Cass. crim., 25 mai 2004, n° 03-85.674
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Anzani
Avocat général :
M. Finielz
Avocat :
SCP Waquet, Farge et Hazan
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Florence, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 19 juin 2003, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs de faux, usage de faux et complicité, a constaté la prescription de l'action publique ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 3 du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 150 et 151 de l'ancien Code pénal, 441-1 et 441-2 du nouveau Code pénal, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a constaté la prescription de l'action publique concernant le délit de faux résultant du contrat de prêt du 27 décembre 1985 ;
"aux motifs que "de jurisprudence constante le délit de faux, délit instantané, se prescrit dans les trois ans de sa commission, quelque soit la date à laquelle il a été porté à la connaissance de celui qui se prévaut de l'acquisition de la prescription, en l'espèce Florence X..., laquelle, en tout état de cause, en produisant dans le cadre de la procédure de divorce, prononcé le 19 janvier 1989, un jugement du tribunal de Bressuire du 20 juin 1988 la condamnant solidairement au remboursement de la SOGECCEF et le 15 novembre 1988 des conclusions comptabilisant cette dette au titre de ses charges, admettait avoir eu dès cette date connaissance du prêt litigieux ; le délit de faux, à le supposer établi, ce que ne tend à démontrer ni les expertises en écritures diligentées par le juge d'instruction ni les circonstances de la cause était par conséquent prescrit le 27 décembre 1988" ;
"alors, d'une part, que la prescription du délit de faux ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle celui qui s'en plaint a eu connaissance de la falsification de l'écrit argué de faux ;
qu'en affirmant, pour constater la prescription de l'action publique, que le délit de faux, délit instantané, se prescrit dans les trois ans de sa commission, et qu'en conséquence, l'action publique visant le contrat de prêt du 27 décembre 1985, quelque soit la date à laquelle Florence X... a pris connaissance de sa falsification, était prescrite le 27 décembre 1988, la chambre de l'instruction a violé le principe énoncé et les articles susvisés ;
"alors, d'autre part, que Florence X... a fait savoir qu'elle avait pris connaissance de la falsification du contrat de prêt litigieux qu'en mars 1996, à l'occasion des dossiers suivis par son avocat chargé des suites de sa procédure de divorce avec Jacques Y... ; qu'en affirmant qu'en produisant dans le cadre de la procédure de divorce un jugement du tribunal de Bressuire du 20 juin 1988 la condamnant solidairement au remboursement de la SOGECCEF et le 15 novembre 1988 des conclusions comptabilisant cette dette au titre de ses charges, Florence X... admettait avoir eu connaissance du prêt litigieux, sans rechercher si la connaissance du contrat de prêt impliquait également la connaissance de sa falsification, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision et l'a ainsi privée de toute base légale" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 150 et 151 de l'ancien Code pénal, 441-1 et 441-2 du nouveau Code pénal, 8, 201, 202, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a constaté la prescription de l'action publique concernant le délit d'usage de faux résultant du contrat de prêt du 27 décembre 1985 et a refusé de se prononcer sur une demande de supplément d'information et de réquisitoire supplétif ;
"aux motifs que le délit d'usage suppose la production de l'acte litigieux dans l'intention d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ; la simple incitation de la SOGECCEF faite par Jacques Y... par courrier du 3 juin 1996 de faire jouer l'hypothèque inscrite sur un bien ne saurait constituer l'usage de faux au sens de l'article 441-1 du Code pénal ; en l'absence de tout usage du contrat de prêt après le 27 décembre 1985 par Jacques Y... et la Caisse d'Epargne de Thouars, laquelle s'était fait, dès 1986 rembourser le montant de prêt par la SOGECCEF, aucune infraction ne peut leur être reprochée ; le dernier acte d'usage commis par la SOGECCEF, au demeurant tiers de bonne foi, est antérieur au jugement du tribunal de grande instance de Bressuire du 20 juin 1988 susvisé, valant titre exécutoire et sur le seul fondement duquel elle a poursuivi le recouvrement de sa créance, étant observé, comme le relève Monsieur le procureur général dans ses réquisitions, que la SOGECCEF s'est limitée à soulever devant la Cour de Poitiers l'irrecevabilité de l'appel formé par Florence X... du jugement du 12 septembre 1988 ;
"alors, d'une part, qu'il suffit, pour constituer l'usage de faux, que le détenteur de cette pièce l'ait utilisée par un acte quelconque en vue du résultat final qu'elle était destinée à produire ;
qu'en l'espèce, Jacques Y..., a invoqué à l'appui d'une lettre en date du 3 juin 1996 destinée à la SEGF de Paris, mandataire de la SOGECCEF, le contrat de prêt falsifié et ainsi, nonobstant le fait qu'il n'ait pas directement produit la pièce litigieuse, a commis un usage de faux ; qu'en affirmant que cette lettre, qui avait pour but de faire jouer l'hypothèque inscrite sur un bien afin de mettre à la charge de Florence X... le remboursement d'un prêt qui ne lui avait été imputé que par la réalisation d'un faux, n'était pas un acte d'usage, la chambre de l'instruction a violé les articles susvisés ;
"alors, d'autre part, que le délit d'usage de faux est une infraction instantanée qui se renouvelle à chaque fait positif d'usage ; qu'en l'espèce, Florence X... reprochait à Jacques Y... d'avoir invoqué et même produit le contrat de prêt litigieux dans une assignation en date du 8 juillet 1999 ; qu'en refusant de faire droit à sa demande de réquisitoire supplétif et de supplément d'information de ce chef, la chambre de l'instruction a violé les articles susvisés ;
"alors, enfin, que les trois lettres respectivement datées des 20 février 1995, 20 juin 1997 et 25 novembre 1998 envoyées à Florence X... par la SOGECCEF dans lesquelles elle fonde ses relances sur le contrat de prêt litigieux du 27 décembre 1985 sont des actes d'usage ; qu'en affirmant que la SOGECCEF n'avait commis aucun acte d'usage après le jugement du tribunal de grande instance de Bressuire du 20 juin 1988 et qu'ainsi la prescription de l'action publique était acquise, la cour d'appel a violé les articles susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 6 novembre 1998, Florence X... a porté plainte et s'est constituée partie civile pour faux et usage de faux en exposant que sa signature avait été imitée dans un acte sous seing privé du 27 décembre 1985 portant sur un prêt de 115 000 francs consenti par la Caisse d'Epargne, et qu'elle n'avait pris connaissance du faux qu'à l'occasion de la procédure de divorce, en mars 1996 ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction déclarant l'action publique prescrite, la chambre de l'instruction relève, d'une part, que le délit de faux, à le supposer établi, est prescrit depuis le 27 décembre 1988, et que, d'autre part, aucun des faits dénoncés dans la plainte ne saurait constituer l'usage de faux au sens de l'article 441-1 du Code pénal ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'en matière de faux et usage de faux le point de départ de la prescription n'est pas reporté à la date à laquelle l'infraction est apparue, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Que, par ailleurs, le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que les juges n'aient pas statué sur l'usage de faux qui aurait été commis au cours d'un procès civil en 1999, dès lors que, ces faits n'ayant pas été dénoncés dans la plainte, la juridiction d'instruction n'en était pas saisie ;
Qu'enfin les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte, et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile a exposé, sans insuffisance ni contradiction, les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges contre quiconque d'avoir commis le délit d'usage de faux dénoncé dans la plainte, ni toute autre infraction ;
D'où il suit que les moyens, doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.