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Décisions

Cass. 2e civ., 24 juin 2004, n° 02-14.959

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ancel

Rapporteur :

Mme Bezombes

Avocat général :

M. Kessous

Avocats :

Me Choucroy, SCP Delaporte, Briard et Trichet, Me Foussard

Versailles, du 10 nov. 2000 et du 11 jan…

10 novembre 2000

Attendu, selon les arrêts attaqués (Versailles, 10 novembre 2000 et 11 janvier 2002), que la société Magic Bus music, à la suite de la destruction de ses archives par un mandataire de son bailleur, la SCI Alsace-Lorraine (la SCI) a assigné cette dernière en paiement de dommages-intérêts devant un tribunal d'instance qui a retenu la responsabilité contractuelle du bailleur tout en allouant une provision au preneur et en organisant une mesure d'expertise ; que par un précédent arrêt du 28 mai 1999, la cour d'appel a confirmé cette décision ; que par un jugement ultérieur, la SCI et ses associés ont été condamnés à payer une certaine somme à la société Magic Bus music ;

que sur appel de la SCI et de ses associés, la cour d'appel a, par l'arrêt du 10 novembre 2000 ordonné la réouverture des débats et enjoint à l'expert de compléter son rapport et par arrêt du 11 janvier 2002 condamné la SCI au vu des rapports de l'expert à payer certaines sommes à la société Magic Bus music ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la SCI fait grief aux arrêts d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 / que la méconnaissance du principe de la contradiction résultant de ce que l'avis du sapiteur recueilli par l'expert judiciaire n'a pas été porté à la connaissance des parties avant le dépôt du rapport doit être sanctionnée par la nullité du rapport d'expertise, aucune discussion des parties ne pouvant plus se dérouler en temps utile devant l'expert ; qu'en décidant pourtant, d'une part, qu'une régularisation était possible postérieurement au dépôt du rapport après qu'une réouverture des débats avait été ordonnée et que l'expert avait reçu mission de donner connaissance aux parties de l'avis du sapiteur de recueillir les dires des parties et d'y répondre, puis de préciser et compléter son rapport, et d'autre part, qu'il n'y avait pas lieu d'annuler le rapport initial et le rapport "complémentaire", la cour d'appel a violé les articles 16 du nouveau Code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2 / qu'en toute hypothèse, la saisine de l'expert prend fin avec le dépôt du rapport ; que la cour d'appel, qui n'a pas ordonné une nouvelle expertise, mais a enjoint à l'expert "de préciser et de compléter son rapport d'expertise du 15 février 1999", a, par suite, violé les articles 172, 245, 282 et 283 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que c'est sans violer le principe de la contradiction, ni l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la cour d'appel, qui était en droit, en application de l'article 177 du nouveau Code de procédure civile, de demander à l'expert de reprendre la partie de ses opérations qui n'avait pas été effectuée contradictoirement, a ordonné la réouverture des débats en invitant l'expert à communiquer aux parties la teneur de l'avis du technicien consulté, à recueillir leurs dires et à y répondre ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la SCI fait encore grief aux arrêts d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 / que l'autorité de la chose jugée s'attache au seul dispositif du jugement ; que dans le dispositif de son arrêt du 10 novembre 2000, la cour d'appel a sursis à statuer "sur toutes les demandes", y compris celle tendant à voir annuler le rapport d'expertise déposé par M. X... le 15 février 1999 ; qu'en affirmant dès lors que la demande en nullité, en ce qu'elle vise le rapport du 15 février 1999, se heurterait aux dispositions de l'arrêt du 10 novembre 2000, qui a écarté les diverses causes de nullité évoquées contre ce rapport d'expertise, la cour d'appel a violé les articles 480 du nouveau Code de procédure civile et 1351 du Code civil ;

2 / que l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 10 novembre 2000 enjoignait à l'expert judiciaire, M. X... - dont le rapport du 15 février 1999, était susceptible d'être annulé "pour cause de violation du principe du contradictoire", faute pour l'expert d'avoir permis aux parties de discuter en temps utile l'avis du sapiteur, M. Y...- "de préciser et de compléter son rapport d'expertise", ainsi que de "recueillir les "dires" écrits des parties et d'y répondre" ; qu'il en résultait en termes clairs et précis que l'expert avait ainsi reçu mission de réexaminer ses conclusions, au vu des observations des parties sur l'avis du sapiteur, et, le cas échéant, de procéder à de nouvelles investigations et de compléter ou modifier ses précédentes conclusions ; qu'en décidant que les demandes de la SCI, tendant à ce que l'expert "recueille des pièces complémentaires et qu'il les commente, et ce, afin de "compléter" "ou même d'amender" son rapport d'expertise du 15 février 1999", excédaient le "cadre limité de la nouvelle mission donnée à l'expert", la cour d'appel a dénaturé sa décision du 10 novembre 2000, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;

3 / qu'en statuant de la sorte, elle a, au surplus, méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile et de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que c'est sans violer le principe de la contradiction, ni l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et abstraction faite de la référence surabondante à la chose précédemment jugée, que la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé la teneur de son arrêt du 10 novembre 1999, a examiné le seul moyen de nullité qui avait été maintenu dans les dernières conclusions de la SCI ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt du 11 janvier 2002 de l'avoir condamnée à payer certaines sommes à la société Magic Bus music alors, selon le moyen :

1 / que l'autorité de la chose jugée s'attache au seul dispositif du jugement ; qu'en conférant l'autorité de la chose jugée aux motifs de l'arrêt du 28 mai 1999, lequel se borne, dans son dispositif, à confirmer le jugement du 30 janvier 1997 en ce qu'il avait retenu le principe de la responsabilité de la SCI et à débouter celle-ci de ses demandes, notamment celle tendant à voir juger que la société Magic Bus music ne rapporte pas la preuve de la présence de bandes mères d'enregistrement dans le local litigieux, pour en déduire que la SCI ne pourrait contester le nombre de cent quarante-deux titres retenu par l'expert, la cour d'appel a violé les articles 480 du nouveau Code de procédure civile et 1351 du Code civil ;

2 / qu'en affirmant, de la même façon, que le chiffre de cinq cent quarante bandes masters proposé par l'expert a été définitivement admis par les motifs de l'arrêt du 28 mai 1999 et doit dès lors être repris, la cour d'appel a encore violé les dispositions susvisées ;

3 / que l'arrêt du 28 mai 1999 n'est pas assorti de l'autorité de la chose jugée quant au nombre de titres et de bandes masters qui auraient été détruits ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles 480 du nouveau Code de procédure civile et 1351 du Code civil ;

4 / qu'en s'abstenant de prendre en considération, ainsi qu'elle y était invitée, les sommes provisionnelles allouées à la société Magic Bus music, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que pour évaluer le préjudice de la société Magic Bus music, la cour d'appel s'est également référée au nombre de titres et de bandes masters retenus par l'expert, de sorte que le moyen, qui porte sur un motif surabondant, est inopérant ;

Et attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a fixé le préjudice sans se référer aux provisions antérieurement allouées, lesquelles ne sont à prendre en considération qu'au stade de l'exécution de la décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt du 11 janvier 2002 de ne pas avoir statué sur sa demande de compensation, alors, selon le moyen, que les prétentions des parties peuvent être valablement exposées dans les motifs de leurs conclusions ; qu'en s'estimant non saisie d'une demande de compensation pour la raison que la SCI n'avait pas repris celle-ci dans le dispositif de ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article 954 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à une demande de compensation, laquelle ne s'opère qu'entre les créances respectives des parties, alors que la SCI demandait seulement la déduction de provisions ;

Qu'ainsi l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt du 11 janvier 2002 d'avoir ordonné que les intérêts au taux légal échus et dus pour une année entière au moins sur les sommes et dommages-intérêts confirmés ou accordés par l'arrêt, soient capitalisées conformément à l'article 1154 du Code civil à compter de la demande, alors, selon le moyen, qu'hormis le cas de confirmation pure et simple d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, l'indemnité allouée en appel porte intérêt, sauf dérogation expressément prévue par le juge, à compter de la décision d'appel ; que la cour d'appel, qui réforme et statue à nouveau sur les préjudices, ne pouvait dès lors ordonner que les intérêts au taux légal échus, dus pour une année entière au moins sur les sommes et dommages-intérêts confirmés ou alloués par cet arrêt, seront capitalisés, sans violer l'article 1153-1 du Code civil ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a fait qu'user de la faculté laissée à sa discrétion par la loi ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.