Cass. com., 10 mars 2021, n° 19-22.791
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Ohl et Vexliard
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 2 juillet 2019), le 14 mars 2014, la société Recam Sonofadex (la société Recam), assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), a été mise en redressement judiciaire, M. O... étant nommé en qualité de mandataire.
2. Le 23 décembre 2014, M. R... a confié à la société Recam la réalisation de travaux sur son véhicule automobile. Ce dernier ayant subi une panne peu après l'exécution des travaux, M. R... a sollicité et obtenu, le 24 juin 2015, la désignation d'un expert judiciaire en référé.
3. Le 29 septembre 2015, le plan de redressement de la société Recam a été arrêté et sa durée fixée à 10 ans, la société AJ Associés, représentée par MM. E... et O..., étant désignée en qualité de cocommissaires à l'exécution du plan.
4. Sur la base du rapport d'expertise déposé le 11 janvier 2016, M. R... a assigné la société Recam, MM. E... et O... et la société Axa, afin que la société débitrice et son assureur soient condamnés solidairement à indemniser ses préjudices résultant de la panne du véhicule.
5. La société Recam a soulevé l'irrecevabilité des demandes de M. R..., en invoquant l'absence de déclaration de sa créance par l'intéressé.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. La société Recam fait grief à l'arrêt de la condamner, solidairement avec la société Axa, à payer à M. R... la somme de 16 876,42 euros et, ce faisant, d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'absence de déclaration de créance régulièrement effectuée, alors « que l'article L. 622-17, I du code de commerce, lorsqu'il dispose que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation sont payées à leur échéance, vise uniquement les créances nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur en procédure collective par le créancier ; que sont exclues de cette catégorie les créances indemnitaires liées à la mauvaise exécution d'une prestation fournie au créancier par le débiteur en procédure collective ; qu'en jugeant que la créance indemnitaire dont se prévalait monsieur R..., au titre de l'exécution prétendument fautive d'une prestation que lui avait fournie la société Recam, en redressement judiciaire, pendant la période d'observation, relevait de l'article L. 622-17, I du code de commerce, pour en déduire que cette créance n'était pas sujette à déclaration au passif de la procédure collective de la société Recam, la cour d'appel a violé ledit texte, ensemble les articles L. 622-24 et L. 631-14 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 622-17, I, L. 622-24 et L. 631-14 du code de commerce :
7. Il résulte de la combinaison de ces textes que seule bénéficie d'un paiement à l'échéance et échappe, par conséquent, à l'obligation de déclaration la créance née régulièrement après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période. Il s'ensuit que la créance de dommages-intérêts née de la mauvaise exécution d'un contrat exécuté, pendant la période d'observation, par le débiteur, n'est pas une créance née en contrepartie d'une prestation au sens du premier des textes susvisés.
8. Pour condamner la société Recam, solidairement avec la société Axa, à indemniser M. R... de ses préjudices en lien avec le sinistre subi par le véhicule, l'arrêt relève que la créance de M. R... est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Recam et retient qu'il s'agit d'une créance privilégiée au sens de l'article L. 622-17, I précité, dès lors qu'elle a été constituée en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, M. R.... L'arrêt en déduit que cette créance doit être payée à son échéance et n'est pas soumise à l'obligation de déclaration au passif.
9. En statuant ainsi, alors que la prestation litigieuse avait été fournie pendant la période d'observation, non à la société Recam, soumise à la procédure collective, mais par cette société à M. R..., qui n'était pas le débiteur, contrairement à ce qu'elle a énoncé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation du chef d'un arrêt prononçant une condamnation solidaire profite à toutes les parties condamnées solidairement.
11. La cassation prononcée, qui porte sur la condamnation solidaire prononcée entre les sociétés Recam et Axa, doit donc profiter à cette dernière.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevable l'appel formé par la société Recam Sonofadex, l'arrêt rendu le 2 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.