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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 1 mars 2023, n° 21/12027

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

SAS DMJ (ès qual.), Thoni (SARL)

Défendeur :

DKH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Brun-Lallemand, Mme Depelley

Avocats :

Me Guerre, Me Friederich, Me Boccon-Gibod, Me Panneau

T. com. Paris, du 14 mai 2021, n° J20210…

14 mai 2021

FAITS ET PROCEDURE

Les sociétés DKH et Thoni, qui étaient auparavant liées par un contrat de franchise de 2013, ont signé un nouveau contrat de franchise mentionnant qu'il a été conclu le 18 décembre 2018 pour une durée de 5 ans, à compter du 8 juillet 2018 et jusqu'au 7 juillet 2023. Aux termes de ce contrat, la société Thoni, en qualité de franchisée, achetait des vêtements et accessoires de marque Superdry à la société DKH, franchiseur, afin de les revendre dans son magasin situé [Adresse 1] à [Localité 6].

La dissolution amiable de la société Thoni a été décidée à compter du 28 février 2020, son dirigeant M. [O] étant désigné en qualité de liquidateur amiable. La société Thoni a cédé son droit au bail.

Le 3 août 2020, la société Thoni, représentée par son liquidateur amiable, a fait assigner la société DKH devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir prononcer la nullité du contrat de franchise, subsidiairement constater les manquements de la société DKH à ses obligations et, en tout état de cause, obtenir paiement de la somme de 600.000 € en indemnisation de son préjudice.

Le 7 août 2020, la société DKH a fait assigner à jour fixe la société Thoni devant le même tribunal aux fins de voir prononcer la résiliation du contrat à ses torts et l'entendre condamner à lui payer la somme de 281.000 € au titre de factures impayées ainsi que des dommages-intérêts pour résistance abusive et abus de procédure.

Par jugement du 14 mai 2021, le tribunal de commerce a :

- joint les deux instances,

- débouté la société Thoni, prise en la personne de son liquidateur amiable, de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Thoni, prise en la personne de son liquidateur amiable, à payer à la société DKH Retail limited :

la somme de 281.000 € au titre des factures impayées avec intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2020,

la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société DKH Retail limited de toutes ses autres demandes,

- condamné la société Thoni, prise en la personne de son liquidateur amiable, aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire de ces décisions était de plein droit.

La société Thoni, prise en la personne de son liquidateur amiable a relevé appel par déclaration au greffe du 27 juin 2021.

La liquidation judiciaire de la société Thoni a été prononcée le 28 juin 2021, Me [B] étant désigné en qualité de liquidateur. La société DKH a déclaré sa créance au passif de la société Thoni pour la somme totale de 449.130,44 € TTC, correspondant d'une part à 289.090,44 € au titre des condamnations prononcées par le tribunal, d'autre part à 160.040 € au titre des demandes dont le tribunal l'a déboutée.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 24 mai 2022, la société de mandataire judiciaire SAS DMJ, prise en la personne de Me [B], en sa qualité de liquidateur de la société Thoni, demande à la Cour, au visa de l'article L. 330-3 du code de commerce ainsi que des articles 1240 et 1103, 1128, 1130 et 1137, 1219 et 1143 du code civil :

Sur les demandes de la société Thoni reprises par son liquidateur judiciaire, de les juger recevables et bien fondées et y faisant droit :

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté la société Thoni, prise en la personne de son liquidateur amiable, de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Thoni, prise en la personne de son liquidateur amiable, à payer à la société DKH Retail limited la somme de 281.000 € au titre des factures impayées, avec intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2020,

- condamné la société Thoni, prise en la personne de son liquidateur amiable, aux dépens et à payer à la société DKH Retail limited la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société DKH Retail limited de toutes ses autres demandes,

- rappelé que l'exécution provisoire des décisions du jugement était de droit,

- confirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau :

- juger recevable les demandes de la SAS DMJ, prise en la personne de son liquidateur judiciaire de la société Thoni, Me [B],

- juger que les manquements de la société DKH Retail limited à son obligation contractuelle d'informations ont vicié le consentement de la société Thoni,

- juger que le consentement de la société Thoni a été vicié par dol et/ou erreur sur les qualités substantielles de son engagement contractuel,

- juger que le consentement de la société Thoni a été vicié du fait de la violence par abus de dépendance de la société DKH Retail limited au moment de son engagement dans le cadre du contrat de franchise de 2018,

- annuler le contrat de franchise signé le 18 décembre 2018 avec toutes conséquences de droit,

- en conséquence, condamner la société DKH Retail limited à lui rembourser l'intégralité des montants versés, notamment au titre du droit d'entrée, des redevances et tous autres montants dus au titre du contrat nul et de nul effet,

- en tout état de cause, condamner la société DKH Retail limited à lui payer, es qualités, la somme de 600.000 €, à titre d'indemnisation du préjudice subi, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ou, subsidiarement, à compter de la présente demande,

A titre subsidiaire :

- juger que la société DKH Retail limited a commis des manquements à ses obligations en qualité de franchiseur, engageant sa responsabilité envers la société Thoni,

- juger que cette société a commis des fautes dans l'exécution du contrat de franchise engageant sa responsabilité,

- en tout état de cause, condamner cette société à lui payer, es qualités, la somme de 600.000 € à titre d'indemnisation du préjudice subi, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ou, subsidiairement, à compter de la présente demande,

Sur les demandes de la société DKH Retail limited et sur son appel incident, de débouter cette société de l'intégralité de ses demandes et de son appel incident, et confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société DHK Retail limited :

- de ses demandes d'indemnisation du préjudice relatif à une prétendue résistance abusive,

- de sa demande d'indemnisation de son préjudice au titre d'une prétendue résiliation fautive du contrat de franchise,

- de ses demandes financières d'un montant global de 160.040 € réparti comme suit :

*40 € à titre d'indemnité de recouvrement,

*30.000 € en réparation d'un prétendu préjudice suite à une prétendue résistance abusive de la société Thoni quant à l'exécution de ses obligations de paiement au titre du contrat de franchise,

*30.000 € en réparation du prétendu préjudice subi en raison du comportement procédural de la société Thoni sur le fondement d'un abus de droit,

*100.000 € au titre d'un prétendu préjudice subi du fait d'une prétendue inexécution fautive et délibérée du contrat de franchise,

En tout état de cause, de :

- condamner la société DKH Retail limited à lui payer, es qualités, par application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5.000 € pour les frais irrépétibles exposés en première instance et la somme de 5.000 € pour ceux exposés en appel,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 25 février 2022, la société DKH demande à la Cour, au visa de l'article L. 330-3 du code de commerce, de l'article 32-1 du code de procédure civile ainsi que des articles 1103,1130, 1137, 1212, 1231-1, 1231-6 et 1240 du code civil, de l'accueillir en son appel incident, l'y juger recevable et bien fondée et de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté la société Thoni de l'ensemble de ses demandes, en ce compris ses demandes indemnitaires,

- condamné la société Thoni à lui payer la somme de 281.000 € au titre de ses factures émises et demeurées impayées, avec intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2020,

- jugé la société Thoni, par ses manquements contractuels, responsable de la résiliation du contrat de franchise du 18 décembre 2018,

- condamné la société Thoni aux entiers dépens et au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence, vu l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Thoni, ordonner l'inscription au passif de sa liquidation judiciaire des créances suivantes :

- 281.000 € au titre des factures impayées (TVA non applicable), augmentée des intérêts contractuels à compter du 12 mars 2020,

- 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Réformer le jugement en ce qu'il a :

- débouté la société DKH de toutes ses autres demandes,

- jugé que la présentation de l'état du marché faite dans la documentation d'informations précontractuelles était succinte et conclu à un manquement de sa part,

- jugé que la société Thoni avait pu commettre une erreur sur la consistance et la rentabilité du réseau,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés :

- écarter le grief de la société Thoni sur la présentation de l'état du marché dans la documentation d'informations précontractuelles,

- écarter le grief de la société Thoni sur la prétendue erreur dont elle aurait été victime sur la consistance et la rentabilité du réseau,

- plus généralement, débouter la SAS DMJ, es qualités de liquidateur judiciaire de la société Thoni, de l'ensemble de ses demandes,

- juger que la société Thoni a délibérément fait preuve de résistance abusive pour échapper à l'exécution de son obligation de paiement, que cette résistance abusive a préjudicié à la société DSK et que cette dernière est bien fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice à hauteur de la somme de 30.000 €,

- en conséquence, ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Thoni la somme de 30.000 € en réparation de son préjudice résultant de la résistance abusive de la société Thoni dans l'exécution de ses obligations de paiement,

- juger que la société Thoni a délibérément fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice dans le seul objectif d'échapper à l'exécution de ses obligations de paiement et que cet abus de droit a préjudicié aux intérêts de la société DKH et que cette dernière est bien fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice à hauteur de la somme de 30.000 €,

- en conséquence, ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Thoni de la somme de 30.000 € au titre de l'abus de droit dont la société Thoni s'est rendue coupable pour échapper à ses obligations de paiement,

- juger que la société Thoni, en se rendant responsable par son comportement de la résiliation fautive du contrat de franchise, a préjudicié aux intérêts de la société DKH et que cette dernière est fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice à hauteur de la somme de 100.000 €,

- en conséquence, ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Thoni de la somme de 100.000 € en réparation de son préjudice au titre de la résiliation fautive du contrat de franchise

En tout état de cause :

- condamner la SAS DMJ, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Thoni, à lui payer la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de Me Boccon-Gibot, avocat au barreau de Paris, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Vu la liquidation judiciaire de la société Thoni et la déclaration de créance de la société DKH, les demandes présentées par chacune des parties sont recevables.

Sur la demande tendant à voir constater la nullité du contrat de franchise du 18 décembre 2018 :

Le liquidateur judiciaire de la société Thoni, appelant, invoque les dispositions de l'article L. 330-3 du code de commerce. Il fait valoir que le consentement de cette société a été vicié en raison :

- de la remise tardive du document d'information précontracuelle le 20 août 2018 alors que le contrat de franchise a pris effet le 8 juillet 2018,

- du dol ou de la réticence dolosive, aucune information actualisée n'ayant été transmise à la société Thoni alors que le marché et l'activité de la franchise avaient nécessairement évolué depuis 2013,

- de l'erreur commise sur la consistance et la rentabilité du réseau actualisé en 2018,

- de la violence par abus de dépendance, le franchiseur ayant imposé à la société Thoni une double contrainte par rapport au contrat précédent, à savoir l'augmentation de la garantie bancaire à première demande qui est passée de 30.000 € à 50.000 € et l'abandon de la clause d'exclusivité sur le secteur concerné avec une stricte obligation de non-concurrence,

- du fait que le document d'information précontractuelle ne comporte pas la signature de M. [O] et qu'il ne répond pas aux exigences de l'article L. 330-3 du code de commerce faute de comporter d'éléments notamment sur l'état du marché local.

La société DKH conteste tous les griefs et conclut au mal fondé de la demande en nullité du contrat. Elle souligne que la nullité a été soulevée par lettre du conseil de la société Thoni du 26 mars 2020 après l'envoi de sa lettre de mise en demeure du 12 mars 2020 pour obtenir paiement de ses factures.

Réponse de la Cour,

Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L. 330-3, alinéa 1, du code de commerce : 'Toute personne qui met à disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.'

Il ressort des pièces produites par la société DKH que le 20 août 2020, M. [O] a signé un accusé de réception dans lequel il reconnaît avoir reçu 'les informations précontractuelles prévues par le décret d'application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement économique, juridique et social (loi Doubin) dans le document ci-joint appelé Document d'Information Précontractuelle (DIP).'

Comme le soutient justement la société DKH, seule la signature du contrat de franchise le 18 décembre 2018 a marqué l'accord de volonté des parties sur les stipulations qu'il devait contenir, peu important que ce contrat prévoit une prise d'effet rétroactive au 8 juillet 2018 ; c'est donc en vain que le liquidateur judiciaire de la société Thoni argue du fait que le document d'information précontractuelle n'a été remis que le 20 août 2018.

Pour prétendre au dol ou à la réticence dolosive ayant vicié le consentement de la société Thoni, son liquidateur judiciaire expose que le document d'informations précontractuelles ne renferme pas d'éléments sur l'évolution de la franchise Superdry en général, ni sur l'état général et local du marché et ses perspectives de développement, ni sur les comptes annuels, ni sur la présentation du réseau d'exploitants à jour.

Mais l'examen du document d'informations précontractuelles montre qu'il contient en annexes : les comptes annuels du franchiseur pour les 3 derniers exercices ainsi que la liste des succursales et des franchisés en France ; il y est donné des informations sous la rubrique ' Contexte, statut et perspectives du marché sur lequel les activités sont menées d'un point de vue général et local' ainsi que sous la rubrique ' Contexte, statut et perspectives de la part de marché du réseau de Superdry, d'un point de vue général et local '.

Si ces éléments ne renferment pas une étude du marché local, il demeure que le dirigeant de la société Thoni, qui exploitait le magasin de [Localité 6] depuis 2013 dans le cadre du précédent contrat de franchise portant sur la marque Superdry, connaissait l'état du marché local ou, à tout le moins, était parfaitement en mesure de le connaître en raison de son expérience passée.

Pour les mêmes raisons, il n'est pas démontré que la société Thoni, qui avait pu apprécier les perspectives de rentabilité de l'exploitation de son magasin à [Localité 6], aurait commis une erreur sur la consistance et la rentabilité du réseau de franchise.

Par ailleurs, aucune violence par abus de dépendance n'est caractérisée au sens de l'article 1143 du code civil, en effet :

- l'augmentation du montant de la garantie bancaire, qui a été acceptée par le gérant de la société Thoni, était de nature à protéger la société DKH contre d'éventuels manquements du franchisé qui laissait des impayés depuis 2016,

- la clause de non-concurrence stipulant que la société Thoni et ses affiliés ne pourraient, pendant la durée du contrat et une année après sa fin, travailler pour une entreprise concurrente sur l'emplacement du magasin, ni recruter ou solliciter des membres du personnel considérés comme 'clé' au service pendant les deux années précédentes de la société DKH ou d'autres franchisés, n'imposait pas une obligation disproportionnée au franchisé,

- l'état de dépendance économique, pas plus que la contrainte ne sont démontrés.

Le liquidateur judiciaire de la société Thoni ne justifie d'aucune manoeuvre de la part de la société DKH ni de vice du consentement qui aurait déterminé la société Thoni à conclure le contrat de franchise du 18 décembre 2018.

En conséquence, la demande en nullité du contrat sera rejetée.

Sur l'action en responsabilité à l'encontre de la société DKH :

Tout en faisant observer que la société Thoni a investi pour embellir et agrandir son magasin à l'enseigne Superdry, l'appelant reproche à la société DKH d'avoir manqué à ses obligations de loyauté, de coopération et d'assistance. Il allègue en ce sens :

- que dès le début de l'exécution du contrat, durant l'été 2018, la société DKH a de mauvaise foi bloqué les livraisons de marchandises alors qu'elle n'avait pas informé au préalable la franchisée qu'elle était redevable de la somme de 90.000 €,

- que la société Thoni a toujours cherché de bonne foi à régulariser la situation initiée par la carence du franchiseur dans la tenue de son compte, que fin mars 2019 il n'existait plus aucun retard mais que la société DKH a décidé de ne plus la convier aux rendez-vous de commandes de collections et que faute d'avoir pu y participer à l'été 2019, la société Thoni n'a pu disposer de marchandises en février 2020,

- que cette situation caractérise une rupture du contrat de franchise et que la société Thoni n'a eu d'autre choix que de procéder postérieurement à la cession de son droit au bail,

- qu'aux demandes de plan d'apurement, la société DKH a transmis des propositions inacceptables, allant même jusqu'à demander le paiement du double des livraisons,

- qu'en dépit d'innombrables courriels, rappels et initiatives du gérant de la société Thoni, la société DKH s'est abstenue de donner suite à l'accord qui avait été trouvé portant sur la mise en place d'un nantissement sur le magasin à hauteur de 240.000 € en échange de la livraison de la saison AW19 pour un montant de 120.000 €,

- que la société DKH a commis une faute engageant sa responsabilité, en encaissant de manière illégale le règlement effectué par la société Wani store dans le cadre du contrat de franchise relatif au magasin de [Localité 5] au profit de la société Thoni exploitant le magasin de [Localité 6],

- que la dégradation de la situation de la société Thoni entre 2017, avec un résultat excédentaire de 11.000 €, et 2018, avec des pertes de 188.000 €, résulte directement du comportement fautif du franchiseur qui a manqué à ses obligations et a privé la franchisée, de façon illégitime et infondée, des livraisons de marchandises qui seules pouvaient assurer la continuité de son activité.

Réponse de la Cour,

Il n'est pas contesté que la société Thoni était redevable de la somme de 47.000 € en 2015, de 50.000 € en 2016, de 114.079 € en 2017, de 125.675 € en 2018 et de 176.675 € en 2019.

La société DKH soutient à juste raison qu'elle a légitimement suspendu ses livraisons en 2018 et 2019 par application des stipulations contractuelles :

- de l'article 4-1 de l'annexe 3 relatives aux conditions de paiement qui prévoit que si le franchisé néglige de payer le prix d'une livraison à la date d'échéance, le franchiseur pourra annuler ou suspendre tout autre livraison,

- de l'article 3-2 de cette annexe qui prévoit un paiement sous 30 jours de l'émission de la facture, la possibilité d'établir un plan de paiement et, en l'absence d'accord sur un tel plan pour une saison, le refus de la société DKH de commandes d'articles pour cette saison.

Les courriels échangés entre les sociétés Thoni en août 2018 et janvier 2019 établissent que la société Thoni était parfaitement consciente de ses difficultés de paiement. Elle ne pouvait ignorer les risques associés au non-respect de son obligation de paiement et donc du blocage de ses commandes pour la saison été 2020.

Par courriel du 31 août 2020, M.[O] a proposé à la société DKH, dans l'attente de la vente de son fonds de commerce, qu'elle lui livre des marchandises à hauteur de 120.000 €, en échange d'une garantie de 240.000 €, mais en précisant que le reste de la dette serait à négocier. Eu égard au montant qui lui restait dû, la société DKH n'a commis aucune faute en refusant cette proposition.

Le non-respect de l'obligation de paiement persistant et accroissant la dette de la société Thoni en dépit des délais de paiement accordés par la société DKH, le liquidateur judiciaire de la société Thoni est mal fondé à invoquer un manque de coopération et d'assistance du franchiseur.

S'agissant de l'imputation de 2 paiements (6.348,85 € le 15 avril 2019 et 6.000 € le 24 avril 2019) émanant de la société Wani Store, dirigée également par M. [O] et en relation contractuelle avec la société DKH, il doit être constaté que cette imputation, qui a diminué la dette de la société Thoni, ne serait préjudiciable qu'à la société Wani Store qui n'est pas partie à l'instance.

En conséquence, l'appelant doit être débouté de sa demande subsidiaire à titre de dommages-intérêts.

Sur les demandes de la société DKH :

Le 12 mars 2020, la société DKH a mis en demeure la société Thoni de lui payer la somme de 331.000 € HT, montant des factures impayées.

La société Thoni reste débitrice du montant des factures relatives aux marchandises livrées, sous déduction de la garantie à première demande de 50.000 €, soit la somme de 281.000 € HT.

La société Thoni qui n'a pas respecté l'une des obligations essentielles du contrat de franchise, à savoir le paiement des factures, a fait preuve d'une résistance abusive et de mauvaise foi en organisant son insolvabilité et en arguant de manquements du franchiseur qui se sont révélés inexistants ; ce faisant, elle a causé un préjudice indépendant du simple retard de paiement, la société DKH ayant dû engager des ressources humaines et financières pour gérer le différend et se trouvant privée de perspective de recouvrement. En réparation, il convient de fixer les dommages-intérêts à la somme de 10.000 €.

La résiliation anticipée du contrat de franchise par la faute de la société Thoni a causé un préjudice à la société DKH qui s'est trouvée privée des revenus qu'elle aurait pu percevoir jusqu'à la fin du contrat et du rayonnement de sa marque dans un magasin situé au centre-ville de [Localité 6]. En réparation de ce préjudice sur lequel la société DKH ne produit pas d'éléments comptables, il lui sera alloué la somme de 20.000 €.

La société Thoni n'ayant pas fait dégénéré en abus son droit d'agir en justice et de relever appel, la demande de dommages-intérêts à ce titre sera rejetée.

Vu la liquidation judiciaire de la société Thoni, la créance de la société DKH sera inscrite au passif de la société Thoni, à titre chirographaire, pour les sommes de :

- 281.00 € HT avec intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2020 et jusqu'à la date d'ouverture de la procédure collective qui arrête le cours de ces intérêts,

- 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

- 10.000 € à titre de dommages-intérêts, pour résistance abusive,

- 20.000 €, à titre de dommages-intérêts, pour résiliation fautive du contrat.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

L'appelant qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de rejeter sa demande de ce chef et d'allouer à la société DKH la somme de 8.000 € en sus de celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Vu la liquidation judiciaire de la société Thoni,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour ;

Statuant à nouveau :

Fixe les créances de la société DKH au passif de la société Thoni, à titre chirographaire, aux sommes suivantes :

- 281.000 € HT (TVA non applicable), montant des factures impayées, avec intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2020 et jusqu'à la date d'ouverture de la procédure collective,

- 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- 10.000 € à titre de dommages-intérêts, pour résistance abusive,

- 20.000 € à titre de dommages-intérêts, pour résiliation fautive du contrat de franchise,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne la SAS DMJ, prise en la personne de Me [B], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Thoni, aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne la SAS DMJ, prise en la personne de Me [B], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Thoni, à payer à la société DKH la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.