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Décisions

Cass. crim., 14 mai 1990, n° 89-84.807

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tacchella

Rapporteur :

M. Souppe

Avocat général :

Mme Pradain

Avocat :

Me Roger

Nancy, ch. corr., du 11 juill. 1989

11 juillet 1989

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 150, 151 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du chef des délits de faux et d'usage de faux ;

" aux motifs que le relevé de caisse transmis par X... au siège social de la STECMA ne peut être assimilé à une note ou facture personnelle ; qu'il s'agit d'une pièce comptable qui devait servir à l'établissement du bilan et qui avait donc une valeur probatoire ; que l'affirmation mensongère par l'inculpé, dans une pièce de cette nature, qu'il avait versé une rémunération à deux personnes dénommées constitue apparemment à sa charge le délit de faux et usage en écriture de commerce ;

" alors, d'une part, que seule l'altération d'écrits formant un titre, c'est-à-dire constituant la source ou la preuve d'un droit au profit de celui qui les a établis, et susceptibles de servir de fondement à une action contre des tiers, peut être constitutive du délit de faux, ce qui n'est pas le cas en l'espèce où l'écrit argué de faux ne constitue qu'un simple relevé de compte par nature soumis à discussion et à vérification et d'une utilisation strictement interne à la société STECMA dans ses rapports avec X..., mais ne saurait constituer un titre susceptible d'entrer dans les prévisions des articles 147 et 150 du Code pénal ;

" alors, d'autre part, que s'agissant d'un acte non probant les juges du fond étaient tenus d'apprécier l'existence ou non d'un préjudice actuel ou éventuel ; qu'en l'espèce le relevé incriminé ne pouvait, en aucune façon, occasionner un préjudice quelconque à la société STECMA dès lors qu'il est établi par les documents versés au dossier, et notamment par les écritures déposées par cette société devant le conseil des prud'hommes, que les sommes portées sur le relevé litigieux trouvaient leur cause dans la réalisation effective du faux plafond et des faux planchers du service de la Douane à Port-Saïd ; qu'ainsi la Cour, en omettant de procéder à cette recherche, a violé les textes visés au moyen ;

" alors qu'en toute hypothèse, l'infraction de faux suppose la conscience chez le faussaire de ce que l'altération de la vérité était susceptible de porter préjudice à autrui, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque l'altération consiste en une simple substitution des personnes ayant réalisé le contrat en cause, laquelle substitution a permis à la société de réaliser un bénéfice inespéré ; qu'ainsi la Cour a violé les textes visés au moyen ;

" alors en outre que dans ses conclusions régulièrement déposées X... faisait valoir que l'existence de ce contrat et son exécution n'avaient jamais été contestées par la société STECMA et qu'il n'avait jamais été allégué par cette dernière que le travail ainsi réalisé aurait dû être réglé par d'autres fonds que les deux sommes de 1 500 livres égyptiennes inscrites dans le récapitulatif des dépenses incriminé ; qu'en omettant de répondre à ce moyen péremptoire, d'où il résultait que X... n'avait jamais eu conscience de ce que l'altération de la vérité était susceptible de porter préjudice à autrui, la cour d'appel a violé les dispositions visées au moyen ;

" alors enfin que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision ; qu'ainsi l'arrêt pour condamner X... pour faux et usage de faux se borne à énoncer " que l'affirmation mensongère par l'inculpé, dans une pièce de cette nature, qu'il avait versé une rémunération à deux personnes dénommées constitue apparemment à sa charge le délit de faux et usage de faux ", n'affirme pas en termes sans équivoque la culpabilité de ce dernier ; qu'ainsi, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions des articles visés au moyen " ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que X... a adressé au service comptable de la société STECMA, qui l'employait, un relevé des opérations effectuées sur le compte bancaire ouvert par cette société et dont il disposait, document sur lequel il a indiqué mensongèrement que deux sommes de 1 500 livres égyptiennes avaient été versées à titre de prime à des salariés de l'entreprise ; que X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, pour ces faits sous la prévention de faux et usage de faux en écriture de commerce ;

Attendu que pour répondre aux conclusions du prévenu qui soutenait que le document incriminé, présenté pour obtenir des honoraires ou salaires, était dépourvu de toute valeur probatoire et pour déclarer constitués les délits visés à la prévention, la cour d'appel énonce que le relevé de caisse transmis par X... au siège social de la société constitue une pièce comptable destinée à l'établissement du bilan et avait de ce fait une valeur probatoire ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre mieux qu'elle l'a fait, aux conclusions dont elle était saisie, a, sans encourir les griefs allégués au moyen, justifié sa décision ; qu'en effet constitue un faux en écriture de commerce pénalement punissable, le fait par une personne, tenue de justifier sur le plan comptable les mouvements de fonds effectués en vertu de son mandat, de porter dans ses écritures des mentions inexactes concernant les opérations correspondantes ;

Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.