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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 18 mars 2011, n° 10/01204

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

CHANTEBOUT

Défendeur :

LES EDITIONS DALLOZ (SA), ARMAND COLIN (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur GIRARDET

Conseillers :

Madame REGNIEZ, Madame NEROT

Avoués :

Me Rémi PAMART, Me Louis-Charles HUYGHE, SCP BOLLING DURAND LALLEMENT

Avocats :

Me Christian FREMAUX, Me Anne BOISSARD, Me Juliette SAINT-LEGER

Paris, du 24 nov. 2009

24 novembre 2009

Monsieur CHANTEBOUT est auteur d'un manuel de droit constitutionnel publié à l'origine par la société Armand COLIN en 1982, puis par la société DALLOZ. Ce premier contrat stipulant une clause de préférence, Monsieur CHANTEBOUT a proposé à la société DALLOZ un nouvel ouvrage relatif à l'histoire politique institutionnelle de la 5ème République et a signé avec cette société un contrat d'édition en date du 31 mars 2003 dans lequel il était précisé que cette oeuvre serait publiée sous la 'marque de publication Armand Colin' dans la collection U-Science politique.

Chez ce même éditeur, était publié un autre ouvrage relatif à l'histoire des institutions et des régimes politiques de la 5ème République de Messieurs CHEVALLIER, CARCASSONNE et DUHAMEL.

L'ouvrage de Monsieur CHANTEBOUT a été publié en février 2004 sous le titre 'Brève histoire politique et institutionnelle de la Vème République' et vendu au prix de 25 euros.

Par lettre du 25 octobre 2004, Monsieur CHANTEBOUT a manifesté auprès de son éditeur son désaccord sur la manière dont la diffusion de son oeuvre était faite. Il a alors été proposé à l'auteur de 'reprendre sa liberté' mais aucune suite n'a été donnée.

En raison de regroupements éditoriaux, la société DALLOZ a, par acte du 30 novembre 2005, cédé à la société Armand COLIN, son fonds de commerce portant, comme il est indiqué au paragraphe III du préalable, sur les titres relevant du domaine de la Science Politique appelé le 'Fonds Science Politique'.

Monsieur CHANTEBOUT a été avisé de cette cession le 9 décembre 2005.

En septembre 2007, il a manifesté son désaccord tant sur cette cession que sur l'exécution de son contrat par la société DALLOZ, après avoir pris connaissance du fait que la nouvelle édition de l'ouvrage de Messieurs Chevallier, Carcassonne et Duhamel bien qu'appartenant également au domaine de la science politique était toujours édité par la société DALLOZ et non par la société Armand COLIN puis a assigné, par acte du 3 mars 2008, la société DALLOZ, et en intervention forcée la société Armand COLIN pour obtenir la résiliation du contrat du 31 mars 2003 aux torts des éditeurs et paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 24 novembre 2009, le tribunal de grande instance de Paris a constaté que, par courrier du 24 novembre 2008, la société Armand COLIN a notifié à Monsieur Bernard CHANTEBOUT la résiliation du contrat d'auteur signé le 31 mars 2003 avec la société Editions DALLOZ, avec effet au 25 mai 2009, a débouté Monsieur CHANTEBOUT de ses demandes de résiliation du contrat du 31 mars 2003 aux torts exclusifs des sociétés DALLOZ et Armand COLIN ainsi que de dommages et intérêts, a dit sans objet la demande subsidiaire de garantie formulée par la société Armand COLIN à l'encontre de la société DALLOZ, a condamné Monsieur CHANTEBOUT à payer à la société DALLOZ et Armand COLIN la somme de 3 000 euros à chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Appelant de ce jugement, par ses dernières écritures du 9 décembre 2010, Monsieur CHANTEBOUT demande à la cour de l'infirmer, de dire que la cession intervenue entre les sociétés DALLOZ et Armand COLIN a été faite en fraude de l'article L. 132-16 du Code de la propriété intellectuelle et de ses droits, de condamner la société DALLOZ solidairement avec la société Armand COLIN à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts matériels et, au titre du préjudice moral et de notoriété, celle de 150 000 euros pour son compte à l'institution scientifique de son choix et celle de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 18 novembre 2010, la société DALLOZ demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter Monsieur CHANTEBOUT de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en tout état de cause, de débouter la société Armand COLIN de sa demande de garantie portant sur les conséquences et modalités de la cession de fonds de commerce du 30 novembre 2005.

Par conclusions du 18 novembre 2010, la société Armand COLIN demande à titre principal de confirmer le jugement, à titre subsidiaire, de dire que le contrat conclu entre Monsieur CHANTEBOUT et la société DALLOZ le 31 mars 2003 lui a été valablement transféré en exécution de la convention de cession de fonds de commerce conclue par elle avec la société DALLOZ le 30 novembre 2005, de dire que ce transfert n'est pas susceptible d'avoir compromis les intérêts matériels ou moraux de Monsieur Chantebout et de le débouter de toute demande dirigée à son encontre, de la mettre hors de cause s'agissant des autres griefs avancés par Monsieur CHANTEBOUT et à titre plus subsidiaire, de dire que Monsieur CHANTEBOUT ne rapporte pas la preuve des préjudices qu'il prétend subir, de le débouter, de dire que la société DALLOZ est tenue de la garantir en exécution de la convention de cession de fonds de commerce du 30 novembre 2005 de toute condamnation prononcée à son encontre, de manière encore plus subsidiaire, de fixer la part contributive de chacune des intimées en fonction des manquements retenus et de leur incidence sur le préjudice de l'appelant, et de condamner Monsieur CHANTEBOUT à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu'en appel, Monsieur CHANTEBOUT ne réclame plus la résiliation du contrat d'édition aux torts des sociétés DALLOZ et Armand COLIN mais réclame paiement de dommages et intérêts en raison des manquements par la société DALLOZ à 'la loyauté commerciale et aux dispositions du contrat d'auteur' et en raison de la cession de son contrat d'édition sans son accord préalable en violation des dispositions de l'article L. 132-16 du Code de la propriété intellectuelle, soutenant également que le second éditeur a été incapable de diffuser son ouvrage et l'a envoyé au pilon ;

Considérant qu'au titre des fautes commises dans l'exécution du contrat d'édition, il fait essentiellement valoir que son livre n'a pas été mis en valeur, contrairement à une autre oeuvre sur l'histoire politique de la 5ème République publiée par Messieurs CHEVALLIER, CARCASSONNE et DUHAMEL qui a bénéficié d'un prix de vente inférieur au sien par rapport au nombre de pages, de publicités plus importantes ; qu'il se plaint d'un retard apporté par la société DALLOZ à la sortie de son ouvrage, de l'absence de mention de son livre au catalogue universitaire Dalloz 2003/2004 alors que l'ouvrage sur le même thème faisait l'objet d'une grande publicité sur un 'dépliant hors format et en couleur' diffusé avec le catalogue susvisé ; qu'il reproche de manière plus générale à la société DALLOZ de s'être employée à freiner la diffusion de son livre au bénéfice d'un ouvrage concurrent ;

Considérant qu'il fait grief aux premiers juges qui l'ont débouté :

- de s'être bornés à affirmer que le nombre de pages d'un ouvrage n'est pas le seul élément qui entre en compte dans la fixation de son prix alors qu'en l'espèce, d'autres éléments (notamment l'existence de son livre sur le droit constitutionnel et de la large clientèle potentielle-principalement les étudiants en droit de première année) devaient conduire l'éditeur à fixer un prix inférieur, ce qui n'a été fait dans le but de rendre un ouvrage concurrent plus compétitif,

- d'avoir affirmé que le prix de vente fixé n'avait pas de caractère exorbitant alors que la comparaison avec les autres ouvrages de la collection U permettent de voir que le prix de vente à la page de son livre (10,42 centimes) est bien supérieur au prix moyen de 7,04 centimes, et qu'au surplus son ouvrage comporte en moyenne 3600 caractères par page à la différence du livre concurrent qui n'en comporte que 2600,

- de ne pas avoir pris en considération que son oeuvre n'avait pas été annoncée comme 'à paraître' dans le catalogue DALLOZ alors qu'il est fréquent de le faire, de ne pas avoir compris qu'il existait deux catalogues distincts de publication et qu'il se plaignait de ne pas avoir été mentionné sur le catalogue universitaire de 2003/2004 ce qui le privait de publicité auprès des 'prescripteurs potentiels pendant toute l'année qui suivait sa publication',

- d'avoir considéré qu'il n'établissait pas en quoi le retard aurait compromis 'sa prescription' aux étudiants alors que l'enseignement du droit constitutionnel commence en février date à laquelle son ouvrage n'était pas encore sorti, de sorte qu'il ne pouvait être recommandé aux étudiants ;

Qu'en ce qui concerne l'illégalité de la cession par la société DALLOZ à la société Armand COLIN, Monsieur CHANTEBOUT critique la motivation des premiers juges qui, selon lui, se sont principalement penchés sur le but de l'opération (partage entre les ouvrages de droit restant chez DALLOZ et ceux visant les lettres et sciences humaines chez Armand COLIN) pour en conclure qu'il s'agissait d'une opération commercialement saine et logique, sans prendre en compte que la société DALLOZ conservait également des ouvrages de science politique écrits par des professeurs de facultés de droit qui s'adressaient à des juristes tout comme son livre ;

Que pour lui, si son ouvrage a été inclus dans la liste des livres cédés à la société Armand COLIN, c'est que 'l'occasion se présentait pour DALLOZ de parfaire la mise à mort d'un livre qu'il n'avait jusque là et depuis le premier jour cessé de maltraiter' ; qu'en effet, en raison de la spécialisation des librairies, la société Armand COLIN, spécialisée dans les lettres et sciences humaines, n'allait pas envoyer ses catalogues aux librairies spécialisées dans la distribution d'ouvrages juridiques de sorte que son 'uvre qui s'adresse davantage à des étudiants de droit ne pouvait être trouvée aisément ;

Qu'il ajoute que si l'argumentation de la société DALLOZ sur la conformité de la cession aux dispositions de l'article L.132-16 du Code de la propriété intellectuelle était retenue, le comportement de l'éditeur a cependant été fautif dans la mesure où celui-ci a dissocié la diffusion de son oeuvre de celle d'ouvrage complémentaire, en l'occurrence son ouvrage sur le droit constitutionnel resté chez DALLOZ alors que ces deux ouvrages étaient étroitement liés ;

Qu'il fait encore valoir qu'à supposer que la cession eut été relative à l'ensemble des ouvrages de science politique publiés sous la marque 'Armand Colin', (relevant toutefois que le contrat ne prévoyait pas les ouvrages de la collection U), tous les livres répondant à cette définition auraient dû être cédés, ce qui n'a pas été le cas, puisque notamment le livre de Messieurs Chevallier, Carcassonne et Duhamel est resté chez Dalloz alors qu'il répondait aux deux critères du transfert tels que précisés par les intimées (science politique et marque Armand COLIN) ;

Considérant que la société Armand COLIN fait principalement valoir que lors de la cession, il n'y avait pas lieu d'aviser préalablement les auteurs, s'agissant de la cession d'un fonds de commerce constitué par les ouvrages du fonds science politique comportant les différents signes Armand COLIN, dont celui de la collection U, que, par ailleurs, elle est parfaitement en mesure de diffuser correctement des ouvrages de droit, et que Monsieur CHANTEBOUT n'a pas subi de préjudice du fait de ce transfert ; que l'ouvrage de Messieurs Chevallier, Carcassonne et Duhamel fait partie du fonds identitaire DALLOZ ; qu'elle soutient encore ne pas être tenue des manquements contractuels invoqués par Monsieur CHANTEBOUT antérieurs à la cession qui sont de la seule responsabilité de la société DALLOZ ;

Considérant que pour l'essentiel, la société DALLOZ soutient n'avoir commis aucun manquement à ses obligations contractuelles et avoir cédé le fonds de commerce constitué par le fonds science politique exploité sous la marque Armand COLIN qui est un fonds de commerce autonome par rapport au reste de son activité d'éditeur, à laquelle est attachée une clientèle propre ;

Considérant cela exposé qu'il n'y a pas lieu de s'interroger sur la cause et les raisons d'être de la cession mais seulement de déterminer si elle a consisté en une cession de fonds de commerce; que l'argumentation développée par Monsieur CHANTEBOUT notamment sur la spécialisation des librairies n'est pas pertinente au regard des dispositions de l'article L.132-16 du Code de la propriété intellectuelle ;

Considérant qu'aux termes de cet article, 'l'éditeur ne peut transmettre, à titre gratuit ou onéreux, ou par voie d'apport en société, le bénéfice du contrat d'édition à des tiers, indépendamment de son fonds de commerce, sans avoir préalablement obtenu l'autorisation de l'auteur.

En cas d'aliénation du fonds de commerce, si celle-ci est de nature à compromettre gravement les intérêts matériels et moraux de l'auteur, celui-ci est fondé à obtenir réparation même par voie de résiliation du contrat' ;

Considérant que l'acte de cession en cause du 30 novembre 2005, en son article 1, précise que la vente est relative au 'Fonds Science Politique tel qu'il existe à la date d'effet et plus amplement décrit ci-dessous :

- la clientèle, l'achalandage,

- les noms de collection, déposés ou non, 'Compact Science Politique', 'Compact Civis', 'Civis', 'Classic Science Politique', 'Classic Relations internationales', à l'exclusion des appellations et/ou marques 'Dalloz' et 'Sirey',

- plus généralement l'ensemble des droits de propriété industrielle afférents aux ouvrages du Fonds Science Politique à la date d'effet,

- conformément aux termes de l'article L. 132-16 du Code de la propriété Intellectuelle, le bénéfice et la charge de l'ensemble des contrats et accords d'édition et les droits y afférents passés avec les auteurs, directeurs de collections, directeurs d'ouvrages, conseillers éditoriaux, traducteurs, contributeurs à une 'uvre collective, contrats d'adaptation audiovisuels, contrats de cession de droits à des éditeurs tiers, et plus généralement de tous les contrats de propriété littéraire et artistique afférents au Fonds Science Politique (ci-après dénommés les contrats) et relatifs aux ouvrages dont la liste figure en annexe 1 ....' ;

Considérant qu'à l'annexe 1 figure l'ouvrage de Monsieur CHANTEBOUT ; que ce dernier ne peut valablement soutenir que le contrat ne portait pas sur cet ouvrage de la collection U, dans la mesure où par l'article 1 susvisé, il est fait mention de manière générale d'une cession du fonds de science politique, à l'exclusion des appellations et/ou marques 'Dalloz' et 'Sirey' et qu'il ne peut davantage être contesté que l'ouvrage de Monsieur CHANTEBOUT relatif à la 'Brève histoire politique et institutionnelle de la 5ème République' relève de cette catégorie, et a été publié conformément au contrat d'édition dans la collection U Armand COLIN ;

Mais considérant que Monsieur CHANTEBOUT fait observer à juste titre que la cession ne porte pas sur l'ensemble des actifs du 'fonds science politique' des collections autres que celles publiées sous le nom de Dalloz et Sirey ; qu'en effet, les ouvrages de Messieurs CHEVALLIER, CARCASSONNE et DUHAMEL sur la 'Cinquième République Histoire des institutions et des régimes politiques de la France' et celui de Monsieur CHEVALLIER 'Histoire des institutions et des régimes politiques de la France de 1789 à 1958" publiés sous le sigle 'Classic Armand Colin' sont restés dans la maison d'édition Dalloz, alors qu'il s'agit d'ouvrages de science politique ;

Considérant que la société Armand COLIN justifie cette position par le fait que le livre de Messieurs CHEVALLIERCARCASSONNE et DUHAMEL constitue un fonds historique de la société DALLOZ, cet ouvrage ayant été publié à partir de 1952 par cette société, ainsi que cela ressort des notices bibliographiques BNF et de la couverture de l'ouvrage de Monsieur CHEVALLIER édition de 1967 ;

Considérant que s'il n'est pas contestable que la société DALLOZ était fondée à céder le fonds de commerce constituée par la branche d'activité relative au fonds de science politique à laquelle est rattachée une clientèle propre, publié sous le sigle Armand COLIN, cette cession doit comprendre tous les éléments d'actif qui le constituent ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; qu'en effet, lors de la cession, des ouvrages sont restés dans le fonds de la société DALLOZ alors qu'il s'agit d'ouvrages de science politique publiés sous la dénomination Armand COLIN ; qu'il importe peu qu'à l'origine ces ouvrages aient appartenu au fonds de la société DALLOZ ; qu'il ne saurait être contesté, au regard des catalogues mis aux débats, qu'ils étaient diffusés sous le nom de collection 'Classic Armand COLIN' ; qu'en excluant deux ouvrages relatifs à l'histoire des institutions et des régimes politiques, les éditeurs n'ont pas cédé l'universalité de l'actif défini dans l'acte de cession, mais certains des contrats en cause ; qu'ainsi, en n'avisant pas préalablement Monsieur CHANTEBOUT de la cession, en violation des dispositions de l'article L. 132-16 du Code de la propriété intellectuelle, une faute a été commise dont les éditeurs signataires de l'acte de cession doivent réparation ;

Considérant que le préjudice subi par Monsieur CHANTEBOUT consiste dans le fait qu'il a été privé de toute possibilité de négociation au moment du transfert des contrats d'édition ; que le préjudice ne saurait être de l'importance avancée par l'auteur dès lors qu'il n'est nullement établi que le transfert dans une autre maison d'édition a été à l'origine d'une mauvaise distribution de son ouvrage, étant sur ce point inopérant que cet ouvrage ne soit pas proposé au rayon des ouvrages de droit pur, toute personne intéressée par le sujet traité ayant la possibilité d'en faire l'acquisition auprès de tout libraire ; que compte tenu de ces éléments, son préjudice sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 800 euros ;

Considérant qu'en ce qui concerne les griefs formulés à l'encontre des éditeurs qui n'auraient pas exécuté leurs obligations contractuelles, Monsieur CHANTEBOUT ne démontre pas davantage en appel que son ouvrage aurait eu un sort moins favorable que d'autres ouvrages diffusés par la société DALLOZ et notamment celui sur l'histoire des institutions et des régimes politiques de la 5ème République de Messieurs CHEVALLIER, CARCASSONNE et DUHAMEL ; que le prix de vente n'est pas révélateur d'une politique discriminatoire à son encontre, l'éditeur ayant lui-même tout intérêt à ce que l'ouvrage proposé soit vendu, puisqu'il perçoit des droits sur ces ventes ;

Que contrairement à ce que soutient Monsieur CHANTEBOUT, il n'y a eu aucun retard dans la parution de son ouvrage, le contrat d'édition signé donnant un délai de trois mois à l'éditeur après la remise du manuscrit pour en apprécier les caractéristiques (article 4), puis un délai de douze mois pour la publication à compter de la remise du manuscrit complet et définitif (article 7) ; que la parution de son ouvrage en février 2004 n'a dès lors aucun caractère fautif, le manuscrit ayant été remis en septembre 2003, ce d'autant qu'il est inexactement prétendu que la publication à cette date aurait empêché une diffusion auprès des étudiants durant l'année 2004 ; qu'en effet, les enseignants sont toujours susceptibles d'actualiser en cours d'année universitaire, en raison précisément de nouvelles publications, les bibliographies données en début d'année ;

Considérant que le grief tenant au défaut d'annonce préalable de la sortie de son 'uvre comme étant un livre 'à paraître' n'est pas plus pertinent, dans la mesure où il n'est pas établi que ce serait l'usage habituel de la société DALLOZ et que cet usage n'aurait pas été respecté de manière fautive à son égard ;

Considérant que les autres griefs (défaut de publicité, absence d'inscription au catalogue universitaire) ne sont pas plus justifiés et ont été exactement écartés par les premiers juges ;

Considérant enfin que l'appelant ne démontre pas que la société Armand COLIN aurait après la cession manqué à ses obligations contractuelles ; que cette société a continué l'exploitation de l'ouvrage dont 48 exemplaires ont été vendus en 2007 et qu'elle a conformément à la clause 9 du contrat mis fin à celui-ci en raison du peu d'exemplaires vendus et de l'absence de mise à jour de l'ouvrage, et cela dans des conditions non contestées ; que Monsieur CHANTEBOUT lui reproche inexactement d'avoir envoyé au pilon ses livres alors que d'une part, la société Armand COLIN n'en est pas responsable, le pilonnage partiel ayant été effectué par la société DALLOZ et que d'autre part ce pilonnage partiel était justifié, au regard des clauses contractuelles (article 9) selon lesquelles l'éditeur a le droit à tout moment de procéder à une mise au pilon partielle si l'éditeur a en magasin un stock plus important qu'il ne juge nécessaire pour assurer les demandes courantes ; qu'en conséquence le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes ;

Considérant que la société Armand COLIN demande à être garantie par la société DALLOZ faisant grief à cette société principalement de ne pas l'avoir informée, avant la cession, des protestations émises par Monsieur CHANTEBOUT sur la mauvaise exécution du contrat d'édition ;

Considérant toutefois que dès lors que la condamnation ci-dessus prononcée n'est pas relative à des manquements contractuels mais à une violation de l'article L. 132-16 du Code de la propriété intellectuelle, la société Armand COLIN professionnelle avertie se devait de vérifier au cours des négociations préliminaires à la cession, si l'ensemble du fonds science politique Armand COLIN était cédé; qu'elle ne peut dès lors se faire garantir de sa faute personnelle, ce d'autant qu'ainsi que le fait valoir exactement la société DALLOZ, l'article 7.1.1 précisait qu'en cas de contestation par un auteur de la cession, 'les parties s'engagent à se prêter mutuellement assistance pour résoudre ledit litige dans les meilleurs délais et dans le meilleur des intérêts du Fonds Science Politique' ; que par cette clause, la société Armand COLIN a eu connaissance du risque encouru ; que sa demande sera rejetée ;

Considérant que l'équité commande de dire n'y avoir lieu d'allouer d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; que le jugement sera infirmé de ce chef et les demandes formées en appel sur ce fondement rejetées ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que la cession du 30 novembre 2005 avait été faite régulièrement, et en ce qu'il a condamné Monsieur CHANTEBOUT sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Infirmant de ces chefs, et statuant à nouveau,

Dit que les sociétés Editions DALLOZ et Armand COLIN ont commis une faute à défaut d'avoir obtenu l'autorisation préalable de Monsieur CHANTEBOUT lors de la cession du 30 novembre 2005,

Les condamne in solidum à payer à Monsieur CHANTEBOUT la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts,

Rejette toute autre demande,

Dit n'y avoir lieu d'allouer d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés Editions DALLOZ et Armand COLIN aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.