Cass. com., 10 mars 2004, n° 02-17.820
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Lardennois
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Peignot et Garreau
Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré, que les sociétés BEI, Compagnie agricole française (CAF) et Coqui'grain ont fait l'objet, les 13 et 22 décembre 1995, d'une procédure unique de redressement judiciaire ; que, par jugement du 5 avril 1996, le tribunal a arrêté le plan de cession totale de leurs actifs au profit de la société CVP et désigné, en qualité de commissaire à l'exécution du plan, M. X... qui a été remplacé, le 12 janvier 2000, par M. Y... ; que par ordonnance du 13 janvier 2000, le président du tribunal, statuant sur la requête de M. René Z... tendant à la désignation d'un administrateur ad hoc pour convoquer l'assemblée générale extraordinaire de la société BEI à l'effet de désigner un liquidateur, a désigné M. A... en qualité de liquidateur ; que, sur opposition de M. René Z..., le tribunal a infirmé cette décision et rejeté la demande ; que sur requêtes ultérieures du commissaire à l'exécution du plan, le président du tribunal a, par ordonnances du 4 mai 2000, désigné M. Y..., en qualité de mandataire ad hoc pour exercer la mission de liquidateur des trois sociétés et a dit que celui-ci les représenterait pour toute action en justice tant en défense qu'en intervention volontaire ; que M. Yves Z... ayant formé opposition contre ces décisions, la cour d'appel a confirmé le jugement les ayant confirmées ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Yves Z... reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors selon le moyen :
1 ) que le droit d'appel n'appartient qu'aux parties à l'instance devant les premiers juges ; qu'il est constant que c'est M. René Z... qui a formé opposition à l'ordonnance du 13 janvier 2000 et était partie au jugement du 22 mars 2000 ; qu'en retenant, pour le déclarer irrecevable en sa contestation, qu'il appartenait à M. Yves Z... d'interjeter appel de ce jugement la cour d'appel a violé l'article 546 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) que M. Yves Z... président du conseil de surveillance de la société BEI demeuré en fonction après le jugement de cession de la totalité des actifs et actionnaire principal des sociétés CAF et Coqui'grain avait qualité et intérêt pour solliciter l'annulation des ordonnances du 4 mai 2000 désignant M. A... en qualité de mandataire ad hoc pour exercer la mission de liquidateur des sociétés BEI, CAF et Coqui'grain et de représentant de ces mêmes sociétés pour toute action en justice ; qu'en déclarant irrecevable sa contestation, la cour d'appel a violé l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que M. Yves Z... est sans intérêt à critiquer les motifs de l'arrêt le déclarant irrecevable en sa contestation dès lors que la cour d'appel a confirmé le jugement qui l'avait déclaré recevable en son opposition et, statuant au fond, avait confirmé les ordonnances du 4 mai 2000 ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche, après avertissement donné aux parties :
Attendu que M. Yves Z... reproche encore à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors selon le moyen, que l'article L. 621-83 du Code de commerce prévoit que dans l'hypothèse de la cession partielle de l'entreprise et en l'absence de plan de continuation les biens non compris dans le plan de cession sont vendus et les droits et actions du débiteur sont exercés par le commissaire à l'exécution du plan selon les modalités de la liquidation judiciaire ; que le jugement en date du 5 avril 1996 a prononcé la cession globale des sociétés BEI, CAF et Coqui'grain et non leur cession partielle ; qu'ainsi il ne subsistait aucun actif résiduel ni droit à liquider justifiant le maintien en fonction du commissaire à l'exécution du plan ; qu'en se fondant sur le dernier alinéa de l'article 81 de la loi du 25 janvier 1985 pour décider que la mission du commissaire à l'exécution du plan n'était pas achevée et déclarer l'action de M. Y... recevable, la cour d'appel a violé l'article L. 621-83 du Code de commerce ;
Mais attendu que lorsque le jugement arrêtant le plan de cession ne fixe pas de durée au plan, la mission du commissaire à l'exécution du plan dure jusqu'à la clôture de la procédure, sans qu'elle puisse excéder dix ans, ou, si le débiteur est un agriculteur, quinze ans ;
Attendu que le jugement du 5 avril 1996 arrêtant le plan de cession des sociétés BEI, CAF et Coqui'grain et désignant le commissaire à l'exécution du plan n'ayant pas fixé de durée au plan, il en résulte que l'action de M. Y... était recevable, dès lors qu'il n'est pas allégué que la procédure collective était clôturée ; que par ces motifs de pur droit, substitués à ceux de la cour d'appel, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 1844-7 , 7 et 1844-8 du Code civil ;
Attendu que lorsque la société prend fin par l'effet d'un jugement ordonnant la liquidation judiciaire ou la cession totale de ses actifs, le liquidateur est nommé conformément aux statuts, ou, dans le silence de ceux-ci, par les associés ou, si les associés n'ont pu procéder à cette nomination, par décision de justice ;
Attendu que pour rejeter l'opposition de M. Yves Z..., l'arrêt retient, par motifs propres, que la poursuite d'un fonctionnement statutaire des sociétés dissoutes, pour les seuls besoins de la liquidation, apparaît des plus compromis, que l'assemblée générale des actionnaires convoquée le 27 octobre par M. de B... C..., mandataire ad hoc désigné par ordonnance du 20 septembre 1999, en vue de la nomination des membres du conseil de surveillance n'a pas permis de procéder au renouvellement de cet organe, que M. Z... déclare n'avoir pu obtenir la désignation d'un liquidateur statutaire, le commissaire aux comptes ayant refusé de convoquer une assemblée générale extraordinaire à cette fin ; que l'arrêt retient aussi, par motifs adoptés, qu'il résulte des articles 272 et suivants du décret du 23 mars 1967, qu'en matière de liquidation sur décision judiciaire, les demandes sont formées devant le président du tribunal de commerce qui statue, selon la matière, en la forme des référés ou sur requête, que dés lors le commissaire à l'exécution du plan était fondé à saisir ce magistrat aux fins de désignation d'un liquidateur pour les sociétés BEI, CAF et Coqui'grain ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que M. Yves Z... soutenait que le liquidateur devait être désigné conformément aux statuts, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 avril 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.