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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 4 septembre 2000, n° 2000/12709

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Parfond (SA), Forvest Trust (SA), UF Holding (Sté)

Défendeur :

Bielle (SCI), Sopargem (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

M. André, Mme Sem

Avoués :

SCP Bommart-Forster, SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet

Avocats :

Me de Freminville, Me Escaravage, Me Kesic

T. com. Paris, du 7 juin 2000, n° 2000/4…

7 juin 2000

La Cour est saisie des appels d’une ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de Commerce de PARIS, le 07 juin 2000.

L’objet du litige est principalement le suivant : la SA PARFOND a été constituée en 1997 avec pour principal actionnaire Hubert LEVY LAMBERT. Courant juillet 1997 “ le groupe FORVEST TRUST dont David WOLLACH était le principal représentant aurait acquis 50 % du capital social de cette société. Hubert LEVY LAMBERT aurait cédé 25 % de ses actions détenues par l’intermédiaire de la société UNIVALOR LTD dont le compte serait tenu par la société SOPARGEM au groupe FORVEST TRUST qui les aurait acquises par l’intermédiaire de la SCI BIELLE dont le compte serait également tenu par la société SOPARGEM. Un litige au fond, distinct de celui, objet de la présente instance, porte sur la nullité éventuelle de cette cession d’actions. A la suite de la démission de trois des quatre premiers administrateurs le Conseil d’administration de la SA PARFOND aurait coopté Messieurs MERRY WEATHER et WOLLACH comme administrateurs, ce conseil étant donc composé de ces derniers et de Hubert LEVY LAMBERT, les fonctions de directeur général étant dévolues à ce dernier tandis que David WOLLACH exerçait celles de Président du Conseil d’Administration. La SA PARFOND, la SA FORVEST TRUST, David WOLLACH KALMAN, la société UF HOLDING sollicitent la prorogation de la réunion de l’assemblée générale ordinaire de la SA PARFOND en se prévalant de la procédure relative à la nullité des cessions d’actions. De leur côté la SCI BIELLE, la SA SOPARGEM et Hubert LEVY LAMBERT s’y opposent comme à la prorogation de la réunion de l’assemblée en vue de la désignation de nouveaux administrateurs, convoquée le 09 juin 2000 en excipant de la nullité de la cooptation précitée faute de ratification par l’assemblée générale qui ne serait pas effectivement tenue le 23 juin 1999, du caractère impératif de la tenue de cette assemblée générale tant pour cette ratification que pour approuver les comptes, de la paralysie des organes de la SA PARFOND.

Le Tribunal a statué ainsi qu’il suit :

- dit qu’il convient de surseoir à la tenue de l’assemblée générale du 9 juin 2000 jusqu’à la décision du juge du fond,

- dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes tant principale que reconventionnelle,

- fait injonction aux demandeurs d’assigner à bref délai devant le juge du fond,

- laissé les dépens à la charge des demandeurs,

- dit que la décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l’article 489 du NCPC.

Dûment autorisés à cette fin, les sociétés PARFOND, FORVEST TRUST, UF HOLDING et David WOLLACH KALMAN ont assigné les autres parties pour le 13 juillet 2000.

Dans le dernier état de la procédure la Cour, comme juridiction d’appel en référé est saisie des demandes suivantes :

Pour la SCI BIELLE, la SA SOPARGEM et Hubert LEVY LAMBERT, appelants au principal, intimés incidemment :

- déclarer recevable et bien-fondé l’appel interjeté par la SCI BIELLE, la SA SOPARGEM et Hubert LEVY-LAMBERT de l’ordonnance de référé prononcée le 7 juin 2000 par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de PARIS,

- infirmer ladite ordonnance en ce qu’elle a considéré qu'il y avait lieu de surseoir à la tenue de l’Assemblée Générale de la Société PARFOND prévue le 9 juin 2000,

- débouter la Société PARFOND, la Société FORVEST TRUST, Monsieur WOLLACH et la Société U.F. HOLDING de leur appel comme mal fondés ;

- les condamner à verser à Monsieur LEVY-LAMBERT la somme de 30.000 francs au titre de l’article 700 du NCPC ainsi qu’en tous les dépens dont le recouvrement sera directement poursuivi par la SCP TAZE BERNARD et BELFAYOL-BROQUET, conformément aux dispositions de l’article 699 du NCPC.

Pour les sociétés PARFOND, FORVEST TRUST, UF HOLDING et David WOLLACH KALMAN, appelants au principal, intimés incidemment :

- déclarer la Société de Participation des Fondateurs de PAREF sigle PARFOND, la Société FORVEST TRUST, Monsieur David WOLLACH KALMAN et la Société U.F. HOLDING recevables et bien fondés en leur appel,

- infirmer partiellement l’ordonnance de référé rendue le 7 juin 2000 par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de PARIS,

Vu l’article 157 de la loi du 24 juillet 1966,

Vu la procédure au fond aux termes de laquelle la société UNIVALOR sollicite l’annulation d’une cession d’actions de la société PARFOND entre elle-même et la société BIELLE :

- ordonner la prorogation du délai de réunion de l’assemblée générale ordinaire annuelle de la société PARFOND,

- dire que celle-ci devra se tenir dans le délai de deux mois à compter du jugement entré en force de chose jugée sur l’assignation en annulation de 50 actions de la société PARFOND intervenue entre la société UNIVALOR LIMITED, cédante, et la société BIELLE, cessionnaire ;

- condamner in solidum les défendeurs à payer aux requérants la somme de 20.000 francs en application de l’article 700 du NCPC,

- condamner la SCI BIELLE, Monsieur Hubert LEVY-LAMBERT, la société SOPARGEM en tons les dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera poursuivi par la SCP BOMMART-FORSTER, dans les conditions de l’article 699 du NCPC.

La Cour, en ce qui concerne les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties se réfère à l’ordonnance et aux conclusions d’appel.

SUR CE

Considérant que dans le souci d’une bonne administration de la justice il convient de prononcer la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 2000/12709 et 2000/12831 du répertoire général de la Cour ;

Considérant que pour solliciter l’infirmation de l’ordonnance en ce qu’il a ajourné la réunion de l’assemblée générale ordinaire pour la désignation de nouveaux administrateurs, convoquée pour le 09 juin 2000 et s’opposer à l’ajournement de toute convocation de l’assemblée générale ordinaire, les sociétés BIELLE et SOPARGEM et Hubert LEVY LAMBERT, prétendent, qu’indépendamment de la nullité éventuelle de la cession d’actions litigieuse, la nullité de la cooptation précitée serait de droit par application des articles 90 et 94 de la loi du 24 juillet 1966 et qu’il s’en suivrait qu’il n’y aurait pas lieu à ajournement de l’assemblée générale convoquée pour le 09 juin 2000, que la réunion de cette assemblée aurait eu pour objet de constituer un nouveau Conseil d’Administration de la SA PARFOND qui puisse convoquer l’assemblée générale annuelle pour l’approbation des comptes de l’exercice de 1999 sur le report de laquelle l’ordonnance déférée ne se serait pas prononcée, qu’il résulterait de ce qui précède une paralysie des organes de la société PARFOND tandis que le renouvellement du conseil d’administration n’entrainerait aucune conséquence de nature patrimoniale ;

Considérant que les sociétés PARFOND, FORVEST TRUST UF HOLDING et David WOLLACH KALMAN répliquent en substance que la cession d’actions litigieuses antidatée et faite sans prix, objet d’une autre instance, ne pourrait qu’être annulée, qu’il s’en suivrait qu’ils seraient recevables et fondés à solliciter, par application de l’article 157 de la loi du 24 juillet 1966 l’ajournement de l’assemblée générale ordinaire annuelle, qui risque d’aboutir à la révocation des administrateurs "du groupe FORVEST TRUST" , qu’il serait contradictoire d’ajourner la convocation de l’assemblée générale du 09 juin 2000 pour la désignation de nouveaux administrateurs et non l’assemblée générale ordinaire qui comme la précédente risque d’aboutir à la révocation d’administrateurs du groupe FORVEST TRUST, que, en tout état de cause un conflit entre actionnaires sur un paquet d’actions pouvant modifier l’équilibre au sein de la société justifierait la prorogation de l’assemblée générale ordinaire annuelle, que, outre que l’opposition à l’ajournement de la réunion du 09 juin 2000 serait désormais, eu égard à cette date, sans objet, l’argumentation développée pour s’y opposer serait inopérante, puisque l’assemblée du 23 juin 1999 ne se serait pas effectivement tenue, que le tribunal dans le cadre de la procédure de nullité de la cession d’actions litigieuses a été saisi de la nullité dans son ensemble de cette assemblée dont le procès-verbal encourrait la nullité et qu’il s’en suivrait que la cooptation de Messieurs WOLLACH et MERRY WEATHER comme administrateurs ne serait pas nulle, que la position défendue par Hubert LEVY LAMBERT et la SCI BIELLE serait d’autant moins défendable que leurs agissements tendent à écarter les représentants du groupe FORVEST TRUST d’autres sociétés ;

Considérant que, vainement, les sociétés PARFOND, FORVEST TRUST, UF HOLDING et David WOLLACH KALMAN prétendent que l’opposition à l’ajournement de la réunion du 09 juin 2000 de l’assemblée générale pour la désignation de nouveaux administrateurs serait sans objet, puisque, l’infirmation de l’ordonnance sur ce point aurait pour nécessaire conséquence de permettre une convocation immédiate de l’assemblée générale pour le même objet ;

Considérant qu’il résulte de l’ordre du jour de la convocation du 25 mai 2000 pour l’assemblée générale du 09 juin 2000 et des projets de résolutions qu’il contenait, que cette assemblée avait pour objet de constater la nullité de la désignation de David WOLLACH et de John MERRY WEATHER comme administrateurs et de désigner en leurs lieux et place Catherine LEVY LAMBERT et la SCI BIELLE ;

Considérant qu’il n’est pas discuté que le Conseil d'Administration avait coopté le 15 septembre 1997 David WOLLACH KALMAN et John MERRY WEATHER comme administrateurs à la suite de la démission de trois des quatre premiers administrateurs, ce conseil étant donc composé de ces derniers et de Hubert LEVY LAMBERT ;

Considérant que la cession d’actions litigieuses porte sur 50 actions détenues par la société UNIVALOR LTD à la SCI BIELLE suivant ordre de mouvement daté du 16 décembre 1997 ne comportant aucun prix tandis qu’il n’est pas discuté que, en conséquence de ce mouvement, “le groupe FORVEST TRUST “ se serait trouvé porteur de 75 % des actions, le “groupe LEVY LAMBERT" n’en détenant plus que de 25 %, alors que précédemment le capital social était reparti à égalité entre ces deux groupes et qu’il s’en suit, d’une part que cette cession entrainait une modification importante de la répartition du capital social entre les deux groupes, le second alors à égalité devenant largement minoritaire, d’autre part que l’équilibre au sein de la société suivant que cette cession est reconnue valable ou au contraire annulée se pose en de tous autres termes ;

Considérant que l’évidence de la tenue de l’assemblée générale du 23 juin 1999 n’est pas caractérisée dès lors, d’une part, que cette assemblée avait notamment pour objet, ce qui s’évince de son procès-verbal, l’approbation des comptes, d’autre part, que dans un fax du 23 juin 1999 la SA FORVEST TRUST a écrit à Hubert LEVY LAMBERT - SOPARGEM « pour finir, je comprends que l’assemblée générale et la réunion du Conseil d’Administration de PAREF et PARFOND prévus pour ce jour sont reportés puisque nous ne pouvons donner décharge sur les comptes tels qu’ils sont présentés (…) » et enfin, que dans une lettre du 12 juin 1999 la Société SOPARGEM indiquait à David WOLLACH « concernant PARFOND, noire commissaire aux comptes, FESSON, est très préoccupé par le retard de l’approbation des comptes qui, eu égard à la date de cette lettre ne peut qu’être celle prévue pour l’assemblée générale alléguée du 23 juin 1999 ;

Considérant qu’à l’évidence la désignation du 15 septembre 1997 de David WOLLACH KALMAN et de John MERRY WEATHER comme administrateurs est entachée d’irrégularité , dès lors, d’une part, que par application de l’article 94 , alinéa 2 de la loi du 24 juillet 1966, le nombre des administrateurs étant devenu inférieur au nombre légal, leur désignation ne pouvait valablement être décidée que par l’assemblée générale convoquée immédiatement par l’administrateur restant et, d’autre part, parce que, en tout état de cause, à supposer que le conseil se soit trouvé dans un cas où la cooptation aurait été possible, la ratification dont il n’a pas été justifié par l’assemblée générale aurait été nécessaire ;

Considérant, qu’eu égard à l’incidence du litige portant sur la nullité éventuelle de la cession d’actions litigieuse sur le contrôle de la société il y a lieu, d’ajourner, jusqu’à la décision du tribunal statuant sur la convocation de l’assemblée générale ordinaire initialement convoquée pour la désignation de nouveaux administrateurs puisque leur identité ne peut qu’être distincte suivant que cette cession est validée ou annulée ;

Considérant, en outre et pour ce même motif, qu’il y a lieu d’ajourner la convocation de toute réunion de la convocation de l’assemblée générale ordinaire annuelle , dès lors, d’une part, que l’approbation des comptes dépend de la manière dont est détenu le capital social et donc de la décision qui sera prise au fond quant à la nullité éventuelle de la cession d’actions litigieuse et, d’autre part, parce que par application de l’article 160 de la loi du 24 juillet 1966, l’assemblée peut, en toutes circonstances révoquer un ou plusieurs administrateurs ;

Considérant que, au regard de ce qui précède, le surplus de l’argumentation des parties est dénuée de portée ;

Considérant, en conséquence, qu’il y a lieu de confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a dit qu’il convenait de surseoir la tenue de l’assemblée générale du 09 juin 2000 jusqu’à la décision du juge du fond et l’infirmant en ce qu’il a rejeté l’ajournement de l’assemblée générale ordinaire,

de dire que celle-ci se tiendra dans le délai de deux mois à compter de la date à partir de laquelle le jugement sur la procédure en nullité de la cession d’actions litigieuse aura acquis force de chose jugée ;

Considérant que les conditions d’application de l’article 700 du NCPC ne sont pas réunies ;

Considérant que, l’ordonnance étant réformée en ses dispositions relatives aux dépens, les sociétés BIELLE, SOPARGEM et Hubert LEVY LAMBERT sont condamnés aux dépens de première instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS :

Prononce la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 2000/12709 et 2000/12831 du répertoire général de la Cour ;

Dans la limite des appels ;

Confirme l’ordonnance en ce qu’elle a ajourné la tenue de l’assemblée générale convoquée pour le 09 juin 2000 jusqu’à la décision du juge du fond sur la cession d’actions litigieuse ;

L’infirme sur la prorogation de l’assemblée générale ordinaire annuelle de la SA PARFOND ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Dit que l’assemblée générale ordinaire de la SA PARFOND se tiendra dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle le jugement au fond sur la nullité éventuelle de la cession d’actions litigieuse aura acquis force de chose jugée ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la SCI BIELLE, la SA SOPARGEM et Hubert LEVY LAMBERT aux dépens de première instance et d’appel ;

Admet la SCP BOMMART FORSTER au bénéfice de l’article 699 du NCPC.