CA Bastia, ch. civ. sect. 2, 10 avril 2019, n° 18/00027
BASTIA
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ricella (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lorenzini
Conseillers :
Mme Deltour, M. Reverseau
Avocats :
Me Sabiani, Me Costa
Exposé des faits
PROCÉDURE
Alléguant un bail souscrit pour une durée de neuf années, du 1er février 2013 au 1er février 2022, des travaux d'équipement du local et un commandement visant la clause résolutoire du 24 juillet 2014, par acte du 25 août 2014, la S. A.R. L. Ricella a fait assigner Mme A Z devant le tribunal de grande instance de Bastia pour faire opposition au commandement.
Par jugement du 14 décembre 2017, le tribunal de grande instance de < Bastia > a :
- constaté la résiliation du bail ayant lié les parties par l'effet de la clause résolutoire,
- condamné la S. A.R. L. Ricella à payer à Mme Z les sommes de 6 600 euros à titre d'indemnité d'occupation et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- rejeté toutes autres demandes,
- condamné la S. A.R. L. Ricella à payer à Mme Z la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la S. A.R. L. Ricella au paiement des dépens.
Par déclaration reçue le 10 janvier 2018, la S. A.R. L. Ricella a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a :
- condamné la S. A.R. L. Ricella à payer à Mme Z les sommes de 6 600 à titre d'indemnité d'occupation et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- rejeté toutes autres demandes,
- condamné la S. A.R. L. Ricella à payer à Mme Z la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la S. A.R. L. Ricella au paiement des dépens.
Par conclusions signifiées et communiquées les 14 et 16 mars 2018, la S. A.R. L. A Ricella a demandé de :
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de < Bastia > en ce qu'il constate la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire,
- réformer sur les autres dispositions,
- dire n'y avoir lieu à octroi de dommages et intérêts au bénéfice du bailleur indélicat,
- constater que l'état des lieux et la remise des clés sont intervenus le 30 juin 2016 par l'intermédiaire de la SCP Kallijuris, huissiers de justice,
- donner acte à la société A Ricella qu'elle s'est acquittée du loyer jusqu'au 1er janvier 2016,
- dire qu'elle est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux soit le 30 juin 2016,
- constater que le départ de la locataire a été précipité par le comportement fautif de la bailleresse qui a empêché son locataire de jouir paisiblement des lieux,
- condamner Mme Z au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner Mme Z au paiement des dépens et de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle critique l'appréciation des faits par le premier juge, l'ouverture d'une lettre dans le cadre du délibéré hors la présence des parties, l'absence de conséquence de l'erreur sur le nom de l'huissier puisque le courrier n'avait pas été récupéré. Elle a fait valoir que le bailleur était informé de la libération du local et qu'elle avait mandaté un huissier pour la remise des clefs. Elle a ajouté qu'aucun état des lieux d'entrée n'avait été fait, que le préjudice allégué ne pouvait être prouvé et qu'elle avait subi la pression du bailleur qui gênait son activité pour la contraindre à partir.
Par conclusions communiquées le 11 mai 2018, adressées au tribunal, Mme Z a sollicité de :
- constater la résiliation du contrat ayant lié les parties par l'acquisition de la clause résolutoire à effet au 24 août 2014,
- fixer l'indemnité d'occupation mensuelle due à compter de l'acquisition de la clause résolutoire au montant du loyer mensuel et des charges, soit à la somme de 600 euros,
- constater que la S. A.R. L. A Ricella a quitté le local loué en méconnaissance des dispositions du bail,
- condamner la S. A.R. L. A Ricella à lui payer la somme de 6 600 euros correspondant à l'indemnité d'occupation due jusqu'à la remise effective des clefs,
- dire que le montant dû au titre de l'indemnité d'occupation sera assorti des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement rendu par le tribunal de grande instance de < Bastia > le 14 décembre 2017, outre leur capitalisation à compter de cette date,
- condamner la S. A.R. L. Ricella à lui payer la somme de 7 200 euros à titre de dommages et intérêts assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bastia le 14 décembre 2017, outre leur capitalisation à compter de cette date,
- rejeter les demandes, fins et conclusions de la S. A.R. L. A Ricella,
- condamner la S. A.R. L. A Ricella à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la S. A.R. L. A Ricella aux entiers dépens, outre les frais de commandement visant la clause résolutoire et les frais de constat d'huissier.
Elle a fait valoir une restitution tardive des clefs qui interdisait de considérer qu'elle avait quitté les lieux, que le courrier litigieux, produit par l'appelante, ne précisait pas l'identité de l'huissier, que les pièces étaient illisibles et que le preneur savait qu'elle était hospitalisée et qu'il pouvait se rapprocher de sa famille. Elle a exposé qu'en absence d'état des lieux d'entrée, la présomption de remise des lieux en bon état lors de la signature, l'état déplorable des lieux lors de la sortie justifiaient sa demande de dommages et intérêts.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 septembre 2018.
L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 14 février 2019.
L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 10 avril 2019.
Motifs
MOTIFS DE LA DÉCISION
Suite à une erreur qu'elle commet elle-même, l'appelante est indifféremment désignée S. A.R. L. A Ricella et S. A.R. L. Ricella.
Mme Z, qui n'a pas interjeté appel incident et consécutivement, n'a pas saisi la cour de demande d'infirmation ou de réformation du jugement, présente des demandes différentes de celles qu'elle a soutenues devant le premier juge relatives aux dommages et intérêts, aux intérêts, à la capitalisation, aux frais de constat et de commandement.
Le commandement visant la clause résolutoire indique que le preneur a érigé sur le parking privatif attenant au local et faisant également l'objet de la location, deux constructions, un chalet et un cabinet de toilette, que les travaux ont été réalisés sans consentement du bailleur, qu'ils modifient l'état des lieux et l'utilisation du parking à usage exclusif de stationnement, que le preneur a modifié les locaux loués en supprimant une réserve sans autorisation du bailleur.
Ni le commandement ni la résolution du bail ne sont contestés. Le tribunal a considéré que le preneur était redevable d'une indemnité d'occupation de janvier 2016, date à laquelle les loyers n'ont plus été versés à novembre 2016, date de réception des clefs.
Sur la remise des clefs
Si le preneur a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception au bailleur, celle-ci n'a pas été distribuée. Cette lettre recommandée avec accusé de réception remise fermée, le premier juge ne pouvait procéder à son ouverture. Pour autant, il n'est pas contesté que la copie produite par la S. A.R. L. Ricella est conforme. Ensuite, le preneur a fait dresser un constat d'huissier le 30 juin 2016, pour relever l'état des lieux de sortie et remettre les clefs à l'huissier. Cependant, la restitution des locaux suppose que le bailleur reprenne possession des lieux et la libération des locaux se matérialise par la remise des clés au propriétaire ou à toute personne désignée par celui-ci. En l'espèce, la remise des clefs à un huissier ne vaut pas restitution, a fortiori, s'agissant d'un huissier mandaté par le preneur. Ni la S. A.R. L. ni l'huissier de justice qu'elle a mandaté n'ont tenté de remettre les clefs au bailleur ; la mise en demeure de reprendre les clefs ne suffit pas et aucune faute du bailleur n'est démontrée.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné la S. A.R. L. Ricella à payer à Mme Z la somme de 6 600 à titre d'indemnité d'occupation.
Sur les dommages et intérêts
Le "contrat de local vide" qui constitue la loi des parties est un bail commercial, comme conclu pour une durée de neuf ans, pour un usage de biscuiterie, vente de pain, point chaud, pâtisserie, viennoiserie, débit de boissons de deuxième catégorie, restauration rapide, moyennant un loyer de 600 euros. Suivant le contrat, le local se compose d'une pièce, de deux réserves et toilettes, il précise que le preneur prend les lieux dans l'état où ils se trouvent et ne pourra exiger du bailleur aucune réparation, il ne prévoit pas de dépôt de garantie. Par application de l'article 1731 du code civil, s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire. Mme Z ne démontre pas que l'ajout de chalets amovibles constitue un préjudice. Les deux constats qui ne peuvent valoir états des lieux de sortie, à défaut de convocation de l'autre partie, sont similaires et mentionnent la présence de câbles non reliés, de trous dans les murs et montrent un lave mains soutenu par un dossier de chaise.
S'agissant du préjudice, il résulte de la franchise de loyers d'un an accordée par le bailleur au preneur suivant qui a été autorisé à procéder aux travaux de remise en état et d'aménagement suivant contrat du bail du 1er septembre 2017, pour autant il n'est pas égal à cette franchise. En revanche, l'état de santé et la situation familiale de Mme Z sont étrangers au préjudice.
En tout état de cause, Mme Z qui n'a pas interjeté appel incident et n'a pas sollicité l'infirmation ou la réformation du jugement ne peut réclamer l'augmentation des dommages et intérêts alloués.
Le jugement est confirmé par substitution de motifs sur les dommages et intérêts alloués au bailleur, qui doit être débouté du surplus de ses demandes.
Le preneur fonde sa demande de dommages et intérêts sur l'impossibilité alléguée d'utiliser le parking nécessaire à l'activité commerciale et compris dans le champ du bail. Ces faits ne sont pas établis par la production de deux photocopies de deux photographies non datées et non identifiables. Il ne peut être procédé aux constats sollicités sur la base de ces éléments. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts soutenue par le preneur.
S'agissant des intérêts au taux légal, ils sont dus, en application des dispositions de l'article 1153-1 du code civil applicable au litige, même en l'absence de demande à compter du prononcé du jugement. S'agissant de la capitalisation, elle est d'ordre public, pourvu que les intérêts soient dus pour une année entière.
La S. A.R. L. Ricella qui succombe est condamnée au paiement des dépens et de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La demande relative aux frais de commandement et de constat n'a pas été formulée devant le premier juge, elle est cependant l'accessoire de la demande de résiliation du bail et de dommages et intérêts. En revanche, à défaut pour Mme Z d'avoir interjeté appel de ce chef, elle ne peut soutenir cette demande devant la cour.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
- Confirme par substitution de motifs le jugement déféré,
Y ajoutant,
- Dit que les intérêts au taux légal sont dus à compter du prononcé du jugement, avec capitalisation, pour ceux dus pour une année entière,
- Déboute la S. A.R. L. Ricella de ses demandes contraires,
- Déboute Mme Z de ses demandes plus amples,
- Condamne la S. A.R. L. Ricella au paiement des dépens,
- Condamne la S. A.R. L. Ricella à payer à Mme A Z une somme de deux mille euros (2 000 euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.