Cass. com., 17 octobre 1995, n° 93-17.018
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Canivet
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
SCP Gatineau, SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Riom, 7 avril 1993), que, par acte authentique du 21 juillet 1989, Mme Y... et M. X... ont cédé aux époux A... 200 parts de la société en nom collectif Y... et cie (la société), propriétaire d'un fonds de commerce, pour le prix de 2 250 000 francs sur lequel une somme de 1 600 000 francs a été versée comptant, le solde, soit 650 000 francs étant payable dans un délai de huit mois; que les époux A... ont assigné Mme Y... en restitution de partie du prix du stock qu'ils avaient payé et du prix de vente du fonds de commerce tandis que, reconventionnellement, Mme Y... leur a demandé complet paiement du prix de cession des parts de la société ;
Sur le premier moyen pris en ses quatre branches :
Attendu que les époux A... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à Mme Y... une somme de 336 599,93 francs à titre de dommages et intérêts alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge doit viser les pièces sur lesquelles il fonde sa décision ;
qu'en décidant que les parties avaient conclu une convention de rachat de compte courant d'associé en avaient librement déterminé les conditions de paiement sans préciser les éléments ou les pièces sur lesquels elle se fondait pour déduire l'existence d'une convention de rachat de compte courant entre eux-mêmes et la société, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, alors, d'autre part, qu'en omettant de répondre à leurs conclusions selon lesquelles la somme de 650 000 francs ne pouvait correspondre au prix du rachat du compte courant d'associé dont le solde créditeur était le 21 juillet 1989 évalué à la somme de 541 728,85 francs, les juges du fond ont violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, alors en outre, que l'obligation d'une partie de payer le prix d'une chose en exécution d'un contrat de vente conclu avec une personne qui n'avait en réalité aucun droit de propriété sur cette chose est dépourvue de cause ;
qu'en l'espèce, le stock des marchandises appartenait à la société seule propriétaire du fonds de commerce ;
que la valeur de ce stock était nécessairement comprise dans le prix de vente des parts sociales de la société ;
que Mme Y... personnellement n'avait aucun droit sur ce stock dont elle ne pouvait disposer ;
qu'en affirmant néanmoins que Mme Y... avait pu vendre ce stock pour 650 000 francs en sus du prix des parts sociales de la société, la cour d'appel a violé l'article 1131 du Code civil et alors, enfin, que l'acte sous seing privé du 21 juillet 1989 créant à leur charge l'obligation de payer la somme de 650 000 francs au titre de la valeur du stock de marchandise ne pouvait être analysé comme un simple complément de l'obligation de payer la somme de 650 000 francs au titre du solde du prix de vente des parts sociales de la société prévue dans l'acte authentique du même jour ;
qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a dénaturé à la fois l'acte authentique et l'acte sous seing privé du 21 juillet 1989 et violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en retenant, par motifs adoptés, que la somme litigieuse de 650 000 francs, distincte de celle due en paiement du stock, concernait le rachat du compte courant d'associé de Mme Y... non compris dans le prix de vente puis, par motifs propres, que le chèque de 650 000 francs, remis concomitamment à la signature de l'acte de cession et au paiement de la somme de 1 600 000 francs ne correspondait pas au règlement du solde du prix de vente stipulé, par l'acte sous seing privé du même jour relatif au stock, payable selon des échéances initialement respectées ;
que les parties avaient librement déterminé les conditions de remboursement du solde du compte courant et que la situation intermédiaire en juillet 1989 ne s'imposait pas à elles, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt n'affirme pas que Mme Y... avait pu vendre le stock pour 650 000 francs en sus du prix des parts sociales mais retient, au contraire, que le prix de vente des parts de la société était de 2 250 000 francs sur lequel une somme de 1 600 000 francs avait été payée comptant, le solde, soit 650 000 francs correspondant au prix des marchandises, étant payable dans le délai de huit mois ;
Attendu, en troisième lieu, que la cour d'appel n'a dénaturé ni l'acte authentique ni l'acte sous seing privé datés du 21 juillet 1989 en retenant que la somme de 650 000 francs, stipulée dans le premier comme partie du prix de cession des parts de la société, correspondait au prix des marchandises payable selon les modalités prévues au second ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen pris en ses deux branches :
Attendu que les époux A... font encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en réduction de prix de cession des parts sociales de la société, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'ils soutenaient dans leurs conclusions que leur consentement à la cession des parts sociales avait été déterminé par une tromperie de la société sur le montant des bénéfices et du chiffre d'affaires réalisés par la société et demandaient à ce titre la réduction du prix de vente, exerçant ainsi l'option qui leur était reconnue entre l'action en nullité du contrat et la simple action en réduction du prix de vente ;
qu'en décidant que les consorts A... n'invoquaient pas la nullité du contrat de cession pour vice du consentement, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des consorts A... et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile et alors, d'autre part, qu'en omettant de répondre à leurs conclusions selon lesquelles la société avait été à la suite d'un contrôle fiscal, sanctionnée pour fraude sur le chiffre d'affaires et la TVA, élément qui révélait que leur consentement à la cession avait été déterminé par une tromperie de la société, les juges du fond ont violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que, dans le cadre du compromis les cessionnaires avaient reconnu que les bilans leur avait été remis ;
qu'ils avaient par la suite pu procéder à toutes vérifications indispensables ;
qu'au bilan arrêté au 31 octobre 1988, en ce qui concerne le bénéfice et le chiffre d'affaires des exercice 1987 et 1988, figuraient les sommes mentionnées sur le compromis ;
que la valeur des parts sociales telle qu'elle avait été fixée en 1986 ne démontrait pas l'existence d'une tromperie ;
que les époux A... ne s'expliquaient pas sur les sommes indiquées dans les bilans 1986-1987-1988 dont il n'est pas prétendu qu'ils soient faux ;
qu'il apparaissait que les "énonciations" du bilan au 31 décembre 1988 et les "énonciations" des pièces annexes au dossier de l'exercice au 31 octobre 1988 étaient les mêmes, pour retenir qu'aucune tromperie n'est établie, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, n'a pas méconnu l'objet du litige ;
d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que Mme Y... sollicite sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 10.000 francs ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.