Y..., alors, selon le moyen :
1° / que le nu-propriétaire étant actionnaire, peut seul exercer l'option entre un paiement du dividende en actions et un paiement du dividende en numéraire ; que dès lors, en l'espèce, en refusant d'imputer à faute à M. Guy Y... le non-respect du droit d'option des nus-propriétaires, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil et L. 232-18, alinéa 1, du code de commerce ;
2° / que dans la mesure où M. Jean-Laurent Y... et Mme Anne X... Y... rappelaient à M. Guy Y... dans leur lettre du 9 mai 2001 qu'ils étaient seuls à pouvoir exercer le droit d'option, il en résultait nécessairement que la résolution litigieuse portant à la fois sur le principe de la distribution de dividendes (du pouvoir de l'usufruitier) et sur le droit d'option (du pouvoir des nus-propriétaires) devait être scindée en deux ; que dès lors en décidant que les nus-propriétaires n'avaient pas demandé dans cette lettre la scission de la résolution en deux, alors qu'ils réclamaient le respect d'un droit qui supposait nécessairement la scission, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
3° / qu'en tout état de cause, quand bien même les nus propriétaires n'auraient pas demandé la scission de la résolution n° 2 en deux résolutions, M. Guy Y... est fautif de ne pas l'avoir fait, puisque c'était la seule façon de respecter le droit d'option des actionnaires nus-propriétaires ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil et L. 232-18 du code de commerce ;
4° / que le président du conseil d'administration d'une société anonyme a l'obligation de fournir une information sincère et non trompeuse, en particulier pendant les délibérations d'assemblées ; qu'en refusant d'imputer à faute à M. Guy Y... le fait d'avoir déclaré à Mme Danielle Y... que les résolutions ne pouvaient pas être modifiées en cours de séance, ce qui est faux, au seul motif que les nus propriétaires n'avaient pas été privés du droit de faire prévaloir leur point de vue, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
5° / qu'en tout état de cause, l'indemnisation de l'usufruitier en cas d'option par le nu-propriétaire en faveur d'un dividende en actions, ne concerne que les rapports de l'usufruitier et du nu-propriétaire, sans dispenser le dirigeant de la société de respecter le droit d'option du nu-propriétaire ; que, dès lors, en refusant d'imputer à faute à M. Guy Y... le fait de n'avoir pas respecté le droit d'option des nus propriétaires, au motif que ceux-ci ne proposaient pas d'indemniser l'usufruitière, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que lors de l'assemblée générale du 17 avril 1997 qui a décidé de donner le droit de vote à l'usufruitier, le président du conseil d'administration n'était pas M. Guy Y... mais le père des demandeurs, que c'est ce dernier qui a décidé de leur léguer la nue-propriété des actions privées de droit de vote, que les assemblées générales des 14 octobre 2000 et 10 mai 2001 qui ont décidé de donner une option entre le paiement du dividende en actions ou en numéraires, puis de faire une distribution de dividendes avec exercice de cette option, sont définitives et que les nus propriétaires qui n'ont pas demandé que la résolution unique sur le principe de la distribution des dividendes et sur l'option offerte pour leur paiement, soit scindée en deux, n'ont pas été privés de la possibilité de faire valoir leur propre point de vue auprès de l'usufruitière à laquelle il avait été indiqué que les résolutions ne pouvaient être modifiées en cours de séance ; qu'il relève encore que si les nus-propriétaires ont bien formulé leur prétention d'opter pour un paiement du dividendes en actions, ils n'ont nullement manifesté l'intention de verser à l'usufruitière une somme équivalente à la valeur de ce dividende, se contentant de lui octroyer l'usufruit de nouvelles actions, qu'il retient que la réalité d'une fraude n'est pas suffisamment établie et qu'il ne peut être reproché à M. Guy Y... d'avoir passé outre à la prétention des nus-propriétaires qui nécessitait de trancher un litige complexe et portait atteinte aux droits de l'usufruitière ; qu'ainsi la cour d'appel qui, sans dénaturer la lettre du 9 mai 2001, a fait ressortir que M. Guy Y... n'avait fait qu'exécuter des décisions régulièrement adoptées, a fait l'exacte application de l'article L. 231 du code de commerce et a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.