Cass. crim., 27 janvier 1992, n° 91-82.046
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tacchella
Rapporteur :
M. Souppe
Avocat général :
M. Robert
Avocat :
SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 147, 150 et 151 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du délit de faux en écriture et usage ;
" aux motifs que X... et la BCCM admettent que le compte de la société Y... n'a jamais été créditeur et soutiennent que cette société n'a progressivement plus respecté l'obligation de céder des factures en garantie ; que toutefois il n'apparaît pas des faits que le paiement du chèque litigieux ait été formellement conditionné à la remise ultérieure d'une créance déterminée ; qu'en outre l'examen des relevés bancaires de la société Y... montre qu'au cours des mois précédents avaient été atteints des découverts s'élevant à plus de 630 000 francs en mai, 687 000 francs en juin, 754 000 francs en juillet, 911 000 francs en septembre, 510 000 francs en novembre sans que cela entraînât de révocation expresse du découvert ni de rejet de chèques ; qu'il sied de relever que lors du rejet des trois chèques dont celui de 141 807 francs, le découvert de Y... se situait aux environs de 850 000 francs soit un montant de découvert comparable à celui atteint voire dépassé au cours des mois précédents notamment en septembre ; qu'ainsi la contrepassation décidée par X... et la BCCM le 5 janvier 1988 qui n'avait été précédée d'aucune révocation expresse du découvert accordé à la société Y..., n'a d'autre cause explicable que la prise de connaissance par ces derniers du dépôt de bilan de la société Y... ; que selon la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de Cassation, le banquier ne peut revenir ultérieurement sur un paiement fait en connaissance de l'état débiteur du compte ; que tel est bien le cas en l'espèce ; qu'en contrepassant irrégulièrement l'écriture comptable pour rejeter le chèque au 31 décembre 1987, Emilio X... a bien commis le délit de faux en écriture de banque par fabrication de décharge ;
" alors que le faux en écriture par fabrication de décharge suppose l'altération de la vérité par le contenu d'un écrit dont les mentions ne rendent pas fidèlement compte de la réalité des faits ou actes qu'il est censé rapporter ; qu'en décidant que la contrepassation d'écritures réalisée par X..., qui ne faisait qu'enregistrer l'annulation effective du paiement auquel la banque avait antérieurement procédé pour le compte du client Y..., était constitutive d'un faux en écriture, pour la seule raison que cette annulation n'était pas, selon elle, conforme aux règles bancaires, la Cour, qui ce faisant n'a pas caractérisé l'existence d'une altération quelconque de la vérité, n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que le faux en écriture est constitué par l'altération de la vérité dans un document faisant titre ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme en adoptant ses motifs, qu'Emilio X..., directeur de l'agence de la Banque centrale des coopératives et des mutuelles (BCCM) à Bordeaux, après avoir, le 24 décembre 1987, débité le compte de la société Y... du montant d'un chèque de 141 807 francs émis à l'ordre de la société Mercédès-Benz France dont le propre compte à la Société générale a été crédité à due concurrence, a, le 5 janvier 1988, en rejetant le chèque faute de provision, annulé cette écriture par contrepassation avec effet rétroactif au 31 décembre 1987 ;
Attendu que pour déclarer X... coupable de faux en écriture de banque au préjudice de la société Mercédès-Benz, les juges relèvent que l'annulation du paiement du chèque a été décidée dès la révélation du dépôt de bilan de la société Y... en date du 4 janvier 1988 ; qu'ils énoncent ensuite que cette circonstance ne constituait pas, selon la jurisprudence et les pratiques de la Banque de France, un motif légitime de la contrepassation d'écriture, laquelle, en raison de son irrégularité, constituait un faux par fabrication de décharge ;
Mais attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, qui ne caractérisent aucune altération de la vérité dans l'écriture arguée de faux, et alors qu'une telle altération ne saurait se déduire de la seule irrégularité ou illicéité de l'acte incriminé, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Et attendu que les faits ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale ; que, dès lors, il ne reste rien à juger ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 26 février 1991 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.