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Décisions

CA Rouen, 2e ch., 11 mars 2010, n° 09/01707

ROUEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

ASSOCIATION PRÉSENCE BÉNINOISE

Défendeur :

A. Sow

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur LARMANJAT

Conseillers :

Monsieur LOTTIN, Madame HOLMAN

Avoués :

Me Marie-Christine COUPPEY, SCP GREFF PEUGNIEZ

Avocat :

Me Edouard POIROT BOURDAIN

Evreux, du 30 janv. 2009

30 janvier 2009

A une date non précisée dans l'acte, Monsieur Alpha SOW a conclu avec l'association Présence Béninoise un contrat d'édition portant sur le livre intitulé ' La Guinée de Sékou Lansana Touré, continuité ou rupture'.

Estimant que l'éditeur n'avait pas respecté ses obligations, notamment celles relatives au dépôt légal ainsi qu'à la fabrication et la publication de l'ouvrage, Monsieur Alpha SOW l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Evreux aux fins de voir :

- prononcer la résolution du contrat d'édition aux torts exclusifs de l'association,

- la condamner à lui payer les sommes de 30 000 € à titre de dommages-intérêts et de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Assignée suivant les formes de l'article 659 du code de procédure civile, l'association Présence Béninoise n'a pas constitué avocat.

Par jugement du 30 janvier 2009, le tribunal de grande instance d'Evreux a fait droit à la demande principale de Monsieur Alpha SOW en prononçant la résolution du contrat d'édition aux torts exclusifs de l'association et l'a condamnée au paiement d'une somme de 9 750 € à titre de dommages-intérêts ainsi qu'à celle de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Le jugement a été assorti de l'exécution provisoire.

Pour se déterminer ainsi et retenir la responsabilité de l'association Présence Béninoise, le tribunal a retenu que celle-ci n'avait respecté aucune des obligations mises à sa charge.

L'association Présence Béninoise a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le premier avril 2009.

Par dernières conclusions signifiées le 11 janvier 2010 , auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur Alpha SOW demande le rejet d'écritures signifiées par l'appelante les 8 septembre et 9 décembre 2009, la confirmation du jugement déféré et formule une demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Comme il l'avait souligné devant les premiers juges, Monsieur Alpha SOW fait observer que :

- le numéro ISBN correspondait à un autre ouvrage, dont l'auteur n'était autre que le responsable de l'association appelante,

- celle-ci ne démontre pas avoir régularisé pour se mettre en conformité avec l'obligation de dépôt légal,

- il ignore combien d'exemplaires ont été fabriqués, les premiers exemplaires ayant été défectueux,

- la promotion du livre n'a pas été assurée,

- contrairement aux termes du contrat, il a dû contribuer aux frais d'édition à hauteur de 750 €.

Par dernières conclusions signifiées le 14 janvier 2010 , auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l'association Présence Béninoise demande l'infirmation du jugement entrepris, le rejet des prétentions et demandes de Monsieur Alpha SOW et sa condamnation au paiement d'une somme au titre de l'article 7 00 du code de procédure civile.

A l'appui de ces écritures, l'association Présence Béninoise soutient, pour l'essentiel, que l'obligation de dépôt légal a été respectée alors que, pour cet ouvrage, elle n'était pas nécessaire. Elle affirme que 500 exemplaires ont été tirés et qu'elle a remis à l'auteur le nombre prévu pour son usage personnel. Elle affirme avoir assuré la diffusion et la promotion du livre

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2010 .

MOTIFS DE L'ARRÊT

Les écritures de l'appelant, dont le rejet est demandé par l'intimé, ont été suivies de dernières conclusions signifiées le 14 janvier 2010 . Celles-ci n'ont pas donné lieu à réplique ou demande de rejet de la part de Monsieur Alpha SOW.

La demande est donc devenue sans objet.

Selon l'article L 132-1 du code de la propriété intellectuelle, le contrat d'édition est le contrat par lequel l'auteur d'une oeuvre de l'esprit cède à des conditions déterminées à un éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l'oeuvre, à charge pour elle d'en assurer la publication et la diffusion.

Le contrat d'édition conclu entre les parties, non daté, précise, entre autres dispositions, que l'auteur disposera sur le premier tirage, pour son usage personnel, de 30 exemplaires qui lui seront remis gratuitement, dits 'exemplaires d'auteur', d'autre part, que 'la cession des droits de l'auteur est consentie expressément par l'auteur, à titre gratuit, pour les 300 premiers exemplaires vendus' et que 'la cession des droits est consentie expressément par l'auteur, à titre onéreux, à partir du trois cent unième exemplaires vendu'.

Il y est également mentionné que le tirage 'se fera en continu par tranches de 300, 200 ou 100 exemplaires', l'éditeur s'engageant à maintenir l'ouvrage toujours disponible.

Dans ce contrat, l'association Présence Béninoise s'engage 'à assurer à ses frais la publication en librairie de cet ouvrage et s'emploiera à lui procurer, par une diffusion dans le public et auprès des tiers susceptibles d'être intéressés, les conditions favorables à son exploitation sous toutes les formes'.

En contrepartie, l'auteur a cédé à l'éditeur ' outre le droit à l'édition graphique, les droits patrimoniaux de reproduction, d'adaptation, de représentation, de traduction'.

Selon l'article 3, l'éditeur s'engageait à publier l'oeuvre dans le délai de trois mois à compter de la remise du texte définitif et complet, soit à compter du 15 mai 2006. 'Passé ce délai, le présent contrat sera résilié de plein droit si l'éditeur ne procédait à la publication de l'oeuvre dans les trois mois de la mise en demeure qui lui serait faite par lettre recommandée par l'auteur'.

C'est ainsi que par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 30 août 2006, l'avocat de Monsieur Alpha SOW a dénoncé à l'association Présence Béninoise son manquement aux obligations contractuelles et l'a mise en demeure d'avoir à les respecter dans le délai de quinze jours.

Il était plus spécialement reproché à l'éditeur :

- d'avoir fait figurer sur l'ouvrage un numéro ISBN correspondant à un ouvrage intitulé 'code des marchés publics de la République du Bénin' dont l'auteur n'était autre que le responsable de l'association éditrice,

- d'avoir laissé Monsieur Alpha SOW dans l'ignorance du nombre d'exemplaires édité,

- d'avoir remis à l'auteur vingt exemplaires, qui lui auraient été facturés alors qu'aux termes du contrat, il devait recevoir trente exemplaires gratuitement,

- de n'avoir procédé à aucune diffusion commerciale ou promotion de l'ouvrage auprès de la clientèle potentielle,

- de n'avoir remis à l'auteur aucun état du nombre d'exemplaires fabriqués, en cours de fabrication, les dates et importance des tirages, le nombre d'exemplaires en stock, le nombre d'ouvrages vendus,

- d'avoir fait participer l'auteur aux frais d'édition, à hauteur de 750 €.

Dans ce courrier, l'avocat a mis en demeure l'éditeur d'avoir à effectuer, dans le délai de quinze jours, les formalités de dépôt légal, de procéder au tirage de mille exemplaires, de remettre gratuitement à l'auteur vingt exemplaires supplémentaires, d'annuler la facture FA 0060 du 6 juillet 2006 des vingt premiers exemplaires, de mener toutes les opérations commerciales de diffusion des mille exemplaires de l'ouvrage 'auprès des librairies et par sa mention sur le site Internet des Editions Présence Béninoise', de lui transmettre 'un état complet précisant le nombre d'exemplaires fabriqués ou en cours de fabrication, la date et l'importance des tirages, le nombre d'exemplaires en stock, le nombre d'exemplaires vendus, le montant des redevances dues, de lui rembourser la somme de 750 €'.

Ce courrier a été suivi d'un courriel, valant 'ultime mise en demeure' adressé par l'avocat à l'éditeur le 18 septembre 2006, auquel la lettre de mise en demeure était jointe.

L'association Présence Béninoise a répondu à ces correspondances dans un courrier du 25 septembre 2006. Il y était précisé que le nouveau numéro de dépôt légal était le 2-9159-13-2, que cette formalité n'était, de toute façon, pas nécessaire, l'ouvrage ayant été tiré à moins de 100 exemplaires et qu'après un tirage de 42 exemplaires à l'usage personnel de l'auteur, celui-ci aurait obtenu vingt exemplaires supplémentaires. S'agissant des autres manquements dénoncés, l'éditeur s'engageait à rembourser la somme de 750 € versée par Monsieur Alpha SOW. A ce courrier, était joint la fiche de déclaration à la bibliothèque nationale portant le numéro ISBN rectifié.

Si aucune des parties ne verse cette pièce et si l'exemplaire du livre joint aux pièces et conclusions de l'appelante porte mention du numéro ISBN erroné, les extraits de sites internet produits aux débats, faisant état de l'existence du livre écrit par Monsieur Alpha SOW, portent mention de deux numéros ISBN, dont le nouveau numéro précité. Il peut donc en être conclu que le nécessaire a été effectué par l'éditeur.

Sans réponse de Monsieur Alpha SOW, par courrier du 8 février 2007, l'éditeur a écrit, à nouveau, à son avocat en déclarant considérer qu'il pouvait déduire de son absence de réaction que les termes de sa précédente correspondance avaient été acceptés. Il prévient qu'il va procéder, devant huissier de justice et dans un délai de quinze jours, à la destruction des 500 exemplaires de l'ouvrage et demande, avec facture jointe, à Monsieur Alpha SOW de verser la somme de 12 400 € dont 1 500 € à titre de 'forfait pour rupture abusive de contrat'.

Aucune pièce ne permet de savoir si ladite destruction a été effective.

De l'examen des termes du contrat et du contenu de ces correspondances, il ressort qu'à l'exception de l'obligation du dépôt légal, l'éditeur n'a pas respecté les obligations auxquelles il s'était engagé dans le contrat passé avec Monsieur Alpha SOW. Les pièces, montrant des sites internet sur lesquels il est fait mention de l'ouvrage, ne suffisent pas à établir que l'éditeur a respecté, comme prévu au contrat, l'obligation de diffusion de l'ouvrage dans le public et les conditions favorables à son exploitation.

Aucune des pièces versées ne permet de savoir avec exactitude combien d'exemplaires du livre ont été tirés et quelles ont été les conditions de sa distribution.

De même, il est établi que, contrairement aux dispositions du contrat, Monsieur Alpha SOW a dû participer aux frais d'édition en versant une somme de 750 €.

Ces éléments ont permis, à juste titre, au tribunal de prononcer la résolution du contrat aux torts exclusifs de l'éditeur, faisant ainsi application des dispositions de l'article 1184 du code civil et de l'article L 132-17 du code de la propriété intellectuelle.

S'agissant du préjudice subi par Monsieur Alpha SOW, en référence au contenu du contrat d'édition, faisant notamment état, pour la fabrication de l'ouvrage, de 'tranches de 300, 200 ou 100 exemplaires', les premiers juges ont, avec justesse, évalué le tirage du livre à mille exemplaires. Les manquements de l'éditeur ont à l'évidence privé l'auteur des droits qu'il devait percevoir à compter du trois centunième exemplaire vendu.

Le calcul fait à cet égard par le tribunal ne pourra qu'être approuvé.

La décision entreprise sera donc confirmée.

L'équité justifie que Monsieur Alpha SOW, qui a dû constituer avoué en appel et se faire assister, soit partiellement reçu en sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Celle formulée à ce titre par l'appelante, qui succombe, sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- dit que la demande tendant à l'irrecevabilité des conclusions signifiées les 8 septembre et 9 décembre 2009 est devenue sans objet,

- confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- déboute l'association Présence Béninoise de ses demandes,

- la condamne à payer à Monsieur Alpha SOW la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamne aux dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.