CA Paris, 3e ch. B, 22 avril 2005, n° 05/05712
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Adexi (Sté), Groupe Etoile (Sté)
Défendeur :
Legrand
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weill
Conseillers :
M. Monin-Hersant, Mme Catry
Avoués :
SCP Lagourgue - Olivier, Me Teytaud
Avocats :
Me Reinhart, Me Dubois
Le 12 juillet 2000, le Groupe ALPHA dont fait partie SECAFI ALPHA S.A., société prestataire de services comptables et financiers, a acquis le Groupe ETOILE dont Monsieur Regis LEGRAND, expert-comptable, possédait 60 %, comprenant ADEXI S.A., société d’expertise comptable, et les filiales d’activités comptables de la SCET, elle-même filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
Monsieur LEGRAND a perçu pour la vente de sa participation la somme de 25 millions de francs (3,6 millions d’euro).
A la suite de ces cessions, le capital d’ADEXI est ainsi réparti : Groupe ETOILE, ALPHA 66,5 %, SCET (CDC) 30%, Monsieur LEGRAND 3,5 %, celui-ci ayant acheté C3D (filiale de CDC) 1503 actions pour le prix de 2 164 320 Frs (329 995 €).
En outre une promesse d’achat a été consentie à Monsieur LEGRAND portant sur les 1503 actions qu’il venait d’acquérir de C3D, par SECAFI ALPHA pour le prix de 3 000 000 Frs (457 347 €). SECAFI ALPHA s’engageait à racheter les actions de Monsieur LEGRAND pour le prix fixé quand celui-ci le lui demanderait entre le 1er avril et le 30 septembre 2003. Comme convenu dans les accords de l’année 2000, Monsieur LEGRAND est resté à la tête du groupe jusqu’au 14 octobre 2002, date à laquelle il a été remplacé par Monsieur Pierre FERRACCI, élu président directeur général d’ADEXI S.A.
Le 1er avril 2003, Monsieur LEGRAND a levé l’option, SECAFI a refusé d’acquérir les titres.
Le 17 février 2004, le tribunal de commerce de PARIS a dit que la clause compromissoire insérée dans la promesse d’achat était valable, la décision du tribunal arbitral doit être rendu le 11 mai 2005. SECAFI ALPHA a refusé d’acquérir les titres, estimant avoir accepté un prix excessif à la suite des manoeuvres de Monsieur LEGRAND ; elle a déposé une plainte avec constitution de partie civile en octobre 2003 ; ADEXI a fait des pertes en 2001,2002 et 2003.
D’autre part ADEXI avait convoqué une assemblée générale extraordinaire qui devait tenir le 28 février 2005 en vue d’une augmentation de capital.
Autorisé d’assigner d’heure à heure, Monsieur LEGRAND a saisi en référé le tribunal de commerce de PARIS.
Par ordonnance du 25 février 2005, le Président du tribunal de commerce de PARIS, en vertu du libre exercice du droit d’actionnaire de Monsieur Regis LEGRAND a ordonné l’ajournement de l’assemblée générale extraordinaire de la SA ADEXI actions faisant l’objet de la promesse d’achat du 29 décembre 2000.
A la suite de leur requête du 4 mars 2005 dans laquelle sont exposés les demandes et les arguments, la S.A. ADEXI et la S.A. GROUPE ETOILE ont été autorisés le 5 mars 2005 à assigner à jour fixe devant la Cour d’appel de PARIS pour le 8 avril 2005. Monsieur LEGRAND a conclu le 5 avril 2005.
Les appelants ont à nouveau conclu le 8 avril 2005.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société ADEXI, appelante, justifie l’augmentation de capital projetée par la nécessité de disposer de fonds propres compte tenu des pertes des trois derniers exercices et par l’obligation que le capital soit possédé au moins pour les deux tiers par des experts comptables, personnes morales ou physiques. Le rapport du conseil d’administration expose aux actionnaires les modalités de l’augmentation de capital proposée à l’exclusion des motifs de l’opération. Il appartient au conseil d’administration lors de l’assemblée générale d’exposer les motifs de l’opération tandis que Monsieur LEGRAND avait tout loisir de demander les documents qu’il est en droit d’obtenir en application du décret du 23 mars 1967 si bon lui semblait. En l’espèce, l’augmentation de 300 000€ du capital qui serait porté de 643 305 € à 943 605 € n’apparait pas dénudé de pertinence au regard des pertes de 800 000 € en 2001, de 3,7 millions d’€ en 2002 et de 800 00 € en 2003. Le second motif de l’augmentation de capital, consistant à respecter le pourcentage requis de détention des actions par des experts comptables relève d’un choix du conseil d’administration qui est critique à tort par Monsieur LEGRAND lorsqu’il soutient que le conseil de l’ordre peut accorder un délai pour se mettre en conformité avec les dispositions de l’ordonnance du 19 septembre 1945, puisque cette solution n’est qu’un palliatif à une irrégularité qu’il convient de prévenir par la mesure envisagée par ADEXI, palliatif à utiliser qu’au cas d’échec de la solution naturelle consistant à respecter la loi sans attendre d’injonction de la part du conseil de l’ordre des experts-comptables.
En outre, il revient à l’assemblée générale d’apprécier les motifs de la décision projetée et le choix des moyens opérés par le conseil d’administration, c’est donc à tort également que Monsieur LEGRAND soutient qu’ADEXI aurait dû initialement proposé une augmentation de capital au seul groupe ETOILE, et la SCET et Monsieur LEGRAND de renoncer à leur droit préférentiel de souscription.
Monsieur LEGRAND soutient que les convocations lui ont été adressées à son ancienne adresse, alors qu’il est établi que les convocations lui étaient adressées régulièrement à son adresse à PARIS et à son adresse à NICE, alors qu’il ne justifie pas résider exclusivement à NICE, tandis que dans la procédure initiée par ses soins ayant donné lieu au jugement du tribunal de commerce du 17 février 2004, il se domicilie à PARIS ; dans ces conditions le grief allégué par Monsieur LEGRAND n’apparait pas fondé, étant observé qu’il a pu parfaitement faire valoir ses droits.
Monsieur LEGRAND, étant présentement actionnaire d’ADEXI, tant qu’une décision définitive n’a pas dit que SCAFI ALPHA avait acquis les 1503 actions litigieuses, le libre exercice de son droit d’actionnaire consiste selon son choix à participer ou à ne pas participer aux assemblées d’actionnaires d’ADEXI, de souscrire ou de ne pas souscrire à l’augmentation de capital projetée ; la société ADEXI relève à juste titre que le coût de 10 200 € pour Monsieur LEGRAND ne constitue pas un obstacle , ce que ce dernier ne conteste pas, qu’en outre en tout état de cause, les actions remises en contrepartie de cette souscription seront cessibles et qu’enfin le Groupe Etoile, dont SECAFI, ALPHA, s’est engagée à acquérir les actions aussi souscrites s’il est jugé que la promesse d’achat a bien été levée, engagement pris comme celui de Monsieur LEGRAND de ne pas bloquer, si le tribunal arbitral décidait le 11 mai 2005 de surseoir à statuer, la tenue d’une assemblée générale d’ADEXI régulièrement convoquée pour statuer sur un projet d’augmentation de capital.
La SCET a indiqué par lettre du 24 février 2005 adressées à ALPHA DEVELOPPEMENT et au groupe ETOILE SA qu’elle ne s’oppose pas à l’augmentation de capital et qu’elle cherche à vendre sa participation, une expertise judiciaire ordonnée le 28 octobre 2004, étant en cours pour évaluer la valeur de ces titres.
Monsieur LEGRAND n’a pas attrait dans la procédure qu’il a initié devant le tribunal de commerce de PARIS la SCET. Il s’est donc abstenu d’assigner l’ensemble des associés convoqués en assemblée générale extraordinaire. Il apparait donc que propriétaire de 3,5 % du capital d’ADEXI, Monsieur LEGRAND demande de paralyser une décision régulièrement prise par le conseil d’administration, de soumettre à l’assemblée générale un projet d’augmentation de capital, faisant ainsi obstacle au fibre exercice du droit d’actionnaire des propriétaires de 96,5 % des actions de la société, d’augmenter le capital de la société.
Un tel blocage au profit d’un actionnaire minoritaire n’est envisageable qu’à condition de faire la preuve d’un dommage imminent : la souscription éventuelle par Monsieur LEGRAND de l’augmentation de capital pour la somme de 10 200 € ne constitue pas pour celui-ci un dommage imminent puisqu’il ne conteste pas disposer de cette somme, que le groupe ETOILE s’est engagé à les lui racheter si la promesse d’achat est jugée levée, que dans l’hypothèse inverse, il restera propriétaire de 1503 actions ou de 1724 actions (1503 + 321) selon qu’il aura ou non souscrit à l’augmentation de capital. Enfin, le fait que selon le parti que prendront les trois catégories d’actionnaires Monsieur LEGRAND puisse voir sa part dans le capital passe de 2,3% & 3,5 %, 4 % ou encore 13% ne constitue pas un dommage imminent mais est le résultat de la vie dans une société anonyme, qu’implique la qualité d’actionnaire, éventualité dont Monsieur LEGRAND avait parfaitement connaissance.
Il convient, en conséquence, de laisser se tenir l’assemblée générale extraordinaire que le conseil d’administration d’ADEXI a régulièrement décidé de convoquer, à charge pour ADEXI d’adresser de nouvelles convocations à la suite de l’ajournement de la réunion du 28 février 2005.
PAR CES MOTIFS :
Infirme l’ordonnance de référé du Président du tribunal de commerce de PARIS prononcée le 25 février 2005.
Donne acte à Monsieur LEGRAND de son engagement de ne pas empêcher la tenue d’une assemblée générale d’ADEXI régulièrement convoquée si le tribunal arbitral décide le 11 mai 2005 se surseoir à statuer.
Donne acte au groupe ETOILE de son engagement d’acquérir les actions qui avaient été souscrites par Monsieur LEGRAND lors de l’augmentation de capital si le tribunal arbitral dit que la vente des actions d’ADEXI est intervenue dès la levée de la promesse d’achat par Monsieur LEGRAND.
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Condamne Monsieur LEGRAND aux dépens de première instance et d’appel.