Cass. 2e civ., 2 mars 2023, n° 21-10.465
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
M. Cardini
Avocat général :
M. Adida-Canac
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Yves et Blaise Capron
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 26 novembre 2020) et les productions, par acte notarié du 16 décembre 2004, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Méditerranée (la CRCAM) a consenti plusieurs prêts à la société Nemrod (la société).
2. M. et Mme [J] se sont portés cautions solidaires de ses engagements et ont consenti une hypothèque sur certains de leurs biens.
3. Le 5 février 2008, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Nemrod, procédure étendue à M. et Mme [J] pour confusion de patrimoine le 2 décembre 2008.
4. Le 18 février 2008, la CRCAM a effectué une première déclaration de créances au passif de la société et, le 22 décembre 2008, une autre au passif de M. et Mme [J], ces deux déclarations comportant les prêts susmentionnés et d'autres créances.
5. Par ordonnance du 24 septembre 2009, confirmée par l'arrêt d'une cour d'appel du 21 juin 2011, le juge-commissaire a, sur contestation de la société, admis au passif de cette dernière des créances relatives à un plafond de trésorerie et un crédit en compte courant, mais dit qu'il n'avait pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur la contestation relative aux créances nées d'effets de commerce. Les créances afférentes aux prêts du 16 décembre 2004 ne sont pas visées par cette décision.
6. La Cour de cassation a cassé partiellement cet arrêt en ce que le juge-commissaire avait le pouvoir de statuer sur la créance relative aux effets de commerce (Com., 26 mars 2013, pourvoi n° 11-24.148), et renvoyé l'affaire devant une cour d'appel.
7. Le 6 octobre 2009, un tribunal de grande instance a validé un plan de continuation sur quinze ans.
8. Le 20 mars 2014, à la demande du commissaire à l'exécution du plan, ce tribunal a prononcé la résolution du plan pour non respect des engagements des débiteurs et la liquidation judiciaire de la société et de M. et Mme [J], la SCP Raymond étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.
9. Le 1er juillet 2014, une cour d'appel a confirmé la résolution du plan mais infirmé le jugement sur la liquidation judiciaire et, statuant à nouveau, dit n'y avoir lieu à liquidation judiciaire. Par arrêt du 18 mai 2016, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi contre cet arrêt (Com., 18 mai 2016, pourvoi n° 14-24.313, 14-23.859).
10. La cour d'appel de renvoi, qui, saisie de la contestation des créances au passif de la société, avait sursis à statuer dans l'attente de l'issue du pourvoi sur la résolution du plan par arrêt du 28 janvier 2016, a, par arrêt distinct du 22 novembre 2018, constaté la péremption d'instance.
11. Le 23 avril 2018, la CRCAM a fait délivrer à M. et Mme [J], sur le fondement de l'acte notarié du 16 décembre 2004, un commandement aux fins de saisie-vente que ceux-ci ont contesté devant un juge de l'exécution.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, et sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
12. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
13. M. et Mme [J] font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a dit bon et valable le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 23 avril 2018 et, réformant le jugement et statuant à nouveau, validé le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 23 avril 2018 à hauteur de la somme de 228 000 euros, outre les frais à hauteur de la somme de 736,40 euros, soit 228 736,40 euros, alors :
« 1°/ que les prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ne sont pas nouvelles, même si leur fondement juridique est différent ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions devant le premier juge, les époux [J] sollicitaient la nullité, pour irrégularité, du commandement de saisie-vente dont ils avaient été les destinataires ; qu'en appel, ils ajoutaient que ce commandement était encore irrégulier, pour reposer sur une déclaration de créance elle-même frappée de nullité ; que la fin recherchée était identique, puisqu'elle tendait à la nullité du commandement, de sorte qu'en jugeant que la demande de nullité de la déclaration de créance était irrecevable comme étant évoquée pour la première fois en cause d'appel, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 565 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'en l'espèce, il appartenait donc au juge de l'exécution de se prononcer sur la régularité des déclarations des créances effectuées par la CRCAM le 22 décembre 2008 dans le cadre de l'extension de la procédure collective aux époux [J], puisque les créances litigieuses fondaient les poursuites dirigées contre eux ; qu'en jugeant que la demande de la nullité de la déclaration de créance élevée dans le cadre de la contestation devant le juge de l'exécution était irrecevable, quand elle avait pourtant été élevée à l'occasion de l'exécution forcée, la cour d'appel a violé l'article L. 231-6 du code de l'organisation judiciaire. »
Réponse de la Cour
14. En application de l'article L. 624-2 du code de commerce, le juge de l'exécution n'est pas compétent pour statuer sur la régularité d'une déclaration de créance effectuée à l'occasion d'une procédure collective, laquelle ressortit à la compétence exclusive du juge-commissaire.
15. C'est, dès lors, à bon droit que l'arrêt retient que la contestation de la déclaration de créance relevait exclusivement de la compétence du juge-commissaire et n'était pas recevable devant la cour d'appel, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution.
16. Dès lors, le moyen, inopérant en sa première branche en ce qu'il attaque des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.