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Décisions

CA Paris, 14e ch. A, 27 juin 1990, n° 89/14015

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Montparnasse Finances (SA)

Défendeur :

Garage Talma (SARL)

CA Paris n° 89/14015

26 juin 1990

LA COUR : Statue sur l'appel interjeté le 13 juillet 1989 par la S.A. MONTPARNASSE FINANCES, devenue SODEFRA FINANCES, d'une ordonnance de référé rendue le 26 juin 1989 par un délégataire du Président du Tribunal de Grande Instance de PARIS qui a:

-  accordé à la Société GARAGE TALMA un délai jusqu'au 17 juillet 1989 pour restituer les lieux et les clés à la Société MONTPARNASSE FINANCES, après avoir effectué le dégazage des cuves d'hydrocarbures,

-  dit que pendant cette période, les dispositions de l'article 20 du décret du 30 septembre 1953 seront suspendues,

-  condamné la demanderesse aux dépens.

Suivant acte du 22 avril 1964, la SNCF a renouvelé à la Société Garage TALMA, à compter du 1er octobre 1963, pour une durée de 3, 6, 9 années, un bail à usage commercial portant sur des locaux sis à PARIS 16ème arrondissement, 31 Rue Singer, pour y exploiter un garage.

Après avoir donné congé par acte extrajudiciaire du 20 mars 1973, avec refus de renouvellement et offre de payer une indemnité d'éviction, la SNCF a exercé son droit de repentir et proposé le renouvellement du bail.

Par acte authentique reçu par Me DURANT des AULNOIS le 22 septembre 1983, la SNCF a vendu l'immeuble à la Société MONTPARNASSE FINANCES.

Par acte extrajudiciaire du 25 février 1986, la Société MONTPARNASSE FINANCES a donné congé à la Société Garage TALMA pour le 31 mars 1987 avec refus de renouvellement et offre de payer l'indemnité d'éviction.

Par jugement rendu le 10 octobre 1988, le Tribunal de Grande Instance de PARIS a fixé à deux millions le montant de l'indemnité d'éviction, non compris les indemnités de licenciement payables sur justifications.

Ce jugement a été confirmé par arrêt de cette Cour en date du 16 mars 1989 qui a désigné l'Avoué le plus ancien à l'effet de recevoir de la Société MONTPARNASSE FINANCES l'indemnité d'éviction et de remettre à la Société Garage TALMA les fonds correspondants dans les conditions prévues par l'article 20 du décret du 30 septembre 1953.

Après avoir versé à Me FANET, Avoué, l'indemnité d'éviction, la Société MONTPARNASSE FINANCES a, par acte extrajudiciaire en date du 9 juillet 1989, notifié cette consignation à la Société Garage TALMA en lui rappelant les dispositions de l'article 20 alinéas 3, 4, 5 et 6 du décret du 30 septembre 1953 et en lui faisant sommation d'avoir, au plus tard le 30 juin 1989:

*  laissé les lieux libres de toute occupation,

*  justifié de la résiliation de tous abonnements et du paiement des sommes correspondantes,

*  justifié de l'attestation de dégazage des cuves d'hydrocarbure.

La Société Garage TALMA a alors saisi d'une demande de délai supplémentaire le Juge des référés qui a rendu la décision déférée à la Cour.

Par acte extrajudiciaire en date du 6 juillet 1989, la Société Garage TALMA a fait sommation à la Société MONTPARNASSE FINANCES de retirer au Commissariat de Police de la Muette les clés correspondant aux lieux par elle occupés jusqu'au 30 juin 1989 et libérés à cette date.

Le 7 juillet 1989, la Société MONTPARNASSE FINANCES a fait sommation itérative à la Société Garage TALMA de se conformer aux exigences des textes applicables et, par ailleurs, régler le montant de deux factures impayées d'indemnités d'occupation.

Le 17 juillet 1989 a été dressé un procès-verbal de remise des clés en l'étude de la SCP FANET, avoué désigné comme séquestre.

A l'appui de son appel, la Société MONTPARNASSE FINANCES fait valoir, en substance, que la retenue de 1 % ayant le caractère d'une pénalité définitive, le Juge des référés n'avait pas le pouvoir de suspendre les effets de l'alinéa 6 de l'article 20 du décret du 30 septembre 1953 et de reporter le point de départ de l'application de cette pénalité en l'absence de toute cause de force majeure.

Elle fait remarquer que la Société Garage TALMA savait qu'elle devait procéder au dégazage des cuves d'hydrocarbures et pouvait prendre ses dispositions pour le faire avant le 30 juin 1989.

Elle demande à la Cour d'infirmer l'ordonnance déférée et, statuant à nouveau, de dire que la Société Garage TALMA est redevable, conformément aux dispositions de l'article 20 alinéa 6 du décret du 30 septembre 1953, de 1 % par jour de retard du montant de l'indemnité d'éviction pour la période du 1er au 17 juillet 1989, soit 340.000 francs, somme qui lui sera restituée par le séquestre désigné par l'arrêt de la Cour du 16 mars 1989, et de condamner la Société Garage TALMA au paiement de la somme de 8.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens

Par conclusions du 20 mars 1990, la Société MONTPARNASSE FINANCES demande à la Cour de lui donner acte de sa nouvelle dénomination qui est devenue SODEFRA FINANCES, et de son nouveau siège social: 3, Rue Clément Marot à PARIS 75008.

La Société Garage TALMA soulève, à titre principal, l'irrecevabilité de l'appel comme étant sans objet dès lors que les lieux ont été restitués dès le 30 juin 1989 et que le délai accordé par le premier Juge se trouve depuis longtemps terminé.

Subsidiairement, elle demande à la Cour de dire et juger irrecevable comme s'agissant d'une demande nouvelle, et en tout cas mal fondée comme relevant du Juge du fond, compte tenu des difficultés sérieuses, la demande reconventionnelle formée par la Société SODEFRA et tendant à la condamnation à la somme de 340.000 francs en application des dispositions de l'article 20 du décret du 30 septembre 1953,

plus subsidiairement, de dire et juger que la restitution des lieux a bien été effectuée le 30 juin 1989 conformément à la décision rendue et aux dispositions du décret du 30 septembre 1953,

encore plus subsidiairement, de dire et juger que le non dégazage de la cuve au 30 juin constituait pour elle un cas de force majeure exclusif de tout versement du 1 % prévu aux dispositions de l'article 20 du décret susvisé et, en conséquence, de débouter la Société SODEFRA de toutes ses prétentions fondées sur les dispositions dudit article et de sa demande faite au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile.

Elle sollicite la condamnation de la Société SODEFRA à lui payer une somme de 100.000 francs à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'abus de droit manifeste commis par SODEFRA, et de celle de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La Société SODEFRA FIANCES réplique que son appel est à la fois recevable et fondé, que sa demande n'est pas nouvelle puisque résultant des dispositions de l'article 20 du décret du 30 septembre 1953 qui est l'objet même de l'ordonnance du 26 juin 1989 et que l'obligation de la Société Garage TALMA qui ne justifie pas d'un événement extérieur et irrésistible assimilable à la force majeure, est incontestable.

Elle réitère sa demande en précisant toutefois que la somme lui sera restituée par le séquestre à titre provisionnel.

SUR CE,

LA COUR:

Considérant que l'appel interjeté est recevable dès lors que le délai octroyé par le premier Juge peut avoir une incidence sur l'application de l'article 20 du décret du 30 septembre 1953 aux relations entre les parties;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'alinéa 3 de l'article susvisé, en cas d'éviction, les lieux doivent être remis au bailleur pour le premier jour du terme d'usage qui suivra l'expiration du délai de quinzaine à compter du versement de l'indemnité entre les mains du séquestre;

que l'alinéa 4 prévoit que l'indemnité est versée par le séquestre au locataire contre remise des clés du local vide, sur justification du payement des impôts, des loyers et sous réserve des réparations locatives;

que l'alinéa 5 dispose qu'en cas de non remise des clés à la date fixée et après mise en demeure, le séquestre retiendra un pour cent par jour de retard sur le montant de l'indemnité et restituera cette retenue au bailleur sur sa seule quittance;

Considérant qu'il est constant que cette retenue a le caractère d'une pénalité définitive et non d'une astreinte;

qu'il n'est prévu aucune dispositions légale permettant au Juge des référés d'en suspendre les effets en accordant un délai supplémentaire au locataire, sauf au Juge du fond à en retarder le point de départ en fonction de l'existence d'un cas de force majeure ou du comportement du bailleur;

qu'ainsi, c'est à tort que le premier Juge a accordé à la Société Garage TALMA un délai jusqu'au 17 juillet 1989 pour restituer les lieux et les clés après dégazage des cuves d'hydrocarbures;

que l'ordonnance déférée sera donc infirmée et qu'il sera dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de délai;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 566 du Nouveau Code de Procédure Civile, les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier Juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément;

que si la demande faite par la Société SODEFRA FINANCES tendant à obtenir la restitution par le séquestre de la somme de 340.000 francs à titre de pénalités de retard peut être considérée comme rentrant dans ces prévisions, elle n'en doit pas moins être déclarée irrecevable dès lors que le séquestre n'a pas été mis en cause, étant observé qu'en toute hypothèse, il ne serait pas du pouvoir de la juridiction des référés de statuer sur une telle demande qui, compte tenu des divergences concernant la date effective de restitution des lieux par la Société Garage TALMA et de l'existence d'un cas de force majeure invoquée par la Société preneuse, ne peut être tranchée que par le Juge du fond;

Considérant qui n'est pas davantage du pouvoir du Juge des référés qui ne statue qu'à titre provisoire, d'allouer des dommages intérêts réclamés non à titre de provision pour abus de droit à agir;

qu'il sera dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la Société Garage TALMA;

Considérant que les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la Société Garage TALMA qui ne peut prétendre au bénéfice de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile auquel l'équité ne commande pas de faire application à la Société SODEFRA FINANCES;

Par ces motifs:

Donne à la Société MONTPARNASSE FINANCES l'acte requis par elle.

Déclare recevable l'appel formé par la Société MONTPARNASSE FINANCES devenue SODEFRA FINANCES.

Infirme l'ordonnance de référé rendue le 26 juin 1989 par le délégataire du Président du Tribunal de Grande Instance de PARIS.

Statuant à nouveau et y ajoutant:

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de délai de la Société Garage TALMA.

Déclare irrecevable la demande de la Société MONTPARNASSE FINANCES devenue SODEFRA FINANCES.

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de dommages intérêts de la Société Garage TALMA.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit d'aucune des parties.

Condamne la Société Garage TALMA aux dépens de première instance et d'appel et admet la SCP BOLLET BASKAL, Avoué, au bénéfice de l'article 699 du Code susvisé.