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Décisions

Cass. 1re civ., 5 mai 1987, n° 85-17.537

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fabre

Rapporteur :

M. Massip

Avocat général :

M. Dontenwille

Avocats :

SCP Boré et Xavier, Me Le Prado

Paris, du 9 juill. 1985

9 juillet 1985

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, dans la procédure de divorce opposant les époux X... le juge aux affaires matrimoniales a donné mission à la consultation spécialisée pour les problèmes de la famille (Association Jean Coxtet) d'examiner l'enfant Isabelle, issue de leur union, de procéder à tous entretiens utiles avec les parents et les gardiens, de recueillir tous renseignements sur la situation matérielle et morale des parties et tous éléments de nature a éclairer le Tribunal sur les mesures à prendre dans l'intérêt de l'enfant ; que le rapport de l'association a été signé par M. Mercadier, psychiatre, Mme Delabrière, assistante sociale et Mme Rudin, psychologue ; que les juridictions appelées à statuer ont décidé, après s'être référées aux conclusions de ce rapport, de confier la garde d'Isabelle à sa mère et ont accordé au père un droit de visite à l'exclusion de tout droit d'hébergement ; .

Attendu que M. X... a assigné devant le tribunal de grande instance l'Association Jean Coxtet, M. Mercadier et Mmes Delabrière et Rudin en soutenant que les enquêteurs avaient manqué d'objectivité et d'impartialité, qu'ils avaient outrepassé leur mission en se livrant à des investigations à caractère psychologique et psychiatrique de nature à porter atteinte à sa vie privée, enfin qu'ils avaient méconnu le principe de la contradiction ; qu'il a prétendu que ce comportement lui avait causé, ainsi qu'à son enfant, un préjudice matériel et moral dont il demandait réparation ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 9 juillet 1985) l'a débouté de sa demande ;

Sur le premier moyen pris en ses quatre branches :

Attendu que M. X... reproche à la cour d'appel d'avoir ainsi statué alors que, d'une part, la renonciation à un droit ne se présume pas et doit, si elle est tacite, résulter d'actes manifestant sans équivoque l'intention de renoncer ; que, dès lors, les juges du second degré n'auraient pas donné de base légale à leur décision en énonçant qu'en se soumettant aux examens auxquels il a été procédé M. X... avait accepté les atteintes à la vie privée dont il se plaint maintenant, bien qu'il n'ait fait qu'exécuter une décision de justice ; alors que, de deuxième part, le rapport litigieux se livre à une véritable analyse psychiatrique de sorte qu'en retenant que l'enquête effectuée ne peut être assimilée à une expertise psychiatrique, la cour d'appel aurait dénaturé le rapport ; alors que, de troisième part, l'arrêt attaqué se serait abstenu de répondre aux conclusions par lequelles M. X... faisait valoir que l'enquête sociale prévue par l'article 287-1 du Code civil ne permettait pas aux enquêteurs de procéder à des investigations psychologiques et psychiatriques ; et alors, enfin, qu'en se livrant à une analyse psychiatrique, le consultant aurait méconnu le droit au respect de la vie privée affirmé tant par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1985 que par l'article 9 du Code civil ;

Mais attendu d'abord, que la mesure d'instruction à laquelle il a été procédé, qui emprunte certains de ses caractères à l'enquête sociale, ne peut être assimilée à une expertise psychiatrique ; que l'arrêt attaqué n'a donc pas dénaturé le rapport de l'Association Jean Coxtet ;

Et attendu, ensuite, que la cour d'appel relève que la mesure d'instruction ordonnée par le juge aux affaires matrimoniales l'a été à la requête de M. X... que celui-ci, docteur en médecine, n'ignorait pas la nature des examens auxquels il serait et fut soumis ; qu'il s'y est prêté sans opposition et n'en a critiqué le principe qu'au vu des résultats de ceux-ci qui ne lui donnaient pas satisfaction ; qu'elle a pu en déduire qu'il avait par là-même accepté des atteintes à sa vie privée dont il n'est plus en droit de se plaindre maintenant ; que ces énonciations rendaient inopérantes les conclusions de M. X... qui soutenait que l'article 287-1 du Code civil ne permettait pas d'obliger les parties à se soumettre à des investigations d'ordre psychologique et psychiatrique de sorte que la cour d'appel n'avait pas à y répondre davantage ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, en énonçant que seuls les résultats de l'enquête sociale doivent être soumis à la discussion des parties, d'une part, méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 160 du nouveau Code de procédure civile ; d'autre part violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; de troisième part, dénaturé le rapport litigieux ; enfin laissé sans réponse les conclusions de M. X... qui soutenaient que M. Mercadier aurait dû respecter les obligations d'un expert ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 160 du nouveau Code de procédure civile, qui ne concerne que l'exécution des diverses mesures d'instruction prévues au sous titre II du titre VII du livre premier de ce code, ne sont pas applicables à l'enquête sociale prévue par l'article 287-1 du Code civil et réglementée par l'article 1079 du nouveau Code de procédure civile ; que la cour d'appel, qui a relevé que les résultats de l'enquête sociale étaient soumis à la discussion et à la contradiction des parties, n'a méconnu ni le principe de la contradiction ni celui posé par l'article 6 de la convention précitée selon lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'enfin, en retenant que le rapport litigieux ne pouvait être assimilé à une expertise, la juridiction du second degré qui n'a pas dénaturé ce rapport a, par là-même, répondu en les rejetant aux conclusions qui soutenaient que M. Mercadier devait respecter les obligations imposées à un expert par le nouveau Code de procédure civile ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est de surcroît fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à l'Association Jean Coxtet, à M. Mercadier et à Mmes Delabrière et Rudin sans répondre aux conclusions d'appel de M. X... qui " démontraient " que les enquêteurs avaient manqué d'objectivité et d'impartialité en recueillant complaisamment les propos de sa femme et en l'accablant d'appréciations psychologiques et psychiatriques dont la fausseté avait été établie ; qu'il lui est aussi reproché d'avoir violé l'article 3 de la Convention européenne de sauvagearde des droits de l'homme en écartant toute responsabilité des enquêteurs tout en relevant qu'ils ne s'étaient pas livrés à une rédaction prudente du rapport et avaient employé des termes inutilement traumatisants ;

Mais attendu que, sous couvert d'un grief non fondé de défaut de réponse à conclusion, la première branche du moyen ne tend en réalité qu'à remettre en cause les appréciations de fait des juges du fond ;

Et attendu qu'il est abusif de prétendre que la cour d'appel a violé l'article 3 de la convention du 4 novembre 1950 qui dispose que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitement inhumains et dégradants ;

Que les deux branches du moyen sont dépourvues de fondement ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu qu'il est enfin reproché à l'arrêt attaqué d'avoir estimé que le lien de causalité entre la faute prétendue et le préjudice qu'auraient subi M. X... et sa fille n'était pas démontré ;

Mais attendu que cette critique qui s'attaque à un motif surabondant de l'arrêt ne peut être accueillie ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.