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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 6 février 2013, n° 11/02408

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

E. Martin, E. Causse

Défendeur :

QUASAR PICTURES (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur Benjamin RAJBAUT

Conseillers :

Mme Brigitte CHOKRON, Madame Anne-Marie GABER

Avocats :

Me Véronique KIEFFER JOLY, Me Patrick QUIBEL, Me Véronique KIEFFER JOLY, Me Patrick QUIBEL, SELARL INTERVISTA, Me Martha KOUNOVA

Paris, du 09 nov. 2010

9 novembre 2010

Vu l'appel interjeté le 8 février 2011 par Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE, du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 9 novembre 2010 (n° RG :08/15160) ;

Vu les dernières conclusions des appelants, signifiées le 13 novembre 2012 ;

Vu les dernières conclusions de la société QUASAR PICTURES (SARL), intimée, assistée de la SELARL MICHEL-MIROITE-GORINS, prise en la personne de Me GORINS, et de la SELARL EMJ, prise en la personne de Me CORRE, respectivement ès qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société QUASAR PICTURES en redressement judiciaire, signifiées le 30 octobre 2012 ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 20 novembre 2012 ;

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures, précédemment visées, des parties ;

Qu'il suffit de rappeler que les scénaristes et auteurs-réalisateurs de films cinématographiques Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE ont, suivant contrats rédigés dans les mêmes termes sous le titre 'contrat de cession de droits d'auteur-scénariste' et respectivement signés le 23 octobre 2003, cédé à la société QUASAR PICTURES, ci-après la société QUASAR, spécialisée dans la production de films cinématographiques, leurs droits d'auteur-scénariste sur le scénario d'un film de long métrage ayant pour titre 'L'apocalypse' ;

Que la société QUASAR, faisant grief à Eric MARTIN et à Emmanuel CAUSSE d'avoir, en violation de l'article 12 du contrat, refusé d'apporter au scénario les modifications suggérées par les distributeurs et diffuseurs pressentis pour participer au financement du film et d'avoir ainsi empêché sa réalisation, outre d'avoir omis, au mépris du droit de premier regard institué à l'article 13 du contrat et de l'exclusivité consentie par accord du 20 avril 2004, de lui proposer d'acquérir les droits sur le scénario du film 'No pasaran', dont les droits ont été cédés à la société PIERRE JAVAUX PRODUCTIONS, les a assignés devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir résilier à leurs torts exclusifs les contrats du 23 octobre 2003 et les lettres-accord du 20 avril 2004 et obtenir réparation des préjudices subis des suites de l'inexécution de leurs obligations ;

Que le tribunal, par le jugement dont appel, a, pour l'essentiel, retenu la validité des articles 12 et 13 du contrat du 23 octobre 2003 et l'existence d'un accord convenu le 20 avril 2004 entre les auteurs d'une part et la société de production d'autre part, débouté la société QUASAR de ses demandes fondées sur la violation de l'article 12 du contrat, dit, en revanche, que Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE ont manqué aux obligations mises à leur charge par l'article 13 du contrat et par l'accord du 20 avril 2004, prononcé en conséquence la résiliation des contrats de cession de droits d'auteur-scénariste du 23 octobre 2003 et des lettres- accord du 20 avril 2004, condamné Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE à rembourser, chacun, à la société QUASAR, la somme de 5000 euros reçue à titre d'acompte sur leurs droits d'auteur en exécution du contrat du 23 octobre 2003 et à rembourser, chacun, à la société QUASAR, la somme de 2000 euros reçue à titre d'acompte sur l'exclusivité octroyée aux termes des lettres-accord du 20 avril 2004, condamné in solidum Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE à payer à la société QUASAR la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de développer et produire le film 'No pasaran' outre, une indemnité de 5000 euros au titre des frais irrépétibles, débouté enfin, la société QUASAR du surplus de ses demandes en dommages-intérêts et Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE de leurs demandes reconventionnelles fondées sur l'inexécution par la société QUASAR de son obligation de rechercher les financements du film ;

Que les appelants et la société intimée QUASAR, désormais en redressement judiciaire et assistée des organes du redressement judiciaire, intervenants volontaires à l'instance, maintiennent devant la cour leurs prétentions respectives telles que précédemment soutenues devant les premiers juges ;

Sur la demande en nullité des articles 12 §2 et 13 des contrats respectivement signés par Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE le 23 octobre 2003,

- sur l'article 12 §2,

Considérant que les auteurs excipent de la nullité de l'article 12, paragraphe 2, du contrat de cession de droits d'auteur-scénariste du 23 octobre 2003, dont ils auraient, selon la société QUASAR, failli à l'exécution ;

Qu'ils font à cet égard grief aux stipulations attaquées de soumettre l'exécution de l'obligation au bon vouloir de celui qui s'oblige et de revêtir ainsi un caractère potestatif qui les rend nulles au sens de l'article 1174 du Code civil ;

Considérant qu'en vertu de l'article précité du Code civil, Toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ;

Et que, suivant l'article 1170 du même Code, La condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher ;

Qu'en l'espèce, l'article 12 §2 du contrat énonce que Dans l'hypothèse où le scénario remis au Producteur devait faire l'objet de remaniements demandés par les intervenants extérieurs et/ou le Producteur, l'Auteur s'engage, en avec son coauteur, à remettre au Producteur, une version modifiée du scénario dite 'version définitive' dans un délai de 1 (un) mois à compter de la demande du Producteur et précise qu' Il est expressément entendu que par 'version définitive du Scénario', il faut entendre la version qui recevra l'acceptation écrite du Producteur et/ou du/des coproducteur(s) éventuel(s) ;

Que de telles stipulations sont, selon les auteurs, potestatives, dès lors qu'elles octroient à la société QUASAR, le droit d'accepter ou de refuser le scénario et de décider seule, sans autre critère objectif, de son caractère définitif ;

Mais considérant que le contrat oblige les auteurs à réécrire le scénario conformément aux demandes du Producteur et/ou d'intervenants extérieurs susceptibles de contribuer au financement du film, et à présenter une version modifiée qui sera la version définitive du scénario lorsqu'elle aura été acceptée par le Producteur ;

Que l'obligation mise à la charge des auteurs de remanier le scénario conformément aux demandes du Producteur (et/ou ses partenaires extérieurs), n'est pas soumise à une condition potestative dès lors que l'exécution de l'obligation par les auteurs est appréciée au regard des demandes dont ils auront été préalablement saisis par le Producteur (et /ou ses partenaires extérieurs) et qu'ainsi, le refus par le Producteur d'accepter la version modifiée et de lui conférer un caractère définitif sera, en cas de litige, contrôlé par le juge qui vérifiera si le scénario a été réécrit selon les demandes adressées aux auteurs et, par voie de conséquence, si ces derniers ont satisfait à l'obligation de l'article 12 §2 du contrat ;

Que force est de relever que, dans le même sens, l'article 14 du contrat prévoit que Toute résiliation ne sera effective que lorsqu'elle aura été confirmée par le juge compétent ;

Considérant qu'il suit de ces observations que c'est à raison que le tribunal a écarté comme mal fondé le moyen tiré de la nullité de la clause stipulée à l'article 12 § 2 du contrat ;

- Sur l'article 13,

Considérant que la société QUASAR reproche aux auteurs d'avoir failli à l'obligation mise à leur charge à l'article 13 du contrat faute de lui avoir soumis le scénario du film 'No pasaran' et de lui avoir proposé la cession des droits ;

Que les auteurs soulèvent, à titre principal, la nullité des stipulations opposées comme contraires aux dispositions des articles L.131-1 et L.132-4 du Code de la propriété intellectuelle ;

Considérant que l'article 13 du contrat prévoit qu' il est d'ores et déjà entendu entre les parties que le Producteur bénéficiera d'un droit de premier regard sur l'acquisition des droits d'adaptation et d'exploitation audiovisuelles du prochain scénario de l'Auteur ou de celui écrit conjointement par Messieurs Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE (les Coauteurs) et qu'à cette fin, l'Auteur ou les Coauteurs communiqueront au Producteur ledit scénario ainsi que le casting envisagé . Le Producteur disposera alors d'un délai de 90 (quatre vingt dix) jours à compter de cette communication pour informer l'Auteur ou les Coauteurs, par lettre recommandée avec accusé de réception, de son souhait d'acquérir ou non les droits d'adaptation et d'exploitation audiovisuelles dudit scénario et négocier les termes et conditions de cette cession de droits . A défaut de réponse du Producteur dans ce délai, son refus sera réputé acquis ;

Considérant qu'il résulte des stipulations précitées que la société QUASAR se voit accorder un droit de premier regard sur l'acquisition des droits d'adaptation et d'exploitation audiovisuelles afférents au prochain scénario qui sera écrit soit par EricMARTIN, soit par Emmanuel CAUSSE, soit par les deux auteurs conjointement et que, pour permettre à la société de production d'exercer ce droit, les auteurs s'obligent à lui communiquer, en exclusivité, le scénario précédemment défini et à lui laisser la faculté, pendant un délai de 90 jours, d'acquérir les droits d'adaptation et d'exploitation audiovisuelles sur ce scénario ;

Et que le tribunal en a exactement déduit que le contrat confère au producteur un droit de préférence sur les oeuvres futures des auteurs, dont la validité doit être appréciée au regard de l'article 132-4 du Code de la propriété intellectuelle, lequel trouve à s'appliquer aux oeuvres audiovisuelles et dans les rapports entre l'auteur-scénariste de l'oeuvre audiovisuelle et le producteur ;

Or considérant qu'en vertu de l'article L. 132-4 du Code de la propriété intellectuelle, Est licite la stipulation par laquelle l'auteur s'engage à accorder un droit de préférence à un éditeur pour l'édition de ses oeuvres futures de genres nettement déterminés ;

Et qu'une telle disposition, constituant une exception au principe, posé à l'article L.131-1 du même Code, selon lequel La cession globale des oeuvres futures est nulle, doit faire l'objet d'une interprétation restrictive ;

Considérant qu'en l'espèce, le droit de préférence accordé à la société QUASAR porte, ainsi qu'il a été dit précédemment, sur le prochain scénario qui sera écrit par l'auteur ou par les des deux auteurs conjointement ;

Considérant que, contrairement à ce que le tribunal a retenu à tort, la seule référence au 'prochain scénario' de l'auteur ou des auteurs ne renseigne en rien sur le genre du scénario ainsi défini et ne permet aucunement de rattacher l'oeuvre future à un genre nettement déterminé ;

Qu'il s'ensuit que les stipulations de l'article 13 ne sont pas licites au regard des dispositions combinées des articles L.131-1 et L.132-4 du Code de la propriété intellectuelle et que, par réformation du jugement déféré, la demande en nullité formée à leur endroit par Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE doit être accueillie ;

Sur l'existence d'un accord en date du 20 avril 2004,

Considérant que la société QUASAR fait encore grief à Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE d'avoir enfreint les lettres -accord du 20 avril 2004, aux termes desquelles chacun s'est engagé, en contrepartie d'une somme de 8000 euros sur laquelle il a d'ores et déjà encaissé un acompte de 2000 euros, à proposer en priorité et en exclusivité à la société QUASAR PICTURES de produire les deux prochains films de long métrage qu'il envisage de réaliser d'après des scenarii écrits ou non par lui ;

Considérant que les auteurs font valoir que l'acompte de 2000 euros a été versé au titre de l'exécution du contrat du 23 octobre 2003, que les documents présentés comme constituant des 'lettres -accord' sont expressément revêtus de la mention 'projet sans valeur juridique' et ne sont pas signés, qu'en toute hypothèse, à supposer l'accord réalisé à raison de son exécution par l'acceptation d'un acompte sur le prix, il constituerait un pacte de préférence illicite au regard des dispositions précédemment évoquées des articles L.131-1 et L.132-4 du Code de la propriété intellectuelle ;

Or considérant que la référence aux 'deux prochains films de long métrage que l'auteur envisage de réaliser d'après des scenarii écrits ou non par lui' ne détermine pas le genre de l'oeuvre future objet du droit de préférence concédé au producteur, l'indication selon laquelle l'oeuvre cinématographique future est de long métrage n'étant aucunement de nature à caractériser le genre de l'oeuvre dès lors qu'un long métrage et un court métrage sont susceptibles de relever du même genre ;

Qu'il s'ensuit, par réformation du jugement entrepris, que les lettres-accords opposées sont, à l'instar des stipulations de l'article 13 du contrat, entachées de nullité par application des dispositions combinées des articles L.131-1 et L.132-4 du Code de la propriété intellectuelle ;

Considérant qu'il s'infère des développements qui précèdent que les demandes formées par la société QUASAR au titre de l'inexécution par Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE des obligations mises à leur charge par l'article 13 du contrat de cession de droits d'auteur-scénariste du 23 octobre 2003 et par les lettres-accord du 20 avril 2004 se trouvent privées de fondement et doivent être, par réformation du jugement dont appel, rejetées ;

Qu'il y a lieu en revanche d'examiner le mérite des demandes formées au titre de l'article 12 §2 du contrat dont la validité a été retenue ;

Sur l'exécution par les auteurs de l'article 12 §2 du contrat,

Considérant qu'il est constant, au regard des écritures respectives des parties, que les auteurs ont procédé dans le courant de l'année 2002 à l'écriture d'un scénario et à l'élaboration d'un 'story board' et, en octobre 2002 au tournage d'une maquette de 22 minutes en 35 mm, destinée à être présentée par la société QUASAR à des distributeurs ou diffuseurs en vue de susciter leur participation au financement du film ;

Qu'il n'est pas démenti que les auteurs ont ultérieurement remanié le scénario, et ce, à huit reprises, ainsi qu'en atteste d'une part le courriel adressé le 8 janvier 2004 à la société PIERRE JAVAUX PRODUCTIONS pour accompagner l'envoi par la société QUASAR d'une version 7 de 'L'apocalypse' : les deux auteurs se sont remis à la tâche pour produire cette mouture (...) beaucoup plus dynamique et intéressante et que l'établit le dépôt à la SACD de deux versions du scénario, le 3 février 2003 et le 2 février 2004 ;

Considérant qu'il ressort par ailleurs des pièces de la procédure, que le 30 juillet 2003, puis le 29 juin 2004, les sociétés PAN-EUROPEENNE et CINECINEMA ont exprimé à la société QUASAR leur intérêt pour le projet de film 'L'apocalypse' sans solliciter de modification du scénario ;

Et que, s'il résulte d'un mail du 11 juin 2004 que la société QUASAR, par le biais d'Olivier OURSEL, a demandé à la société CANAL + de lui communiquer un axe précis de réécriture du projet 'L'apocalypse' et indiqué que le scénario serait retravaillé avec un script de renom, il n'est pas justifié de la réponse de la société CANAL + ni, en tout état de cause, de la moindre demande de remaniement du scénario émanant d'un tiers, quel qu'il soit ;

Qu'il apparaît, certes, que la société QUASAR, aux termes d'un courriel d'Olivier OURSEL en date du 8 septembre 2004, a proposé à Eric MARTIN et à Emmanuel CAUSSE, sans plus de précision, de leur adjoindre deux scénaristes pour reprendre le scénario, ce à quoi les auteurs n'ont pas opposé de refus formel mais objecté, légitimement, qu'il leur importait de connaître les noms et qualifications de ces scénaristes, demandes qui sont restées vaines ;

Considérant que c'est dans ce contexte que les auteurs ont fait adresser le 27 octobre 2005 à la société QUASAR, par leur conseil, une lettre d'usage faisant état d' un certain nombre de griefs et que la société QUASAR, par courriel du 16 novembre 2005, renouvelé le 12 décembre 2005, a indiqué aux auteurs qu'elle n'avait pas accepté la dernière version du scénario qui ne correspond pas à (ses) attentes ni à celles de (ses) futurs partenaires financiers et demandé une réécriture du scénario ;

Or considérant que la cour observe, à l'instar du tribunal, que la société QUASAR ne justifie pas pour autant avoir fourni une quelconque précision quant aux attentes de ses partenaires ni la moindre instruction quant au sens dans lequel elle souhaitait voir réécrire le scénario ;

Que c'est dès lors à raison que les auteurs font valoir qu'elle les laissait démunis face à l'exigence nouvellement formulée d'une modification de l'ultime version (la version 8) du scénario ;

Que la société QUASAR était dès lors mal fondée à prétendre, aux termes d'un courrier adressé aux auteurs le 26 août 2006, que ces derniers ne souhait(aient) pas poursuivre (leur) collaboration sur ce projet et qu'(ils) refusaient de retravailler le scénario comme l'ont souhaité les chaînes et les autres partenaires financiers, alors qu'elle ne leur donnait aucun moyen de poursuivre utilement leur collaboration faute, en particulier, de leur faire connaître les souhaits des partenaires financiers ;

Considérant qu'il est en définitive établi que les auteurs ont réalisé pas moins de 8 versions du scénario et que la société de production n'a assorti la demande de remaniement de la dernière version du scénario de la moindre directive, nécessaire à la bonne exécution de la commande ;

Qu'il s'en infère que l'obligation impartie à l'article 12 §2 du contrat a été accomplie par les auteurs et que la demande en résiliation du contrat aux torts et griefs de ces derniers motif pris de l'inexécution de cette obligation ne saurait prospérer ;

Considérant qu'il découle de l'ensemble des développements ci-avant que la société QUASAR doit être déboutée de toutes ses prétentions ;

Sur les demandes reconventionnelles des auteurs,

- sur les demandes en exécution du contrat,

Considérant que les auteurs réclament, au fondement de l'article 7 du contrat de cession des droits d'auteur-scénariste du 23 octobre 2003, le paiement des sommes prévues à titre d'à-valoir sur leur rémunération représentant pour chacun, déduction faite des acomptes perçus à concurrence de 7000 euros (2500 euros le 6 janvier 2004 + 2500 euros le 13 février 2004 +2000 euros le 20 avril 2004), un montant de 13.750 euros (20.750 euros - 7000 euros) ;

Considérant que selon l'article 7 du contrat, le Producteur versera une somme brute hors taxes de 20.750 euros (...) payable comme suit :

* 10.375 euros (...) au premier jour de préparation

* 10.375 euros (...) au premier jour de tournage ;

Considérant que la société QUASAR n'oppose pas de contestation à la demande en paiement de la somme due, selon le contrat, au premier de préparation ;

Qu'il s'ensuit qu'elle est redevable à chacun des auteurs, compte tenu du versement à chacun d'un acompte de 7000 euros, de la somme de 3.375 euros ;

Considérant qu'elle conteste, en revanche, et à raison, devoir la somme de 10.375 euros prévue pour être payée au premier jour de tournage ;

Qu'en effet, le tournage évoqué au contrat s'entend du tournage du film à partir de la version définitive du scénario et les auteurs sont mal fondés à se prévaloir du tournage en octobre 2002 d'une maquette de 22 minutes, visant à présenter le projet à des distributeurs et à des partenaires financiers potentiels afin, précisément, de prendre en compte leurs demandes de modification du scénario, pour prétendre avoir commencé le tournage du film ;

Que force est à cet égard de relever que la réalisation de la maquette en octobre 2002 a été suivie de la réécriture, à de nombreuses reprises, du scénario, ainsi qu'il résulte des développements qui précèdent et que l'envoi de la maquette aux intervenants extérieurs a été accompagné d'une lettre d'Olivier OURSEL de la société QUASAR rédigée dans les termes suivants : Vous allez pouvoir découvrir, en même temps que le scénario ci-joint, une maquette des 22 premières minutes du long métrage 'l'Apocalypse' (cf.DVD) que nous souhaiterions tourner durant l'été 2004 ;

Qu'il suit de ces éléments que les 22 minutes de tournage effectuées par les auteurs ont concerné la 'maquette' destinée à la présentation du projet cinématographique aux diffuseurs et autres partenaires et non pas le scénario définitif du film ;

Que les auteurs seront en conséquence déboutés du surplus de leur demande au titre de l'article 7 du contrat ;

- sur les demandes en dommages-intérêts,

Considérant que pour demander chacun 20.000 euros de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de percevoir une rémunération proportionnelle aux recettes du film, les auteurs rappellent que l'article 12 du contrat impose au producteur de mettre en oeuvre tous les moyens pour faire aboutir le projet et font grief à la société QUASAR d'avoir failli à son obligation de moyens, faute d'avoir recherché activement des partenaires financiers, et d'avoir ainsi mis en péril la réalisation du film et sa distribution ;

Mais considérant que la société QUASAR justifie avoir approché, au nombre des producteurs et distributeurs, les sociétés CANAL+, CINECINEMA, PANEUROPEENNE, PIERRE JAVAUX PRODUCTIONS, REZO FILMS, UGC PH, EUROWIDE FILMS, MULTITHEMATIQUES CINEMA, ainsi que les diffuseurs FRANCE 2, FRANCE 3, ARTE ;

Qu'il n'est pas démenti par ailleurs qu'elle a sollicité en mai 2004 une avance sur recettes auprès du CNC ainsi qu'une aide à la production auprès du Conseil régional d'Aquitaine ;

Considérant qu'il suit des diligences ainsi établies que la société QUASAR a satisfait à son obligation de moyens et que la demande en dommages-intérêts formée de ce chef n'est pas fondée ;

Sur la demande de remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire,

Considérant que le jugement de première instance ayant été assorti de l'exécution provisoire, le premier président de la cour de céans, par une ordonnance du 18 mai 2011, a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée au fondement de l'article 524 du Code de procédure civile et autorisé la consignation par chacun des auteurs de la somme de 14.500 euros entre les mains de l'avoué le plus ancien de l'affaire dans un délai de deux mois à compter de l'ordonnance ;

Considérant qu'il a été procédé à cette consignation et qu'il y a lieu de rappeler que conformément aux termes de l'ordonnance du premier président, précédemment visée, l'avoué sera délié de sa mission sur présentation du présent arrêt et de sa signification et qu'il appartiendra le cas échéant aux parties de saisir le juge de l'exécution pour trancher un éventuel différend ;

PAR CES MOTIFS:

Infirme le jugement dont appel,

Statuant à nouveau,

Déclare nul l'article 13 des contrats de cession de droits d'auteur-scénariste respectivement signés par Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE le 23 octobre 2003 avec la société QUASAR,

Déclare nulles les 'lettres-accord' du 20 avril 2004,

Déboute la société QUASAR de toutes ses prétentions fondées sur l'inexécution par Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE de leurs obligations contractuelles,

Dit que la société QUASAR est redevable à l'égard d'Eric MARTIN et d'Emmanuel CAUSSE, en exécution de l'article 7 du contrat du 23 octobre 2003, de la somme de 3.375 euros à chacun, déduction faite du versement à chacun d'un acompte de 7000 euros,

Fixe en conséquence la somme de 6.750 euros (3.375 euros X 2), au passif du redressement judiciaire de la société QUASAR,

Déboute Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE du surplus de leurs demandes,

Condamne la société QUASAR PICTURES assistée de la SELARL MICHEL-MIROITE-GORINS, prise en la personne de Me GORINS, et de la SELARL EMJ, prise en la personne de Me CORRE, respectivement ès qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société QUASAR PICTURES en redressement judiciaire, aux dépens de première instance et d'appel et à verser à Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE une indemnité de 10.000 euros à chacun au titre des frais irrépétibles.