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Décisions

ARCEP, 30 mai 2006, n° 06-0551

ARCEP

se prononçant sur un différend opposant les sociétés France Télécom et Neuf Télécom

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Champsaur

Membre :

Mme Toledano, Mme Gauthey, M. Bridoux, M. Feneyrol

ARCEP n° 06-0551

29 mai 2006

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement Européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;

Vu la directive 2002/19/CE du Parlement Européen et du Conseil en date du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 33- 1, L. 34-8 I alinéa II, L. 36-8, L. 36-8 I et II et R. 11-1 ;

Vu l’arrêté du 12 mars 1998 modifié autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu l’arrêté du 18 décembre 1997 modifié autorisant la société 9 Télécom Réseau à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu la décision n° 05-0425 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la terminaison d’appel géographique sur les réseaux alternatifs fixes, la désignation des opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre ;

Vu la décision n° 05-0571 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d’opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre ;

Vu la décision de l'Autorité n° 06-0044 en date du 10 janvier 2006 portant modification du règlement intérieur ;

Vu la demande de règlement d’un différend, enregistrée le 9 février 2006, présentée par la société France Télécom, RCS Paris n° 380 129 866, dont le siège social est situé 6, place d'Alleray - 75505 Paris cedex 15, représentée par M. Eric Debroeck, directeur de la réglementation ;

Le différend porte sur le tarif de la terminaison d’appel géographique sur le réseau de Neuf Télécom.

France Télécom demande à l'Autorité de :

- constater que le tarif de la prestation de terminaison d'appel géographique de Neuf Télécom est manifestement excessif ;

- de fixer à partir du 1er janvier 2006 pour la prestation de terminaison d'appel dans le réseau de Neuf Télécom (soit la prestation couverte par les tarifs de BPN, établissement d'appel, et tarif à la minute) un plafond correspondant au tarif de la prestation d'intra-CA telle que figurant dans l'offre de référence de France Télécom en vigueur.

I.   Exposé des faits

1.1 La prestation de terminaison d’appel de Neuf Télécom a été fixée à un  niveau exorbitant

France Télécom indique que, par courrier en date du 18 novembre 2005, Neuf Télécom lui a communiqué ses tarifs de terminaison d'appel sur son réseau pour les appels vers des numéros géographiques sans autre forme de considération qu'une grille tarifaire imposée de façon unilatérale à compter du 1er janvier 2006. France Télécom estime que le tarif de 1,882 centimes d'euros/min qui lui est opposé depuis le début de l'année n'est pas acceptable pour la facturation de la prestation de terminaison d'appel et qu’il est sans commune mesure avec les tarifs qui sont pratiqués par France Télécom dans son offre de référence.

France Télécom considère que la position de Neuf Télécom démontre son intransigeance  à l'égard de l'ensemble des opérateurs, dont France Télécom fait partie. Le 31 janvier 2006, France Télécom a pris acte d'un désaccord entre les parties sur le tarif de terminaison d'appel appliqué par Neuf Télécom au 1er janvier 2006. En conséquence, France Télécom indique qu'elle a saisi l'Autorité, afin que celle-ci établisse les conditions équitables de l'interconnexion à un niveau compatible avec les dispositions de l'article 9 de la décision n° 05-425 de l'Autorité et l'exercice d'une concurrence loyale.

1.2. Une liberté tarifaire encadrée de matière constante par la régulation sectorielle

France Télécom précise que, par courrier du 23 mai 2005, Neuf Télécom prétendait pouvoir déterminer librement la tarification de terminaison d'appel, tout en reconnaissant que celle-ci demeurait subordonnée, pour l'année 2005, à un plafond défini par le caractère  excessif  de l'offre de terminaison d'appel. L’opérateur historique rappelle que cette limite à la  liberté  tarifaire a été posée par l'Autorité afin de prévenir toute tendance des opérateurs à augmenter    les coûts des concurrents contraints de terminer leur appel sur leur boucle locale et que, dans ce cadre, Neuf Télécom ne peut prétendre pouvoir pratiquer une tarification  décorrélée  des  mesures prises par le régulateur.

France Télécom souligne qu'il ne peut être contesté que les décisions de l'Autorité en matière de terminaison d'appel produisaient des effets normatifs indirects et que la liberté tarifaire dont  se prévaut Neuf Télécom est relative. De fait, celle-ci était encadrée par la régulation sectorielle et le droit de la concurrence qui visent à dissuader toute tarification conduisant à faire peser une charge excessive sur l’opérateur contraint d’y terminer ses appels. France Télécom rappelle que l'Autorité a déjà eu l'occasion de prendre en compte cette obligation en fixant une rémunération compatible avec l'exercice d'une concurrence saine et durable dès 1999 dans sa décision n° 99-

539. Elle indique que l’Autorité a toujours affirmé la nécessité de limiter le tarif de terminaison d’appel des opérateurs alternatifs, afin d’éviter les distorsions de concurrence sur le marché de détail, compte tenu à la fois de l’obligation d’achat pour France Télécom de cette prestation de terminaison, et de son absence d’impact quant à la détermination du tarif fixé par les opérateurs alternatifs.

France Télécom rappelle qu’au titre de la décision d’analyse des marchés pertinents de gros de   la terminaison d’appel géographique sur les réseaux alternatifs fixes en date du 27 septembre 2005, Neuf Télécom est soumise à l’obligation de ne pas pratiquer de « tarifs excessifs ».

France Télécom précise que l’historique de la régulation des prestations de terminaison d'appel des opérateurs alternatifs depuis 1999 contredit la position de Neuf Télécom, selon laquelle sa liberté tarifaire ne peut être altérée et selon laquelle il appartiendrait à France Télécom de démontrer que le tarif de 1,882 centimes d'euros/min facturé depuis le 1er janvier 2006 représente une charge excessive. France Télécom souligne que l'Autorité, par le passé et sur la base de dispositions    équivalentes à celles de l’article 9 de sa décision n° 05-425, avait défini une méthodologie pour le calcul de la terminaison des opérateurs tiers qui aboutissait à des niveaux tarifaires moindres que celui auquel Neuf Télécom prétend. France Télécom considère donc qu'il appartient à Neuf Télécom de justifier a minima l'évolution de ses tarifs à la hausse par rapport à la méthodologie définie par le régulateur depuis 1999.

II.   Exposé des moyens

2.1.  Sur la recevabilité de la demande de France Télécom

France Télécom considère que le courrier du 31 janvier 2006 matérialise un désaccord avec le tarif imposé de manière univoque par Neuf Télécom depuis le 1er janvier 2006 et traduit une position inconciliable entre les parties sur les conditions contractuelles de la prestation d'interconnexion de terminaison d'appel de Neuf Télécom. France Télécom souligne que Neuf Télécom n'a pas souhaité ouvrir de discussions sur les conditions tarifaires de son interconnexion et que, par conséquent, la saisine de France Télécom devant l'Autorité est recevable au titre de l'article L. 36-8 I du Code des postes et des communications électroniques (CPCE). France Télécom rappelle que cette analyse a été confirmée par l'Autorité dans sa décision n° 01-1235, qui indiquait que, si France Télécom ne peut refuser le paiement de la prestation, il lui revient de saisir l'Autorité sur le bien fondé du tarif qu’elle conteste, quand bien même ce tarif ne serait pas fixé dans la convention d’interconnexion liant les parties, et ce pour qu'un nouveau tarif soit défini.

France Télécom considère que la liberté tarifaire de Neuf Télécom n'est pas sans limite et que la saisine de France Télécom est recevable devant l'Autorité.

2.2.  La demande relative au plafonnement de la terminaison d'appel de Neuf Télécom est légitime au regard des risques de distorsion de concurrence

  • Au regard de l'augmentation constante, significative et non justifiée du tarif de la prestation de Neuf Télécom

France Télécom précise que, nonobstant les obligations réglementaires de l’ancien cadre réglementaire et celles découlant de l’analyse de  marché  fixant une limite à la formation du tarif de terminaison d’appel, l'observation de la tarification de Neuf Télécom démontre que cette dernière n'a pas cessé d'augmenter son niveau de terminaison d'appel depuis cinq ans, alors que, dans le même temps celui de France Télécom a évolué à la baisse. France Télécom constate que Neuf Télécom pratique des niveaux de terminaison d'appel plus de trois fois supérieurs au sien et, de manière générale, supérieurs à l’ensemble du marché.

France Télécom indique que la prestation d'interconnexion fournie par Neuf Télécom comporte plusieurs composantes :

- une charge de terminaison d'appel par minute  ;

- une charge par établissement d'appel efficace (ramenée à l'équivalent d'une prestation à la minute en se basant, conformément à la décision n° 01-1146, sur l'hypothèse « panier Arcep » d'une durée moyenne d'un appel de 200s) ;

- une charge par BPN (ramenée à la minute en se basant sur l'hypothèse d'un trafic par BPN de 2,6 Mmin/an) ;

- des prestations de colocalisation (intervenant à un second ordre).

France Télécom précise qu'une comparaison entre son tarif d'intra-CA (0,579 centime d’euros/min) et celui pratiqué par Neuf Télécom, évalué à 1,882 centimes  d’euros/min, démontre le dérapage tarifaire de plus en plus marqué de Neuf Télécom. France Télécom indique que Neuf Télécom affiche des tarifs près de deux fois supérieurs aux siens sur la base de la méthodologie fixée par l’Autorité et dont l’objectif de prévention d’une tarification excessive a été repris par l’article 9 de la décision n° 05-0425.

  •  Au regard du non-respect par Neuf Télécom des limites fixées par la réglementation en ce que son tarif impose à France Télécom des charges excessives

France Télécom rappelle que la décision n° 05-0425 impose à Neuf Télécom de ne pas pratiquer des tarifs excessifs sur l'ensemble des prestations d'interconnexion visées par l'analyse de marché. Or, France Télécom estime que la tarification excessive pratiquée  par  Neuf  Télécom, qui a entraîné un mouvement général à la hausse des tarifs de terminaison d’appel offerte par les autres acteurs du marché, induit une distorsion de concurrence sur les marchés de détail à l’avantage de celle-ci et pénalise les offres de communications et d'accès haut débit de France Télécom, du fait de la barrière que constitue la tarification des appels entrants sur le réseau de l’opérateur alternatif.

  • Une tarification excessive crée une distorsion de concurrence sur les marchés de détail

France Télécom estime qu'une absence de régulation favorisant la dissymétrie tarifaire conduirait à induire des niveaux de tarification économiquement peu acceptables. En effet, le tarif de terminaison d'appel demandé par un opérateur de boucle locale peut créer une situation d'asymétrie ou de distorsion concurrentielle : l'opérateur n'est pas incité à réduire son tarif d'interconnexion, dans la mesure où ce montant est payé par les clients de ses concurrents sur lesquels il tente de gagner des parts de marché. France Télécom précise qu'il est même incité à l'augmenter, afin d'accroître les coûts de ses concurrents qui n'ont d'autre possibilité que d'utiliser son service de terminaison et qu’il existe donc un impact potentiel sur les politiques tarifaires.

En conséquence, France Télécom souligne que la pratique en matière de tarification de terminaison d'appel des opérateurs alternatifs doit s'effectuer au regard de leur impact sur l'équilibre concurrentiel du marché des télécommunications et qu'un tel impact est illustré au cas d'espèce par Neuf Télécom.

Sur le marché de détail des  entreprises

France Télécom indique que la tarification pratiquée par Neuf Télécom a des effets importants sur le marché de détail entreprises. Ainsi, France Télécom précise que la tarification pratiquée par Neuf Télécom, sous l’hypothèse d’un équilibre entre trafic entrant et trafic  sortant, lui permet de subventionner son trafic sortant grâce aux recettes induites par le trafic entrant à l'interconnexion.

Coût de production d'une minute de  départ

France Télécom indique que, pour chaque minute sortante, un opérateur supporte des coûts sensiblement égaux, qui peuvent être évalués pour une  communication  interurbaine  comme suit, et selon le modèle de test de squeeze de l’Arcep v5.8 :

- un départ d'appel, correspondant à l'acheminement de la communication jusqu'au premier commutateur de Neuf Télécom équivalent à une terminaison d'appel ;

- un transport évalué à 0,34 centime d’euros/min  ;

- une terminaison d'appel, évaluée à 0,72 centime d’euros/min ;

- des coûts commerciaux et contribution au service universel évalués par l'Autorité à 0,46 centime d’euros/min dans le cas d'un très grand site.

Soit un minimum de 1,52 centimes d’euros/min, auquel il faut ajouter un départ d'appel que Neuf Télécom facture à France Télécom et aux opérateurs tiers à 1,882 centimes d’euros/min.

Tarif de détail pratiqué par Neuf Télécom

France Télécom indique qu'en se reportant à l'avis attribuant à Neuf Télécom le marché de la fourniture de services de téléphonie fixe mis en concurrence par [...], on constate que la réponse de Neuf Télécom correspond de façon incontestable au critère du prix le plus bas, critère d’attribution du marché signifié par [...], puisqu'elle propose une tarification pour les appels en national de [...] centime d'euros/min, soit un tarif [...] moindre que celui de la terminaison d'appel qu'elle facture à France Télécom et qui ne couvre pas les coûts de production d'une minute départ hors départ d'appel.

Neuf Télécom subventionne ses tarifs de trafic sortant par sa terminaison d'appel, ce que ne peut pas faire France Télécom

France Télécom souligne que, pour chaque minute entrante dans son réseau, Neuf Télécom perçoit une terminaison d'appel de 1,882 centimes d’euros/min, tandis que France Télécom ne reçoit que 0,579 centime d’euros/min. France Télécom constate que Neuf Télécom peut subventionner ses prix de détail à hauteur de la différence, soit 1,3 centimes d’euros/min, ce qui lui permet de pratiquer des tarifs de détail de [...] centime d’euros/min et de proposer à [...] un tarif de détail  de [...] centime d’euros/min. France Télécom considère ainsi que, ne disposant   pas de cette subvention qu’elle acquitte elle-même en achetant la prestation de terminaison d’appel, elle ne peut concurrencer Neuf Télécom.

France Télécom estime par ailleurs qu'un dispositif qui légitimerait le tarif de la prestation de terminaison d'appel de Neuf Télécom interdirait à France Télécom de répondre aux différents appels d'offres en matière de téléphonie fixe, dont le marché de [...] démontre qu'ils sont appréciés sur un critère de prix exclusif.

Effets sur l'ensemble du marché  entreprise

France Télécom souligne que Neuf Télécom peut subventionner ses tarifs de détail grâce à la terminaison d'appel élevée qu'elle perçoit et ainsi contribuer :

- à la mise en place d'un transfert de valeur à grande échelle au bénéfice des entreprises au détriment des consommateurs résidentiels ;

- à l'effondrement de la valeur du marché au-delà de ce que permettrait un équilibre économique sain et en deçà des niveaux que France Télécom peut atteindre du fait des contraintes réglementaires pesant sur ses prestations d'interconnexion.

France Télécom estime qu'en l'absence de régulation imposant la symétrie tarifaire à tous les acteurs, elle est amenée à subir un biais exorbitant et ne pourrait que répercuter ses surcoûts en augmentant ses tarifs de détail de deux façons différentes :

- augmenter globalement ses tarifs de détails pour supporter le poids du surcoût imposé par les opérateurs de boucles locales alternatives fixes (péréquation) ;

- augmenter de façon ciblée les tarifs de détail à destination des opérateurs de boucles locales alternatives fixes (dépéréquation).

A ce titre, France Télécom note que, sur ses pratiques de péréquation tarifaire, le Conseil de la concurrence, dans son avis du 16 mars 2001, ferait de la différenciation des tarifs de détail un corollaire inévitable, dès lors qu’aucune symétrie n’existe dans les tarifications des prestations d’appel. France Télécom estime cependant qu’une telle différenciation n’est pas  triviale, d’autant qu’elle se heurte à plusieurs obstacles pratiques en :

- conduisant à l’absence de lisibilité pour le consommateur ;

- rendant particulièrement difficile l’implémentation technique et notamment la facturation différenciée ;

- ayant des effets négatifs sur l’attrait et le développement du marché pour des offres « tout illimité » qui perdraient de leur visibilité ;

- en n’empêchant pas le faussement de la concurrence, France Télécom augmentant ses tarifs de détail a contrario de Neuf Télécom.

France Télécom indique ainsi qu'au travers de son tarif d'interconnexion élevé, Neuf Télécom démontre sa puissance de marché sur sa prestation de terminaison d'appel, dans la mesure où il  lui est garanti une subvention de ses tarifs de détail, tout en renchérissant les coûts de son principal concurrent et que France Télécom, ne pouvant contourner les effets de la terminaison d'appel de Neuf Télécom, n'a d'autre alternative que de solliciter l'intervention de l'Autorité.

Sur le marché de détail haut débit

France Télécom constate que Neuf Télécom peut aussi distordre la concurrence sur le marché de détail du haut débit (triple play) du fait de la tarification de terminaison d'appel qu'elle impose à France Télécom et aux autres opérateurs. A titre d'exemple, France Télécom indique qu'en considérant qu'un accès fixe induit environ 300 min de trafic entrant/mois/client, Neuf Télécom peut collecter près de 5,6 euros/mois/client. A contrario, France Télécom souligne qu'en commercialisant la même offre, elle ne percevrait que 1,7 euros/mois, puisque son tarif de terminaison d'appel vers les numéros géographiques est régulé et orienté vers les coûts. France Télécom considère que Neuf Télécom peut donc :

- subventionner ses offres à haut débit à hauteur de 3,9 euros/mois/client ;

- faire porter cette charge sur les opérateurs qui appellent ses abonnés les obligeant à répercuter cette charge sur leurs clients.

France Télécom estime que Neuf Télécom peut s'arroger un avantage de près de 4 euros sur le marché de détail des offres haut débit intégrant de la voix (VLB), dont les prix de détail sont généralement de 30 euros/mois/client. France Télécom souligne qu'en augmentant significativement son tarif de terminaison d'appel, Neuf Télécom tente d'exercer un pouvoir de marché exorbitant.

France Télécom rappelle qu'en 2005 elle a livré [...] Mmin à Neuf Télécom et que près de [...] accès ont été dégroupés totalement à fin décembre 2005, marché sur lequel Neuf Télécom est  l'un des principaux acteurs. France Télécom estime donc que le trafic livré à Neuf Télécom devrait [...] en 2006. En prenant l'hypothèse de [...] Gmin de trafic livré, l'application de la terminaison d'appel conduirait France Télécom à payer [...] millions d’euros à Neuf Télécom,  soit [...] d’euros (+[...]%) de plus que ce que France Télécom pourrait percevoir dans le même temps (dans une hypothèse de symétrie du trafic échangé entre opérateurs). France Télécom souligne que ce différentiel de facturation ne repose sur aucun différentiel de coûts sous-jacents  et a pour effet direct et recherché de distordre la concurrence au détriment principal de France Télécom.

Une tarification excessive au regard des reversements que Neuf Télécom est en mesure de consentir à d'autres acteurs sur la terminaison d'appel perçue

France Télécom indique que les prétentions de Neuf Télécom sont susceptibles de la léser. A  titre d’exemple, France Télécom se réfère aux dispositions contractuelles consenties par Neuf Télécom à la société [...], à laquelle elle offrait le raccordement au réseau téléphonique et acheminait le trafic destiné à son service [...]. France Télécom rappelle que le service [...]  consiste à rémunérer les appels passés par un abonné téléphonique  vers  le  numéro  géographique qui lui est indiqué au prorata de la durée des appels. Elle indique que la rémunération dont bénéficie le client final ne peut provenir que de flux financiers versés à l’interconnexion entre deux opérateurs, sur la base d’offres d’abondance, voire de forfaits illimités vers les numéros géographiques alloués en France. France Télécom précise  qu'au  regard de la décision n° 03-720, ces numéros sont utilisés par la société Neuf Télécom et que, de ce fait, celle-ci peut proposer à [...] une rétribution sur sa terminaison d'appel.

France Télécom indique que, le 14 mars 2006, elle a adressé un courrier à Neuf Télécom en s'interrogeant sur cette situation, puisque Neuf Télécom a établi en 2004 un contrat avec la société [...], pour laquelle elle assurait une prestation de collecte de numéros géographiques fixée à [...] centime d'euros HT/min appels entrants et un « reversement numéro géographique » fixé à [...] centime d'euros HT/min.

France Télécom souligne que, de la même façon, Neuf Télécom pouvait proposer à ses clients de reverser jusqu'à [...] centime d’euros/min ([...] euros HT/heure) pour des appels passés vers un numéro de Service à Revenu Partagé 0892, comme l'atteste le projet de contrat adressé par Neuf Télécom à [...].

Au regard de ces éléments, France Télécom constate que, en sus de lui assurer un subventionnement de ses tarifs de détail, le tarif de terminaison d'appel de Neuf Télécom lui permet de reverser indûment une partie de la prestation payée par France Télécom dans le cadre d'une relation avec un tiers. France Télécom souligne qu'une telle situation représente un détournement de la finalité des tarifs d'interconnexion, puisqu’ils contribuent à renchérir le tarif payé par France Télécom, et est l'indice indiscutable que la tarification demandée par France Télécom est compatible avec la quote-part de la terminaison d'appel que Neuf Télécom ne reverse pas à ses cocontractants.

2.3.  La tarification de Neuf Télécom devrait être limitée à un niveau au plus égal à l'intra- CA de France Télécom

France Télécom rappelle que la méthode de réciprocité tarifaire définie par l'Autorité dans ses décisions n° 03-701, 03-702 et 03-703 est dorénavant inadaptée au contexte actuel et aux nouveaux enjeux du marché des télécommunications. France Télécom souligne que, conformément aux dispositions de l'article D. 99-10 du CPCE, la détermination du tarif d'interconnexion de Neuf Télécom se doit de respecter des principes d’objectivité et de transparence. France Télécom estime qu'afin de garantir un tarif non excessif, il convient de définir un référent présentant des garanties équivalentes à celles que la Cour d'Appel avait reconnues en 2003. A ce titre, France Télécom indique qu’elle démontrera que la méthode de réciprocité tarifaire n’est plus aujourd’hui pertinente et que la référence au tarif de l’intra-CA de France Télécom apparaît comme une solution permettant de répondre tant aux objectifs de la régulation qu’à la préservation d’une concurrence efficace sur le marché. En introduction à sa démonstration, France Télécom fournit des éléments de comparaison du marché pour l’acheminement d’un appel à l’étranger (transit + terminaison d’appel), au départ de la France, en janvier 2006, contribuant, selon lui, à conforter le caractère disproportionné de la terminaison d’appel pratiqué par Neuf Télécom.

  • La méthode de réciprocité tarifaire n'est plus une référence pertinente

Au regard de l'absence de pertinence du simple transit dans la détermination du tarif

France Télécom rappelle que la méthode de réciprocité tarifaire, définie par l'Autorité en 2003, consistait à déterminer la terminaison d'appel applicable à un opérateur alternatif donné pour l'année N comme une pondération des tarifs de France Télécom aux deux premiers niveaux de commutation de son réseau (intra-CA et simple transit). France Télécom indique que cette pondération devait s'effectuer sur la base de la livraison de trafic constaté lors des trois derniers mois de l'année N-1 et sur la base des tarifs de France Télécom applicables à l'année N-5.

Or, France Télécom constate que l'essentiel du trafic qui lui est livré l’est au niveau des commutateurs d'abonnés (CA) et qu'appliquer la réciprocité tarifaire au marché reviendrait à limiter la terminaison d'appel de Neuf Télécom à son niveau d'intra-CA.

En outre, France Télécom indique qu’au sens de la définition de la décision n° 05-0425, le marché du transit est distinct du marché de la terminaison d’appel.

France Télécom considère donc que le simple transit, qui n'a de sens que pour une minorité du trafic livré à l'interconnexion, ne peut être une référence pour déterminer le tarif de la prestation de terminaison d'appel des opérateurs de réseaux alternatifs fixes.

Au regard des inefficacités qu'elle induit sur le marché du transit

France Télécom note que la méthode de réciprocité tarifaire ouvre la voie à de possibles manipulations de trafic permettant potentiellement à des opérateurs alternatifs de bénéficier de tarifs artificiellement élevés.

Neuf Télécom n'est plus légitime à se prévaloir d'un quelconque effet d'apprentissage

France Télécom indique que l'évolution particulièrement dynamique et le niveau élevé de la concurrence entre les acteurs doivent conduire à réévaluer la prise en compte d'un effet d'apprentissage, dont pourraient se prévaloir les opérateurs dans la détermination des tarifs de terminaison d'appel.

France Télécom souligne que Neuf Cégétel achemine [...] en transit à destination de France Télécom ; les volumes de trafic concernés sont [...] que ceux acheminés par France Télécom pour ses propres besoins. France Télécom estime enfin que, au regard du développement de son réseau commuté et de l’efficacité de ses investissements, Neuf Cégétel ne peut prétendre à un quelconque effet d'apprentissage.

Au regard de la position adoptée par les principaux régulateurs européens qui ont opté pour la symétrie tarifaire.

France Télécom rappelle que le régulateur espagnol CMT a confirmé la prééminence de la symétrie tarifaire, que le tarif doit correspondre à un tarif de niveau local assimilable à l'intra- CA et considère surtout que le tarif de référence ne peut différer du tarif de l'opérateur dominant sur le fixe, sauf à ce que les rémunérations versées par celui-ci subventionnent en partie les offres de tiers, ce qui constitue un biais dans l'exercice d'une concurrence loyale sur le marché.

France Télécom ajoute que le régulateur britannique affirme lui aussi la prééminence de la symétrie tarifaire, de même que son homologue allemand au travers de plus de quinze décisions individuelles qu’il a adoptées en octobre 2004, et souligne l’importance d’apporter une lisibilité au marché.

Seul un tarif de terminaison d'appel n'excédant pas le niveau de l'intra-CA de France Télécom est compatible avec l'exercice d'une concurrence efficace

France Télécom indique qu'une modélisation simple permet de démontrer que le modèle le plus vertueux sur le plan économique, c’est-à-dire celui qui lui permet de se prémunir contre un tarif excessif, est la fixation d'une limite correspondant au tarif de l'intra-CA ; toute terminaison d’appel supérieure à cette limite est nécessairement distorsive.

Un tarif plafond à l'intra-CA est supportable par Neuf Télécom sur le marché entreprise

France Télécom indique que, dans la version 5.8 du test de squeeze de l'Autorité, on peut lire que les coûts de production d'un départ d'appel local (et donc d’une terminaison) sur un grand site sont de :

- 0,08 centime d’euros/min pour la collecte  ;

- 0,08 centime d’euros /min pour la transmission   ;

- 0,15 centime d’euros /min pour une  commutation.

Soit un total de 0,31 centime d’euros /min, très inférieur au niveau de l'intra-CA de France Télécom (0,579 centime d’euros /min) prouvant qu'un plafond au niveau de  l'intra-CA de France Télécom serait supportable par Neuf Télécom sur le marché entreprises.

Un tarif plafond à l'intra-CA est supportable par Neuf Télécom sur le marché résidentiel

France Télécom indique que Neuf Télécom est un acteur également significatif sur le marché résidentiel, notamment via des offres de VLB, au départ ou à destination de ses Neuf Box.

France Télécom estime qu'une modélisation de la terminaison d’appel à destination des accès haut débit de Neuf Télécom permet de constater qu'elle est inférieure au niveau de l'intra-CA de France Télécom. Par conséquent, France Télécom indique que, tant pour des terminaisons d'appel vers des clients professionnels que résidentiels, le coût de production d'une terminaison d'appel par un opérateur alternatif est inférieur au niveau de l'intra-CA de France Télécom.

France Télécom considère donc que tout tarif de terminaison d'appel, vers des clients professionnels ou résidentiels (en VLB), supérieur à son intra-CA, serait sans rapport avec les coûts de production de terminaison d'appel par les opérateurs alternatifs, et donc excessif.

Vu le courrier de la société Neuf Télécom enregistré le 13 février 2006 relatif à la réunion de dépôt des mémoires ;

Vu le courrier du chef du service juridique de l'Autorité en date du 15 février 2006 transmettant aux parties le calendrier de dépôt des mémoires et portant désignation des rapporteurs ;

Vu les observations en défense enregistrées le 10 mars 2006 présentées par la société Neuf Télécom, immatriculée au RCS de Nanterre n° B 414 946 194, dont le siège social est situé 40/42, quai du Point du Jour - 92659 Boulogne, représentée Maître Olivier Fréget, avocat à la Cour, Cabinet Allen & Overy, Edouard VII, 26, boulevard des Capucines - 75009 Paris ;

I.   A titre principal : l'irrecevabilité de la saisine de France Télécom

1.1.  L'absence d'échec des négociations

Neuf Télécom rappelle qu'une procédure de  règlement de différend ne peut être engagée que sur le fondement des articles L. 36-8 I ou L. 36-8 II du CPCE. Neuf Télécom estime que le fait qu'un différend soumis à l'Autorité puisse concerner la mise en œuvre d'une obligation réglementaire exclut nécessairement l'applicabilité de l'article L. 36-8 I au profit de l'article L. 36-8 II du CPCE. Neuf Télécom indique que l'article L. 36-8 I prévoit qu'il doit y avoir échec des négociations ce qui n'est pas le cas dans le cadre de la présente procédure.

  • L'articulation entre les articles L. 36-8 I et L. 36-8 II du CPCE et ses conséquences sur le domaine du règlement de différend

Neuf Télécom indique que la distinction résulte de la modification de l'article L. 36-8 II du CPCE qui vise expressément les obligations ex ante et que dans ces conditions, le demandeur ne peut bénéficier des cas d’ouverture prévus à l'article L. 36-8 I, mais uniquement du cas visé à l'article L. 36-8 II du CPCE, à savoir l'échec de négociations commerciales. En outre, Neuf Télécom rappelle qu'il résulte de la distinction de ces deux procédures que, dès lors qu'est évoquée une difficulté de mise en œuvre d'une obligation réglementaire et non d'un différend de nature commerciale, l'Autorité n'a plus à statuer en équité mais doit régler le différend au regard de l'interprétation des obligations réglementaires en cause. Neuf Télécom note qu'au cas d'espèce, la condition liée à l'échec des négociations n'est pas satisfaite puisqu'il n'y a pas eu de début de négociations avec France Télécom.

  • Sur l'absence de l'échec des  négociations

Neuf Télécom souligne que France Télécom n'a formulé aucune demande de négociation tarifaire sur le niveau de la terminaison d'appel pour l’année 2006, mais que celle-ci a attendu près de deux mois et demi, après l'annonce par Neuf Télécom de sa nouvelle grille tarifaire applicable au 1er janvier 2006, pour constater un désaccord. Neuf Télécom indique que France Télécom a ensuite saisi l'Autorité sans permettre à Neuf Télécom d'examiner sa demande. Neuf Télécom rappelle que c’est au titre de ses obligations de transparence tarifaire prévue à l'article 8 de la décision de l'Autorité n° 05-425 et de non discrimination prévue à l'article 7 de la  décision précitée, qu’elle a adressé le courrier de notification de ses tarifs applicables au 1er janvier 2006.

Neuf Télécom demande donc à l'Autorité de constater l'absence de tout échec de négociations et de déclarer irrecevable la demande de France Télécom en lui rappelant les obligations pesant sur le créancier d'une redevance d'interconnexion en termes de paiement de factures tant que son tarif n'a pas été modifié, ce dans le respect des stipulations contractuelles.

Neuf Télécom considère que, si l'Autorité devait reconnaître l'existence d'un échec des négociations, elle ne pourrait pas examiner les demandes de France Télécom sans les déclarer irrecevables car elles ne relèvent pas du champ d’application ratione materiae de l'article L. 36-  8 II du CPCE.

1.2.    La demande de France Télécom ne relève pas du champ d’application ratione materiae de l'article L. 36-8 du CPCE

Neuf Télécom considère que les demandes de France Télécom de constater le non-respect d'une obligation et de fixer un niveau tarifaire sont irrecevables, dans la mesure où le non-respect d’une obligation réglementaire relève de l'article L. 36-11 du CPCE qui emporte des garanties de confidentialité pour Neuf Télécom qui sont absentes dans le cadre de l’article L. 36-8 du CPCE.

  • Sur la demande visant à faire respecter une obligation réglementaire

Neuf Télécom estime que France Télécom demande à l'Autorité de constater la violation d'une obligation réglementaire qui relève de l'article L. 36-11 du CPCE. Cette procédure présente un certain nombre de garanties fondamentales qui seraient violées si le constat du manquement à  une telle obligation s'effectuait de façon indirecte par l'intermédiaire de l'article L. 36-8 du  CPCE, ce qui porterait atteinte aux garanties prévues à l'article L. 36-11 du CPCE. Neuf  Télécom souligne que, si l'Autorité acceptait la saisine de France Télécom sur le fondement de l'article L. 36-8 du CPCE, elle obligerait Neuf Télécom à choisir entre ne pas se défendre en ne communiquant pas des données relevant du secret des affaires ou se défendre en refusant le bénéfice de cette protection, ce qui serait inadmissible. En outre, Neuf Télécom indique que,  dans le cadre d’une procédure de règlement de différend, elle ne connaîtrait les reproches éventuels que pourrait lui adresser l’Arcep qu’à la lecture de la décision, sans bénéficier d’une communication préalable des griefs.

Neuf Télécom rappelle que, lors de la transposition du nouveau cadre réglementaire, le principe du contradictoire a été renforcé obligeant l'Autorité à ne pas prendre connaissance de pièces ou données dont l'entreprise refuse la communication à la partie adverse. Neuf Télécom souligne qu'elle ne pourra pas communiquer le détail des niveaux et de la structure de ses prix à France Télécom sans prendre des risques économiques considérables. Neuf Télécom demande à l'Autorité de déclarer irrecevable la première demande de France Télécom et annonce qu’il devrait en être de même des autres et pour des motifs proches.

  • L'irrecevabilité de la demande de France Télécom visant à faire constater que tout  tarif ne respectant pas l'orientation du tarif de terminaison de Neuf Télécom au niveau de l'intra-CA de France Télécom serait excessif

Neuf Télécom estime que la demande de France Télécom, dans le corps même de son mémoire et dont le libellé est « prendre acte » ou « constater », vise à ce que l'Autorité indique que, d’une part, le montant de 1,5 centimes d’euros/min et le tarif des autres prestations sont excessifs et que, d’autre part, indépendamment de leurs niveaux absolus, tout tarif s'écartant du tarif intra-CA de France Télécom est générateur d’excessivité. Neuf Télécom souligne que cette demande tend à ce que l'Autorité l'oblige à suivre une certaine contrainte tarifaire  au-delà du 31 décembre 2006, alors même que les tarifs que Neuf Télécom appliquera après cette date ne sont pas connus. Neuf Télécom estime qu'une telle demande revient à ce que l'Autorité considère que Neuf Télécom a violé son obligation de non excessivité non seulement du fait du niveau de tarifs appliqués, mais aussi en choisissant de ne pas se fixer sur un certain niveau de référence, indépendamment du tarif qui peut en résulter. Neuf Télécom observe que,  si  l'Autorité lui demandait de respecter le tarif intra-CA de France Télécom, cette décision lui permettrait en cas de non-respect de sa décision de prononcer des sanctions complémentaires au titre de l'article L. 36-11 2° du CPCE.

Neuf Télécom souligne que, si l'Autorité devait estimer que les demandes de France Télécom gnt fait l'objet de négociation entre les parties, elle devrait les déclarer irrecevables sur le fondement de l'article L. 36-8 du CPCE en ce qu’elles relèvent de l'article L. 36-11 du CPCE.

II.  A titre subsidiaire : le caractère infondé des demandes de France Télécom et l'absence d'éléments probants à l'appui de la saisine

2.1.  En droit, le caractère infondé de la saisine de France Télécom

Neuf Télécom estime que l'Autorité a uniquement imposé, dans sa décision du 27 septembre 2005, de ne pas pratiquer une tarification excessive laissant ainsi aux opérateurs de boucle locale la possibilité de définir librement la méthodologie qu'ils souhaitent utiliser pour déterminer lesdits tarifs « non excessifs ». Neuf Télécom souligne que cette méthode ne peut être contestée dans le cadre d'un règlement de différend. La société considère que la méthodologie qu'elle a retenue, et qui repose sur des éléments externes et objectifs, répond aux préoccupations des autorités de concurrence, notamment à l'avis n° 05-A-10 du Conseil de la Concurrence et aboutit à des tarifs non excessifs.

  • La décision n° 05-425 a permis aux opérateurs de déterminer les conditions dans lesquelles pourrait se déterminer, d'un point de vue méthodologique, la contrainte de non excessivité

 

Neuf Télécom indique que, lorsqu'elle statue en équité, l'Autorité doit donner à sa décision une forme « d'objectivité » en rattachant les calculs qu'elle effectue à des obligations juridiques très générales. Neuf Télécom précise, en revanche, que le pouvoir de l'équité accordé à l'Autorité est considérable, puisqu'elle n'est pas tenue par les demandes des parties et peut les reformuler ou les modifier, lorsqu’elle statue sur le fondement de l’article L.36-8 I du CPCE.  Neuf Télécom rappelle que, si un juge doit ou peut juger en équité, il ne peut se soustraire aux exigences d'une méthode, notamment lorsqu'il ne peut pas trancher en équité, mais en droit et qu’il importe alors que la méthode à appliquer préexiste. Neuf Télécom indique que le recours à une « méthode générale » de tarification est exclu, dès lors qu'il priverait l'obligation concernée de détermination. Neuf Télécom estime que la détermination de la méthode en cours de litige révélerait le caractère inapplicable de la règle et donc son illégalité qui pourrait être invoquée par voie d'exception. La société souligne que la méthode de référence peut figurer dans la décision imposant l'obligation ex ante, c'est le cas des décisions en matière de  terminaison d'appel sur certains réseaux mobiles. Elle indique que la décision de l'Autorité peut aussi ne pas comporter de méthode, ce fût le cas en matière de tarif du dégroupage dans une décision du 19 mai 2005. Neuf Télécom précise que France Télécom a dû adapter, sans aucune rétroactivité, son tarif le 19 janvier 2006 pour se conformer à la méthode retenue par l'Autorité.

Neuf Télécom indique que, dans sa décision du 27 septembre 2005, l'Autorité a choisi de ne pas déterminer ou élaborer une telle méthode, ni renvoyer à une décision ultérieure. Neuf Télécom considère à ce titre qu'on ne peut en effet pas traiter de la même façon un opérateur alternatif, dont le modèle repose sur l'investissement continu de ses infrastructures, et de simples revendeurs.

Neuf Télécom considère que, si l'Autorité devait imposer à présent une méthode ou en accepter une proposée par un tiers dans le cadre d'un règlement de différend, elle devrait revoir sa décision initiale et méconnaîtrait ainsi la portée de l'article D. 311.II du CPCE. Ce dernier article permet à l'Autorité de déterminer une méthode tarifaire, ce qui est exclu pour une décision prise sur le fondement de l'article L. 36-8 II du CPCE. Neuf Télécom estime donc, que, tant qu'une décision réglementaire précisant la méthode de tarification s'imposant éventuellement aux OBL n'aura pas été prise, une certaine liberté de méthode lui est conférée par l’encadrement des pouvoirs de l’Autorité du fait l’article D. 311. II, liberté de méthode dont elle n’a pas abusé, dès lors qu'elle s'est fondée sur la pratique constante des autorités de concurrence. Neuf Télécom note que les demandes de France Télécom, même si elles sont recevables au titre de l'article L. 36-11 du CPCE, sont infondées au regard des articles L. 37-1 et suivants du CPCE. Neuf Télécom indique être disposée à exposer les termes de la méthode qui fait obstacle aux prétentions de France Télécom.

  • Les fondements de la méthode retenue par Neuf Télécom

Neuf Télécom indique que son modèle de coûts est fondé sur plusieurs méthodologies inspirées de la jurisprudence des autorités de concurrence, notamment de l'avis du Conseil de la concurrence n° 05-A-10. Le principe qui a guidé l’élaboration de cette méthode est qu’elle doit permettre à Neuf Télécom de continuer à investir dans le dégroupage.

Neuf Télécom précise que ce modèle ne conduit pas à un tarif orienté ni vers ses propres coûts, ni vers ceux de France Télécom. La société souligne en outre que l’exercice d’une concurrence effective doit permettre une confrontation indirecte de modèles économiques diversifiés, mais que ne justifie pas l’imposition d’un modèle par un acteur pour le secteur dans son ensemble. Neuf Télécom indique qu’en l'absence de comptabilité réglementaire, elle a travaillé sur les seuls coûts objectifs dont elle dispose, à savoir ses coûts comptables, en mettant en rapport ces éléments avec le tarif qu'il lui semblait raisonnable de demander.

Ce modèle est d’autant plus complexe que la proportion des appels entrants par rapport aux appels sortants reste très déséquilibrée, en faveur des appels sortants, dans le cas des communications utilisant la Neuf Box. Les Neuf Box étant utilisées en dégroupage partiel, les abonnés continuent en effet à utiliser leur ligne analogique pour recevoir leurs appels et générer ainsi des revenus de terminaison d’appel pour France Télécom. […]

  • Le tarif de Neuf Télécom a été élaboré par application d'une méthodologie de détermination de la contrainte de non excessivité respectant l'avis du Conseil de la concurrence

Neuf Télécom souligne que son modèle de coûts relève du secret des affaires notamment vis-à- vis de France Télécom, dont la violation mettrait en cause le respect par les deux parties de leurs obligations en droit de la concurrence. Toutefois, Neuf Télécom indique qu'elle peut transmettre à France Télécom les éléments de comparaison qu'elle a retenus pour analyser son tarif vis-à-vis de prestations équivalentes en matière de tarification, tant des BPN que de charge d’établissement d’appel ou de construction du tarif variable à la minute.

-  S'agissant des tarifs des BPN, Neuf Télécom indique s'être assurée que son tarif (6.900 euros HT/an) était cohérent avec le tarif d’autres opérateurs pour des prestations comparables. A cet égard, Neuf Télécom prend en exemple les tarifs des opérateurs mobiles français, entre 2001 et 2003, en indiquant que ceux-ci bénéficiaient (et bénéficieront) alors d’économies d’échelle et d’envergure supérieures à celles de Neuf Télécom aujourd’hui.

-  S'agissant de la charge d'établissement d'appel, Neuf Télécom précise qu'afin de couvrir les coûts d'inefficacité de l'appel, France Télécom a introduit dans son catalogue pour l'année 2000 une charge d'établissement d'appel s'appliquant depuis cette date pour les prestations d'acheminement en gros. Neuf Télécom indique qu'elle a choisi d'appliquer le tarif facturé par France Télécom en 2000 dans la mesure où les volumes et durées d'amortissement justifient économiquement ce niveau tarifaire.

-  S'agissant du tarif variable à la minute, Neuf Télécom, qui était contrainte d'organiser son architecture entrante autour de 18 points d'interconnexion entrante correspondant aux 18 zones de transit de France Télécom, a retrouvé la liberté du choix de son architecture. Neuf Télécom indique que, depuis 2005, pour des raisons économiques et opérationnelles, elle a  ainsi organisé son architecture d'interconnexion autour de 6 zones d'acheminement et offre, deux types de terminaison, intra-ZA et extra-ZA, auxquels correspondent à chacun un tarif à la minute. Neuf Télécom indique que pour un opérateur se raccordant en direct dans chaque zone d'acheminement, le tarif de terminaison d'appels est de 1,5 centimes d’euros/min. Neuf Télécom juge que la demande de France Télécom lui ferait perdre les bénéfices économiques de cette architecture en s’appuyant sur un tarif propre à une architecture passée. L’opérateur indique, en outre, s’être basé sur le tarif au PRO de France Télécom de 1999 ; le niveau PRO se justifiant par l’architecture d’interconnexion de Neuf Télécom.

-  S'agissant des niveaux tarifaires de ses prestations, Neuf Télécom rappelle que la tarification de ses prestations tient compte de la réalité de ses coûts. Neuf Télécom souligne que son tarif intra-ZA de 1,5 centimes d’euros/min est légitime et conforme aux tarifs pratiqués par les opérateurs fixes depuis 1999, ce indépendamment de leur capillarité. Neuf  Télécom estime que ce niveau est a fortiori légitime pour un opérateur dont la capillarité est nationale et également comparable à celui pratiqué par France Télécom en 1999 pour un raccordement au niveau régional, tarif qui avait été approuvé par l'Autorité. Neuf Télécom indique qu'au regard des investissements annuels qu'elle réalise, [...].

-  S'agissant de l'impact de la terminaison d'appel de Neuf Télécom sur les comptes de France Télécom, Neuf Télécom relève que pour France Télécom, la différence entre le tarif pratiqué par Neuf Télécom et celui qu’elle demande pour l’année 2006, devrait représenter un reversement d'environ [...] millions d'euros à comparer aux [...] millions d'euros annuels que Neuf Télécom et Cégétel versent à France Télécom (dont [...] millions au seul titre de la terminaison d’appel). Ces [...] millions d’euros représentent [...]% des montants que Neuf Télécom verse à France Télécom et environ [...] euros/mois/client de cette dernière.

2.2.  Sur le prétendu constat de distorsion de concurrence

Neuf Télécom note que France Télécom n'apporte aucun élément probant permettant de justifier que les prix de terminaison d'appel de Neuf Télécom seraient excessifs, [...].

  • Sur l'absence de caractère probant des faits allégués par France Télécom

Neuf Télécom observe que France Télécom tente de prouver l'existence d'un impact du niveau de terminaison d'appel de Neuf Télécom sur le marché de détail des grandes entreprises en se fondant sur le cas de [...], qui est un marché public contractualisé en 2005 et qui ne relève donc pas de la présente procédure, celle-ci concernant les tarifs de terminaison d'appels de 2006. Neuf Télécom note que les observations de France Télécom relatives aux reversements faits par Neuf Télécom à d'autres opérateurs doivent être également écartés car ne relevant pas de la prestation de terminaison d’appel.

  • Sur l'obligation pour Neuf Télécom de justifier l'augmentation de ses tarifs depuis 2003

Neuf Télécom rappelle qu'elle n'est soumise à aucune obligation de justifier intégralement la construction de ses tarifs, ni au regard de l'ancien cadre réglementaire, ni du fait qu'elle aurait augmenté ses tarifs, et que la preuve de la charge revient à France Télécom.

Neuf Télécom précise que les décisions de règlement de différend passées auxquelles se réfère France Télécom ne la concernent pas : Neuf Télécom n’était soumise à aucun encadrement a priori de ses tarifs et elle ne saurait être liée par des décisions de règlement de différends intervenus entre France Télécom et des tiers. Neuf Télécom rappelle que les décisions de règlements de différends n'ont de valeur obligatoire que pour les seules parties concernées par le litige.

En outre, les obligations sous le coup des dispositions transitoires, dans le cadre du passage au nouveau cadre, ne concernaient que les opérateurs puissants ou soumis à une obligation de séparation comptable. Neuf Télécom souligne que les règles et références qui auraient pu encadrer son niveau des tarifs d'interconnexion ont perdu toute valeur contraignante à l'égard de ceux qui étaient destinataires. Neuf Télécom considère qu'au regard du droit de la concurrence, une augmentation de tarif, n'est pas de nature à présumer de l'existence d'un tarif excessif, seule circonstance où Neuf Télécom pourrait devoir se justifier devant le Conseil de la Concurrence.

III.   Demande de « donner acte »

Dans l’hypothèse où l'Autorité considèrerait comme recevable la demande de France Télécom, mais rejetterait, comme le lui réclame Neuf Télécom, les demandes de France Télécom comme infondées et sous cette réserve expresse, Neuf Télécom entend :

- poursuivre dans l'application des indications données par le Conseil de la  concurrence, laquelle recommandait à l'Autorité de garantir une prévisibilité sur le marché des niveaux de terminaison d'appel et soumettre à celle-ci la position suivante ;

- éviter à l'Autorité d'avoir à modifier sa décision n° 05-425 et la compléter par une décision individuelle fixant la méthodologie applicable pour le réseau de Neuf Télécom.

A cette fin, Neuf Télécom souhaite que l'Autorité lui donne acte qu'elle serait disposée à faire évoluer à la baisse son tarif de terminaison d'appel, à compter du 1er janvier 2007, […]. Neuf Télécom demande à ce que le point de départ de cette baisse soit le tarif de terminaison d'appel 2006 défini par Neuf Télécom et Cégétel, étant exclues du périmètre de baisse les prestations     de BPN, colocalisation et charge d'établissement d'appel pour lesquelles Neuf Télécom a démontré le niveau légitime. Neuf Télécom souligne qu'elle s'engagerait, sous ces réserves expresses, à fixer son tarif de terminaison d'appels intra-ZA à [...] centimes d’euros HT/min en 2007 et [...] centimes d’euros HT/min en 2008.

Pour ces motifs, Neuf Télécom demande à l'Autorité :

A titre principal :

  • Dire l'article L. 36-8 II du CPCE seul applicable à l'examen de la saisine de France Télécom en ce qu'elle vise une prestation réglementée ; partant
  • Dire la saisine de France Télécom irrecevable au regard de l'article L. 36-8 II du CPCE faute d'échec des négociations ;
  • Dire chacune des demandes de France Télécom irrecevable en ce qu'elles relèvent de l'article L. 36-11 du CPCE.A titre subsidiaire :
  • Dire infondées les demandes de France Télécom au regard des articles L. 36-8  II, L. 37-1 et suivants et D. 311.II du CPCE  ;
  • Et dans la mesure où les demandes de France Télécom sont rejetées dans leur intégralité, qu'il lui soit donné acte qu'elle est disposée à faire évoluer son tarif de terminaison d'appel (hors BPN, prestations de colocalisation et charges d'établissement d'appel) de façon à ce qu'il ne dépasse pas les valeurs suivantes :
  • Au 1er janvier 2007 : [...] centimes d’euros HT/min ;
  • Au 1er janvier 2008 : [...] centimes d’euros HT/min.

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 22 mars 2006 souhaitant un délai supplémentaire pour transmettre ses observations en réplique ;

Vu les observations en réplique enregistrées le 24 mars 2006 présentées par la société France Télécom ;

I.  La demande de France Télécom est recevable

A titre liminaire, France Télécom constate que Neuf Télécom concentre son argumentation sur des questions de recevabilité, qui ont déjà été tranchées par l'Autorité dans d’autres affaires.

1.1.  Sur l'échec des négociations

France Télécom relève que ni le législateur, ni la pratique décisionnelle de l'Autorité n'imposent qu'un constat formel de désaccord soit établi entre les parties, dès lors que les pièces produites démontrent un désaccord patent pour l'une des deux parties et, qu’en conséquence, les négociations ont de ce fait achoppé.

S’agissant de la présentation de la situation contractuelle liant Neuf Télécom et France Télécom, cette dernière rappelle qu'elle a procédé au paiement partiel  des  factures  correspondant au solde non contesté selon les modalités prévues à l'article 2.3 de la convention d'interconnexion du 3 août 2001 qui prévoit que l'opérateur ne peut pas suspendre la totalité de son paiement, mais peut éventuellement contester une partie de la facture dès lors que la contestation fait l'objet d'un rejet formel. France Télécom souligne n'avoir reçu la première facture de Neuf Télécom portant sur la terminaison d'appel qu'à la mi-janvier et qu'elle a confirmé son désaccord sur la facture du 16 janvier 2006 relative à l'abonnement de BPN pour la période allant du 1er janvier 2006 au 31 janvier 2006 par un courrier en date du 28 février 2006 en rappelant que la prestation de terminaison d'appel de Neuf Télécom « ne  saurait excéder un tarif plafond moyen » correspondant à sa prestation d'intra-CA.

France Télécom rappelle que l'Autorité s'est déjà prononcée sur des litiges relatifs à la terminaison d'appel en estimant qu'ils relevaient des dispositions de l'article L. 36-8 I du CPCE, alors même qu'une obligation ex ante s'imposait à France Télécom et aux opérateurs alternatifs   et donc que la manifestation d'un désaccord emporte la recevabilité de la saisine devant l'Autorité. France Télécom estime que l'analyse selon laquelle Neuf Télécom tente de  faire  valoir la nécessité d'un échec formel et matérialisé des négociations entre les parties avant toute saisine devant l'Autorité est ainsi critiquable.

France Télécom indique que sa réponse à la consultation publique de l'Autorité sur l’analyse de marché de la terminaison d’appel géographique sur les réseaux alternatifs fixes a été mise en ligne le 22 mars 2005, ce en même temps que celle de Neuf Télécom qui ne pouvait dès lors ignorer la position de France Télécom qui indiquait dans sa réponse à la consultation que « (…) tout tarif de terminaisons d’appel géographique supérieur à l’intra CAA de France Télécom pourrait être considéré comme a priori excessif ».

Aussi, France Télécom considère que Neuf Télécom ne peut prétendre que sa saisine n'est pas recevable. France Télécom souligne que la pratique décisionnelle devant l'Autorité prévoit que l'existence d'un échange entre les parties sur la prestation incriminée est le seul préalable indispensable à la prise en compte du litige et que la volonté de l'une d'elles d'y mettre fin suffit à matérialiser un désaccord. A contrario, France Télécom indique que l'absence d'échange sur le tarif de la prestation de terminaison d'appel de Neuf Télécom aurait pu remettre en cause la recevabilité de sa demande selon l'analyse retenue par l'Autorité dans sa décision n° 01-1112.

France Télécom considère que Neuf Télécom ne peut soutenir que la  saisine de France Télécom aurait anticipé une éventuelle proposition tarifaire en adéquation avec la position qu'elle a exprimée à l’appui de son désaccord le 31 janvier 2006. France Télécom estime que Neuf Télécom n'a pas souhaité donner une suite favorable au courrier du 31 janvier 2006 ni  entrer en négociation avec France Télécom sur le niveau de sa terminaison d'appel.

Enfin, les évolutions tarifaires à la baisse proposées par Neuf Télécom dans son mémoire du 10 mars 2006 sont, selon France Télécom, sans commune mesure avec le tarif que cette dernière souhaite depuis le 22 mars 2005.

1.2.  La demande de France Télécom porte uniquement sur la fixation d'un tarif équitable pour la prestation de terminaison d'appel de Neuf Télécom

France Télécom rappelle que les dispositions de l'article L. 36-8 du CPCE permettent à l'Autorité de limiter la liberté tarifaire des opérateurs dans un but d'ordre public économique. France Télécom indique que la modification de l'article D. 99-10 du CPCE, par le décret n° 2004-1301 du 26 novembre 2004, ne prive pas l'Autorité de cette faculté d'intervention qui a été consacrée par le Conseil Constitutionnel et reconnue par la Cour  d'Appel  de  Paris. Toutefois, France Télécom précise qu'au cas d'espèce de la terminaison d'appel, une telle obligation réglementaire ex ante a toujours existé, celle-ci découlant de l'article D. 99-10  du  CPT et de l'objectif de concurrence loyale, prévu à l'article L. 32-1 du CPCE ou de l'article 9 de la décision n° 05-425 de l'Autorité.

France Télécom estime que Neuf Télécom ne peut contester qu’il soit fait référence au fait que son tarif imposerait une charge excessive à France Télécom, dans la mesure où cette appréciation est consubstantielle de la détermination des conditions équitables de  l'interconnexion entre les parties, rappelé par la Cour d'Appel de Paris en 2004.  France Télécom constate que l'existence d'une disposition réglementaire ne lui interdit pas de saisir l'Autorité pour fixer le tarif de la terminaison d'appel des opérateurs tiers concernés dans le respect de l'article D. 99-10.

France Télécom ajoute que, compte tenu de la position monopolistique de Neuf Télécom sur sa terminaison et du caractère lésionnaire des tarifs qu’elle applique à France Télécom, s’il fallait s’interroger sur une procédure alternative à ce règlement de différend, il conviendrait effectivement plutôt de considérer l’opportunité d’une procédure sur le fondement de l’article L.420-2 du Code de commerce.

France Télécom estime que Neuf Télécom tente de requalifier la présente procédure en éventuelle procédure de sanction visant à définir des conditions équitables de l'interconnexion entre les deux parties de sorte à ce que l’opérateur puisse bénéficier du secret des affaires.

France Télécom rappelle que la décision n° 05-425 ne prive pas l'Autorité de fixer les conditions équitables de l'interconnexion dans le cadre d'une procédure de règlement de différend ; cette interconnexion doit être transparente, non discriminatoire et objective. France Télécom note, qu'au cours des différents litiges sur la terminaison d'appel, que les éléments éventuels de modélisation des coûts de l'opérateur étaient déterminants pour s’assurer du respect de ces exigences. France Télécom indique que Neuf Télécom justifie sa position sur de prétendues différences existant entre opérateurs sans apporter d'éléments probants.

France Télécom estime qu'en l'absence d'éléments précis et, dans la mesure où les prestations de France Télécom sont régulées, le respect par Neuf Télécom d'un plafond limitant sa terminaison d'appel à un niveau équivalent à l'intra-CA de France Télécom apparaît comme un moyen, simple et vérifiable, permettant de préserver les principes d'objectivité et de transparence dans la formation des tarifs de terminaison d'appel de Neuf Télécom.

France Télécom souligne que la référence à sa prestation d’intra-CA de France Télécom est aussi une limite légitime sur le plan économique laissant une marge substantielle à Neuf  Télécom pour élaborer librement son tarif dans le respect de la limite prévue par la régulation elle-même.

II.  La demande de France Télécom destinée à plafonner le tarif de la terminaison d'appel de Neuf Télécom est légitime

France Télécom conteste les observations de Neuf Télécom selon lesquelles celle-ci entend appliquer elle-même une tarification qui ne connaîtrait qu'une limitation déraisonnable au motif que France Télécom a la capacité financière à payer. France Télécom indique que :

- Neuf Télécom ne motive pas sa position sur le terrain économique et confirme ainsi abuser de son monopole sur sa boucle locale ;

- Neuf Télécom fait une interprétation contestable du principe de non excessivité puisqu'il l'associe à la liberté tarifaire.

France Télécom rappelle que l'article L.38 du CPCE prévoit de nombreuses obligations pour les opérateurs puissants, notamment celle de ne pas pratiquer de tarif excessif.

France Télécom estime qu'en ne motivant pas sa position sur le terrain économique, Neuf Télécom confirme la nécessité d'une intervention ex post du régulateur pour fixer les conditions équitables de l'interconnexion et donc une limite à la prétendue liberté tarifaire de Neuf

Télécom. France Télécom souligne que l'analyse de Neuf Télécom contredit l'intention du régulateur dans sa décision d’analyse de marché n° 05-425 qui distingue l'obligation d'orientation vers les coûts imposée à France Télécom et l'obligation de non excessivité  tarifaire pesant sur les OBL alternatifs, sans pour autant estimer que les seconds ne seraient pas dans le spectre des acteurs régulés.

France Télécom considère qu'il est donc indispensable de fixer un plafond aux prétentions de Neuf Télécom qui, au cas d'espèce, revendique et assume une position de monopole sur sa terminaison d'appel.

2.1 Une limitation légitiment fondée en  droit

France Télécom souligne que, dans le cadre de la présente procédure, elle ne demande pas à l'Autorité de définir de façon normative une méthodologie applicable de manière directe à l'ensemble des opérateurs de boucle locale, mais demande à l'Autorité de fixer la terminaison d'appel de Neuf Télécom dans des conditions équitables en fonction d'un plafond correspondant  à l'intra-CA de France Télécom qui respecte la liberté tarifaire de Neuf Télécom tout en conciliant les objectifs de la régulation. Rien n’empêche, dans le cadre d’un règlement de différend statuant en équité, de définir une telle méthode, au cas d’espèce de la prestation de terminaison d’appel de Neuf Télécom.

France Télécom rappelle que les lignes directrices, dont l'avis du Conseil de la concurrence du 11 mai 2005 fait état et qui ne vise pas les dispositions de l’article D.311 du CPCE, n'auraient  pas de portée normative, mais viseraient à harmoniser, le cas échéant, les méthodes de détermination du tarif de terminaison d'appel. France Télécom souligne que c'est dans ce cadre que l'Autorité a défini dans sa décision n° 05-834 la méthode de valorisation des actifs de la boucle locale de cuivre et la méthode de comptabilisation des coûts applicables au dégroupage total. France Télécom indique que cette décision vise, sans ambiguïté, l'article D. 311 du CPCE portant sur la définition des méthodologies de prise en compte des coûts pour les opérateurs soumis à l'obligation de pratiquer des tarifs reflétant les coûts.

France Télécom considère que la présentation de Neuf Télécom, quant à l'existence d'un obstacle juridique à la détermination d'une méthode pour la fixation de son tarif de terminaison d'appel, est sans objet. France Télécom estime que si l'Autorité devait imposer de façon normative une méthode à l'ensemble des opérateurs alternatifs il lui faudrait réviser les dispositions de la décision n° 05-425 dans les formes prévues par la loi.

France Télécom souligne qu'au cas d'espèce, il revient de définir la méthode de fixation du tarif de Neuf Télécom en appréciation directe de la demande de France Télécom sur la prestation d'interconnexion. France Télécom indique que, contrairement à ce qu'affirme Neuf Télécom, l'équité implique que dans la détermination des conditions de droit privé de l'interconnexion, l'Autorité s'en tienne aux demandes des parties.

2.2.    Une limitation légitimée sur le plan économique par les objectifs même de la  régulation

France Télécom estime que Neuf Télécom ne peut soutenir que les terminaisons d'appel qu'elle perçoit permettraient de financer les investissements qu'elle réalise dans sa boucle locale.

  • Le régulateur a défini l'assiette des coûts pertinents pour l'interconnexion

France Télécom rappelle que l'Autorité a défini, dès 1998, l'assiette des coûts pertinents pour les services d'interconnexion de la téléphonie fixe. France Télécom indique qu'une remise en cause de ce principe aurait des effets sur l'ensemble de l’économie des prestations de gros sur le fixe.

  • Neuf Télécom dispose d'un espace économique sur l'accès largement suffisant pour l'inciter à investir

France Télécom estime que, eu égard au modèle économique très rémunérateur du dégroupage, tant partiel que total, Neuf Télécom ne peut prétendre à des difficulté à financer « son infrastructure à deux côtés », sauf à ce qu’ait été retenue une stratégie délibérée de vente à perte pour conquérir des parts de marché et justifier d'une subvention au travers de la terminaison d'appel pour rétablir ses équilibres économiques.

France Télécom note que les offres de Neuf Télécom sont parmi les plus agressives du marché avec un tarif de 14,90 euros/mois TTC pour ses clients en présélection. Par suite,  France Télécom considère que Neuf Télécom ne peut prétendre au financement d'infrastructure d'accès par les prestations d'interconnexion lorsque l’opérateur alternatif fait référence à tout argument  lié à l’incitation à l’investissement.

  • Un plafond au niveau de l'intra-CA de France Télécom est légitime

Selon France Télécom, les coûts de production d'une terminaison d'appel par Neuf Télécom ne sauraient excéder [...] cent euro/min

France Télécom souligne que Neuf Télécom ne peut prétendre être inefficace puisqu'elle achemine plus de [...] Gmin de trafic par an, soit une proportion significative du trafic national fixe et Internet bas débit évalué par l'Observatoire des marchés de l'Autorité à 120 Gmin sur le marché de détail sur une année. De l’examen du coût de production d’une minute de communication interurbaine, ce au travers de la modélisation par l’Autorité de coûts supportés par les opérateurs alternatifs efficaces pour produire des services de communications téléphoniques fixes, France Télécom observe que le coût de production d'une  terminaison  d'appel par Neuf Télécom ne peut excéder [...] centime d’euro/min.

Un plafond au niveau de l'intra-CA de France Télécom est supportable par Neuf Télécom

France Télécom indique qu'une rémunération au niveau de son intra-CA (soit 0,573 centime d’euro/min) apparaît largement rémunératrice pour Neuf Télécom. France Télécom souligne que le modèle de coût de Neuf Télécom ne saurait surpasser la pertinence du modèle « fixe- détail » élaboré par l'Autorité en concertation avec les opérateurs alternatifs.

Un plafond au niveau de l'intra-CA permet de juguler les prestations de Neuf Télécom à abuser de sa position dominante sur la boucle locale

France Télécom indique qu'un plafond au niveau du tarif de sa prestation intra-CA (0,573 centime d’euro/min) est supportable par Neuf Télécom, et par tous les opérateurs de boucle  locale alternative, dont les coûts sont tout au plus de [...] centime d’euro/min et leur laisse toute latitude de choisir une architecture qui maximisera la rentabilité de ses investissements.

  • Tout tarif supérieur à l'intra-CA de France Télécom serait incompatible avec une concurrence par les mérites entre les acteurs

France Télécom observe que les coûts de production d'une prestation de terminaison d'appel par Neuf Télécom sont de [...] centime d’euro/min et qu'il serait donc déraisonnable de fixer un plafond dépassant l'intra-CA de France Télécom (0,573 centime d’euro/min), soit plus de 130 % au dessus d'un majorant des coûts de Neuf Télécom.

  • Un plafond limité au tarif de la prestation intra-CA de France Télécom répondrait aux critères mentionnés par Neuf Télécom

Une limite qui assure le maximum de prévisibilité aux acteurs concernés

France Télécom rappelle que le tarif de sa prestation intra-CA, en étant soumis à une obligation d’orientation vers les coûts dont la méthode de calcul a été décidée par l'Autorité, est parfaitement observable et assure un maximum de prévisibilité.

Une limite qui respecte les spécificités des modèles économiques des opérateurs alternatifs et inciterait à l'investissement efficace

France Télécom estime que la fixation d'un plafond tarifaire au niveau de celui de son intra-CA permettrait aux opérateurs alternatifs d'opérer selon des modèles économiques variés, tout en ménageant un espace économique suffisant sur les marchés entreprise et résidentiel.

Une absence totale de portée des éléments de comparaison fournis par Neuf Télécom

France Télécom souligne que la présentation de Neuf Télécom est infondée tant sur le périmètre des prestations que sur le niveau réel de celles-ci.

-  S'agissant de la comparaison des prestations de BPN, France Télécom note que Neuf Télécom ne mentionne pas les tarifs de BPN pratiqués par ses principaux concurrents directs sur le marché de la téléphonie fixe. France Télécom indique que l'adoption d'une structure

symétrique avec la sienne devrait engendrer une symétrie sur le plan tarifaire sauf à ce que Neuf Télécom finance une partie de ses activités par la terminaison d'appel qu'elle facture à France Télécom et donc, à faire financer ses investissements ou sa compétitivité sur le marché de détail par France Télécom et par ses clients. En outre, France Télécom dénonce un mécanisme de contournement du prix facial de la terminaison d’appel.

-  Sur la comparaison des prestations d'établissement d'appel, France Télécom précise que Neuf Télécom est le seul opérateur alternatif à pratiquer un tarif 300 % plus élevé que le sien sans aucune justification. France Télécom souligne que sa prestation d'établissement d'appel est incluse dans la minute moyenne de 0,573 centime d’euro/min et contribue ainsi à hauteur de 6 % au recouvrement des coûts de production de sa prestation intra-CA. La recherche d’une symétrie de structure tarifaire par Neuf Télécom ne se traduit pas par une symétrie des tarifs.

-  Sur la comparaison des tarifs minute, France Télécom observe que le graphique présenté par Neuf Télécom dans son mémoire en défense est incomplet puisqu'il omet certains opérateurs, tels que [...] et [...] qui ont certifié leur prestation de terminaison d'appel à des niveaux  inférieurs à 0,75 centime d’euro/min. En outre, France Télécom dénonce la comparaison faite par Neuf Télécom qui ne repose pas sur les prestations « minutisées ».

  • Terminaison d'appel des autres OBL

France Télécom indique que la situation des autres OBL fait apparaître une disparité de situation et des écarts substantiels démontrant ainsi que certains opérateurs dont Neuf Télécom ne tirent aucune conséquence des règlements de différend fondés sur les dispositions de l'article D. 99-10 du CPT en matière de non excessivité, ni des évolutions structurelles intervenues justifiant la position de France Télécom en faveur d'un plafond tarifaire équivalent au tarif de sa prestation d'intra-CA.

France Télécom conteste qu'elle aurait estimé que le tarif de [...] centimes d’euros/min de [...] représenterait une alternative économique acceptable dans le cadre d'une interconnexion dans les conditions visées par la décision n° 05-425 de l'Autorité. En outre, elle souligne que Neuf Télécom ne peut aucunement préjuger des relations commerciales s’exerçant entre elle et [...].

  • Les raisonnements économiques de Neuf Télécom comportent des erreurs

La référence au réseau commuté de France Télécom en 1999 est infondée sur le plan  économique

France Télécom constate que, pour réaliser en 2006 des prestations de terminaison ou de départ d'appel, Neuf Télécom s'appuie sur des équipements de téléphonie IP et des infrastructures d'accès dégroupés ou mutualisées avec la fourniture d'accès haut débit.

France Télécom indique qu'il existe de nombreux facteurs expliquant l'écart de coûts entre la prestation de terminaison d'appel de Neuf Télécom et l'intra ZT de France Télécom de 1999 et qu’ils n'ont pas été repris par Neuf Télécom. Ceci explique que le coût de la terminaison d'appel évalué par France Télécom est très éloigné du tarif de simple transit de France Télécom en 1999 auquel Neuf Télécom se raccroche.

  • Neuf Télécom ne peut se prévaloir d'un quelconque « effet de retard »

France Télécom estime, que ce soit pour des technologies RTC ou de voix sur large bande, que Neuf Télécom ne peut se prévaloir d'un effet retard ou d’une taille critique  justifiant des niveaux de terminaison d'appel [...] fois supérieurs à ses coûts (1,88 contre [...] centime d’euro/min).

  • Neuf Télécom ne peut prétendre avoir de difficulté à financier son « infrastructure à deux côtés » du fait du niveau de la terminaison d'appel

France Télécom considère qu'elle ne pourrait pas continuer à investir dans des infrastructures d'accès dont Neuf Télécom bénéficie très largement via les offres dites Bitstream si elle était contrainte de mettre à disposition ces infrastructures à prix coûtant et de payer des terminaisons d'appel à Neuf Télécom pour couvrir les coûts de cette même boucle locale dans laquelle Neuf Télécom n'a pas investi. France Télécom note ainsi que Neuf Télécom dispose d'espaces économiques substantiels pour financer ses propres investissements et qu’elle cherche, en sus, à faire financer par France Télécom et ses concurrents des investissements qu’elle n’a elle-même pas réalisés.

  • Le raisonnement relatif à la rémunération des investissements de Neuf Télécom par la terminaison d'appel est erroné

France Télécom souligne que les arguments développés par Neuf Télécom sont erronés et considère que Neuf Télécom ne souhaite pas réaliser des investissements à hauteur de [...] millions d’euros dans des équipements destinés à acheminer des communications téléphoniques notamment lorsqu'elle affiche de fortes ambitions dans le dégroupage total, eu égard, plus précisément, au chiffre d’affaires de Neuf Télécom, en 2004, de [...] millions d’euros (et probablement supérieur en 2006).

  • Neuf Télécom ne saurait comparer sa situation à celle d'un opérateur mobile

France Télécom indique que les observations de Neuf Télécom sont erronées  lorsqu'elle  compare sa situation à celle d'un opérateur mobile pour arguer de la nécessité de pratiquer un niveau de terminaison d'appel élevé pouvant rémunérer sa boucle locale. France Télécom  rappelle que Neuf Télécom est en concurrence directe avec France Télécom sur le marché de détail de la téléphonie fixe et que toute rémunération du trafic entrant supérieure à la terminaison d'appel de France Télécom conduirait à une distorsion de concurrence. En outre, France Télécom rappelle que les périmètres des coûts pertinents pour les terminaisons d'appel diffèrent entre réseaux fixes et mobiles.

  • L'analyse des principes encadrant la terminaison d'appel de Neuf Télécom confirme le fondement juridique de la distorsion de concurrence dénoncée par France Télécom

Une appréciation nécessairement liée à la valeur économique de la prestation

France Télécom indique qu'elle interprète le concept de « valeur économique » selon une approche objective qui reflète le coût total des ressources nécessaires à sa production, que la ressource soit produite ou acquise, en incluant notamment le coût d'opportunité du capital employé à produire la prestation considérée, i.e. la rémunération du patrimoine net. France Télécom rappelle que le taux de rémunération du capital détermine le niveau de profit ou de rentabilité économique attendue des capitaux immobilisés par l'entreprise pour  son  activité. C'est pourquoi, France Télécom précise qu'elle a examiné cette « valeur économique » à la lumière de la rentabilité économique dégagée par le service, une fois les ressources nécessaires acquises.

France Télécom indique que le caractère disproportionné ou excessif du tarif d'interconnexion, dont Neuf Télécom demande l'application pour sa prestation technique de terminaison d'appel, peut être démontré au regard de la « valeur économique intrinsèque » de cette prestation. Cette dernière peut être appréciée soit directement à partir d’une méthode analytique fondée sur une analyse des coûts des ressources effectivement immobilisées pour produire la prestation d’interconnexion, soit indirectement à partir d’une méthode comparative.

Le silence de Neuf Télécom sur la valeur économique de la prestation démontre l'absence de fondement de ses prétentions tarifaires

France Télécom demande à ce que soit vérifiée la cohérence des tarifs de Neuf Télécom avec les constatations du régulateur sur les coûts d'un opérateur alternatif et les effets éventuels d'un subventionnement des offres de détail de Neuf Télécom, dès lors qu'il apparaît qu'un niveau de terminaison d'appel limité à un plafond équivalent à l'intra-CA de France Télécom représenterait près du double des coûts encourus pour rendre la prestation. Or, France Télécom constate que Neuf Télécom n'apporte aucun élément permettant d'invalider les affirmations de France Télécom.

France Télécom dénonce la pratique de Neuf Télécom de ne pas introduire d’éléments justifiant le niveau de ses tarifs. Partant, Neuf Télécom élude les questions économiques et empêche France Télécom de faire valoir ses arguments dans le respect du contradictoire.

France Télécom note qu'il apparaît qu'à l'examen des tarifs pratiqués par Neuf Télécom sur le marché de détail des communications téléphoniques, celle-ci ne s'applique pas à elle-même pour la tarification de ses propres clients, la règle consistant à faire subventionner par les communications téléphoniques les coûts de son réseau d'accès non couverts par les revenus tirés de ses abonnements, alors même que Neuf Télécom affirme que le principe qui a guidé l’élaboration de sa méthode « doit permettre de continuer à investir dans le dégroupage ».

  • Le caractère lésionnaire du tarif de la prestation de Neuf Télécom pour France Télécom n'est pas contestable

Sur le raisonnement de Neuf Télécom

France Télécom estime que, si toute hausse de tarif n'est pas dans son principe critiquable, les fondements sur lesquels s'appuient Neuf Télécom sont injustifiés.

L'analyse quantitative de Neuf Télécom est erronée

France Télécom indique que la facture de [...] millions d’euros dont fait état Neuf Télécom au titre de l'année 2005 permet de constater que la seule quote-part de Neuf Télécom est de [...] millions d’euros, dont il convient d'écarter les prestations liées au haut débit et aux services de données : la somme correspondant aux prestations d'interconnexion est de [...] millions d’euros. France Télécom souligne qu'il faut isoler la prestation de terminaison d'appel du réseau de Neuf Télécom vers celui de France Télécom soit un montant de [...] millions d’euros pour un trafic écoulé de près de [...] Gmin.

Dans ce cadre et en supposant que les tarifs de terminaison d’appel de Neuf Télécom soient maintenus, France Télécom souligne que l'impact du niveau de terminaison d'appel de Neuf Télécom sur les comptes de France Télécom et sur l'économie de la voix en général serait considérable et susceptible de faire diverger à court terme les fondamentaux du secteur.

  • Les pratiques de Neuf Télécom ont des effets distorsifs directs sur le marché de la voix fixe

France Télécom renvoie à ses précédentes observations et constate que Neuf  Télécom  ne  fournit aucune explication quant au caractère distorsif de son tarif de détail à [...] centime d’euro/min proposé à [...] qui ne peut être pratiqué que dans la mesure où l’opérateur dispose d'une puissante source de subvention, soit un trafic facturé à 1,88 centimes d’euro/min à ses concurrents.

France Télécom estime que Neuf Télécom ne peut pas contester que la pratique de tarifs très bas, financés par le trafic entrant, est générale. France Télécom indique que les effets sur le marché de détail sont illustrés par la capacité dont dispose Neuf Télécom à réinjecter une large partie de sa terminaison d'appel dans le financement d'autres prestations que la prestation en cause dans la présente procédure et par l’incapacité de France Télécom à produire des contre- propositions commerciales dans des conditions équitables.

En outre, France Télécom souligne que le cas de [...] n’est pas isolé. A cet égard, le cas de [...], qui avait émis un appel d’offre sur l’accès et un sur le trafic sortant, est cité. France Télécom explique que Neuf Télécom a remporté ce marché, en octobre 2004, en couplant les deux offres avec un tarif de [...] centime d’euros/min pour le trafic sortant national et aucun frais pour la gestion des SDA. France Télécom dénonce ici le caractère violemment distorsif des tarifs de Neuf Télécom.

Enfin, à titre de dernière illustration, France Télécom cite le cas de [...] pour laquelle Neuf Télécom a proposé un tarif de détail pour les communications nationales de [...] centimes d’euros/min.

  • L'asymétrie tarifaire sur les terminaisons d'appel engendre des situations instables voire inefficaces sur le plan économique

France Télécom rappelle que des cas d'asymétrie tarifaire entre opérateurs interconnectés ont fait l'objet de certains développements spécifiques, la constante résidant dans le caractère instable des situations où mène l'asymétrie des terminaisons d'appel. France Télécom estime que c'est la situation dans laquelle se trouve Neuf Télécom au vu de ses tarifs de détail sur le haut débit et du niveau exorbitant de terminaison d'appel qu'elle souhaite imposer à France Télécom.

France Télécom conclut aux même fins que sa saisine par les mêmes moyens et demande à l'Autorité de constater le désaccord entre les parties sur la terminaison d'appel de l'année 2006.

Vu le courrier de la société Neuf Télécom enregistré le 29 mars 2006 relatif à la demande de délai supplémentaire accordé à France Télécom pour transmettre ses observations en réplique ;

Vu les nouvelles observations en défense enregistrées le 4 avril 2006 présentées par la société Neuf Télécom ;

I.   Sur l'extinction de la procédure, l'irrecevabilité de la saisine de France Télécom et des demandes de celle-ci

Neuf Télécom constate que, dans ses observations en réplique, France Télécom a modifié sa saisine en substituant aux demandes qu'elle comportait de nouveaux éléments. Neuf Télécom estime qu'une telle modification ne peut intervenir en cours de procédure, d'autant qu'elle survient à la suite d'autres violations des droits de la défense, notamment l'octroi d'un délai accordé à France Télécom sans respect du contradictoire.

Neuf Télécom demande à l'Autorité de constater que France Télécom reconnaît, dans ses nouvelles demandes l'inexistence « d'un échec des négociations » au profit du constat d'un « simple désaccord » alors que, selon Neuf Télécom, ni l'un ni l'autre n'a été suffisamment constitué au regard des articles L. 36-I II et L. 36-8 I du CPCE.

En outre, et à supposer même la procédure non éteinte et les demandes de France Télécom recevables, Neuf Télécom souligne que l’Autorité devra constater, en entendant les demandes de France Télécom, être en violation du CPCE et d’une disposition d’ordre public du Code de commerce.

1.1.  A titre principal, sur l'extinction de la procédure pendante

Neuf Télécom estime que les nouvelles demandes exprimées par France Télécom dans ses observations en réplique entraînent l'extinction de la présente procédure.

  • Sur l'acquiescement de France Télécom à l'irrecevabilité de sa saisine et les contradictions de ses demandes successives

Neuf Télécom indique que France Télécom ne peut contester l'irrecevabilité de ses demandes initiales, alors que la seule décision de règlement de différend de l'Autorité relative au contrôle du niveau d'une terminaison d'appel, qui soit intervenue postérieurement à son encadrement par une obligation réglementaire imposée en raison de la puissance sur le marché de l’opérateur en cause, est celle du 29 avril 2003. Or, Neuf Télécom rappelle que cette décision a été rendue sur le fondement de l'article L. 36-11 du CPCE.

Neuf Télécom constate que la première demande de France Télécom a disparu, mais que cette dernière demande la fixation d'un tarif de terminaison d’appel de Neuf Télécom plafonné au niveau de sa propre prestation intra-CA en considérant que cet encadrement se justifie comme constituant un tarif « équitable » et non plus comme la déduction nécessaire et suffisante d’une obligation de non excessivité tarifaire. Neuf Télécom considère qu'il n'est pas possible de modifier, au cours d'une procédure, l'objet défini dans sa saisine et d'introduire de nouvelles demandes sans justification de continuité avec la saisine initiale.

  • Sur l'effet de la substitution de fondement à la saisine

Neuf Télécom souligne que ce changement d'objet de la demande de France Télécom emporte des conséquences procédurales :

-  France Télécom reconnaîtrait ainsi que ses demandes ne relevaient pas de l'article L. 36-8 du CPCE ;

-  les modifications entraînent l'extinction de la demande initiale et le rejet des nouvelles demandes figurant dans les observations en réplique.

Neuf Télécom rappelle qu’en vertu de l'article 4 du NCPC, dans le cadre d’une procédure contradictoire, l’objet d’un litige en cours est fixé par l’acte introductif d’instance et les conclusions en défense. Les demandes incidentes ne peuvent être formées que sous réserve qu’elles se rattachent avec un lien suffisant aux prétentions originelles. Ces dernières doivent demeurer dans le litige et ne pas avoir été abandonnées, ou être connexes à des demandes originelles, elles-mêmes irrecevables, en application de la règle selon laquelle l’accessoire suit le régime du principal. Neuf Télécom précise que l’article 4 du NCPC est indirectement mis en œuvre par l’article 9 du règlement intérieur de l’Autorité. Neuf Télécom constate que France Télécom a modifié sa saisine par le constat d'un désaccord sur le tarif de la terminaison d'appel devant être égal à son tarif intra-CA qui constituerait seul un « niveau acceptable ».

En outre, Neuf Télécom s'étonne du délai accordé par l'Autorité à France Télécom pour transmettre ses observations en réplique, alors que Neuf Télécom, confrontée simultanément à trois saisines de règlement de différend, avait sollicité lors de la réunion de fixation du calendrier un délai pour transmettre ses observations afin de préparer ses arguments, ce qui a été refusé par l'Autorité.

1.2.  A titre subsidiaire, sur la reconnaissance par France Télécom de l'absence d'échec des négociations et ses conséquences

Neuf Télécom renvoie à ses précédentes observations et rappelle que le refus par France Télécom de payer un tarif qui lui a été notifié deux mois auparavant, sans laisser à Neuf Télécom la latitude d’y répondre, ne constitue pas un échec des négociations, contrairement à ce qu'affirme France Télécom.

Le courrier de France Télécom n’est pas suffisant pour fonder la compétence d’attribution de l’Autorité à la date de la saisine et au regard de l’article L. 36-8 II du CPCE.

  • Sur le champ d'application des deux alinéas des articles L. 36-8 I et II du CPCE

Neuf Télécom rappelle que la mise en œuvre d'une obligation ex ante n’est visée qu’à l'article L. 36-8 II du CPCE alors que l'article L. 36-8 I du CPCE est uniquement relatif à des litiges portant essentiellement sur le contenu de convention d'interconnexion ou d'accès.

Neuf Télécom précise en outre que ce qui n’est pas spécifiquement réglementairement encadré s’interprète comme étant une dispute d’ordre largement contractuel. Elle relève alors de l’article L. 36-8 I du CPCE et la possibilité est alors ouverte de demander à l’Autorité de trancher « en équité ». Neuf Télécom explique, en revanche, que, nécessairement, un règlement de différend qui porte sur une obligation réglementaire pose une question plus délicate, dès lors que cette obligation a été imposée et/ou définie par la même instance qui doit trancher le différend : la nature même du contentieux explique que s’applique le régime différent décrit par l’article L. 36-8 II du CPCE. A cet égard, Neuf Télécom précise que, dans l’ancien cadre, la question ne se posait pas en ces termes car l’article L. 36-8 II d’alors n’était applicable qu’à deux situations limitativement énumérées, dont la terminaison d’appel ne faisait pas  partie. Ainsi, la terminaison d’appel n’a jamais relevé « par nature » de l’article L. 36-8 I du CPCE, mais y était plutôt soumise « par défaut ».

Neuf Télécom expose que, si cette répartition entre les articles L. 36-8 I du CPCE et L. 36-8 II  du CPCE ne conduit précisément pas à ce que dénonce France Télécom, elle emporte au moins deux conséquences d’importance :

- les conditions de la saisine de l’Arcep sont plus étroites dans le cadre de l’article L. 36-8 II du CPCE que pour un litige portant sur une « prestation non régulée » relevant de l’article L. 36-8 I du CPCE ;

-  les pouvoirs de l’Autorité au regard d’un litige entrant dans le champ de l’article L. 36-8 II du CPCE ne font pas référence à la possibilité de statuer « en équité ».

  • Sur la différence entre un « échec des négociations » et un « désaccord » et les apports de la pratique décisionnelle de l’Autorité

Selon Neuf  Télécom, la différence posée par le législateur entre « échec  des négociations » et « désaccord » se justifie dès lors que laisser trop largement ouvert le règlement de différend lorsque le litige met en cause le non respect d’une obligation réglementaire est susceptible d’entraîner la mise en cause d’un opérateur dans le cadre d’une procédure de sanction et/ou alternativement de mettre en cause la validité d’une obligation réglementaire parce qu’elle serait trop imprécise.

Ainsi, hors « échec des négociations », les autres types de « désaccords » en ce qu’ils mettent en cause la « substance » de l’obligation relèvent nécessairement des autres procédures disponibles, soit via l’article L. 37-1 du CPCE, soit via l’article L. 36-11 du CPCE. La question du constat d’un « échec des négociations » est ainsi un point fondamental ; son existence doit être impérativement établie pour qu’une saisine mettant en cause une obligation réglementaire ex ante puisse être reçue.

  • Sur l’inexistence d’un « échec des négociations » ou même seulement d’un désaccord au sens de l’article L. 36-8 I du CPCE

Neuf Télécom explique que la seule possibilité pour que l’Autorité puisse entendre la saisine de France Télécom aurait été que celle-ci se place dans le cadre de l’article L. 36-8 II du CPCE et établisse le constat d’un échec des négociations, ce qu’exclut France Télécom elle-même.

Neuf Télécom précise que France Télécom prétend désormais que l’échec des négociations résulterait du fait que :

- Neuf Télécom n’a pas proposé spontanément l’ouverture d’une forme de négociations ;

- en tout état de cause, Neuf Télécom ne semblait pas disposée à négocier ;

-   France Télécom avait indiqué une année auparavant qu’elle estimait que le seul tarif possible était celui de son intra-CA.

Neuf Télécom ne juge aucun de ces arguments comme susceptibles de constituer des preuves qui peuvent établir un échec et encore moins une ouverture de négociations.

1.3.   A titre encore plus subsidiaire, sur le caractère non fondé de la demande de France Télécom d'imposer à Neuf Télécom une méthode de tarification dans le cadre d'un règlement de différend

Neuf Télécom estime que les observations en réplique de France Télécom confirme le caractère infondé de sa demande de fixation d'un plafond tarifaire.

Elle indique que ce n’est pas le recours à l'article L. 36-8 I du CPCE, et la possibilité qu’il donne à l'Autorité de fixer des « conditions équitables », qui explique que l'Arcep ait pu déterminer une méthode et fixer le niveau des terminaisons d'appel d’[...]. De fait, d’ailleurs, la Cour d’appel n’a même pas eu à analyser l’intervention de l’Autorité sur ce point car les parties qui disposaient d’une liberté de méthode avaient, en cours de procédure et pour des raisons qui leur appartiennent, choisi d’aliéner cette liberté et qu’elles ne pouvaient donc plus l’en saisir. Neuf Télécom ajoute que l’idée que l’Autorité puisse, à la demande d’une partie mais sans  accord de l’autre, fixer « en équité » le prix d’une prestation est une interprétation extensive de l’article L. 36-8 I du CPCE.

Neuf Télécom rappelle que la seule voie possible pour définir une obligation réglementaire est l'adoption d'une méthode par opérateur via une modification de la décision n° 05-425 ou le recours à une décision réglementaire sur la base de l'article D. 311-II b.

  • Sur la liberté de méthode et les limites de l'argument tiré de l'existence d'un « pouvoir en équité » dans le cadre de l'article L. 36-8 I du CPCE

Neuf Télécom juge qu’il convient de rappeler qu’en l’absence d’interdiction ou d’obligation expresse, la liberté est la règle : faute d’imposition d’une méthode, par hypothèse, Neuf  Télécom est ainsi libre de s’en doter.

Neuf Télécom renvoie à ses précédentes observations et rappelle que les pouvoirs « en équité », dont dispose l'Autorité dans le cadre de l'article L. 36-8 I du CPCE, n'ont jamais été utilisés par cette dernière comme lui permettant d'imposer une nouvelle méthode sans l'assentiment des deux parties.

Neuf Télécom ajoute que l’intervention de l’Autorité et sa définition d’une méthode résultent uniquement de l’accord donné par les parties dans chacune des décisions pour que l’Arcep « leur choisisse » une nouvelle méthode et « leur fixe » le tarif. Ainsi, l’existence d’une liberté  de méthode, faute de méthode définie, est bien une règle de droit positif qui préexiste au changement réglementaire et lui survit. Contrairement à [...], Neuf Télécom n’entend pas renoncer à sa liberté contractuelle et elle ne demande pas à ce que l’Autorité définisse une telle méthode.

  • Sur la reconnaissance par France Télécom de ce que l'article D. 311 du CPCE impose en effet la publication d'une décision à caractère réglementaire qui ne peut  être adoptée dans le cadre d'un règlement de différend

Neuf Télécom rappelle que l'obligation de ne pas pratiquer des prix excessifs est visée à l'alinéa 4 de l'article L. 38 du CPCE et l'article D. 311 du CPCE y renvoie expressément. Neuf Télécom considère que France Télécom ne peut prétendre que l'article D. 311 du CPCE ne vise

« aucunement les opérateurs liés par la décision n° 05-425 de l’Arcep ». Cet article prévoit    qu’il habilite l'Autorité à préciser, dans le cadre de l'analyse de marché et de la détermination   des obligations qui en découlent, les modalités de celles-ci dans le respect d'une procédure de type réglementaire.

Neuf Télécom souligne que l'Autorité ne peut fixer le « contenu » de l'obligation de ne pas pratiquer des prix excessifs ou en modifier la portée dans le cadre d'un règlement de différend.

Neuf Télécom rappelle que l'Autorité a déjà reconnu dans une décision du 16 novembre  2001 que le fait qu'elle dispose d'un pouvoir réglementaire pour préciser une règle implique qu'elle ne peut l'exercer dans le cadre de l'article L. 36-8 du CPCE.

Neuf Télécom indique rejoindre France Télécom lorsqu'elle note que, si l'article D. 311 du  CPCE est applicable et qu'il faut édicter une méthode, l'Autorité doit aménager la décision n° 05-425 en l'amendant ou en la complétant. Neuf Télécom souligne, en outre, que, […].

Neuf Télécom ajoute que sa méthodologie, fondée, d’une part, sur des  comparaisons de marché, et, d’autre part, sur une méthode de valorisation des coûts utilisant exclusivement les coûts comptables, répond par anticipation à ce que l’Autorité pourrait lui imposer. Cependant, si l’Arcep veut amender ladite méthodologie, ne serait-ce que pour modifier le tarif qui en résulte, sauf accord de Neuf Télécom, cette modification devra intervenir dans le cadre réglementaire, faute de méthode préalable.

Neuf Télécom souligne que chaque opérateur mobile d’un « petit » réseau dispose déjà d’une décision individuelle précisant la manière dont la contrainte de non excessivité sur ses tarifs de terminaison d’appel doit se comprendre : toute autre démarche, notamment vis-à-vis des opérateurs fixes, serait discriminatoire. Ainsi, pour chacun de ces opérateurs, l’Arcep, avant de déterminer les obligations tarifaires applicables, a procédé à la détermination des coûts de référence en établissant à chaque fois les règles de formation et d’allocation des coûts, selon une méthodologie prenant en compte, notamment, l’homogénéité de la technologie mais également leur entrée différée sur le marché.

  • Sur l'impossibilité pour l’Arcep de fixer un tarif qui constituerait une violation de l'article L. 442-6-1 du Code de commerce

Neuf Télécom note qu'il résulte de la saisine déposée par [...] que, par courrier du 20 décembre 2005, « France Télécom a accepté le tarif de [...] centimes d’euro/min à compter du 1er janvier 2006 dans le cadre de l'architecture alternative décrite dans [...] ». Neuf Télécom observe que, dans ce courrier, France Télécom prend l'engagement de ne pas modifier le tarif de détail relatif aux numéros 087B de [...] constituant ainsi une violation de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Neuf Télécom indique que son architecture diffère de celle de [...], mais présente tout de même des points communs.

Neuf Télécom estime que la demande de France Télécom n'est pas liée, de manière intrinsèque, à une architecture donnée. Neuf Télécom indique que le fait que France Télécom souhaite obtenir que son tarif intra-CA constitue un plafond induit que la diversité des infrastructures possibles ne peut affecter cette valeur qu'à la baisse et non à la hausse. Neuf Télécom considère que si l'Autorité accédait à la demande France Télécom elle permettrait à celle-ci de réaliser une pratique discriminatoire interdite par l'article L. 442-6.1 du code de commerce.

II.   A titre infiniment subsidiaire, sur l'absence de pertinence économique des arguments de France Télécom

Neuf Télécom renvoie à ses précédentes observations et constate qu'à l'exception du modèle d'effet de ciseau publié par l'Autorité, aucun des arguments de France Télécom ne repose sur des éléments externes vérifiables et probants, alors que la charge de la preuve revient à France Télécom.

Neuf Télécom indique qu’elle n’a pas fourni son modèle de coûts du fait de l’irrecevabilité manifeste de la saisine et que la protection du secret des affaires ne peut céder qu'en présence d'une obligation légale contraire qui n'existe que lorsque l'offre d'un opérateur est orientée vers les coûts. Neuf Télécom estime qu'elle n'est pas soumise à une telle obligation et la loi ne prévoit pas cette possibilité dans le cas où ne pèse sur l'opérateur qu'une contrainte de « non excessivité » des tarifs.

Neuf Télécom considère que, dès lors que l'Autorité n'a pas cru utile de lancer une consultation sur la détermination d'un tarif public, ni d'engager avec Neuf Télécom un dialogue, confidentiel, lui permettant de connaître sa réalité comptable, celle-ci se voit contrainte de livrer une partie de ses éléments à son concurrent. Neuf Télécom considère que son droit à un procès équitable est violé du fait de l'absence de rejet par l'Autorité de la saisine de France Télécom et se résout à communiquer ses coûts comptables avec leur allocation par blocs fonctionnels afin de réfuter l’argumentation de France Télécom consistant à prétendre que toute augmentation tarifaire révèle un tarif excessif et permet de présumer un mécanisme de « subvention croisée illicite », ce qui n’est pas accepté en droit de la concurrence.

Neuf Télécom souligne que le contrôle tarifaire qui encadre France Télécom et les opérateurs mobiles, qui sont soumis à des obligations réglementaires, telles que l'orientation vers les coûts n'a pas conduit à la publication ni à la communication à des concurrents de tout ou partie de leur comptabilité qui reste protégée par le secret des affaires.

Neuf Télécom demande à l'Autorité, au regard du contexte conjoncturel et de la nature des informations transmises de garantir que les données communiquées ne seront exploitées ni par elle, ni par France Télécom.

2.1.  Sur la cohérence des tarifs de Neuf Télécom avec le niveau de ses coûts

Neuf Télécom souligne que, contrairement à ce qu'affirme France Télécom, elle ne prend en compte que les investissements pertinents relatifs à sa prestation de terminaison d'appel. Neuf Télécom indique qu'elle ne revendique que la possibilité de couvrir ses coûts comptables et de réaliser une marge raisonnable.

  • Sur le préalable de la vérification des coûts comptables de Neuf Télécom

Neuf Télécom rappelle que la décision « Electricité de Strasbourg » indique qu'aucun tarif excessif ne peut être constaté lorsque les tarifs en cause sont de nature à couvrir les coûts du service et qu’appréhender le rapport entre les coûts d’un service et son tarif est un préalable à toute réflexion sur l’existence d’un tarif excessif. […]

[…]

  • Les principes suivis par Neuf Télécom pour vérifier que son tarif reste inférieur à ses coûts

[…] Neuf Télécom considère qu'elle a suivi les principes de comptabilité réglementaire des opérateurs et notamment ceux fixés par l'Autorité dans sa décision de 1998. Neuf Télécom estime que son analyse respecte les principes comptables de pertinence, d'efficacité économique, de non- discrimination et de causalité. Neuf Télécom souligne que l'analyse des coûts permet d'établir la valeur économique de la prestation de terminaison d'appel par une analyse des coûts causés, directement ou indirectement, par la production du service.

Neuf Télécom indique qu'elle a validé le niveau de sa terminaison d'appel par rapport à ses coûts comptables historiques sur un périmètre de coûts pertinents pour les années 2004 et 2005, à ses coûts prévisionnels pour les années 2006 et 2007, en allouant ses coûts à des blocs fonctionnels pertinents pour les services, en fonction des clés de répartition prenant en compte l’usage du réseau par les services, et en intégrant une rémunération du patrimoine net, selon la méthode usuelle, en substitution aux frais financiers pour prendre en compte le coût d'opportunité des capitaux investis.

Neuf Télécom précise que les coûts identifiés ont été affectés en fonction de ce qui les cause en ayant recours à des données qui sont issues de la comptabilité patrimoniale ou analytique du groupe et des systèmes d'information de gestion du réseau, ce dans un souci de traçabilité optimale. Neuf Télécom transmet dans son mémoire la méthode qu'elle a appliquée avec le périmètre des coûts intégrés dans le modèle, les durées d'amortissement, les années de référence, l'architecture technique, suivie d'une description détaillée du modèle.

Au vu de ces éléments, Neuf Télécom souligne que l'analyse des coûts montre que son tarif n'est pas excessif, mais de fait raisonnable au regard des tarifs pratiqués sur le marché français. Neuf Télécom indique qu'un positionnement opéré en fonction des coûts, avec une marge de [...] %, légitime pour Neuf Cégétel, aurait conduit à un tarif moyen de [...] centimes d’euro/min en 2005 sur trois ans.

Neuf Télécom considère qu'une baisse du tarif de terminaison d'appel de Neuf Cégétel conduirait à placer cette dernière en situation d'iniquité face à France Télécom, dès lors que :

- France Télécom dispose d'une garantie totale de la part du régulateur de ne pas perdre d'argent sur sa prestation, via son obligation d’orientation des tarifs vers les coûts ;

- imposer à Neuf Cégétel une tarification inférieure au niveau actuel reviendrait à la maintenir dans une situation durable de déficit, alors que France Télécom est assurée de rentabiliser cette activité et de tirer des profits de son abonnement téléphonique qui ne peut être concurrencé.

2.2.  Sur les affirmations erronées de France Télécom en ce qui concerne les coûts de Neuf Télécom

  • Sur l'absence de pertinence du modèle d'effet de ciseau pour évaluer les coûts de terminaison d'appel de Neuf Télécom

Neuf Télécom indique que le modèle d’effet de ciseau tarifaire de l’Arcep dont fait usage France Télécom n'a pas été conçu pour imposer aux opérateurs une contrainte de non excessivité sur leurs tarifs de terminaison d'appel, mais pour vérifier si les tarifs de détail de France Télécom ne constituent pas des tarifs d'éviction vis-à-vis des opérateurs qui s'appuient sur les prestations de gros de France Télécom, essentiellement en présélection.

Neuf Télécom estime ainsi que France Télécom détourne le modèle de l’Arcep par ses calculs aboutissant à un coût de terminaison d’appel de […] centime d’euro/min.

Neuf Télécom ajoute que ce modèle ne prétend en aucune manière décrire la situation d’un opérateur de boucle locale ayant investi dans un réseau capillaire et assurant une terminaison d’appel via une architecture sensiblement différente de celle prise en compte par le modèle et sur des infrastructures associant des réseaux commutés TDM et des réseaux IP. En outre, Neuf Télécom insiste également sur le fait que les données sont soit extraites du modèle, mais très spécifiques car décrivant le marché des grandes entreprises, soit non adaptées à l’architecture et aux volumes de Neuf Télécom.

S'agissant du coût de collecte, Neuf Télécom estime que France Télécom ne mentionne pas que ce coût représente le cas très particulier des raccordements de grands sites entreprises qui ne peuvent être généralisés aux coûts de collecte de Neuf Télécom.

Tout en indiquant ne pas souscrire à l’utilisation de France Télécom d’un calcul dont la finalité initiale était bel et bien de modéliser un coût de collecte, Neuf Télécom ajoute qu’en appliquant ce mode de calcul sur le segment résidentiel, les résultats seraient différents.

Neuf Télécom indique qu'en considérant un coût du dégroupage total de [...] euros/mois et un revenu équivalent à celui de l'abonnement de France Télécom, on obtient un différentiel de [...] euros HT/mois. Neuf Télécom précise que, ramené au volume de communications transportées par accès résidentiel on obtient un coût de collecte de [...] centimes d’euro/min, constituant un minorant.

  • Sur le postulat (erroné) de France Télécom selon lequel les coûts de terminaison d'appel de Neuf Télécom seraient inférieurs à ceux de France Télécom

Neuf Télécom souligne que, contrairement à France Télécom qui dispose d’une infrastructure d’acheminement TDM largement financée par l’abonnement et les communications et amortie significativement, Neuf Cégétel a récemment investi dans des infrastructures de transport en IP et déployé cette infrastructure IP pour connecter ses DSLAM et permettre l'acheminement des appels jusqu'à leur destination. […]

Neuf Télécom estime qu'on ne peut pas comparer les flux transitant chez Neuf Cégétel avec ceux de France Télécom sans prendre en compte l'auto-consommation de France Télécom qui contribue aux économies d'échelle dont elle bénéficie.

  • Sur l'impact relatif de la terminaison d'appel de Neuf Télécom

Neuf Télécom note que France Télécom accepte de verser sans contestation un montant de plus de [...] millions d’euros aux opérateurs mobiles pour leur seule prestation de terminaison d'appel, alors que, dans le même temps, elle affirme que [...] % de ce montant met en danger le secteur.

2.3.  Sur les allégations « d'effet distorsif » de concurrence

Neuf Télécom constate qu'en invoquant un « effet distorsif » de concurrence des tarifs de Neuf Télécom, France Télécom ne fait que recycler des éléments qu'elle avait produit dans le cadre de sa réponse à la consultation de l'Autorité et qui n’avaient pas convaincu cette dernière.

  • Sur l'impossibilité de considérer […]

Neuf Télécom souligne qu'elle n'a pu subventionner aucune prestation de gros ou de détail par les revenus de terminaison d'appel, […].

Neuf Télécom rappelle que la comparaison des revenus de terminaison d'appel aux CAPEX d'un opérateur est pertinente, dans la mesure où elle vise à estimer comment les revenus d’une prestation, liée à la nature même de l’activité de la société observée, contribuent à l’effort global d’investissement de celle-ci, ce dans un contexte capitalistique.

  • Neuf Télécom n'est pas en mesure de peser sur le marché de détail par son niveau de terminaison d'appel

Neuf Télécom dénonce les erreurs méthodologiques de France Télécom.

Neuf Télécom indique que les prix actuellement pratiqués sur le marché de détail ne reflètent pas un « prix concurrentiel » qu'il conviendrait de protéger et que Neuf Télécom n’est pas en mesure de créer une distorsion sur le marché de détail résidentiel. Neuf Télécom constate qu'en maintenant un ciseau tarifaire entre le coût du dégroupage total et le tarif de l'abonnement, France Télécom interdit aux opérateurs d'adresser en raccordement direct deux tiers des lignes dégroupables, celles dont les clients n’ont souscrit qu’une offre de téléphonie seule. Neuf Télécom estime que cette situation est préjudiciable au développement économique des opérateurs qui les empêche d'atteindre une taille critique et conduit à une concurrence acharnée des opérateurs sur le seul tiers des lignes multiplay : la situation de monopole de France Télécom sur l’abonnement est un élément de distorsion majeure de la situation concurrentielle.

Neuf Télécom souligne que la baisse des tarifs sur le marché de détail oblige les opérateurs à diminuer leurs marges, alors que France Télécom finance cette baisse par une augmentation du prix de l'abonnement sur lequel elle est en monopole et qui lui génère des revenus dont ne disposent pas ses concurrents.

  • Sur l'inexistence d'un quelconque effet de levier de la terminaison d'appel à des fins de concurrence sur le marché de détail résidentiel

Neuf Télécom souligne que les observations de France Télécom quant au fait que les services DSL commercialisés par les opérateurs seraient rentables, de façon immédiate, malgré le niveau de terminaison d'appel prétendument élevé demandé par Neuf Télécom en 2006 sont infondées. Neuf Télécom indique à l’inverse que le développement des offres triple play témoigne de l'absence d'espace économique suffisant permettant aux OBL de se positionner sur le marché de l'accès et du départ d'appel. Ils ne peuvent proposer que des offres triple play leur interdisant d'adresser environ deux tiers du marché.

Neuf Télécom indique qu'elle doit commercialiser ses services de téléphonie en les couplant avec des prestations d'accès à Internet, de télévision et différents services innovants ce qui est également le cas de [...]. Neuf Télécom souligne qu'elle pratique des tarifs supérieurs à ceux de [...] : [...] TTC par mois pour un périmètre identique et [...] euros TTC par mois sans la télévision. Neuf Télécom précise que les ARPU moyens de [...] et de Neuf Télécom sont donc équivalents, de l'ordre de [...] euros HT/mois.

Neuf Télécom explique que, lorsque France Télécom compare le montant collecté, selon elle, par Neuf Télécom et Cégétel dans le cadre de leurs offres avec la somme qu’elle pourrait escompter (respectivement [...] euros/mois contre [...] euros/mois), elle part d’une hypothèse d’équilibre entre appels entrants et sortants pour Neuf Cégétel. Neuf Télécom souligne que cette hypothèse d’équilibre donne une vision erronée du niveau des revenus engendrés pour Neuf Télécom, dans la mesure où le nombre d’appels sortants est tout à fait supérieur aux appels entrants, et ce dans une proportion de deux tiers/un tiers ([...] minutes sortantes pour [...] minutes entrantes).

Neuf Télécom souhaite attirer l'attention de l'Autorité sur le fait que ses tarifs de communications sortantes sont identiques sur les accès en dégroupage partiel ou ADSL de France Télécom et sur les accès en dégroupage total. Neuf Télécom considère qu'elle ne peut être accusée de financer ses communications sortantes par les revenus de la terminaison d'appel, puisque les tarifs des accès sur lesquels elle perçoit cette terminaison d'appel ne sont pas inférieurs.

Neuf Télécom indique ainsi qu’il ne peut là non plus s’agir d’une stratégie de conquête de parts de marché « sauvage » comme le prétend France Télécom.

Neuf Télécom indique qu'elle s'inscrit dans une logique de diminution de son tarif de terminaison d'appel dans le temps et considère qu'on ne peut prétendre qu'il s'agit de comportements anti- concurrentiels de nature à perturber gravement le fonctionnement du marché.

Neuf Télécom souligne qu'une baisse symétrique de [...] % de ses revenus de communications sortantes représente une perte de chiffre d'affaires de près de [...] millions d’euros sur une année pleine sans diminution de coûts en contrepartie.

  • Neuf Télécom n'est pas en mesure de créer une distorsion sur le marché de détail non résidentiel

Neuf Télécom dénonce le procédé de France Télécom visant à ne citer comme exemples de tarifs de détail de Neuf Télécom que les tarifs proposés à [...].

A ce titre, Neuf Télécom a tenu à souligner les points contextuels suivants qui caractérisent le marché entreprises :

- moins de [...] sites entreprises à fin 2005 bénéficient d’un raccordement direct utilisé pour une offre voix avec Neuf Cégétel ;

- les clients, du fait de volume que représentent leurs demandes, disposent d’un très fort pouvoir de négociation, dans un contexte de forte pression concurrentielle ;

- la volonté d’obtenir une première référence client afin de pouvoir disposer ensuite d’autres marchés, notamment sur le DSL, ou tout simplement de conserver un client existant ;

- enfin, une mauvaise qualité du dégroupage total qui nécessite un niveau de remise important pour convaincre un client grand compte.

Neuf Télécom souligne, s’agissant des clients [...] et [...], qu’ils ont une offre double : sur ces deux exemples, Neuf Télécom n’est pas en mesure d’adresser tous les sites de ces clients en raccordement direct, ce principalement du fait de l’inefficacité économique d’un raccordement direct pour fournir la voix seule au segment entreprise sur l’ensemble du territoire national. Aussi, Neuf Télécom, pour conquérir des parts de marché entreprise, s’appuie sur une répartition des revenus de détail entre raccordement direct et présélection. Elle souligne que Neuf Cégétel réalisera en 2006, sur ce marché de détail non résidentiel, environ [...] % de son activité voix via des offres de présélection et seulement [...] % par des offres directes.

Neuf Télécom précise que, la part de marché sur le marché de détail des communications sortantes de Neuf Cégétel étant de [...] %, cela signifie que les offres de voix directes de Neuf Cégétel ne concernent au maximum que [...] % du marché total confirmant que Neuf Télécom ne dispose pas de leviers lui permettant d'agir sur les prix de détail de ce marché.

Neuf Télécom, dans ces conditions, juge la tentative de France Télécom de baisser son niveau de terminaison d’appel de l’ordre de [...] millions d’euros en 2006 comme une tentative d’étouffer la concurrence.

Pour ces motifs, Neuf Télécom demande à l'Autorité de déclarer la saisine de France Télécom irrecevable. A titre subsidiaire de la déclarer infondée en tous points et en conséquence de rejeter la saisine de France Télécom.

Vu le courrier de la société Neuf Télécom enregistré le 5 avril 2006 complétant les observations susvisées ;

Vu le courrier de l'adjoint au chef du service juridique en date du 7 avril 2006 adressé aux parties leur transmettant un questionnaire des rapporteurs et fixant au 24 avril 2006 la clôture des réponses ;

Vu le courrier de la société Neuf Télécom enregistré le 10 avril 2006 souhaitant un délai pour transmettre ses réponses au questionnaire des rapporteurs ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 14 avril 2006 relatif à la pièce susvisée ;

Vu les réponses des parties au questionnaire des rapporteurs, enregistrées le 2 mai 2006;

Vu la lettre du chef du service juridique en date du 2 mai 2006 convoquant les parties à une audience devant le collège le 16 mai 2006 ;

Vu le courrier de la société Neuf Télécom enregistré le 5 mai 2006 relatif à la réponse de France Télécom au questionnaire des rapporteurs ;

I.  Sur les appels d'offres

S'agissant du marché public de [...], Neuf Télécom demande à l'Autorité de rejeter l'ensemble des arguments évoqués par France Télécom et rappelle que les tarifs de terminaison d'appel de 2005 et 2006 se situaient hors du champ de cet appel d'offres.

S'agissant de l'appel d'offres émis par [...], Neuf Télécom estime que l'exclusion de France Télécom de cet appel d'offres ne peut s'expliquer par le niveau de terminaison d'appel de Neuf Télécom ni par celui des terminaisons d'appel des autres sollicitants, sauf à considérer que les terminaisons d'appel des [...] autres opérateurs retenus par [...] étaient excessives. Neuf Télécom demande donc à l'Autorité de rejeter les arguments évoqués par France Télécom.

II.   Architecture de réseau

Sur la volumétrie des flux dans le réseau, Neuf Télécom constate que France Télécom produit sans justificatif des ratios d'usage d'une sous partie de son réseau qui ne peuvent être utilisés pour être appliqués au modèle de coûts développé par Neuf Télécom.

Neuf Télécom rappelle que le débat sur la définition de nouvelles règles d'allocation des coûts a déjà été ouvert par l'Autorité fin 2005. Neuf Télécom estime que cette question ne peut être tranchée dans le cadre d'un règlement de différend sur un segment de marché tel que celui de la terminaison d'appel et des marchés de détail et de gros.

Neuf Télécom souligne que les valeurs inscrites dans son modèle sont des valeurs constatées résultant de choix d'ingénierie objectifs, cohérents avec sa position en qualité d'opérateur nouvel entrant.

III.   Sur la prise en compte d'un « effet de retard »

Neuf Télécom rappelle que la double architecture TDM et IP est nécessaire pour réduire et mutualiser le nombre d'équipements et de capacités permettant de collecter l'ensemble des flux issus des utilisateurs finals, grâce à l'utilisation du protocole IP. Neuf Télécom souligne que cette architecture entraîne des surcoûts temporaires pour les opérateurs car elle nécessite le maintien en doublon d'une infrastructure TDM.

Neuf Télécom considère choquant que France Télécom ramène les [...] Gmin aux seuls [...] commutateurs ouverts à l'interconnexion de Neuf Télécom puisque le transport de ces flux nécessite un réseau aussi capillaire que celui de France Télécom couvrant l'ensemble des CAA. Neuf Télécom souligne que le ratio de flux qu'elle transporte par CAA serait inférieur à [...] Gmin, à comparer au ratio de [...] Gmin pour France Télécom à investissement en infrastructures passives de collecte équivalent.

IV.  Taux de rémunération du capital

Neuf Télécom souligne qu'elle ne gère que les flux entrants que des clients ayant souscrit une offre de dégroupage total comprenant le service de téléphonie. Neuf Télécom estime donc que les revenus entrants ne sont pas sécurisés puisque avec la mise en œuvre de la portabilité, les clients peuvent choisir un autre opérateur pour leur service téléphonique.

Neuf Télécom indique qu'elle doit anticiper sur l'évolution de ses revenus de terminaison d'appel en prenant un risque important, celui que les volumes anticipés ne soient jamais constatés et qu'elle continue à supporter des pertes.

V.  Modélisation de France Télécom

Neuf Télécom émet des réserves sur les réponses apportées par France Télécom et conteste le coût moyen calculé par France Télécom pour chacun de ces kilomètres supplémentaires qu'elle fixe à [...] euros/m, soit un montant identique à celui pris en compte par l'Autorité pour le cran d'extension inférieur. Neuf Télécom considère que cette hypothèse ne peut être retenue.

VI.   Modélisation de coûts donnée par Neuf Télécom

Neuf Télécom rappelle qu'elle n'a aucune obligation de justifier ses coûts vis-à-vis de France Télécom et n'est pas astreinte à tenir une comptabilité réglementaire et qu'aucune méthode de non excessivité ne lui a été imposée. Neuf Télécom demande à l'Autorité de rejeter l'ensemble des arguments développés par France Télécom.

Sur le rappel de France Télécom de la décision n° 03-701 de l'Autorité, Neuf Télécom souligne que toute référence à l'arbitrage [...] n'est pas pertinente dans la mesure où le cadre réglementaire a été modifié depuis.

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 5 mai 2006 relatif à la réponse de Neuf Télécom au questionnaire des rapporteurs ;

 

I.  Sur les appels d'offres

S'agissant des appels d'offres [...] et [...], France Télécom rappelle que ces deux appels d'offres démontrent la pratique de subventionnement par Neuf Télécom de ses appels sortants par sa terminaison d'appel, ce que France Télécom ne peut faire.

II.   Sur la fourniture et l'achat de terminaison d'appel

France Télécom souligne que contrairement à ce qu'indique Neuf Télécom, celle-ci est directement interconnectée avec [...].

III.   Sur la longueur du réseau de Neuf Télécom

France Télécom indique que selon le principe de calcul de coûts efficaces qui doit s'appliquer, seule la longueur d'infrastructure efficace doit être retenue, soit [...] km moins [...] km. France Télécom souligne qu'elle ne doit pas se trouver en situation de subventionner la partie de réseau inefficace de Neuf Cégétel.

France Télécom précise que le coût unitaire de ce réseau est à comparer à la référence de coûts unitaires de transmission au kilomètre fournit par l'Autorité, dans son avis en 2005, sur les tarifs TDSL, démontrant un rapport de [...] entre les coûts avancés par Neuf Télécom et ceux issus du modèle de l'Autorité.

IV.   Sur les effets volumes et la mutualisation

France Télécom renvoie à ses précédentes observations.

Sur les éléments de commutation, France Télécom souligne que les commutateurs de Neuf Cégétel écoulent près de [...] Gmin par an à comparer à [...] Gmin par commutateur sur le réseau de France Télécom.

Sur les éléments de transmission, France Télécom indique que Neuf Cégétel dessert [...] clients par kilomètre d'infrastructure déployée ce qui est [...] supérieur au ratio équivalent pour France Télécom.

V.  Sur le taux de rémunération du patrimoine

France Télécom souligne que contrairement à ce qu'indique Neuf Télécom, ce qui est en jeu n'est pas la rémunération de l'activité d'un opérateur alternatif dans son ensemble mais celle du patrimoine utilisé par la terminaison d'appel sur laquelle Neuf Télécom dispose d'un pouvoir de marché et peut donc investir sans risque dans ce patrimoine.

VI.  Sur le taux de progrès technique

France Télécom précise que le coût unitaire de génie civil par Mbit/s de transmission a profité directement du progrès technique des équipements.

Vu le courrier de la société Neuf Télécom enregistré le 12 mai 2006 souhaitant que l'audience devant le collège du 16 mai 2006 ne soit pas publique ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 12 mai 2006 souhaitant que l'audience devant le collège du 16 mai 2006 ne soit pas publique ;

Après avoir entendu le 16 mai 2006, lors de l'audience devant le collège (composé de M. Paul Champsaur, président, de Mmes Gabrielle Gauthey, Joëlle Toledano, et de MM. Edouard Bridoux, Michel Feneyrol) :

- le rapport de M. Christophe Cousin, rapporteur, présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de MM. Eric Debroeck et Gabriel Lluch pour la société France Télécom

;

- les observations de Maître Olivier Fréget, Cabinet Allen & Overy, de M. Michel Paulin pour la société Neuf Télécom ;

En présence de :

- MM. Olivier Ondet, Marc Lebourges, Philippe Beguin, pour la société France Télécom ;

- Mmes Anne de Cadaran, Anne Barbarin, M. Olivier Jacquinot, Cabinet Progressus, Maître Fleur Herrenschmidt, Cabinet Allen & Overy ;

- M. Philippe Distler, directeur général, M. François Lions, directeur général adjoint, Mmes Joëlle Adda, Christine Galliard, MM. Pierre-Edouard de la Roncière, Henry-Pierre Melone, Benoît Loutrel, Ari Bibas, Grégoire Weigel, agents de l'Autorité ;

Le collège (MM. Paul Champsaur, Edouard Bridoux, Michel Feneyrol, et Mmes Gabrielle Gauthey, Joëlle Toledano) en ayant délibéré le 30 mai 2006, hors la présence du rapporteur, des rapporteurs adjoints et des agents de l'Autorité ;

Adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après.

I.           Sur la régularité de la procédure

En application des dispositions de l’article 11 du Règlement intérieur de l’Autorité, les parties se sont réunies à l’invitation du Chef du Service juridique le 15 février 2006 pour établir le calendrier de procédure prévisionnel fixant les dates de production des observations des sociétés Neuf Télécom et France Télécom.

Au cours de ces échanges, les parties ont cependant pu contester la régularité du déroulement de la procédure d’instruction en invoquant tour à tour l’atteinte portée aux garanties qui entourent les principes relatifs au procès équitable.

I.1. La position avancée par Neuf Télécom

Par une lettre du 22 mars 2006, France Télécom a fait connaître son souhait d’obtenir un report de deux jours pour la production de ses secondes observations.

Dans sa réponse en date du 22 mars, l’Autorité a accepté de proroger de quarante-huit heures le délai initial tout en veillant à ce que Neuf Télécom bénéficie également, conformément aux principes du procès équitable et du respect des droits de la défense, d’un report identique de deux jours pour déposer son dernier mémoire en défense.

Pour autant, la société Neuf Télécom a contesté, dans un courrier du 24 mars 2006, la légitimité de ce report en indiquant que, loin d’assurer le caractère équitable de la procédure, le délai supplémentaire qui lui était octroyé rendait plus difficile les conditions d’exercice des droits de la défense.

L’opérateur mettait en avant le fait qu’il se trouvait concomitamment partie à deux autres instances sur les mêmes questions de la terminaison d’appel et pour lesquelles les délais de production des différents mémoires s’échelonnaient à des dates assez rapprochées.

La société Neuf Télécom constatait alors qu’en raison du report accordée dans l’instance concernant le présent litige, les dates de dépôt des écritures pour l’ensemble des instances considérées l’obligeaient à rendre ses écritures entre le 3 et le 4 avril 2006. Il était alors soutenu qu’une telle proximité entre les dates engendrait nécessairement une atteinte aux principes du procès équitable puisqu’il lui était imposé de répondre à trois parties dans un laps de temps très court.

Le Chef du Service juridique a cependant adressé au conseil de Neuf Télécom une lettre datée  du 31 mars 2006 par laquelle il était rappelé la préoccupation première visant à garantir aux opérateurs les conditions d’un examen impartial de leur situation en combinant les exigences relatives aux droits de la défense et celles relatives à l’obligation pour l’Autorité de statuer dans le délai de principe de quatre mois conformément aux prescriptions de l’article R. 11-1 du CPCE.

Etant donné que les conditions favorables d’une prorogation de délai accordée à France Télécom ont été étendues, dans la même mesure, au bénéfice de la société Neuf Télécom, l’Autorité considère que les droits de la défense ont été scrupuleusement respectés de telle sorte que l’opérateur défendeur a pu bénéficier d’un report d’échéance identique pour lui permettre de produire à son tour ses observations.

Par conséquent, il ne saurait être reproché à l’Autorité une quelconque atteinte aux obligations processuelles visant à garantir l’équité et le respect des droits de la défense.

I.2.                    La position avancée par France Télécom

Par lettre en date du 10 avril 2006, la société Neuf Télécom a demandé au Chef du Service juridique de lui accorder un délai de 9 jours pour lui permettre d’exposer ses arguments dans le cadre du questionnaire envoyé par les rapporteurs le 7 avril et fixant la date d’envoi des réponses au 24 avril.

Conformément aux prescriptions du Règlement intérieur de l’Autorité, l’Adjoint du Chef du Service juridique a pu, par un courrier du 11 avril, accorder un report d’échéance jusqu’au 2 mai 2006, soit une prorogation de délai de 6 jours ouvrés.

Le 13 avril, la société France Télécom a indiqué par courrier qu’elle s’étonnait de la réponse favorable donnée par le représentant du Service juridique à la demande de la société Neuf Télécom. L’opérateur entendait mettre en garde l’Autorité contre toute atteinte à l’impartialité des débats.

Le report accordé par l’Adjoint du Chef du Service juridique dans le présent litige entraînait un décalage dans l’ordre de réception des différentes réponses aux questionnaires concernant les trois instances traitant de la terminaison d’appel.

Par suite, l’opérateur s’inquiétait du fait que les réponses apportées par Neuf Télécom aux autres questionnaires parviennent aux rapporteurs avant celles concernant le litige qui l’occupe. Dans ces conditions, France Télécom y voyait un risque d’influence sur les conditions de l’examen de sa cause.

Le 18 avril, le Chef du Service juridique a cependant rappelé qu’il convenait, d’une part de distinguer les différentes procédures de règlement de litige instruites devant l’Autorité et qu’il n’était pas contestable d’autre part, que l’accueil favorable qui avait été réservé à la demande de Neuf Télécom s’était immédiatement traduit par l’octroi du même délai supplémentaire au bénéfice de France Télécom.

Par voie de conséquence, il ne saurait être reproché à l’Autorité d’avoir porté une quelconque atteinte au droit fondamental du procès équitable et à l’égalité des armes entre les parties à l’instance.

II.        Sur la compétence de l’Autorité au titre de l’article L. 36-8 I

Dans ses écritures en défense, la société Neuf Télécom invoque en premier lieu l’irrecevabilité de la saisine de France Télécom en faisant valoir que l’Autorité serait incompétente pour statuer sur le présent litige, eu égard aux dispositions des articles L. 36-8 I et L. 36-8 II du CPCE.

L’article L. 36-8 I dispose que « en cas de refus d'accès ou d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de communications électroniques, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties. L'autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations et, le cas échéant, procédé à des consultations techniques, économiques ou juridiques, ou expertises respectant le secret de l'instruction du litige dans les conditions prévues par le présent code. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés (…) »

Quant à l’article L. 36-8 II du CPCE, il prévoit que « en cas d'échec des négociations commerciales, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut également être saisie des différends relatifs à la mise en oeuvre des obligations des opérateurs prévues par le présent titre, ainsi que celles du chapitre III du titre II, notamment ceux portant sur :

1º  Les possibilités et les conditions d'une utilisation partagée entre opérateurs, prévue à l'article L. 47, d'installations existantes situées sur le domaine public et, prévue à l'article L. 48, d'installations existantes situées sur une propriété privée ;

2º Les conditions techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés prévue  à  l'article L. 34 ;

2º bis La conclusion ou l'exécution de la convention d'itinérance locale prévue à l'article L. 34-8- 1 ;

3º Les conditions de la mise en conformité, prévue par le dernier alinéa de l'article L. 34-4, des conventions comportant des clauses excluant ou restreignant la fourniture de services de communications électroniques sur les réseaux mentionnés au premier alinéa dudit article ;

4º Les conditions techniques et tarifaires d'exercice d'une activité d'opérateur de communications électroniques ou d'établissement, de mise à disposition ou de partage des réseaux et infrastructures de communications électroniques visés à l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales.

Elle se prononce sur ces différends dans les conditions de forme et de procédure prévues au I. En outre, elle procède à une consultation publique de toutes les parties intéressées avant toute décision imposant l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées au 1º ».

II.1. Sur la fin de non recevoir opposée à toute saisine intervenue sur le fondement juridique des dispositions de l’article L. 36-8 I du CPCE

Etant donné que l’obligation de pratiquer des tarifs non excessifs a été imposée par l’Autorité dans le cadre de la décision n° 05-0425 du 27 septembre 2005 précitée, la société Neuf Télécom considère que la base légale permettant de saisir l’Autorité d’un litige relatif à cette obligation doit être recherchée dans les seules dispositions de l’article L. 36-8 II du CPCE, au motif que les dispositions de cet article indiquent que « en cas d’échec des négociations commerciales, l’Autorité (…) peut également être saisie des différends relatifs à la mise en œuvre des obligations des opérateurs prévues par le présent titre (…) ».

En tant que cette rédaction, adoptée à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle1, fait référence à « la mise en œuvre des obligations des opérateurs », Neuf Télécom soutient que seul, l’article L. 36-8 II du code permettrait au régulateur de connaître des litiges nés de la mise en œuvre des obligations réglementaires imposées aux opérateurs à l’issue de la procédure d’analyse des marchés prévue aux articles L. 37-1 et L. 38 du CPCE.

Dans ses écritures, Neuf Télécom en déduit que tout litige lié à une obligation tirée de l’analyse des marchés pertinents du secteur des communications électroniques devrait nécessairement relever du cadre juridique spécifique institué par l’article L. 36-8 II du CPCE.

Dès lors, aucun opérateur ne pourrait être en mesure de saisir l’Autorité sans avoir rempli au préalable la condition de l’« échec des négociations commerciales » imposée par cet article. Or, la société Neuf Télécom souligne que France Télécom ne peut se prévaloir d’aucune situation d’échec des négociations puisque les deux opérateurs n’ont pas engagé, sur ce point, de pourparlers commerciaux.

Cependant, le moyen sera écarté dans le mesure où la lecture stricte des dispositions de l’article L. 36-8 I du CPCE permet d’établir avec certitude la compétence matérielle de l’Autorité.

En outre, le recours aux travaux parlementaires vérifie en la matière la compétence de l’Autorité en soulignant le lien juridique entre la prestation de terminaison d’appel et la notion d’interconnexion.

II.1.1.         La lecture stricte des dispositions claires de l’article L. 36-8 I du code

L’article L. 36-8 I du CPCE dispose notamment qu’ « en cas de refus d’accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau de communications électroniques, l’Autorité (…) peut être saisie du différend par l’une ou l’autre des parties ».

Conformément aux principes posés par la jurisprudence qui imposent, lorsque la rédaction du texte est suffisamment claire, d’appliquer littéralement ses dispositions2, il ressort de la lecture de l’article L. 36-8 I du code que l’Autorité est tenue d’exercer sa compétence de règlement de litige dans trois cas distincts :

  • le refus d’accès ou d’interconnexion ;
  • l’échec des négociations commerciales ;
  • le désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès.

Cette liste désigne alternativement trois hypothèses de compétence propre dont chacune suffit à fonder en droit l’intervention de l’Autorité. S’agissant de la terminaison d’appel, les circonstances de l’espèce révèlent que les sociétés France Télécom et Neuf Télécom se trouvent en situation de désaccord sur les conditions mêmes de l’« exécution d’une convention d’interconnexion ».

En effet, au regard des pièces du dossier, ce désaccord est révélé par la contradiction qui existe entre la position exprimée par France Télécom le 22 mars 2005 lors de sa contribution à la consultation publique relative à l’analyse du marché de la terminaison d’appel – dans le cadre de laquelle l’opérateur indiquait qu’un tarif de terminaison d’appel supérieur à l’intra-CA « pourrait être considéré comme a priori excessif » – et la notification des tarifs de Neuf Télécom dont le niveau est substantiellement plus élevé que celui préconisé par France Télécom.

Surtout, le désaccord a été matérialisé par la lettre de France Télécom, envoyée à son concurrent le 31 janvier 2006, en tant qu’elle souligne une opposition avec l’approche retenue par Neuf Télécom à la fois dans la lettre du 18 novembre 2005, par laquelle l’opérateur notifie son futur prix de terminaison d’appel à 1,882 centimes d’euros/min, puis confirmé dans le courrier de contestation de la facture du 16 janvier 2006 au terme de laquelle Neuf Télécom réclamait le paiement d’une composante (les BPN) de la prestation de terminaison d’appel pour le mois de janvier.

Si le désaccord existe, il doit encore porter, au sens de l’article L. 36-8 susmentionné, sur « l’exécution d’une convention d’accès ou d’interconnexion ».

L’article L. 32 9° du CPCE précise que la relation d’interconnexion se caractérise par « la liaison physique et logique des réseaux ouverts au public exploités par le même opérateur ou un opérateur différent, afin de permettre aux utilisateurs d’un opérateur de communiquer avec les utilisateurs du même opérateur ou d’un autre, ou bien d’accéder aux services fournis par un autre opérateur. (…) ».

Par suite, la prestation de terminaison d’appel de Neuf Télécom, en tant qu’elle permet précisément aux abonnés de France Télécom d’acheminer les communications de ses abonnés jusqu’aux abonnés de Neuf Télécom, est une prestation d’interconnexion au sens de cet article. Les parties ont d’ailleurs confirmé, en réponse au questionnaire des rapporteurs, avoir signé une convention d’interconnexion en précisant les modalités techniques et financières.

En conséquence, dans la mesure où le litige touche aux conditions financières de la facturation par Neuf Télécom de la terminaison des appels en provenance du réseau de France Télécom, il n’est pas contestable que l’affrontement des parties caractérise, au sens des dispositions de l’article L. 36-8 I du code, un désaccord portant effectivement sur l’exécution d’une convention d’interconnexion.

Cette interprétation tirée d’une stricte lecture des dispositions du code est en outre confirmée par l’examen des travaux parlementaires et des textes dont l’article L. 36-8 assure la transposition.

II.1.2.         Le recours aux travaux parlementaires

Conformément à la méthode préconisée par la jurisprudence, l’Autorité peut se reporter aux travaux parlementaires pour déterminer s’il convient de borner sa compétence de règlement de différend, relativement aux obligations nées de l’analyse des marchés, au seul périmètre de l’article L. 36-8 II du CPCE.

Au cours des discussions liées à l’adoption de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 précitée, il ressort du Rapport de M. Trassy-Paillogues que les dispositions du II de l’article L. 36-8 ont eu pour objet de définir « le champ d’intervention de [l’Autorité] en matière de règlement des différends en dehors des domaines de l’interconnexion et de l’accès (…) la nouvelle rédaction vise donc des cas particuliers de compétence »3.

Il convenait en effet  de  transposer l’article 20 de la directive « Cadre »4 en vertu duquel, « lorsqu’un litige survient, en ce qui concerne des obligations découlant de la présente directive ou des directives particulières, entre des entreprises assurant la fourniture de réseaux ou de services de communications électroniques dans un seul Etat membre » le régulateur prend « une décision contraignante afin de résoudre le litige ». Cet article institue donc une procédure de règlement de différend dont le champ d’application est plus large que celui prévu dans l’ancien cadre. Il prévoit en effet que le régulateur peut être saisi de tout litige entre opérateurs relatif à la mise en œuvre des obligations issues des nouvelles directives alors que l’article L. 36-8 du code des postes et des télécommunications trouvait à s’appliquer aux seuls litiges survenant en matière d’interconnexion et d’accès, alinéa I, et à d’autres litiges limitativement énumérés à l’alinéa II.

Dans ces conditions, il convenait de modifier le champ d’application de l’article L. 36-8 pour le mettre en conformité avec cette disposition communautaire. Le législateur français a donc amendé l’article L. 36-8 II pour étendre son champ d’application, sans que l’article L. 36-8 I ait été modifié dans son champ d’application. Ainsi le II de l’article L. 36-8 permet dorénavant aux opérateurs de saisir l’Autorité de tout litige « relatifs à la mise en œuvre des obligations des opérateurs prévues par le présent titre, ainsi que celles du chapitre III du titre II » et la liste prévue à cet alinéa n’est plus limitative (présence du « notamment »).

Il apparaît ainsi que le cadre juridique posé par l’article L. 36-8 I du code, et notamment le constat du désaccord entre les parties nécessaire pour établir la compétence de l’Autorité, trouve à s’appliquer dès lors qu’il s’agit de litiges portant sur les matières de l’interconnexion et de l’accès. En dehors de ces hypothèses, l’Autorité pourra intervenir sur le fondement de l’article L. 36-8 II du CPCE pour trancher des cas particuliers.

Dans ces conditions, et compte tenu du fait qu’il a été montré précédemment que la prestation de terminaison d’appel relevait du cadre juridique de l’interconnexion au vu des dispositions de l’article L. 32 9° précité du CPCE, la saisine de France Télécom sur le fondement de l’article L.36-8 I du code doit être considérée comme régulière. L’Autorité est par conséquent tenue d’exercer sa compétence.

Il résulte de tout ce qui précède que le fondement juridique de l’article L. 36-8 I du CPCE permet à l’Autorité d’asseoir sa compétence pour trancher le différend. La fin de non recevoir opposée par la société Neuf Télécom est rejetée.

III.      Sur la recevabilité des demandes

III.1. Sur la fin de non recevoir tirée de l’extinction de la procédure provoquée par le changement de demande de France Télécom en cours d’instance

Dans un premier temps, la saisine de France Télécom contenait, à la date du 9 février 2006, une demande tendant à ce que l’Autorité constate le caractère « manifestement excessif » du tarif de la prestation de terminaison d’appel géographique de Neuf Télécom. Par la suite, lors de l’envoi des secondes observations, le 24 mars 2006, l’opérateur demandait à l’Autorité de constater désormais « le désaccord entre les parties sur la terminaison d’appel de l’année 2006 ».

La seconde demande concernant la détermination du prix en fonction de la prestation d’intra-CA demeurait identique.

La société Neuf Télécom soutient que le changement des demandes vaut acquiescement aux arguments qu’elle a pu développer et qu’il doit entraîner, par voie de conséquence, l’extinction de la procédure pendante devant l’Autorité.

L’objet du présent litige et les prétentions de France Télécom ont été initialement déterminées par le mémoire introductif d’instance déposé le 9 février 2006. L’alinéa 2 de l’article 9 du Règlement intérieur de l’Autorité rappelle à ce titre que « la saisine indique les faits qui sont à l’origine du différend, expose les moyens invoqués et précise les conclusions présentées ».

Pour autant, l’évolution intervenue en ce qui concerne la première demande ne saurait amener l’Autorité à conclure à l’extinction de la procédure. En effet, au sens de l’article 4 du nouveau code de procédure civile (NCPC), l’objet même de la saisine n’est pas modifié et continue de porter sur la question centrale du prix de la prestation de terminaison d’appel.

La rédaction en date du 24 mars 2006 ne doit pas être considérée comme une nouvelle demande dans la mesure où elle intéresse la détermination de la compétence de l’Autorité sur le fondement de l’article L. 36-8 I du code et, parmi les hypothèses de compétence susvisées, le cas précis lié au « désaccord sur (…) l’exécution d’une convention d’interconnexion ».

La rédaction d’une demande tendant à ce que soit constaté un désaccord est d’ailleurs inutile et surabondante étant donné que la société France Télécom a régulièrement procédé à la saisine de

l’Autorité en situant son action sur le terrain de l’article L. 36-8 I du CPCE dans son mémoire introductif d’instance.

Par suite, l’objet du litige n’étant pas modifié non plus que les prétentions de France Télécom, la fin de non recevoir avancée par Neuf Télécom est rejetée.

 III.2. Sur l’irrecevabilité de la demande tendant à ce que l’Autorité constate le caractère excessif de la prestation de terminaison d’appel

III.2.1. La lecture parcellaire des demandes de France Télécom

La société Neuf Télécom considère que les demandes de France Télécom relèvent des dispositions de l’article L. 36-11 du CPCE puisqu’il est proposé à l’Autorité de « constater » et de « prendre acte ».

Pour la société défenderesse, ces mots reviennent à déplacer le différend sur le terrain de l’article L. 36-11 du CPCE relatif à la procédure de sanction dans la mesure où ils annoncent en réalité l’intention de France Télécom d’obtenir, selon les écritures de Neuf Télécom, le prononcé d’une « mise en demeure de se conformer » au tarif de son intra-CA.

Cette argumentation s’appuie sur une lecture parcellaire des demandes de France Télécom. En effet, s’il n’est pas contestable que dans son mémoire introductif d’instance, la page 4 consacrée au résumé des demandes retient les expressions de « constater » et de « prendre acte », l’Autorité ne saurait cependant limiter son analyse aux prétentions exposées sous la forme d’un simple résumé.

Au contraire, elle est tenue de procéder à l’examen de tous les moyens en se reportant aux demandes complètes présentées expressément dans le III de l’acte introductif d’instance.

Or,  parmi  les  deux  demandes  qui  lui  sont  soumises,  la  première  vise  effectivement  à faire « constater » l’excessivité tarifaire mais la seconde mentionne précisément l’intention de France Télécom de voir l’Autorité « fixer » un tarif de terminaison d’appel.

Il ne peut donc être soutenu que la seconde prétention porte sur une demande visant à « prendre acte ». La lecture proposée par Neuf Télécom ne résiste pas à l’examen complet des écritures de France Télécom. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les prétentions de la société demanderesse relèveraient des dispositions relatives à la procédure de sanction est rejeté.

III.2.2.      L’irrecevabilité de la demande visant à établir un constat

Pour autant, la demande tendant à faire « constater » par l’Autorité le caractère excessif du prix de la prestation de terminaison d’appel excède le champ de compétence que l’Autorité doit exercer au titre de la procédure de règlement des litiges.

En effet, dans le cadre des mécanismes du CPCE, l’Autorité a reçu du législateur des compétences quasi-juridictionnelles pour trancher des litiges entre les parties sur le fondement des dispositions de l’article L. 36-8 I et II du code.

En aucun cas, elle n’est compétente pour dresser des constats dans de telles procédures.

Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par la société France  Télécom tendant à faire constater que le tarif de terminaison d’appel géographique de Neuf Télécom est manifestement excessif est irrecevable.

III.3. Sur la recevabilité de la demande visant à déterminer le niveau tarifaire de la terminaison d’appel

III.3.1. Sur la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité de la demande en tant qu’elle relèverait des dispositions de l’article L. 36-11 du CPCE

L’Autorité souligne que, compte tenu de sa demande visant à ce que l’Autorité fixe le tarif de la terminaison d’appel de Neuf Télécom, France Télécom ne réclame en aucun cas le déclenchement de la procédure de sanction à l’encontre de la partie défenderesse.

Or, en application des dispositions de l’article L. 36-8 I du CPCE, l’Autorité est en mesure de préciser, équitablement et au regard des objectifs mentionnés à l’article L. 32-1 du code, les conditions techniques et financières de l’interconnexion.

Cette prérogative ne doit pas être confondue avec les compétences dévolues au régulateur dans le cadre de la procédure de sanction. Dans ce cas, il revient à l’Autorité dans le respect du principe de légalité des délits et des peines, et conformément à l’exigence de proportionnalité, de prononcer à l’encontre de l’opérateur défaillant l’une des peines strictement prévue au 2° de l’article L. 36-11 du CPCE.

Il résulte de ce qui précède que la demande de France Télécom relative à la détermination du prix de la prestation de terminaison d’appel est recevable.

III.3.2. S’agissant de l’interdiction de statuer ultra petita

Au cours de la phase de réponse aux questions adressées par les rapporteurs aux parties, la société Neuf Télécom a indiqué que l’interdiction de statuer ultra petita devait être interprétée comme interdisant à l’Autorité de se départir de la demande de France Télécom. Dans ce cadre, l’opérateur a pu soutenir que tout tarif de terminaison d’appel résultant de la décision de règlement de différend, qui ne serait pas strictement identique à celui réclamé par France Télécom, conduirait nécessairement l’Autorité à se prononcer au-delà de ce qui est demandé.

Lors de l’audience qui s’est déroulée le 16 mai 2006, Neuf Télécom a réitéré ses préventions sur ce point.

L’interdiction de statuer infra petita et ultra petita résulte de la lecture combinée des dispositions de l’article 4 et de l’article 5 du NCPC.

L’article 4 dispose notamment que "l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense".

Rapportées au cas de l'espèce, l'Autorité est effectivement tenue de se prononcer d'une part au regard de la demande de France Télécom, en tant qu'il s'agit de "l'acte introductif d'instance", et d'autre part en considération de la réplique de Neuf Télécom, en tant qu'il s'agit des "conclusions en défense".

France Télécom demande à l’Autorité de fixer un tarif plafond pour la terminaison d’appel de Neuf Télécom en tant qu’elle la souhaite voir fixer un tarif pour cette prestation, et qu’elle estime que ce tarif ne saurait être supérieur à celui en vigueur pour sa prestation d’intra-CA, soit 0,579 centime d’euro/min actuellement.

Neuf Télécom demande à l’Autorité de rejeter la demande de France Télécom, entendant ainsi sa volonté de voir l’Autorité fixer le tarif au niveau auquel il se trouve actuellement, soit 1,882 centime d’euros/min.

La prétention de la société demanderesse et les observations en défense de Neuf Télécom forment donc "l'objet du litige" visé par l’article 4 précité du NCPC. Dans ces conditions, la juste application de l’interdiction de se prononcer ultra petita doit conduire l’Autorité à déterminer un niveau de prix au plus égal au tarif actuel de 1,882 centimes d’euro/min.

Par suite, étant donné que l'article 5 du NCPC indique que "le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé", l'Autorité est tenue de se prononcer sur l'ensemble des demandes sous réserve que sa solution n’excède pas "l'objet du litige".

Contrairement à l'interprétation de Neuf Télécom, c'est au regard de l'objet du litige que s'apprécie le risque d'ultra petita, jamais en considération de l'une ou l'autre des demandes prises individuellement, en dehors du périmètre du différend. En d'autres termes, l'article 5 du NCPC ne peut produire d’effet que rapporté aux dispositions de l'article 4.

Dès lors, le moyen soulevé par Neuf Télécom visant à borner la compétence de l’Autorité à la seule prétention de la partie demanderesse est rejeté.

III.3.3. Sur la fin de non recevoir tirée de l’obligation de déterminer le tarif de terminaison d’appel sur le fondement de l’article D. 311 II du CPCE

La société défenderesse soutient que le niveau des tarifs non excessifs ne saurait être imposé dans le cadre d’un règlement de différend. Ainsi, la société Neuf Télécom s’oppose à ce que l’Autorité consacre dans la même décision à la fois une méthode de tarification et son application dans le présent litige. Si tel était le cas, Neuf Télécom considère qu’il y aurait une atteinte au principe de séparation des fonctions normative et juridictionnelle dévolues au régulateur.

Surtout, l’opérateur fait valoir que dans cette hypothèse, la détermination de la méthode ne pourrait s’appuyer que sur le mécanisme des articles L. 38 du CPCE, portant sur les « remèdes » destinés aux marchés de gros, et D. 311 du CPCE, relatif notamment aux tarifs non excessifs, afin de préciser l’obligation de non excessivité.

Dans ces conditions, en utilisant des compétences qui relèvent manifestement d’un autre champ de compétence, il serait porté atteinte au cadre juridique du règlement de différend, précisément défini par l’article L. 36-8 I et II du CPCE ainsi que par les principes généraux de la régulation visés à l’article L. 32-1 du CPCE.

Ainsi, par le rattachement de la détermination du prix au mécanisme de l’analyse de marché, Neuf Télécom dénie à l’Autorité toute compétence en la matière dès lors qu’elle serait exercée par le truchement des dispositions juridiques propres au règlement des différends.

Il ressort cependant des différents échanges entre les parties que la société Neuf Télécom entretient une confusion entre la nécessité de définir une « méthode » pour assurer l’effectivité d’un « remède » donné et la possibilité pour l’Autorité de trancher, au cas d’espèce, le désaccord survenu entre les parties, et de fixer en équité un tarif – et non une méthode – au regard du cadre réglementaire s’appliquant à la prestation en cause et des demandes des parties.

Dans cette perspective, l’Autorité dispose de toute la latitude nécessaire pour exercer sa compétence de règlement de litige dès lors qu’un opérateur lui demande de fixer les modalités tarifaires d’une prestation d’interconnexion ou d’accès.

La Cour d’appel de Paris a rappelé à ce sujet, dans un arrêt du 20 janvier 20045, que « la mission régulatrice » conférée par la loi à l’Autorité « lui donne notamment le pouvoir d’imposer aux opérateurs (…) des prescriptions et des injonctions ayant une incidence sur la conclusion, le contenu ou l’exécution de leurs conventions et de restreindre ainsi, pour des motifs d’ordre public économique, le principe de la liberté contractuelle dont ils bénéficient ».

Dès lors que, par la présente décision, l’Autorité se borne à trancher un différend pour lequel les effets de la solution seront limités, en droit, aux seules parties concernées, sans exercer de pouvoir règlementaire, le moyen tiré de la confusion des fonctions normatives et juridictionnelles est rejeté.

III.3.4. Sur la prétendue violation possible de l’article L. 442-6-I du code de commerce

Neuf Télécom se prononce dans ses secondes observations en réponse sur « l’impossibilité de l’ARCEP de fixer un tarif qui constituerait une violation de l’article L. 442-6-I du code de commerce ». Elle estime ainsi que, [...], toute décision de l’Autorité fixant un tarif distinct de celui-ci, reviendrait à permettre à France Télécom de réaliser la pratique discriminatoire justement proscrite. Cet article dispose en effet que la responsabilité d’un acteur pratiquant « des conditions (…) ou des modalités (…) d’achat discriminatoires et non justifiées » est engagée.

L’Autorité souligne que, dans le cadre de la présente procédure, elle n’a pas eu connaissance des modalités et conditions d’achat par France Télécom de la prestation de terminaison d’appel de [...]. En conséquence, la violation éventuelle des dispositions du code de commerce citées par Neuf Télécom ne saurait être caractérisée.

De plus, l’Autorité souligne qu’une telle violation ne pourrait éventuellement être établie que par comparaison de deux tarifs, celui de la terminaison d’appel de Neuf Télécom et celui de la terminaison d’appel de [...]. La présente décision se contentant de fixer les modalités tarifaires de la prestation de Neuf Télécom uniquement, il ne peut valablement être soutenu que c’est elle qui contraindrait France Télécom à violer cette disposition légale, 

Enfin, et le cas échéant, il reviendrait à Neuf Télécom, si elle le souhaite, d’en saisir la juridiction ou autorité compétente.

Il résulte de ce qui précède que la seconde demande formulée par la société France Télécom, relative à la détermination du niveau tarifaire de la prestation de terminaison d’appel, est recevable.

III.4. Sur le régime juridique applicable à la présente convention d’interconnexion que l’Autorité doit prendre en compte pour régler le différend dont elle a été saisie

III.4.1. La terminaison d’appel est une prestation d’interconnexion

La prestation de terminaison d’appel de Neuf Télécom est une prestation d’interconnexion au sens donné à l’article L. 32 9° du CPCE.

Elle est donc encadrée par l’ensemble des dispositions légales et réglementaires s’appliquant à l’interconnexion et en particulier, par l’article L. 34-8 du CPCE.

Cet article précise notamment que « l’interconnexion ou l’accès font l’objet d’une convention de droit privé entre les parties concernées » et que « lorsque cela est indispensable pour assurer le respect des objectifs définis à l’article L. 32-1, l’Autorité peut imposer », à la demande d’un opérateur, « les modalités de l’accès ou de l’interconnexion dans les conditions prévues à l’article L. 36-8 ».

Par ailleurs, la prestation de terminaison d’appel de Neuf Télécom doit respecter les dispositions de l’article D. 99-10 du CPCE, lequel dispose en particulier que « les conditions tarifaires des conventions d’interconnexion et d’accès respectent les principes d’objectivité et  de  transparence ».

III.4.2. Le marché pertinent de la terminaison d’appel géographique sur le réseau de Neuf Télécom

Par ailleurs, en application de la décision de l’Autorité n° 05-0425 du 27 septembre 2005, le marché de la terminaison d’appel à destination des numéros géographiques de Neuf Télécom a été défini pertinent pour une régulation sectorielle jusqu’au 1er septembre 2008, et Neuf Télécom, jusqu’à cette date, y a été désignée comme exerçant une influence significative, au sens de l’article L. 37-1 du CPCE.

Neuf Télécom est en conséquence tenue de faire droit aux demandes raisonnables d’accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés, relatives aux prestations de terminaison d’appel à destination de ses numéros géographiques, de fournir ces prestations dans des conditions transparentes et non discriminatoires et de ne pas pratiquer de tarifs excessifs .

Concernant cette dernière obligation, l’Autorité l’avait notamment motivée en constatant « qu’il n’existe intrinsèquement pas, ou peu, d’incitation économique pour les opérateurs de boucle locale à fixer leurs charges de terminaison d’appel à des niveaux « concurrentiels », c’est-à-dire à des niveaux qui pourraient être constatés si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective »6.

L’Autorité avait par ailleurs indiqué que « la notion d’excessivité d’un tarif doit notamment s’apprécier au regard de son impact concurrentiel sur l’ensemble des opérateurs, y compris France Télécom »7.

Elle avait indiqué à cette fin que « le tarif de terminaison d’appel de France Télécom (…) constituera un élément parmi d’autres dans l’analyse du caractère excessif ou non du tarif de terminaison d’appel d’un opérateur alternatif »8.

Enfin, l’Autorité avait indiqué que cette mesure apparaissait proportionnée aux objectifs qui s’imposent à elle en application de l’article L. 32-1 II du CPCE, et en particulier les alinéas 2°, 3° et 4°.

En application de ces alinéas, l’Autorité doit veiller « à l’exercice au bénéfice des utilisateurs d’une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques », « au développement de l’emploi, de l’investissement efficace dans les infrastructures, de l’innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques », et « à la définition de conditions (…) d’interconnexion (…) qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement, [et à] l’égalité des conditions de la concurrence ».

IV.      Analyse

L’Autorité est donc tenue de trancher le présent différend opposant les sociétés France Télécom et Neuf Télécom, en fixant le tarif de la terminaison d’appel géographique de Neuf Télécom sur la base d’un jugement en équité, tenant compte du cadre réglementaire présenté ci-dessus, et conformément aux demandes des parties.

L’Autorité doit par ailleurs tenir compte des objectifs qui lui sont assignés à l’article L. 32-1 II du CPCE, et en particulier de ceux mentionnés aux 2°, 3° et 4° de cet article sur lesquels elle a fondé l’obligation imposée à Neuf Télécom de ne pas pratiquer de tarifs excessifs dans la décision n° 05-0425 susvisée.

IV.1. Sur l’objectif assigné à l’Autorité de veiller à l’exercice d’une concurrence effective et loyale

En vertu de l’objectif qui lui est assigné au 2° de l’article L. 32-1 II, l’Autorité doit veiller à l’existence d’une concurrence effective et loyale.

L’Autorité souhaite en effet souligner le caractère spécifique de la prestation de terminaison d’appel. En effet, un opérateur génère généralement des revenus en vendant des prestations à ces clients sur le marché de détail. Dans ce cas, pour rester compétitif sur ces marchés, il est ainsi incité à limiter ses tarifs.

A l’inverse, concernant la terminaison d’appel, l’opérateur de destination génère un revenu en vendant cette prestation à ses concurrents, qui sont de facto dans l’obligation d’acheter ces prestations, quel qu’en soit le prix, pour permettre à leurs clients de pouvoir joindre leurs correspondants sur l’ensemble des réseaux de communications électroniques ouverts au public.

Il se trouve ainsi doublement incité à fixer des tarifs élevés : d’une part, parce qu’un tarif élevé lui procure des revenus d’autant plus importants sans dégrader sa propre compétitivité sur les marchés de détail, où s’exerce la concurrence entre opérateurs. D’autre part car un tel tarif dégrade la compétitivité de ses concurrents, puisqu’il vient s’ajouter à la masse de coûts qu’ils supportent pour formuler leurs offres tarifaires sur ces mêmes marchés de détail.

Plus encore, un opérateur subissant une hausse du tarif de la terminaison d’appel d’un opérateur tiers concurrent pourrait décider soit de répercuter cette hausse sur les seuls tarifs de détail des communications à destination du réseau de cet opérateur, pour maintenir sa marge et limiter l’impact de cette hausse sur sa politique tarifaire ; soit de diluer l’impact de cette hausse dans l’ensemble de sa structure de coût en laissant sa structure tarifaire inchangée ; soit d’augmenter sa propre terminaison d’appel. Dans le premier cas, cet opérateur dégraderait alors la lisibilité de son offre en introduisant des tarifications en fonction du réseau de destination, mode de tarification qui reste l’exception dans le secteur de la téléphonie fixe français, alors même que l’opérateur concurrent ne subirait pas une telle contrainte dans sa politique commerciale. Dans le deuxième cas, cet opérateur verrait soit sa compétitivité, soit sa marge se dégrader du fait de la hausse de terminaison d’appel d’un opérateur tiers concurrent. Le troisième cas aboutirait à une hausse générale des terminaisons d’appel au détriment des utilisateurs finals.

Par ailleurs, en vertu de la décision n° 05-0571 du 27 septembre 2005, France Télécom est tenue, pour sa part, de fixer les tarifs de ses prestations de terminaison d’appel de manière à ce qu’ils reflètent les coûts correspondants. L’opérateur n’est donc pas libre de sa politique d’établissement des tarifs de ces prestations et ne peut donc que subir les effets négatifs d’une hausse de la terminaison d’appel de ses concurrents.

En conséquence, l’Autorité estime nécessaire de limiter l’écart entre le tarif de la terminaison d’appel de Neuf Télécom et celui de France Télécom et donc de fixer le tarif de la prestation de terminaison d’appel de Neuf Télécom en référence à la structure de tarification de France Télécom.

Par ailleurs, France Télécom, dans son mémoire de saisine, souligne également le fait qu’une tarification excessive de la terminaison d’appel de Neuf Télécom pourrait créer une distorsion de concurrence sur les marchés de détail.

Selon elle, une telle distorsion s’illustre parfaitement à travers les trois exemples suivants :

  • le marché de détail du  haut débit pour les résidentiels
  • le marché public de [...] attribué en [...], pour un déploiement en [...]
  • l’appel d’offre lancé par [...] en [...] et conclu en [...]

Si l’Autorité souscrit au risque d’existence d’une certaine distorsion concurrentielle en cas de tarifs de terminaison d’appel de Neuf Télécom significativement supérieurs à ceux de France Télécom, elle ne souscrit toutefois pas à l’analyse catégorique de France Télécom, sur la base de ces exemples, selon laquelle tout tarif supérieur à celui de son tarif intra-CA serait irrémédiablement source de distorsion, et expose ci-dessous en quoi cette analyse doit être nuancée.

IV.1.1. S’agissant des marchés de détail résidentiels haut débit

Ainsi, sur le marché de détail du haut débit (triple play), France Télécom fait l’ hypothèse qu’en première approximation, le trafic voix entrant est égal au trafic voix sortant, et indique qu'en considérant qu'un accès fixe induit environ [...] min de trafic entrant/mois, Neuf Télécom peut collecter près de [...] euros/mois. A contrario, France Télécom souligne qu'en commercialisant la même offre, elle ne percevrait que [...] euros/mois. France Télécom considère que Neuf Télécom peut donc :

- subventionner ses offres à haut débit à hauteur de [...] euros ;

- faire porter cette charge sur les opérateurs qui appellent ses abonnés les obligeant à répercuter cette charge sur leurs clients.

France Télécom souligne par ailleurs que cet effet devrait s’accentuer puisque, selon elle, le trafic livré à Neuf Télécom devrait [...] en 2006. En prenant l'hypothèse de [...] Gmin de trafic livré, l'application de la terminaison d'appel conduirait France Télécom à payer [...] millions d’euros à Neuf Télécom, soit [...] millions d’euros (+[...] %) de plus que ce  que  France  Télécom pourrait percevoir dans le même temps, sous l’hypothèse de symétrie du trafic échangé entre opérateurs.

Ce raisonnement est contesté par Neuf Télécom. En effet, l’hypothèse d’équivalence entre les volumes entrants et sortants n’est pas vérifiée sur le marché des clients résidentiels haut débit. Selon cette société, le trafic voix sortant représente […] du trafic voix entrant pour ce type de clients.

L’Autorité note que France Télécom n’a pas fourni de chiffres probants, établis sur la base de données constatées sur ses propres clients pour étayer ses hypothèses.

De plus, Neuf Télécom rappelle que ses tarifs, sur le marché de détail du haut débit, sont indépendants du type d’accès mis en œuvre pour raccorder le client. En particulier, elle ne différencie pas ses tarifs selon que le client est raccordé en dégroupage total – cas dans lequel elle perçoit les revenus de terminaison d’appel générés par les communications qui lui sont destinées – ou en dégroupage partiel, cas dans lequel elle ne touche que marginalement des revenus de terminaison d’appel, le client continuant généralement, dans ce cas, à se faire appeler sur son accès téléphonique classique.

Sur la base des éléments contradictoires présentés par les parties, l’Autorité estime que l’analyse des subventions croisées sur les marchés de détail résidentiels haut débit et de leur caractère abusif n’est pas établi du fait notamment de la fragilité des hypothèses retenues.

De surcroît, l’approche de France Télécom ne porte que sur le différentiel de revenus constaté sur la terminaison d’appel de chaque opérateur, et ce indépendamment des coûts supportés par chacun d’eux pour assurer la prestation. La nécessité d’intégrer une discussion sur l’évaluation de ces coûts, en tant qu’elle apparaît déterminante dans ce calcul de marges comparées, renforce le caractère complexe et incertain de l’analyse, d’autant que (cf. infra) les parties s’opposent avec force à ce sujet.

IV.1.2.      S’agissant des marchés de détail entreprises

France Télécom argumente aussi sur la base d’exemples relatifs au marché de détail entreprise et plus précisément tirés du marché public de [...] conclu fin [...] et de l’appel d’offres de [...] conclu en [...].

Pour analyser les effets d’éviction et évaluer la marge « indue » de Neuf Télécom issus de sa terminaison d’appel, France Télécom recourt au modèle de squeeze, publié par l’Autorité le 23 mars 2006, pour évaluer les coûts de terminaison d’appel de Neuf Télécom à [...] centime d’euros/min. Elle explique ainsi numériquement comment le tarif de 1.882 centimes d’euros/min de terminaison d’appel a permis à Neuf Télécom de proposer des tarifs de communications sortantes particulièrement compétitifs à [...], contre lesquels elle n’a pas pu lutter.

En premier lieu, l’Autorité souligne qu’à la date dudit appel d’offre, le tarif de terminaison d’appel de Neuf Télécom n’était pas de 1,882 centimes d’euros/min mais de 0.9979 centimes d’euros en 2004 et annoncés par Neuf Télécom à 1,5 centimes d’euros/min pour 2005, comme l’a confirmé France Télécom dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs. Ce constat amène d’ores et déjà l’Autorité à relativiser la pertinence du calcul de France Télécom.

Par ailleurs, et sans préjudice de la pertinence d’évaluer les coûts de terminaison d’appel de Neuf Télécom sur la base de son modèle de squeeze, pertinence sur laquelle elle s’exprime dans une partie ultérieure, l’Autorité souligne que la contrainte concurrentielle qui pèse sur France Télécom dans sa possibilité de définir ses tarifs de détail dans le cas d’une offre couplant des prestations d’accès et de communications n’est pas déterminée à ce jour.

En effet, comme elle le rappelle dans la notice explicative9 du même test de squeeze, l’Autorité « effectue un test d’effet de ciseaux tarifaires sur les offres de communications de France Télécom. Le test d’effet de ciseaux tarifaires a pour but de vérifier qu’un opérateur alternatif efficace est en mesure de proposer des offres similaires à celle de France Télécom au même tarif de détail, à partir de son réseau propre et d’achat de prestations de gros, et de dégager de ces offres une marge raisonnable. Il permet le calcul de la marge par minute de communication entre la recette issue des tarifs de France Télécom et les coûts d’un opérateur alternatif efficace. (…) Ce modèle est en premier lieu destiné à l’instruction des décisions tarifaires de France Télécom transmises à l’Autorité préalablement à leur mise en oeuvre, c’est-à-dire correspondant aux contrats d’une valeur annuelle inférieure à 500 000 €. Les estimations de coûts pour les « grands comptes » ne sont donc données qu’à titre illustratif. Pour ces dernières une évaluation plus approfondie pourra être menée le cas échéant, notamment avec la prise en compte des revenus liés aux appels entrants ». (soulignements ajoutés)

Or France Télécom n’a jamais soumis à l’Autorité d’offre couplant accès et communications, destinée au marché entreprise, et ne peut donc préjuger de la manière dont elle serait contrainte sur la formulation des tarifs de ces offres.

De plus, concernant l’argument de France Télécom en vertu duquel elle ne pouvait dès lors pas être aussi compétitive que Neuf Télécom sur les tarifs de communications sortantes, l’Autorité souligne que doit également être pris en considération le fait que France Télécom dispose d’une part de marché de plus de 95% de parts de marché sur l’accès (cf. décision n° 05-0571 de l’Autorité en date du 27 septembre 2005), et que cette situation induit, dans le plan d’affaires spécifique à une offre, telles celles de [...] ou de [...], une grande part de coûts de terminaison d’appel internalisables, au contraire des opérateurs alternatifs.

Enfin, Neuf Télécom souligne dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs qu’elle ne raccorde en propre qu’une petite part des sites de [...] et de [...], seuls sites sur lesquels elle touche des revenus de terminaison d’appel, et que dès lors elle ne peut pratiquer de subventions croisées de l’entrant sur le sortant.

Pour l’ensemble de ces raisons, l’Autorité, bien que souscrivant pleinement au fait qu’un écart trop important entre les terminaison d’appel de France Télécom et Neuf Télécom conduirait à une distorsion concurrentielle, ne s’accorde toutefois pas sur les moyens exprimés par France Télécom pour démontrer que, pour remédier à cette situation, il est nécessaire de fixer le tarif de la prestation de Neuf Télécom au plus au niveau de son tarif de terminaison d’appel intra-CA.

IV.2. Sur l’objectif assigné à l’Autorité de veiller au développement de l’investissement efficace dans les infrastructures, de l’innovation et de la compétitivité dans le secteur

IV.2.1. Sur la rémunération des investissements

Conformément à l’objectif qui lui est assigné de promouvoir l’investissement efficace dans les infrastructures (article L. 32-1 II 3° du CPCE), l’Autorité est soucieuse de laisser aux opérateurs la possibilité de correctement rémunérer leurs investissements. L’Autorité considère que le tarif de terminaison d’appel de Neuf Télécom doit légitimement participer à cette rémunération.

Neuf Télécom a fourni, dans le cadre de la procédure, un modèle de coûts fondé sur les données comptables auditées de Neuf Télécom et de Cégétel, ces deux opérateurs s’étant rapprochés en mai 2005.

L’Autorité rappelle que l’obligation imposée à Neuf Télécom de ne pas pratiquer de tarifs excessifs pour sa prestation de terminaison d’appel n’induit pas les mêmes contraintes que celles découlant de l’application des obligations de fixer des tarifs reflétant les coûts et de comptabilisation des coûts auxquelles est soumise France Télécom.

Ces dernières imposent à l’opérateur d’une part de respecter une méthodologie comptable réglementaire, fixée par l’Autorité, pour allouer des coûts à la prestation sur laquelle elles s’appliquent, et d’autre part de fixer le tarif de ladite prestation au niveau de ces coûts.

Les audits menés dans le cadre de l’examen de la bonne application de l’obligation de fixer des tarifs reflétant les coûts et de comptabilisation des coûts sont d’un ordre différent de ceux réalisés par le commissaire aux comptes d’une entreprise. Au titre de cette obligation réglementaire, l’auditeur « réglementaire », mandaté par l’Autorité, a pour objectif de s’assurer de la régularité des restitutions comptables fournies par France Télécom à l’Autorité. Ces informations doivent respecter la méthodologie comptable imposée par l’Autorité, et en particulier, la conformité avec cette méthodologie notamment en matière d’allocation de coûts joints, particulièrement significatifs dans une économie de réseau comme celle des communications électroniques où les mêmes actifs servent à la fourniture de plusieurs services.

Au cas d’espèce, la société Neuf Télécom, n’étant pas soumise à une obligation de comptabilisation des coûts, s’est fondée sur les comptes sociaux de Neuf Cégétel qui font l’objet d’un contrôle, au moins annuel, par le commissaire aux comptes portant sur les données des comptabilités sociale et consolidée. Ce contrôle vise à garantir la conformité des comptes aux objectifs et normes comptables généraux, notamment de fidélité des comptes à l’activité dans son ensemble et ne fournit, en tant que tel, aucune information sur les coûts de revient par produit, qui découlent d’une comptabilité analytique non soumise au respect d’une norme et non auditée par ses commissaires aux comptes. En aucun cas il ne consiste en un audit réglementaire au sens présenté ci-dessus, qui, du point de vue de l’Autorité, est fondamental dans la mesure où il lui permet de s’assurer de la conformité avec les règles et principes comptables qu’elle estime pertinents.

La présence de coûts joints sur l’ensemble de la chaîne de production de Neuf Télécom nécessite de traiter de la répartition des coûts joints entre les différents produits et réduit d’autant le degré de certitude issu du modèle de coûts de la prestation de terminaison d’appel de Neuf Télécom, d’autant que l’opérateur peut être incité à allouer une part importante de ces coûts aux prestations, comme c’est le cas de la terminaison d’appel, qu’il vend à ses concurrents.

Par conséquent, les revenus tirés de la terminaison d’appel sont à analyser comme faisant partie d’un ensemble de revenus, visant à rémunérer l’ensemble des investissements consentis par l’opérateur, et à lui permettre d’en dégager une marge.

En revanche, l’analyse consistant à évaluer produit par produit les marges dégagées au vu des coûts alloués sur la base de clés d’allocation définies par Neuf Télécom est sujette à caution, et méconnaîtrait en particulier la capacité des opérateurs à tarifer leur prestations sur la base de leurs seuls coûts incrémentaux, très faibles dans une économie comme celle des communications électroniques.

De même, la vente à perte, que Neuf Télécom estime mettre en évidence pour ce qui est des prestations de terminaison d’appel qu’elle vend, doit s’apprécier au regard des seuls coûts incrémentaux encourus par le fournisseur d’une telle prestation, et ne saurait s’apprécier sur la base de la modélisation effectuée par l’opérateur.

En conclusion, l’Autorité reconnaît la légitimité pour Neuf Télécom de fixer un tarif de terminaison d’appel devant lui permettre de contribuer à la rémunération de ses investissements, mais elle ne souscrit pas à l’analyse comptable faite par l’opérateur.

IV.2.2. Analyse du modèle de coûts développé par Neuf Télécom

L’Autorité a toutefois effectué une lecture critique du modèle développé par l’opérateur, et y a de surcroît relevé de nombreuses hypothèses discutables.

L’Autorité observe ainsi que les coûts réseau retenus par Neuf Télécom correspondent à un réseau long de [...] kilomètres de fibres, soit […]. L’Autorité souligne pourtant […].

Neuf Télécom se prévaut par ailleurs de la validation de ses hypothèses de mutualisation par les commissaires aux comptes du groupe ; l’Autorité rappelle toutefois que l’expertise d’un commissaire aux comptes porte sur les volets financiers et comptables d’une entreprise et s’attache en particulier à la bonne application des normes sous-jacentes : il vérifie notamment l’inexistence de double compte, mais ne saurait établir l’existence d’actifs pouvant être considérés comme « doublons » dans une approche technico-économique.

L’Autorité souligne également la difficulté à prendre en compte une part des coûts supportés par l’opérateur au titre des investissements consentis en anticipation de besoins futurs. Neuf Télécom indique en plusieurs endroits (paragraphes 237 et 271 de ses secondes observations en défense notamment) que son réseau a été dimensionné en prévision de la croissance des volumes qui lui confèreront à terme des économies d’échelle satisfaisantes. L’Autorité reconnaît à nouveau la légitimité pour Neuf Télécom de fixer un tarif de terminaison d’appel devant lui permettre de contribuer à la rémunération de ses investissements et estime qu’il est effectivement nécessaire de tenir compte de l’insuffisance, à l’heure actuelle, des économies d’échelle et de gammes de Neuf Télécom, mais questionne la prise en compte cette insuffisance via le subventionnement d’une partie des capacités installées sur les réseaux pour de futurs besoins.

Ainsi, le fait qu’aujourd’hui la voix sur IP consomme environ [...] % des capacités du réseau de Neuf Télécom ne permet pas d’établir que ce taux d’usage soit appelé à demeurer stable dans le temps, le développement de nouveaux usages comme la télévision sur DSL ou la vidéo à la demande permettant de leur affecter en anticipation une part croissante des débits disponibles.

Par ailleurs, l’Autorité s’interroge sur la pertinence des hypothèses suivantes qu’elle comprend avoir été retenues dans le modèle, au vu notamment des réponses apportées par Neuf Télécom au questionnaire adressé par les rapporteurs :

  • Une fois le ratio du volume dédié à la voix entrante sur l’ensemble des volumes transitant sur son réseau déterminé, Neuf Télécom affecte ce ratio à l’ensemble des coûts qu’elle supporte. En particulier, l’intégralité des coûts de réseau (coûts d’infrastructures et de transmission notamment, lesquels correspondent à plus de 50% de la totalité des coûts) fait ainsi partie de l’assiette des coûts retenus dans l’évaluation des coûts supportés par la terminaison d’appel, y compris ceux liés aux transmissions en cœur de réseau, qui n’interviennent pourtant pas, ou très marginalement, pour les prestations de terminaison d’appel ;
  • Certains coûts de la catégorie « Autres » sont intégralement imputés à l’un des postes de coûts présentés dans le modèle. Par exemple, les coûts d’ « exploitation data », sont intégralement affectés aux coûts « Data ». Ils ne font pourtant visiblement pas partie des coûts d’OPEX comptés par ailleurs dans les coûts Data, ce qui est étonnant.

Pour l’ensemble de ces raisons, sur la base des seuls éléments de coûts présentés par la société Neuf Télécom et compte tenu des hypothèses précédemment mentionnées, l’Autorité ne peut souscrire intégralement, au cas d’espèce, à l’analyse des coûts effectuée par la société Neuf Télécom.

IV.2.3. Analyse des coûts supportés par la terminaison d’appel de Neuf Télécom selon France Télécom

France Télécom a également produit, au cours de la procédure, des éléments devant permettre à l’Autorité d’apprécier les coûts supportés par Neuf Télécom lorsqu’elle fournit sa prestation de terminaison d’appel. France Télécom se fonde à cette fin sur deux modèles, développés par l’Autorité dans d’autres contextes, lui permettant d’évaluer ces coûts à [...] centimes d’euros/min environ. France Télécom s’appuie par ailleurs sur le modèle de Neuf Télécom, dont elle « corrige » certains paramètres, pour aboutir sensiblement à la même conclusion.

Les mêmes remarques liminaires que celles figurant ci-dessus conduisent l’Autorité à substantiellement nuancer les conclusions de France Télécom, qui lui permettent, sur la base des coûts calculés, de se prononcer sur les marges dégagées par Neuf Télécom sur le seul produit de terminaison d’appel.

Au surplus, l’Autorité souhaite faire les remarques suivantes sur les arguments de France Télécom.

IV.2.3.1. Exploitation par France Télécom du modèle de Neuf Télécom

L’Autorité n’estime pas nécessaire de commenter les analyses critiques de France Télécom à l’égard de ce modèle, ayant déjà expliqué pourquoi elle ne pouvait se fonder sur l’analyse des données comptables sur lesquelles repose le modèle de Neuf Télécom.

L’Autorité souligne toutefois que les corrections apportées par France Télécom sur le modèle développé par Neuf Télécom sont, elles aussi, discutables.

IV.2.3.2. Utilisation par France Télécom du modèle de squeeze de l’ARCEP

L’Autorité note que France Télécom utilise la modélisation des coûts de fourniture des communications téléphoniques par les opérateurs alternatifs diffusée par l’ARCEP lors du comité de l’interconnexion et de l’accès du 8 mars 2006 pour montrer que le coût supporté par Neuf Télécom pour fournir sa prestation de terminaison d’appel « ne saurait excéder [...] c€/min ».

L’Autorité note toutefois que France Télécom fonde ses calculs sur les coûts de réseau supportés pour les appels au départ des grands sites.

Dans le cas de l’évaluation du coût d’une minute en départ d’appel, une hypothèse différenciant la nature du client est pertinente. C’est ainsi que, dans le cas des grands sites retenu par France Télécom, le volume très important des appels permet à l’opérateur de bénéficier des économies d’échelle suffisantes pour amortir le coût du recours à l’offre de gros de « liaison louée partielle » de France Télécom, ce qui se répercute, à la baisse, dans le coût unitaire du départ d’appel comptabilisé..

En revanche, une telle hypothèse perd de sa pertinence dans le cas de la prestation de terminaison d’appel dont le tarif se veut moyenné sur l’ensemble des sites raccordés par l’opérateur, et non pas les seuls grands sites.

Ainsi, le calcul effectué par France Télécom sur les coûts de départ d’appel au départ des grands sites ne peut se généraliser aux coûts de terminaison d’appel. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la terminaison d’appel de France Télécom, opérateur efficace, coûte sensiblement plus chère que les [...] centimes d’euros/min évalués par France Télécom, puisque le tarif de son intra- CA , orienté vers les coûts, est de 0,579 centimes d’euros/min.

IV.2.3.3. Modélisation des coûts de collecte utilisée par l’ARCEP

(a) L’utilisation faite par France Télécom du modèle

France Télécom s’appuie, dans sa réponse du 2 mai 2006 au questionnaire des rapporteurs, sur la modélisation des coûts de collecte utilisée par l’Autorité en mai 2005, et figurant dans son avis n° 05-0397 sur la décision tarifaire Turbo DSL, pour estimer le coût d’un réseau desservant 1000 NRA à partir de 17 nœuds interurbains.

Elle s’appuie ensuite sur l’observation des capacités de son réseau consommées par les différents services qui y sont véhiculés pour affecter, à chacun de ces services, un pourcentage d’utilisation de la bande passante totale du réseau. Ainsi, France Télécom conclut que son réseau est à [...] % utilisé par le service de TV sur ADSL, et à [...] % seulement pour le service de Voix sur DSL de Wanadoo.

France Télécom utilise ensuite les pourcentages ainsi calculés comme clés d’allocation des coûts du réseau susmentionné (desservant 1000 NRA) pour affecter, à chaque service, la part de ces coûts qu’il consomme.

Ainsi, sur les [...] millions d’euros que France Télécom estime pour ce réseau de collecte, seul [...]%, soit [...] millions d’euros, sont affectés à la voix sur IP.

France Télécom évalue ensuite que ce réseau supporterait [...] millions d’accès, générant chacun [...] minutes par mois (entrant + sortant), pour conclure à un coût de transport de [...] centime d’euros/min, tant en départ qu’en terminaison d’appel.

(b) La critique de cette utilisation

L’Autorité note que le modèle développé dans l’avis précité vise à modéliser le réseau d’un opérateur n’ayant pas investi dans un réseau capillaire, et s’appuyant de ce fait pour partie, lorsque cela est possible, sur des IRU (droits irrévocables d’usage) commercialisés par des opérateurs tiers.

L’Autorité souligne que Neuf Télécom a au contraire investi dans un réseau capillaire, ce qui augmente sensiblement le coût annualisé de son réseau, les IRU revenant globalement à un coût annuel [...].

Par ailleurs, les hypothèses faites sur les tarifs d’IRU permettant à l’opérateur de compléter la couverture de son réseau de collecte à hauteur de 1000 points sont discutables, comme le relève Neuf Télécom dans ses observations relatives aux réponses de France Télécom au questionnaire des rapporteurs.

Enfin, France Télécom, partant du principe que ce règlement de différend porte sur la terminaison d’appel à destination des clients de Neuf Télécom, restreint ses calculs aux « zones denses ou dégroupées », en évaluant le coût d’un réseau de collecte permettant de joindre les 1000 NRA concernés aujourd’hui par le dégroupage.

L’Autorité estime toutefois que cette hypothèse ne permet pas de prendre en compte l’intégralité des coûts de transport supportés par les opérateurs alternatifs pour leur services voix sur DSL. En effet, les offres de ces opérateurs, et notamment celles de Neuf Télécom, sont également disponibles sur le reste de France, ces opérateurs s’appuyant dans ce cas sur d’autres offres de gros de France Télécom de type bitstream, dont France Télécom n’a pas pris en compte les coûts.

S’agissant des clés d’allocation des coûts retenues, France Télécom a calculé les taux  d’utilisation de la bande passante disponible sur la base de l’observation de son réseau, lequel dessert un profil de clients qui ne saurait a priori être représentatif de celui d’un opérateur alternatif.

Ainsi, l’Autorité souligne que sur les [...] millions de clients voix de France Télécom, [...] millions de clients utilisent le RTC et génèrent un trafic qui occupe [...]% de la bande passante du réseau de transport de France Télécom. Or cette proportion de clients voix sur RTC ne peut s’appliquer sur le réseau d’un opérateur alternatif comme Neuf Télécom, ce qui, par voie de conséquence, doit conduire à corriger, à la hausse, le pourcentage d’utilisation de la bande passante par la voix sur DSL. Par ailleurs, il ressort des différents écrits des opérateurs qu’ils n’utilisent pas le même encodage de la voix sur IP, France Télécom annonçant un codage à 16 kb/s, Neuf Télécom annonçant de son côté un débit utilisé de 110 kb/s pour un client VoIP (flux voix et encapsulation compris), ce qui correspond à un encodage à 64 kb/s. Il ne peut être établi que l’efficacité aurait dû conduire Neuf Télécom à coder la voix sur une bande passante minimale, les débits caractéristiques sur des réseaux IP étant de l’ordre du Gb/s, et un codage à 64 kb/s pouvant par ailleurs assurer une meilleure qualité de service.

De même, le taux d’occupation du réseau de France Télécom par des produits de type liaisons louées et évalué par l’opérateur à [...]% ne peut être généralisé. En effet, les produits équivalents revendus par des opérateurs comme Neuf Télécom ne sont pas vendus, comme ils le sont parfois pour l’opérateur historique, sur des technologies commutées très consommatrices de capacité, et, en outre, France Télécom dispose d’une part de marché largement supérieure à celle de Neuf Télécom sur ce segment de marché.

Enfin, au vu des éléments présentés par les parties, l’Autorité s’interroge sur le débit effectivement utilisé par le service de télévision sur DSL sur le réseau de France Télécom. France Télécom explique ainsi, en page 10 de sa réponse au questionnaire, qu’elle distribue 2 bouquets nécessitant chacun un débit de [...] Mbit/s. Il semblerait donc que sur la partie de son réseau desservant les 1000 répartiteurs dégroupés, France Télécom « injecte » autant de fois les bouquets qu’il y a de répartiteurs (ce qui conduit ainsi à la valeur avoisinant les [...] Gbits/s – [...] pour être précis – donnée par France Télécom). L’Autorité comprend pourtant de l’architecture de réseau présentée par Neuf Télécom (page 7 de la réponse au questionnaire) que les bouquets TV que l’opérateur distribue sur son réseau sont « injectés » au niveau d’une centaine de boucles tout au plus, chaque boucle desservant plusieurs DSLAM. Neuf Télécom explique par ailleurs, dans ses observations aux réponses de France Télécom au questionnaire des rapporteurs, qu’elle « n’injecte » pas systématiquement l’intégralité d’un bouquet sur un DSLAM donné, mais uniquement la ou les chaînes de ce bouquet visionné(e)s à l’instant t par au moins un abonné desservi par le DSLAM. Ces gains d’efficacité ont également tendance à faire baisser drastiquement la part de débit utilisée par la TV telle que présentée par France Télécom sur son réseau ([...]%), et par voie de conséquence, encore une fois, à augmenter la part relative de débit utilisée par les services de voix.

IV.3. Sur l’objectif assigné à l’Autorité de garantir la possibilité pour les utilisateurs de communiquer librement

Conformément à l’objectif qui lui est assigné par l’article L. 32-1 II 4° du CPCE, l’Autorité veille « A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ».

A cet égard, elle considère que le tarif de la prestation de terminaison d’appel de Neuf Télécom doit participer à cet objectif.

En effet, l’information selon laquelle l’appelé appartient à tel ou tel réseau n’est généralement pas connue de l’appelant, et d’autant moins que le numéro du destinataire a pu être porté d’un réseau à l’autre. Or, un tarif de terminaison d’appel trop élevé pourrait inciter les opérateurs encourant la charge de cette prestation à la répercuter sur leurs tarifs de détail en distinguant les tarifs de détails des communications en fonction du réseau de destination. Cette action serait ainsi grandement néfaste en termes de visibilité tarifaire pour les abonnés et restreindrait donc leur capacité à communiquer librement.

Ainsi, selon cet objectif, l’Autorité se doit de veiller à ce que l’écart entre les tarifs de terminaisons d’appel de Neuf Télécom et de France Télécom ne soit pas trop élevé afin de préserver la possibilité de communiquer librement pour tous les utilisateurs.

IV.4. Sur la référence aux décisions d’Autorités de régulation européennes

Dans son mémoire de saisine, France Télécom retient comme un des éléments légitimant sa demande de fixer, pour le tarif de la terminaison d’appel de Neuf Télécom un plafond au niveau du tarif de sa prestation d’intra-CA, « une comparaison des niveaux tarifaires du marché pour l’acheminement d’un appel à l’étranger (transit + terminaison d’appel) au départ de la France, en janvier 2006 ». Pour cinq des six destinations retenues, le tarif n’excède pas 0,75 centime d’euros/min.

L’Autorité s’accorde sur le fait que la pratique de comparaisons internationales est une approche généralement retenue comme référence pertinente, notamment pour traiter de questions tarifaires. Leur degré de pertinence reste néanmoins, et par nature, intimement lié à la proximité des situations des marchés observés et à la pertinence des comparaisons effectuées.

L’Autorité note, au cas d’espèce des tarifs de terminaison d’appel géographique alternative, que ces comparaisons sont susceptibles d’amener des incertitudes et ne peuvent être retenues comme seul et unique critère d’appréciation compte tenu des éléments d’information parcellaires présentés par les parties.

A cet égard, l’Autorité constate qu’un premier obstacle à la comparaison réside dans les différences mêmes d’architectures d’interconnexion qui peuvent être observées d’un pays à un autre. Ces éléments différenciateurs créent une fragilité pour fixer un tarif non excessif par seule comparaison des tarifs nominaux étrangers, en grevant la possibilité de faire ressortir une approche commune ou généralisable.

Les situations britannique et espagnole, et plus particulièrement les décisions prises par les régulateurs de ces deux pays, ont également fait l’objet d’échanges entre les parties, notamment au travers de leurs réponses au questionnaire adressé par les rapporteurs. A ce titre, les rapporteurs ont interrogé les sociétés France Télécom et Neuf Télécom sur leur compréhension des obligations mises en œuvre, respectivement, par l’Ofcom et la CMT. Les parties n’ont pas infirmé l’analyse menée révélant principalement l’existence de conditions locales spécifiques qui ne permet pas de généraliser les conclusions des régulateurs.

Ainsi, les rapporteurs, dans leur questionnaire adressé aux parties, indiquaient que « (…) S’agissant de la situation au Royaume-Uni, les rapporteurs comprennent de la lecture de la décision de règlement de différend, en date du 16 avril 2004, qu’un accord de réciprocité a été retenu en 1997 par le secteur pour le calcul du tarif de la terminaison d’appel géographique sur les réseaux alternatifs fixes ; cet accord était valide du 1er octobre 1997 au 30 septembre 2001.

Cette même décision précise qu’en mars 2001 des négociations ont été ouvertes entre British Telecom et les opérateurs alternatifs de sorte à définir un nouvel accord de tarification  à compter du 1er octobre 2001, et pour une durée de quatre ans. Ce nouvel accord visait à introduire une distinction entre les opérateurs terminant l’appel sur leur réseau en une commutation (SSO) ou plus (MSO)10.

Selon cette distinction, dans le cas MSO, la méthodologie de calcul de la prestation de terminaison d’appel par réciprocité se distingue par l’introduction d’une quote-part du tarif de double transit de British Telecom (…).

En résumé,

  • la formule SSO vise à plafonner le tarif de terminaison d’appel de l’opérateur à un mix des tarifs intra CA et simple transit, le mix reflétant le poids des volumes collectés et terminés au CA sur l’ensemble des volumes échangés à l’interconnexion avec BT ;
  • la formule MSO corrige la formule précédente d’une quote-part double transit d’autant plus importante que l’opérateur termine d’appels en effectuant plus d’une commutation sur son réseau.Enfin, les rapporteurs comprennent de la lecture de l’analyse des marchés pertinents de la terminaison d’appel géographique sur les réseaux alternatifs fixes, en date du 28 novembre 2003, que l’Oftel a défini comme raisonnable la tarification de la prestation de terminaison d’appel offerte par les opérateurs alternatifs faisant référence aux charges de British Telecom, sans pour autant l’imposer strictement : « (..) 4.14 For interrelationships with BT, Oftel believes that charges for call termination should be based on BT’s charges. This would prevent the terminating PECN [Public Electronic Communications Network] from setting excessive call termination charges and it also sends out the correct signals in terms of efficiency. However, Oftel does not intend to review the reciprocal charging call termination agreement. This was a commercially negotiated settlement. 4.15 Condition BC1 requires charges to be « fair and reasonable ». It does not mandate that charges should be based on BT’s charges. Any PECN could therefore set other charges if it believed that they were « fair and reasonable ». But Oftel’s view is that charges that were not based on BT’s are unlikely to be « fair and reasonable ». Nevertheless, the Director would need to consider any dispute on its relative merits. In any case, charges would have to be competitively neutral. (…) ».

S’agissant de la situation en Espagne, et de la même manière, les rapporteurs précisaient aux parties, leur analyse des obligations posées par le régulateur local : « (…) les rapporteurs notent que le régulateur espagnol vient de préciser le remède de « tarification raisonnable » imposé aux opérateurs alternatifs sur le marché de leur terminaison d’appel (ce, postérieurement à la date de la saisine). Il estime que, transitoirement, un tarif inférieur ou égal au tarif de terminaison d’appel local de l’opérateur historique Telefonica (équivalent de l’intra-CA de  France  Télécom) majoré de 30% est raisonnable.

Par ailleurs, Telefonica, et uniquement Telefonica, propose une interconnexion forfaitaire en fonction du seul débit du lien d’interconnexion aux opérateurs alternatifs pour leur trafic voix. Dans le rapport trimestriel du 2ème trimestre 2005 du régulateur (Informe trimestrial abril – junio 2005), les rapporteurs notent que de juillet 2004 à juin 2005, le tarif de cette interconnexion forfaitaire (moyenné sur l’ensemble des niveaux d’interconnexion) revient à 0,3522 centimes d’euros / min (24,2 Gmin pour un chiffre d’affaires de 85,6 M€). Ainsi, le niveau tarifaire de cette interconnexion forfaitaire est même strictement inférieur au niveau local. Comparativement, l’interconnexion à la minute au niveau local lue dans l’offre de référence d’interconnexion de Telefonica, et prise comme référence dans les calculs de symétrie du régulateur coûte 0,562 centimes d’euros/min. Or, les opérateurs alternatifs achètent essentiellement de l’interconnexion forfaitaire, comme en témoignent les chiffres indiqués dans le rapport trimestriel précédemment cité. »

Même si France Télécom estime que les opérateurs alternatifs achètent également, et principalement en débordement, les offres à la minute de Telefonica, il n’en demeure pas moins que l’usage abondant d’une interconnexion forfaitaire voix par les opérateurs alternatifs espagnols remet en cause la pertinence d’une comparaison entre les deux pays.

A la lumière de ces éléments, il ressort que ces différences de situation confortent la difficulté, au cas d’espèce, de s’appuyer sur une comparaison internationale des niveaux de tarification de la terminaison d’appel, les principes de calcul sous-jacents ainsi que les architectures d’interconnexion, différant sensiblement.

Il apparaît toutefois que le tarif de terminaison d’appel d’un opérateur alternatif s’établit généralement, dans les pratiques des régulateurs européens, en retenant un (ou des) tarif(s) de l’opérateur historique comme référence(s) pertinente(s). Cette référence est généralement assortie de paramètres de corrections introduisant une asymétrie de tarification entre les prestations de terminaison d’appel de l’opérateur historique et les opérateurs alternatifs.

IV.5. Sur la fixation du tarif de la prestation de terminaison d’appel de Neuf Télécom

S’agissant du tarif de la prestation de terminaison d’appel de Neuf Télécom, l’Autorité a indiqué qu’en vertu de l’article L. 32-1 du CPCE, elle doit prendre en compte un certain nombre d’objectifs qui s’imposent à elle.

Ces objectifs, et notamment ceux inscrits aux 2°, 3° et 4° de cet article, sur lesquels l’Autorité a fondé l’obligation de ne pas fixer de tarifs excessifs à Neuf Télécom pour ce qui est de la prestation de terminaison d’appel, imposent à l’Autorité de fixer un tarif équitable en prenant en compte des exigences qui, au cas d’espèce, peuvent apparaître contradictoires.

Ainsi, au travers de son appréciation du tarif pratiqué par l’opérateur et de l’obligation ex ante de non excessivité qui pèse sur lui, l’Autorité se doit de minimiser les risques potentiels de distorsion concurrentielle sur les marchés de détail, d’une part, et de prévenir les conséquences néfastes, en termes de transparence tarifaire pour l’utilisateur final, que pourrait générer ce tarif de gros d’autre part. Ces deux objectifs imposent de fixer un tarif suffisamment proche d’un tarif de terminaison d’appel de France Télécom.

A l’inverse, l’Autorité doit également veiller au développement de l’investissement efficace, et doit donc prendre en compte la situation économique de Neuf Télécom pour fixer un tarif suffisamment élevé pour qu’il puisse participer, à hauteur raisonnable, à la rémunération des investissements efficaces de Neuf Télécom.

IV.5.1. Sur la prestation de référence de FT que l’Autorité retient pour fixer le tarif

IV.5.1.1. La tarification de la terminaison d’appel géographique sur les réseaux alternatifs fixes sur la base de la réciprocité retardée

(a) Les décisions passées de l’Autorité

Les conventions d’interconnexion établies entre France Télécom et certains opérateurs de boucle locale ont conduit depuis 1999 à plusieurs règlements de différends portant sur la tarification de la terminaison d’appel géographique entrant sur le réseau de ces opérateurs.

En application de l’article D. 99-1011 du code des postes et télécommunications (CPT) précisant que les conditions tarifaires d’interconnexion doivent « respecter les principes d’objectivité et de transparence » et « ne doivent pas conduire à imposer indûment aux opérateurs utilisant l’interconnexion des charges excessives », l’Autorité a fixé les tarifs d’interconnexion objets des litiges par équivalence ou réciprocité.

Aussi, la décision de l’Autorité n° 99-539, en date du 18 juin 1999, se prononçant sur un différend entre Cégétel Entreprises et France Télécom a fixé les modalités techniques de la terminaison d’appel de l’opérateur alternatif selon lesquelles l’opérateur devait offrir au moins un point d’interconnexion dans chacune des zones de transit où il se trouve et définies dans le catalogue d’interconnexion de France Télécom, et a fixé le tarif à un niveau égal à des tarifs comparables de terminaison d’appel de France Télécom.

En outre, la décision n° 01-1235, en date du 21 décembre 2001, se prononçant sur un différend entre UPC France et France Télécom a également fixé le tarif en cause sur la même base.

Enfin, les décisions n° 03-701 et n° 03-702, en date du 5 juin 2003, se prononçant sur des différends respectivement entre Completel et France Télécom et  entre  Estel  et  France  Télécom, ont fixé le tarif en référence à des tarifs réciproques retardés.

(b) La tarification réciproque fixée en 1999

L’objectif était de permettre à l’opérateur alternatif, partie du différend, de rémunérer équitablement son investissement et de favoriser le développement d’une concurrence bénéfique à l’ensemble des consommateurs.

L’Autorité a défini le tarif d’interconnexion pour la terminaison des appels à destination des abonnés de Cégétel Entreprises comme étant au plus égal à la moyenne des tarifs de terminaison en simple transit et en intra-CA de France Télécom, pondérée par des coefficients égaux aux pourcentages correspondants à l’utilisation que l’opérateur de boucle locale fait de ces services pour le trafic sortant de son réseau vers celui de France Télécom, pour joindre les abonnés des zones de transit où l’opérateur alternatif est connecté.

(c) La tarification réciproque retardée introduite en 2003

Dans la poursuite de ces règlements de différends, l’Autorité a pris en compte les éléments économiques produits par les opérateurs de boucle locale, parties des différends.

Ceux-ci ont notamment souligné que leur volume d’activité ne leur permettait pas de bénéficier, au moins pendant une période transitoire, des économies d’échelle dans les mêmes proportions que l’opérateur historique.

Dans ce contexte, l’Autorité a estimé qu’il était équitable de fixer des tarifs réciproques retardés, c’est-à-dire équivalents à ceux que France Télécom offrait cinq années auparavant pour des prestations équivalentes.

Le tarif a été fixé via un calcul identique à celui effectué en 1999, à ceci près que les tarifs de terminaison en simple transit et en intra-CA de France Télécom alors utilisés ont été remplacés par ceux inscrits au catalogue d’interconnexion de l’année N-5, N étant l’année en cours.

Par ailleurs, les pourcentages d’utilisation des offres de simple transit et d’intra-CA par l’opérateur de boucle locale en année N ont été établis en prenant comme référence les trois derniers mois de l’année N-1. Cette pratique visait à rapprocher des pourcentages d’utilisation de ces offres qui seront effectivement constatés au cours de l’année N, tout en assurant un lissage minimum des données de trafic.

Les tarifs d’interconnexion retenus pour les prestations d’intra-CA et de simple transit sont les tarifs moyens, sans partie fixe ni modulation horaire, tels que calculés dans les décisions d’approbation des catalogues d’interconnexion respectifs.

(d) Les difficultés de mise en œuvre de ces décisions

Dans son mémoire de saisine, France Télécom juge désormais inappropriée l’application d’une tarification de la terminaison d’appel sur la base de la réciprocité retardée. France Télécom explique que cette approche est dorénavant inadaptée au contexte actuel et  aux  nouveaux  enjeux du marché des télécommunications.

L’Autorité souscrit en partie à cette analyse. Au delà des arguments avancés par l’opérateur illustrant les difficultés de mise en œuvre des décisions prises en 1999, 2001 et 2003, du fait notamment du développement concurrentiel observé sur le marché du transit à destination du réseau de France Télécom depuis 2001, l’Autorité note qu’un opérateur pourrait instrumentaliser le ratio d’utilisation des offres de simple transit et d’intra-CA en vue de bénéficier artificiellement d’un meilleur tarif pour sa propre prestation de terminaison d’appel.

Par ailleurs, l’Autorité constate que l’un des objectifs que poursuivaient ses décisions prises sur  la base de la réciprocité retardée, celui d’incitation au déploiement des infrastructures de l’opérateur alternatif, peut se révéler partiellement insatisfait. En effet, plus un opérateur est capillaire et a donc investi dans son réseau, plus son taux d’utilisation des offres intra-CA de France Télécom sera élevé, et moins, par conséquent, son tarif de terminaison d’appel pourra être élevé.

Il ressort de cette analyse que l’introduction d’une référence tarifaire mixte CAA/PRO n’est plus pertinente au regard des objectifs assignés à l’Autorité.

IV.5.1.2. La nécessité d’un tarif d’interconnexion de France Télécom comme tarif de référence pour déterminer le tarif de terminaison d’appel de Neuf Télécom

Dans sa décision d’analyse de marché n° 05-0425 en date du 27 septembre 2005, l’Autorité précisait, s’agissant de l’obligation imposée aux opérateurs alternatifs de ne pas pratiquer de tarifs de terminaison d’appel excessifs, que « l’Autorité estime que (…) un tarif ne reflétant pas les coûts, mais soumis à une obligation de non excessivité, ne pourrait contraindre la capacité des opérateurs tiers à proposer des offres globales compétitives. La notion d’excessivité d’un tarif doit notamment s’apprécier au regard de son impact concurrentiel sur l’ensemble des opérateurs, y compris France Télécom. A ce titre, le tarif de terminaison d’appel de France Télécom, reflétant les coûts, constituera un élément parmi d’autres dans l’analyse du caractère excessif ou non du tarif de terminaison d’appel d’un opérateur alternatif. ».

La prise en compte d’un tarif d’interconnexion pertinent, pratiqué par France Télécom, comme un des éléments de référence pour fixer le tarif de la prestation de terminaison d’appel de Neuf Télécom respectant l’obligation de non excessivité présente plusieurs propriétés dont celle d’éviter les distorsions concurrentielles sur les marchés de détail aval en limitant les écarts tarifaires sur les marchés de gros, comme l’a expliqué auparavant l’Autorité.

De surcroît, un tarif de référence issu de l’offre d’interconnexion de l’opérateur historique local constitue un des paramètres généralement retenu par les régulateurs européens dans la fixation du tarif de terminaison d’appel d’un opérateur alternatif.

Dans son mémoire de saisine, France Télécom souligne que, conformément aux dispositions de l'article D. 99-1012 du CPCE dans sa rédaction actuellement en vigueur, la détermination du tarif d'interconnexion de Neuf Télécom se doit de respecter des principes d’objectivité et de transparence. La référence à un tarif d’interconnexion de France Télécom satisfait par là même ces principes.

IV.5.1.3. Le tarif de la prestation dite de simple transit de France Télécom retenu comme référence

Dans son mémoire de saisine, France Télécom s’oppose au maintien des principes qui  ont conduit à établir le principe de réciprocité retardée et souligne, en complément, l’absence de pertinence d’une référence à sa prestation de simple transit dans la détermination du tarif de terminaison d’appel de Neuf Télécom. En effet, France Télécom constate que l'essentiel du trafic qui lui est livré l’est au niveau des commutateurs d'abonnés (CAA) ; le simple transit, qui n'a de sens que pour une minorité du trafic livré à l'interconnexion, ne peut être une référence pour déterminer le tarif de la prestation de terminaison d'appel des opérateurs de réseaux alternatifs fixes.

En outre, France Télécom indique qu’au sens de la définition de la décision n° 05-0425, le marché du transit est bien distinct du marché de la terminaison d’appel, et rappelle que sa prestation de simple transit est précisément à cheval sur ces deux marchés.

L’Autorité rappelle que la référence à un tarif de référence de France Télécom pour la détermination du tarif de la prestation de terminaison d’appel fournie par Neuf Télécom amène à identifier la prestation de France Télécom équivalente à celle fournie par l’opérateur alternatif.

Or, à la lecture des premières observations en défense de la société Neuf Télécom, et notamment de la description technique de l’architecture de son réseau et du fonctionnement technique de sa prestation de terminaison d’appel, l’Autorité observe que celle-ci se rapproche à double titre de la prestation d’interconnexion offerte au niveau du commutateur de transit, dite de simple transit, par France Télécom :

  • D’un point de vue fonctionnel, le commutateur de l’opérateur alternatif joue un double rôle. Certes, il opère, d’un côté, le rôle du commutateur d’abonnés de France Télécom, puisqu’il est le dernier maillon de commutation avant les abonnés ; mais, d’un autre côté, ce même commutateur assure les fonctions de commutateur de transit au sein du réseau de Neuf Télécom ;
  • D’un point de vue macroscopique, surtout, la structure géographique du réseau de Neuf Télécom, organisée autour de six centres de commutation, se rapproche plutôt de la structure géographique issue des centres de transit de France Télécom, qui conduit à découper le territoire métropolitain en 18 zones de transit. A l’inverse, la prestation offerte par France Télécom au commutateur d’abonnés découpe le territoire en 500 zones environ.

Dans la poursuite des objectifs qu’elle a précédemment précisés, l’Autorité estime donc pertinent de retenir la prestation d’interconnexion dite de simple transit de France Télécom comme prestation équivalente à celle de terminaison d’appel de Neuf Télécom.

IV.5.2. Sur la prise en compte d’un décalage temporel pour fixer le tarif

Dans son mémoire de saisine, France Télécom estime que Neuf Télécom n’est plus légitime à se prévaloir d’un quelconque effet d’apprentissage eu égard, notamment, au développement de son réseau commuté et à l’efficacité de ses investissements.

France Télécom indique que l'évolution particulièrement dynamique et le niveau élevé de la concurrence entre les acteurs doit conduire à réévaluer la prise en compte d'un effet d'apprentissage, dont pourraient se prévaloir les opérateurs dans la détermination des tarifs de terminaison d'appel. Elle appuie sa position en rappelant que le groupe Neuf Cégétel achemine aujourd’hui plus de la moitié du volume de trafic en transit à destination de France Télécom. Selon France Télécom, ces volumes sont du même ordre de grandeur que ceux acheminés par France Télécom pour ses propres besoins.

La différence entre le nombre d’années de présence de Neuf Télécom et celui de France Télécom sur le marché français des télécommunications reste toutefois, pour des raisons historiques, significative, de même que les différences dans le degré de déploiement des infrastructures. De manière directe, le déploiement tardif d’un opérateur alternatif tel que Neuf Télécom par rapport à celui de France Télécom se traduit par un écart lui aussi fort entre leurs économies d’échelle et de gamme respectives.

L’Autorité, dans sa décision n° 05-0571 d’analyse des marchés de la téléphonie fixe, en date du 27 septembre 2005, notait que « France Télécom possède le réseau le plus capillaire et le plus maillé de France. (…).

En outre, au contraire des opérateurs alternatifs dont les offres sont généralement ciblées,  l’offre de services de détail de France Télécom est particulièrement diversifiée sur les différents marchés de la téléphonie fixe, des services à large bande et des autres marchés de services de capacité et de transmission de données et couvre l’ensemble des besoins des clientèles de détail et de gros.

Par ailleurs, comme cela est détaillé dans l’analyse des marchés de détail de la téléphonie fixe, les gains de parts de marché réalisés par la concurrence vis-à-vis de France Télécom reposent essentiellement sur l’utilisation des offres de gros de cette dernière, qu’il s’agisse notamment des services de sélection du transporteur, de présélection, d’accès partagé ou totalement dégroupé à la boucle locale ou des services de gros de liaisons louées.

Il en résulte que les volumes de communications acheminées par France Télécom sur son réseau, (…) lui procurent d’importantes économies d’échelle et de gamme, qui lui permettent de disposer d’un avantage important et structurel en matière de coûts par rapport à ses concurrents.

Cet avantage lui permet de dégager des marges supérieures à celles de concurrents aussi efficaces qu’elle sur le plan économique, ou éventuellement de baisser ses prix de gros de transit à des niveaux inférieurs aux prix que ses concurrents, qui bénéficient pour leur part d’économies d’échelle et de gamme moins importantes, peuvent fixer raisonnablement sans subir de pertes économiques substantielles. »

Cette analyse, effectuée en 2005, garde toute sa pertinence aujourd’hui.

En outre, Neuf Télécom explique que sa stratégie de pénétration du marché des télécommunications a largement reposé sur la mise en œuvre de technologies IP pour lesquelles les coûts d’investissements sont élevés. Elle précise ainsi, dans ses secondes observations en défense, que « contrairement à France Télécom qui dispose d’une infrastructure d’acheminement TDM largement financée par l’abonnement et les communications et amortie significativement, Neuf Cégétel a récemment investi dans des infrastructures de transport en IP et déployé cette infrastructure IP pour connecter ses DSLAM et permettre l'acheminement des appels jusqu'à leur destination ». De même, Neuf Télécom, s’agissant des volumes de production interne, estime que la mesure de ceux de France Télécom est incontournable pour l’évaluation des économies d’échelle dont bénéficie l’opérateur historique et pour la comparaison de ses flux avec ceux de Neuf Cégétel.

A propos des économies d’échelle dont bénéficie Neuf Télécom, cette dernière a justifié, à l’appui de ratios caractéristiques des réseaux, des niveaux moindres que ceux apportés par France Télécom sur la base d’autres ratios caractéristiques. Par ses éléments quantitatifs, France Télécom visait à prouver l’équivalence des économies d’échelle de Neuf Télécom avec celles dont elle bénéficie.

Neuf Télécom explique par ailleurs que sa double architecture (TDM et IP) entraîne des surcoûts temporaires car réclamant, pour l’acheminement ou la réception des flux issus d’autres opérateurs, le maintien en doublon d’une infrastructure TDM. Elle précise ainsi, s’agissant des taux de remplissage et des effets d’échelle différents des deux architectures, que ce n’est qu’avec la croissance des volumes acheminés sur le réseau IP et la disparition progressive du réseau TDM que Neuf Télécom pourra bénéficier d’économies d’échelle.

Neuf Télécom indique enfin que ses investissements devraient lui permettre de disposer, sur le long terme, d’une structure de coût plus compétitive, notamment, à nouveau, du fait « d’une anticipation forte des économies d’échelle qu’elle escompte réaliser en raison de la progression de ses volumes de VoIP. ».

L’Autorité observe que la présence de passerelles VoIP dans le réseau de Neuf Télécom s’impose à l’opérateur du fait de l’absence d’interconnexion voix native en interface IP entre les opérateurs. Cette contrainte d’architecture, additionnée à la disparition entamée du réseau TDM (mais à son maintien temporaire) et aux volumes de VoIP n’ayant pas encore atteint un niveau significatif, explique pour partie les moindres économies d’échelle réalisées par Neuf Télécom par rapport à France Télécom.

La date d’entrée sur le marché des télécommunications, mais aussi les technologies retenues pour le pénétrer et développer une activité pérenne et efficace, les investissements sous-jacents à cette stratégie de développement, et le caractère intégré des acteurs constituent des critères d’analyse pertinents et forts du décalage de situation qui peut exister entre un opérateur historique et un opérateur alternatif tel que Neuf Télécom.

A la lumière de ces différents éléments, tout en tenant compte de la nécessité pour Neuf Télécom de rapprocher sa propre structure de coûts de celle de France Télécom, afin que le tarif de prestation de terminaison d’appel de Neuf Télécom ne rémunère pas d’inefficacité temporaire de réseau, l’Autorité estime équitable de définir un tarif prenant en compte le retard de Neuf Télécom par rapport à France Télécom, en terme de possibilités d’économies comparables dans la structure de ses coûts de réseau.

En outre, le recours à un retard temporel, appliqué sur un tarif de référence de France Télécom, apporte, du fait du caractère public de l’offre technique et tarifaire de l’opérateur historique, une prévisibilité pluriannuelle sur les revenus qu’un opérateur alternatif peut espérer tirer de la terminaison d’appel et lui permettre ainsi de faciliter ses anticipations.

En équité, l’Autorité juge pertinent de retenir un retard temporel de 3 ans afin de prendre en compte les écarts d’économies d’échelle existant entre les sociétés France Télécom et Neuf Télécom.

En fixant un retard à 3 ans, et non 5 ans comme elle l’avait fait en 2003, l’Autorité entend prendre en compte le bénéfice des années écoulées pour un opérateur alternatif efficace, qui doit le conduire à réduire l’écart qui le sépare de l’opérateur historique en termes d’économies d’échelle et de gammes notamment.

IV.6. Sur la prise en compte d’un facteur de correction traduisant la nature d’opérateur alternatif

Un opérateur alternatif comme Neuf Télécom, qui, en comparaison de France Télécom, a lancé son activité récemment, poursuit une politique d’acquisition des clients, et ne possède pas, de ce fait, une base de clients comparable à celle de l’opérateur historique. Il développe son activité sur de nombreux marchés de détail où France Télécom exerce toujours une position dominante compte tenu notamment de ses parts de marché importantes, des économies d’envergure et d’échelle dont elle bénéficie.

Dans ce contexte, la prime de risque attachée à l’activité de Neuf Télécom est supérieure à celle de France Télécom et renchérit d’autant la juste rémunération des capitaux investis par Neuf Télécom pour développer son activité.

Par ailleurs, l’observation de la situation en Europe révèle que nombre de régulateurs retiennent un facteur correctif à la hausse sur le tarif de référence retenu dans l’offre d’interconnexion de l’opérateur historique locale.

A cet égard, l’Autorité, compte tenu des risques plus importants que Neuf Télécom encourt, en tant qu’opérateur nouvel entrant dans un marché caractérisé par la présence d’un opérateur historique, considère comme équitable de retenir, outre le décalage temporel de trois ans, un facteur correctif de 10% à appliquer au tarif de simple transit de France Télécom retenu comme référence tarifaire pour la fixation du tarif de la prestation de terminaison d’appel de Neuf Télécom.

IV.7. Sur les effets dans le temps de la décision de l’Autorité

En application des dispositions de l’article L. 36-8 I alinéa 2 du CPCE, il appartient à l’Autorité de préciser « les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés », concernant la prestation de terminaison d’appel de Neuf Télécom, et conformément aux demandes des parties.

Par ailleurs, puisque la période litigieuse commence à courir à compter du 1er janvier 2006 l’Autorité pourra, en tant que de besoin, et sans que lui soit opposé le principe de non- rétroactivité des actes administratifs, décider que le tarif de terminaison d’appel qu’elle sera amenée à fixer dans la présente décision, emportera des conséquences dès cette date13.

Enfin, conformément aux articles 9 et 10 de la décision 05-0425 en date du 27 septembre 2005, Neuf Télécom est soumise à une obligation de ne pas pratiquer de tarif excessif pour les prestations de terminaison d’appel géographique jusqu’au 1er septembre 2008, sans que l’Autorité puisse préjuger du maintien, de la modification ou de la suppression des obligations imposées à la société Neuf Télécom au-delà de cette date. La présente décision, en tant que fondée sur le cadre réglementaire applicable à la prestation de terminaison d’appel de Neuf Télécom, emportera donc des conséquences jusqu’au 1er septembre 2008, sans préjudice de la possibilité pour l’Autorité de réexaminer par anticipation la pertinence du marché de gros des prestations de terminaison d’appel à destination de numéros géographiques sur le réseau de Neuf Télécom, l’influence significative de Neuf Télécom sur ce marché et les obligations qui lui sont imposés à ce titre conformément aux articles D. 301 et D. 303 du CPCE.

Dans ces conditions, l’Autorité estime légitime de fixer le niveau tarifaire de la terminaison d’appel pratiqué par Neuf Télécom vis-à-vis de France Télécom du 1er janvier 2006 jusqu’au 1er septembre 2008.

IV.8. Sur la spécification du tarif moyen par minute

La structure tarifaire récurrente de la prestation de terminaison d’appel commercialisée par Neuf Télécom, comme celle de France télécom, est structurée en trois items tarifaires : un tarif « minute », un tarif de « charge d’établissement d’appel » et un tarif de « bloc primaire numérique ».

Afin d’assurer la comparabilité de deux structures tarifaires distinctes, il convient de ramener ces structures à un « tarif moyen par minute » représentatif du coût total suivant les trois postes de tarification pour terminer une minute, et ce, indépendamment de toute plage horaire. Conformément à la pratique adoptée dans les décisions passées d’approbation de l’offre technique et tarifaire d’interconnexion de France Télécom et dans les décisions de règlement de différends, l’Autorité considère qu’il convient de retenir les paramètres suivants à titre conventionnel :

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Les plages horaires d’application du tarif réduit (en heures creuses) retenues dans l’offre de référence d’interconnexion de France Télécom, en vigueur au 1er janvier 2006, sont les  suivantes : du lundi au vendredi, de 7 heures à 8 heures et de 19 heures à 22 heures, et les samedis, dimanches et jours fériés, de 7 heures à 22 heures. Les plages horaires d’application du tarif bleu-nuit sont de 22 heures, chaque jour, à 7 heures du jour suivant. Lorsque les plages horaires diffèrent, les pondérations sont déduites de la définition précédente au prorata temporis (exemple : la plage horaire de 4 heures à 7 heures, soit trois heures sur les neuf heures en tarif bleu nuit, est pondérée à 1/3 x 5% soit 1,67%).

Au regard des éléments précédents, le tarif moyen par minute de la prestation de terminaison d’appel, pour l’année N considérée et fournie par Neuf Télécom à France Télécom pour l’acheminement des appels à destination de ses numéros géographiques, devra donc être au plus égal tarif moyen par minute de la prestation de simple transit de France Télécom de la troisième année précédant l’année en vigueur, i.e. le tarif de l’année N-3, augmenté de dix pourcents.

Compte tenu des tarifs de France Télécom en vigueur sur la période du 1er janvier 2003 au 1er septembre 2005, le tarif moyen par minute de la prestation de terminaison d’appel fournie par Neuf Télécom à France Télécom pour l’acheminement des appels à destination de ses numéros géographiques, devra donc être au plus égal à 1,110 c€/min. du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006 et à 1,088 c€/min. du 1er janvier 2007 au 1er septembre 2008.

L’Autorité décide :

Article 1 : Pour les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2006 et du 1er janvier 2007 au 1er septembre 2008, le « tarif moyen par minute » de la prestation de terminaison d’appel fournie par Neuf Télécom à France Télécom pour l’acheminement des appels à destination de ses numéros géographiques est au plus égal, respectivement, à 1,110 c€/min. et 1,088 c€/min.

Le « tarif moyen par minute » de la prestation de terminaison d’appel mentionné dans l’alinéa précédent est égal à la somme des composantes tarifaires « minute », « charge d’établissement d’appel » et « bloc primaire numérique » ramené à une minute de trafic sous les hypothèses suivantes :

- Taux de remplissage d’un bloc primaire numérique (BPN) égal à 2 600 000 minutes par BPN et par an,

- Durée moyenne d’un appel égale à 200 secondes indépendamment des plages horaires,

- Part des appels en heures « bleu nuit », soit de 22 heures, chaque jour, à 7 heures du jour suivant, égale à 5%,

- Part des appels en heures « creuses », soit du lundi au vendredi, de 7 heures à 8 heures et de 19 heures à 22 heures et les samedis, dimanches et jours fériés, de 7 heures à 22 heures, égale à 35%,

- Part des autres appels en heures « normales » égale à 60%.

Soit un « tarif moyen par minute » calculé selon la formule suivante :

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Article 2 - Les parties devront mettre leur convention d'interconnexion en conformité avec les dispositions prévues à l’article 1 de la présente décision dans un délai de quatre semaines à compter de sa notification.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les sociétés France Télécom et Neuf Télécom est rejeté.

Article 4 - Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés France Télécom et Neuf Télécom la présente décision et de veiller à son exécution. Elle sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi et publiée sur le site Internet de l’Autorité.

Notes : 

1 JO, 10 juillet 2004, p. 12483.

2 Cass. Civ. 1ère, 15 mars 1955, Cie d’assurances Le Continent, Bull. I-102 ; CE Ass., 28 mai 1971, Barrat, Rec. 387.

3 A. Trassy-Paillogues, Assemblée nationale, Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, Rapport n° 1413 sur le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.

4 directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »)

5 CA Paris, 20 janvier 2004, France Telecom c/ Completel, n° 2003/13088.

6 Décision n° 05-0425 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la terminaison d’appel géographique sur les réseaux alternatifs fixes, la désignation des opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre, page 30

bid, page 31

8 Ibid, page 31

9 cf. Notice du test d’effet de ciseaux tarifaires « téléphonie fixe », Communications locales, interurbaines, vers mobiles, depuis un poste fixe, Mars 2006.

10 « The proposed new agreement distinguished between Operators with single-switched status and Operators with multi-switched status. Single switched termination calls are calls that terminate on an end-user’s network termination point connected directly to the switch where BT hands over a call to the Operator. Multi-switched calls are calls that terminate on an end-user’s network termination point that is connected to a different Operator switch from that where BT hands over the call. In the case of multi-switched calls, BT agreed to pay Operators a higher termination charge to reflect the additional work undertaken in Operator networks to terminate such calls. Under the proposed agreement, Operators with more than a certain proportion of calls terminating via multi-switched routes could apply for Multi-Switched Operator ("MSO") status and receive higher termination payments from BT to reflect additional work carried out in Operator networks to terminate such calls. All other Operators would receive termination payments based on their status as a Single-Switched Operator ("SSO"). » (http://www.ofcom.org.uk/static/archive/oftel/publications/pricing/2002/inter0302.htm#d2)

11 Dans sa rédaction alors en vigueur découlant du décret du 8 novembre 2002.

12 « Les conditions tarifaires des conventions d’interconnexion respectent les principes d’objectivité, et de transparence. Elles doivent pouvoir être justifiées sur demande de l’Autorité de régulation des télécommunications. »

13 CA Paris, 20 janvier 2004, UPC France c/ France Télécom, n° 2003/12848.