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Décisions

ART, 29 mars 2005, n° 05-0270

ART (DEVENUE L'ARCEP)

se prononçant sur une demande de mesures conservatoires déposée par la société Free SAS dans le cadre du différend l'opposant à France Télécom

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Champsaur

ART n° 05-0270

28 mars 2005

L’Autorité de régulation des télécommunications,

Vu le Règlement (CE) n° 2887/2000 du Parlement Européen et du Conseil en date du 18 décembre 2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale ;

Vu la directive 2002/19 /CE du Parlement Européen et du Conseil en date du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement Européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre») ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 34-8, L. 36-8 ;

Vu le décret n° 04-1301 du 26 novembre 2004 relatif aux dispositions applicables aux opérateurs exerçant une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques en application des articles L. 37-1 à L. 38-3 du code des postes et des communications électroniques ;

Vu l'arrêté du 9 novembre 1999 modifié autorisant la société Free SAS à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu l’arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu la décision n° 99-528 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juin 1999 portant règlement intérieur ;

Vu la décision n° 03-1083 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 2 octobre 2003 portant modification de la décision susvisée ;

Vu la décision n° 03-907 du 24 juillet 2003 établissant pour l'année 2004 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché des télécommunications 

Vu la demande de règlement d’un différend, enregistrée le 17 février 2005, présentée  par la société Free SAS, RCS Paris 421 938 861, dont le siège social est situé 8, rue de    la Ville l'Évêque - 75008 Paris, représentée par M. Franck Brunel, Directeur général ;

La société Free, dans sa saisine au fond en date du 17 février 2005, demande à l’Autorité de trancher un litige conformément à l’article L. 36-8. Elle demande :

- à titre principal, d'ordonner à France Télécom de procéder aux adaptations nécessaires de la convention 2002 par voie d'avenants visant à transcrire les nouvelles modalités issues des offres de référence des 12 décembre 2003, 20 octobre 2004 et 1er janvier 2005 ; à titre subsidiaire, de supprimer dans les dix jours suivant le prononcé de la décision du projet de convention 2004 toutes les dispositions prévoyant la facturation  à titre rétroactif de toutes les prestations de fourniture d'accès partagés et totaux assurées par France Télécom depuis la signature de la convention en date du 3 décembre 2003,

- de supprimer dans les 10 jours suivants le prononcé de la décision à titre principal de la convention 2002 et à titre subsidiaire du projet de convention 2004 toute clause par laquelle Free renonce à toute action en responsabilité contre France Télécom en cas de dérangement dont la relève démontre la responsabilité de France Télécom et garantit France Télécom de tout recours émanant de ses clients,

- d'accorder dès le prononcé de la décision des pénalités en cas de non-respect des délais de production à compter du mois d'octobre 2004,

- d'accorder des pénalités en cas d'expertise démontrant l'engagement de la responsabilité de France Télécom en cas d'accès en dérangement,

- de fournir des liens en technologie Gigabit Ethernet entre NRA et "SRHD" dans les 30 jours suivants le prononcé de la décision,

- d'informer dès le prononcé de la décision Free avec un préavis de 24 mois de l'introduction de nouveaux NRA ainsi que des aménagements que prévoit d'effectuer France Télécom sur sa boucle locale.

Vu la demande de mesures conservatoires, formée accessoirement à la demande principale enregistrée le 17 février 2005, présentée par la société Free SAS, RCS Paris 421 938 861, dont le siège social est situé 8, rue de la Ville l'Evêque - 75008 Paris, représentée par M. Franck Brunel, Directeur général ;

La société Free SAS demande à l'Autorité au titre des mesures conservatoires :

- de produire des liens intra-bâtiments de type "A4 inversés" dans les dix jours calendaires suivant le prononcé de la décision,

- de fournir à Free le libellé, l'adresse précise, le code 42C, le code INSEE de la commune de rattachement ainsi que le libellé accompagné du code INSEE du NRA d'origine de tous les "SRHD" qu'entend déployer France Télécom dans les 10 jours calendaires suivants le prononcé de la décision,

- de fournir à Free le nombre d'accès non seulement dégroupés mais également IPADSL qui seraient susceptibles d'être repris sur chacun des SRHD dans le 10 jours calendaires suivants le prononcé de la décision,

- de n'exploiter sur "SRHD" que des techniques autorisées à la sous-boucle locale par le Comité d'Experts de la boucle locale et ce dès le prononcé de la décision.

Vu le procès-verbal de la réunion du 23 février 2005 relatif au calendrier de dépôt des mémoires ;

Vu la lettre du chef du service juridique en date du 24 février 2005 portant désignation des rapporteurs ;

Vu la lettre du chef du service juridique en date du 1er mars 2005 adressant un questionnaire aux   parties et fixant au 9 mars 2005 la date de clôture de remise des réponses ;

Vu les observations en défense enregistrées le 7 mars 2005 présentées par la société France Télécom, RCS Paris n° 380.129.866 Paris, dont le siège social est situé 6, place d'Alleray - 75505 Paris cedex 15, représentée par M. Jacques Champeaux, Directeur exécutif chargé des affaires réglementaires ;

Vu  les  réponses  des  parties  au  questionnaire  du  rapporteur  enregistrées  le  9  mars   2005 ;

Vu le mémoire ampliatif enregistré le 10 mars 2005 présenté par la société Free SAS ;

Free conclut aux mêmes demandes que dans son premier mémoire et demande à l'Autorité à titre conservatoire :

- de produire des liens intra-bâtiments de type "A4 inversés" dans les dix jours calendaires suivant le prononcé de la décision,

- de fournir à Free le libellé, l'adresse précise, le code 42C, le code INSEE de la commune de rattachement ainsi que le libellé accompagné du code INSEE du NRA d'origine de tous les "NRA HD" qu'entend déployer France Télécom dans les 10 jours calendaires suivants le prononcé de la décision,

- de fournir à Free le nombre d'accès non seulement dégroupés mais également IPADSL qui seraient susceptibles d'être repris sur chacun des NRA HD dans le 10 jours calendaires suivants le prononcé de la décision,

- de n'exploiter, et ce dès le prononcé de la décision, sur "NRA HD" que des techniques autorisées à la sous-boucle locale par le Comité d'Experts de la boucle locale dès lors que sont présents sur le NRA d'origine des services exploités par des opérateurs ayant signé une convention d'accès à la boucle locale.

- S'agissant de la demande au fond, Free conclut aux mêmes demandes que dans son premier mémoire et demande à l'Autorité d'ordonner à France Télécom, concernant le plan NRA HD :

- de fournir les informations mentionnées au second et troisième point de la demande de mesures conservatoires,

- à titre principal de n'exploiter, et ce dès le prononcé de la décision, que des techniques autorisées à la sous-boucle locale par le Comité d'Experts de la boucle locale sur "NRA SR HD" dès lors que ces "NRA SR HD" sont issus de NRA sur lesquels des commandes fermes de dégroupage ont été émises par des opérateurs signataires de la convention d'accès à la boucle locale,

- à titre subsidiaire :

- s'agissant des "NRA SR HD" pour lesquels Free manifeste le désir de continuer l'exploitation des clients existants et de tout nouveau client à partir du NRA d'origine, d'ordonner à France Télécom de n'exploiter, et ce dès le prononcé de la décision, que des techniques autorisées à la sous-boucle locale par le Comité d'Experts de la boucle locale sur ces "NRA SR HD" dès lors que ceux-ci sont issus de NRA sur lesquels des commandes fermes de dégroupage ont été émises par des opérateurs signataires de la convention d'accès à la boucle locale ;

- s'agissant des "NRA SR HD" pour lesquels Free manifeste le désir de fournir comme France Télécom des services de communications électroniques à partir de ces points intermédiaires du réseau de boucle locale, après avis du Comité d'Experts de la boucle locale, d'ordonner à France Télécom :

- de fournir entre NRA d'origine et le "NRA SR HD" un lien Gigabit Ethernet à un tarif orienté vers les coûts ou de présenter une offre de location longue durée d'une paire de fibres nues,

- de coordonner avec Free la reprise de ses accès existants sur "NRA SR HD" qui ne pourra pas avoir lieu avant le 31 décembre 2005 ;

- de fournir à un tarif orienté vers les coûts des liens en technologie Gigabit Ethernet entre NRA et "NRA SR HD" dans les 30 jours suivants le prononcé de la décision,

- d'orienter vers les coûts les tarifs de la localisation distante en les justifiant,

- d'informer dès le prononcé de la décision Free un préavis de 24 mois de l'introduction de nouveaux NRA ainsi que des aménagements que prévoit d'effectuer France Télécom sur sa boucle locale,

- de saisir sans délais le Comité d'Experts de la boucle locale de la nature des réaménagements profonds du réseau de boucle locale qu'entend mettre en œuvre France Télécom.

Vu les observations en défense enregistrées le 16 mars 2005 présenté par la société France Télécom ;

Vu le courrier du chef du service juridique de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 17 mars 2005 adressé aux parties les convoquant à une audience devant le collège le 24 mars 2005 ;

Vu le courrier électronique de la société Free SAS enregistré le 22 mars 2005 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 23 mars 2005 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Après avoir entendu le 24 mars 2005, lors de l'audience devant le collège :

- le rapport de M. Bertrand Vandeputte, rapporteur présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de MM. Franck Brunel et Alexandre Archambault, pour la société Free SAS ;

- les observations de M. Eric Debroeck, pour la société France Télécom ; En présence de :

- MM. Franck Brunel et Alexandre Archambault, pour la société Free SAS ;

- MM. Eric Debroeck, Dominique Hagerman, Philippe Beguin, Etienne Burgade et Mme Laure Trottain, pour la société France Télécom ;

- MM. Philippe Distler, directeur général, Bertrand Vandeputte, Bernard Celli, Loïc Taillanter, Laurent Laganier, Bernard Messias et de Mle Christine Galliard, agents de l'Autorité ;

Le quorum requis étant réuni, le Collège a délibéré le 29 mars 2005, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité.

Adopte la présente décision fondée sur les faits et moyens exposés ci-après :

1.     Sur la recevabilité de la demande des mesures conservatoires

Aux termes de l’article L. 36-8 I du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité peut être saisie d'un différend entre deux parties "en cas de refus d’accès ou d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de communication électroniques. Ce même article prévoit que « en cas d'atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des communications électroniques, l'autorité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner des mesures conservatoires en vue notamment d'assurer la continuité du fonctionnement des réseaux »

En application de l’article R. 11-1 alinéa 4 de ce même code « une demande de mesures conservatoires ne peut être formée qu'accessoirement à une saisine au fond de l'Autorité de régulation des télécommunications. Elle peut être présentée à tout moment de la procédure et doit être motivée ».

Il résulte, en premier lieu, de ces dispositions que l'Autorité ne peut ordonner une demande de mesures conservatoires qu'autant qu'elle est saisie d'une demande de règlement de différend qui réponde aux conditions de recevabilité fixées à l'article L. 36-8 précité et que cette demande de mesures conservatoires est suffisamment motivée.

En second lieu, des mesures conservatoires ne peuvent être décidées que, d'une part, lorsque les faits soumis à l'Autorité sont suffisamment caractérisés pour être tenus comme la cause directe et certaine de l'atteinte relevée aux règles régissant le secteur des communications électroniques, et que l'atteinte précitée présente un caractère de gravité, notamment au regard de l'importance de la règle concernée ou des conséquences préjudiciables que sa violation entraîne pour les opérateurs concernés, pour l'accès de leurs clients à des services de télécommunications d'autres opérateurs ou pour leur possibilité de communiquer librement avec d'autres utilisateurs. Il faut, d'autre part, que ladite atteinte revête un certain degré d'immédiateté, et donc d'urgence.

Enfin, les mesures adoptées à titre conservatoire doivent être strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence et à la préservation des intérêts de la partie demanderesse, sans affecter de manière excessive les prérogatives de la partie en cause.

Il ressort, d’une part, des pièces du dossier que l’Autorité a été saisie le 16 février 2005 d’une demande de mesures conservatoires déposée par Free ainsi que d’une demande au fond de règlement de différend, laquelle porte, notamment sur l’évolution du réseau de télécommunications de France Télécom et les conséquences de la mise en place du plan NRA-HD sur les services de communications électroniques fournis par la société Free.

Il ressort, d’autre part, des pièces du dossier que Free a constaté que la mise en œuvre du programme NRA-HD ne permettra pas à Free de fournir des services haut débit, notamment des services de diffusion de chaînes de télévision numérique.

L’Autorité note que les deux parties ont entamé des négociations commerciales à la suite de la lettre de France Télécom, datant du 22 décembre 2004, précisant la mise en œuvre prochaine de travaux de réorganisation de son réseau. Dans un courrier en date du 5 janvier 2005, Free demande à France Télécom d’une part que celle-ci l’informe avec un préavis de 24 mois des NRA concernés par la mise en œuvre du plan NRA-HD, d’autre part que celle-ci lui communique la liste exhaustive des NRA concernés sur lesquels Free exploite des accès et indique enfin que la mise en place de ce programme ne lui permettra plus la diffusion de chaînes de télévision numérique. En réponse à ce courrier, France Télécom, par une lettre du 7 janvier 2005, rejette les demandes de la société Free notamment sa demande de délai de prévenance de 24 mois et de fourniture dans l’immédiat de la liste complète des NRA-HD.

Ainsi, ce courrier de France Télécom doit être regardé comme reflétant un échec des négociations commerciales sur l’exécution d’une convention d’accès à un réseau de communications électroniques, au sens des dispositions de l’article L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques.

Il résulte de ce qui précède que la demande de mesures conservatoires, présentée par Free, est recevable.

2.     Sur les demandes de mesures conservatoires de Free

Dans sa saisine transmise le 16 février 2005, complétée le 10 mars 2005 par le mémoire ampliatif précité, la société Free demande à l'Autorité, au titre des mesures conservatoires :

- de produire des liens intra-bâtiments de type «LIB A4 inversés » dans les dix jours calendaires suivant le prononcé de la décision,

- de fournir à Free le libellé, l'adresse précise, le code 42C, le code INSEE de la commune de rattachement ainsi que le libellé accompagné du code INSEE du NRA d'origine de tous les « NRA-HD » qu'entend déployer France Télécom dans les 10 jours calendaires suivants le prononcé de la décision,

- de fournir à Free le nombre d'accès non seulement dégroupés mais également IPADSL qui seraient susceptibles d'être repris sur chacun des NRA HD dans les 10 jours calendaires suivant le prononcé de la décision,

- de n'exploiter, et ce dès le prononcé de la décision, sur « NRA-HD » que des techniques autorisées à la sous-boucle locale par le Comité d'Experts de la boucle locale dès lors que sont présents sur le NRA d'origine des services exploités par des opérateurs ayant signé une convention d'accès à la boucle locale.

Concernant la demande relative aux « LIB A4 inversés », Free indique que France Télécom se rend coupable d’une atteinte grave et immédiate en refusant la fourniture d’une prestation prévue dans l’offre de référence en vigueur.

Concernant les demandes relatives au plan NRA-HD, Free considère que la mise en oeuvre unilatérale par France Télécom de ce plan, consistant en l’exploitation de technologies ADSL à un niveau inférieur au répartiteur d’un NRA d’origine, constitue une atteinte grave à son activité dans la mesure où elle se traduit par une dégradation voire une perte de service pour les abonnés existants raccordés en dégroupage au niveau du NRA d’origine. En outre, Free indique que France Télécom a déjà ouvert au service à titre expérimental certains NRA-HD, ce qui atteste du caractère immédiat de l’atteinte.

France Télécom conteste la recevabilité des demandes de mesures conservatoires présentées par Free en ce qu’elles n’ont jamais fait l’objet d’un échec des négociations, qu’il n’existerait pas d’atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des télécommunications et que l’atteinte à la continuité du fonctionnement du réseau n’est pas démontrée.

Sur la demande de Free relative aux « LIB A4 inversés »

La prestation de fourniture de « LIB A4 inversés » consiste en un raccordement d'un équipement de colocalisation installé au titre de la convention d’interconnexion à un équipement de transmission installé dans un emplacement de dégroupage.

Cette prestation peut notamment être utilisée par les opérateurs collectant dans un même site de France Télécom à la fois des accès dégroupés et du trafic voix en interconnexion. Cette prestation permet de mutualiser les deux types de trafic sur le même équipement de transmission.

Cette mutualisation des trafics a un intérêt technique et économique évident, en ce qu'elle évite d'installer à quelques mètres de distance deux équipements de transmission redondants et de s'acquitter en outre auprès de France Télécom de deux frais de location d'emplacement pour ces équipements.

Au regard des pièces du dossiers, l’Autorité note :

- que la prestation de fourniture de « LIB A4 inversés » a été introduite dans la nouvelle version de la convention rédigée par France Télécom à l’automne 2004 ;

- que France Télécom a refusé de livrer à Free les « LIB A4 inversés » que cette dernière demandait ;

- que les justifications de France Télécom pour ce refus de fourniture sont indirectes, en ce qu'elles ne relèvent ni de difficultés techniques de fourniture de la prestation demandée, ni d'un risque que la société Free ne s'acquitte pas du tarif des prestations de « LIB A4 inversés » qu'elle aurait commandées.

Toutefois, l’Autorité constate que, lors de l’audience en date du 24 mars 2005, France Télécom s’est engagée à livrer des « LIB A4 inversés » sans conditionner cette livraison à la signature d’une nouvelle convention. La société Free a estimé en séance que l'engagement oral de France Télécom était une garantie suffisante d'une fourniture effective et rapide.

Il résulte de ce qui précède que l’Autorité considère que la demande de mesures conservatoires relative aux « LIB A4 inversés » est devenue sans objet.

Sur la demande de Free relative au plan NRA-HD

Dans le cadre de son plan « Très Haut Débit pour les entreprises dans les Zones d'Activités Économiques » annoncé à l’automne 2004, France Télécom a lancé une réorganisation de son réseau qui se traduit par la création, en 2005, d’environ 700 « nœuds de raccordement d’abonné haut débit », dits « NRA-HD ».

Par ce programme, dénommé « plan NRA-HD », France Télécom vise à augmenter l’éligibilité globale des zones concernées, en permettant de raccorder en haut débit des abonnés qui ne pouvaient pas en bénéficier jusqu’alors et en proposant de meilleurs débits à ceux qui y avaient déjà accès.

L'Autorité note que France Télécom réaménage son réseau pour la fourniture de services haut débit, afin de mieux répondre aux besoins des clients finals. Le plan NRA-HD s'inscrit indubitablement dans ce cadre, et permettra d'augmenter le taux d'éligibilité des clients finals au haut débit en réduisant la longueur de la boucle locale cuivre.

Toutefois, l’Autorité constate que le risque de perturbation d’un signal haut débit émis depuis un NRA, par un signal haut débit émis en aval depuis un NRA-HD rattaché à celui-ci, n’apparaît pas comme négligeable.

En outre, il est constant que, dans le cadre d’une évolution de son réseau, France Télécom doive respecter certaines conditions :

En premier lieu, l’Autorité note que conformément aux dispositions de l’article D. 99-7 du code des postes et communications électroniques, « deux opérateurs ayant conclu une convention d'interconnexion ou d'accès ont l'obligation de s'informer mutuellement, avec un préavis au moins égal à un an, sauf accord mutuel ou si l'Autorité de régulation des télécommunications en décide autrement, des modifications dans leur réseau qui contraignent l'opérateur interconnecté à modifier ou à adapter ses propres installations. »

Il résulte de cette disposition que France Télécom, dans un souci de transparence, se voit imposer une obligation d’informer Free un an au moins avant toute modification de son réseau.

En outre, ce même article dispose expressément que « les opérateurs prennent l’ensemble des mesures, qu’ils précisent dans leurs conventions d’interconnexion et d’accès, nécessaires pour garantir : la sécurité de fonctionnement des réseaux, le maintien de l’intégrité des réseaux, l’interopérabilité des services, y compris pour contribuer à une qualité de service de bout en bout (…) »

En second lieu, l’Autorité rappelle qu’elle a créé, par la décision 02-752, un « Comité d'expert pour l'introduction de nouvelles technologies dans la boucle locale ». Celui-ci a pour objectif d’émettre des avis sur les questions techniques relatives à l’introduction de technologies nouvelles dans la boucle locale, et notamment sur les évolutions éventuelles à apporter au plan de gestion du spectre pour la boucle locale.

L’existence de ce groupe figure dans l’offre de référence d’accès à la boucle locale : « Une nouvelle technique, non mise en œuvre dans la boucle locale (respectivement dans la sous boucle locale) de France Télécom, et dont l’introduction est demandée par un (ou plusieurs) opérateur(s) signataire(s) de la convention d’accès, ne peut être déployée sans notamment avoir fait préalablement l’objet, d’une part de simulation et de tests sur plate-forme et d’autre part d’un avis favorable du groupe d’experts ad hoc – constitué des opérateurs ayant signé la convention d’accès, de constructeurs, et de France Télécom – mis en place par l’Autorité de Régulation des Télécommunications ».

L’offre de référence susmentionnée précise en autre que « les techniques mises en œuvre dans le cadre d’un accès total ou d’un accès partagé doivent respecter l’intégrité de la boucle locale de France Télécom et ne pas perturber les services existants ».

Au regard des principes généraux mentionnés à l’article L. 32-1 II (2°) et (4°) du code des postes et des communications électroniques, l’Autorité relève que le principe de non discrimination conduit à imposer à France Télécom l’interdiction d’introduire pour son propre compte les mêmes techniques dont elle proscrit l’usage par les opérateurs dégroupeurs en application des dispositions de l'offre de référence.

En outre, au regard des pièces du dossier et de l’audience, l’Autorité note que France Télécom a indiqué s'être engagée avec Free sur un préavis d'information de six mois, différent de celui défini par le code des postes et communications électroniques. Une telle réduction du délai n’est possible que sous réserve d'un accord mutuel des parties, ce qui n’apparaît pas être le cas, en l’espèce, entre France Télécom et Free.

Il résulte de ce qui précède que France Télécom semble méconnaître ses obligations de transparence et de non-discrimination dans la mise en œuvre de son plan NRA-HD.

Par ailleurs, dans sa réponse au questionnaire, France Télécom indique avoir commencé à émettre des signaux, à titre expérimental, depuis un nombre réduit de NRA-HD, en s’engageant à prendre les précautions nécessaires pour ne pas perturber les accès dégroupés au niveau du NRA.

L'Autorité note, sans trancher à ce stade sur le débat de fond, que France Télécom n'a pas saisi le Comité d'Experts, dont elle est membre depuis 2002, de cette question.

À ce niveau de l’analyse, l’Autorité considère que le comportement de France Télécom doit être considéré comme portant atteinte à la règle précitée issue des articles L. 32-1 II et D. 99-7 du code des postes et des communications électroniques et risque d’entraîner des conséquences dommageables pour Free.

Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les premiers NRA-HD ne devraient effectivement être ouverts commercialement qu’à compter du mois de juillet 2005. Ainsi, il ne semble pas que des accès dégroupés de Free puissent être perturbés ou coupés entre la date de la présente décision et l’ouverture commerciale des premiers NRA-HD.

Par suite, il y a lieu de constater que l’atteinte n’apparaît pas comme immédiate aux règles régissant le secteur des communications électroniques, dans la mesure où la décision au fond de l’Autorité interviendra avant l’ouverture commerciale des premiers NRA-HD. Au demeurant, eu égard au calendrier prévisionnel fixant les dates de production des observations, accepté par les parties lors de la réunion du 23 février 2005, l’Autorité souligne que le différend devrait être réglé au fond début mai.

Dès lors qu’une des conditions cumulatives nécessaires à l’octroi de mesures conservatoires n’est pas satisfaite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des fins de non-recevoir tirées de l'irrecevabilité, il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu pour l’Autorité de rejeter au titre des mesures conservatoires les demandes formulées par Free concernant le plan NRA-HD.

Décide

Article 1 : L’Autorité prend acte de l’engagement de France Télécom à livrer des « LIB A4 inversés » à Free sans conditionner cette livraison à la signature d’une nouvelle convention.

Article 2 : Les demandes de mesures conservatoires susvisées présentées par la société Free sont rejetées.

Article 3 : Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Free et France Télécom la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.