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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 28 mai 2008, n° 06/17505

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN (SA)

Défendeur :

KOROGHLI

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur Alain CARRE-PIERRAT

Conseillers :

Madame Dominique ROSENTHAL-ROLLAND, Mme Brigitte CHOKRON

Avoués :

SCP HARDOUIN, SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY

Avocat :

SCP LEVY et associés

Paris, du 13 mai 2003

13 mai 2003

Vu le jugement rendu le 13 mai 2003 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

* rejeté le moyen de prescription,

* déclaré nulle la clause de rémunération contenue à l'article 4 des contrats d'édition des 4 novembre 1987, 13 septembre 1988, 3 décembre 1991 conclus entre Ammar KOROGHLI et la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN,

* en conséquence, la clause étant substantielle et déterminante, prononcé la résolution des 4 contrats précités relatifs aux ouvrages : Institutions politiques et développement en Algérie, Les menottes au quotidien, Mémoires d'émigré, Sous l'exil, l'espoir,

* condamné la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN à payer à Ammar KOROGHLI la somme de 36.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 4.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

* débouté les parties de leurs autres demandes,

* condamné la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN aux dépens ;

Vu l'arrêt rendu le 10 décembre 2004, par la cour d'appel de Paris , qui confirmant le jugement entrepris, sauf sur le montant des dommages et intérêts alloués à Ammar KOROGHLI, a :

* condamné la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN à payer à Ammar KOROGHLI la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

* interdit à la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN de poursuivre l'édition, la fabrication et la commercialisation des quatre ouvrages dont Ammar KOROGHLI est auteur, sous astreinte journalière de 50 euros par ouvrage à compter de la signification de l'arrêt,

* condamné la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN à verser à Ammar KOROGHLI la somme complémentaire de 3.000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens ;

Vu l'arrêt du 27 juin 2006, par lequel la Cour de cassation, sur le pourvoi formé par la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris , remis la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et , pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Vu la déclaration de la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN saisissant la juridiction de renvoi ;

Vu les dernières écritures en date du 14 janvier 2008 , par lesquelles la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN, poursuivant l'infirmation de la décision déférée, demande à la Cour de :

sur les demandes de Ammar KOROGHLI tendant à l'annulation de la clause sur

la rémunération des contrats, à la résolution des contrats et à l'allocation de diverses sommes d'argent :

* constater la prescription des demandes en annulation et pour le moins la ratification par Ammar KOROGHLI des clauses litigieuses relatives à la rémunération de ses droits,

* dire irrecevables les demandes de Ammar KOROGHLI tendant à l'annulation des clauses de rémunération des contrats et à la résolution de ces derniers,

* rejeter les demandes indemnitaires en rapport avec les clauses litigieuses,

* à titre subsidiaire, déclarer licite la clause sur la rémunération litigieuse,

* juger que cette clause a été confirmée par Ammar KOROGHLI et débouter celui-ci de l'intégralité de ses demandes,

* à titre plus subsidiaire, dire que la clause relative à la rémunération de chacun des contrats n'avait pas le caractère déterminant du consentement de Ammar KOROGHLI et en conséquence, débouter ce dernier de sa demande tendant à la résolution des quatre contrats,

* en tout état de cause, débouter Ammar KOROGHLI de ses demandes en dommages et intérêts,

sur les demandes de Ammar KOROGHLI tendant à la nullité des articles 5f et 5h

du contrat d'édition sur le fondement des dispositions des articles L.131-3, L131-7

et L.122-7 alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle :

*déclarer Ammar KOROGHLI irrecevable en ces demandes formulées pour la première fois en cause d'appel,

* à titre subsidiaire, déclarer son action prescrite,

* à titre infiniment subsidiaire, l'en déclarer mal fondé,

sur les demandes de Ammar KOROGHLI relatives aux obligations contractuelles

de l'éditeur et prétentions indemnitaires y afférentes :

* rejeter l'intégralité des demandes relatives à l'exécution de ses obligations contractuelles relatives à la rémunération de l'auteur, au tirage et à la publication es ouvrages, à la reddition des comptes et à la soi-disante absence de promotion des ouvrages,

* débouter Ammar KOROGHLI de ses demandes,

en tout état de cause,

* déclarer Ammar KOROGHLI irrecevable en sa demande d'anatocisme,

* l'en débouter,

* déclarer Ammar KOROGHLI tant irrecevable que mal fondé en ses demandes,

* condamner Ammar KOROGHLI au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

* condamner Ammar KOROGHLI aux dépens comprenant ceux afférents à la procédure d'appel avant cassation, recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures en date du 10 mars 2008 , par lesquelles Ammar KOROGHLI , aux termes d'un dispositif confus de cinq pages, comportant pour l'essentiel une énumération de dire et juger, de déclarer qui ne saurait constituer des prétentions au sens des dispositions du Code de procédure civile poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, prie la Cour de :

* débouter la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN de son appel, de ses demandes,

à titre principal :

* dire que son action non prescrite s'agissant d'un contrat à exécution successive dont la résolution peut intervenir à n'importe quel moment, à défaut, eu égard aux dispositions de l'article L.131-4 du Code de la propriété intellectuelle qui constitue une règle d'ordre public dont la violation entraîne la nullité du contrat type litigieux,

subsidiairement :

* dire l'action non prescrite au regard des dispositions de l'article 1304 alinéa 2 du Code civil, ainsi que celles de l'article 1591 du même code,

en conséquence :

* dire que la rémunération proportionnelle due à l'auteur est la contrepartie de la cession des droits au profit de l'éditeur pour chaque exemplaire publié, cette contrepartie étant fixée par un pourcentage sur le prix de vente au public du premier exemplaire vendu conformément aux termes du contrat, prévoir 0% sur ce premier exemplaire vendu sur les 999 suivants aboutissant à une absence de rémunération et donc à une absence de prix au profit de l'auteur pour ce premier exemplaire ainsi que pour les 999 suivants,

* confirmer le jugement rendu par le tribunal en ce qu'il a déclaré nulle la clause relative à la rémunération contenue dans les quatre contrats d'édition conclus avec la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN, a prononcé leur résolution,

y ajoutant :

* déclarer nulle la clause relative à la cession des droits également contenue dans les quatre contrats d'édition conclus avec la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN (article 5f et h desdits contrats qui viole les dispositions des articles L.131-3, L131-7 et L.122-7 du Code de la propriété intellectuelle),

à défaut, subsidiairement sur les inexécutions des obligations de l'éditeur :

*prononcer la résiliation des contrats d'édition pour inexécution des obligations contractuelles ci-après :

- violation du principe d'ordre public de la rémunération légale proportionnelle et de la participation de l'auteur aux recettes en fonction du prix de vente au public (assiette),

- inexécution de l'obligation d'édition, relative au non respect des tirages,

- inexécution de l'obligation de reddition des comptes,

- inexécution de l'obligation de diffusion commerciale et d'exploitation permanente et suivie,

en toutes hypothèses :

* infirmer le jugement en ce qu'il a limité à la somme de 36.000 euros les dommages et intérêts mis à la charge de la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN,

* infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de publication,

et statuant à nouveau :

* débouter la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN de ses prétentions,

* dire que la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN a commis diverses violations et inexécutions de ses obligation précitées,

* dire que la rémunération relative à chacun des contrats litigieux a un caractère déterminant et essentiel dans son consentement,

en conséquence :

* condamner la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN au paiement de la somme de 76.224,51 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des atteintes graves

à ses droits patrimoniaux et moraux et des préjudices subis qui découlent des diverses violations et inexécutions ci-dessus exposées portant sur les quatre contrats litigieux, (subsidiairement à la somme de 36.000 euros telle que fixée par le jugement du 13 mai 2003, ce, y compris par substitution de motifs),

* ordonner, le cas échéant, à la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN de faire une reddition des comptes des ouvrages vendus à la date de signification du jugement (à défaut de l'arrêt à intervenir) sous astreinte de 150 euros à compter de la décision à intervenir,

* dire que les sommes allouées produiront intérêts légaux capitalisés, à compter du 3ème mois suivant l'arrêté de compte de l'exercice auxquelles elles se rapportent, conformément aux stipulations de l'article 6 (relevés de compte) du contrat type litigieux, à défaut à compter de la mise en demeure du 31 janvier 2001,

* dire qu'il reprend sa liberté contractuelle relativement à ses ouvrages ci-après indiqués et pourra, le cas échéant, les publier en France comme à l'étranger, dès lors qu'il se trouvera sans éditeur :

- Institutions politiques et développement en Algérie (essai 1989) N°ISBN :0210-0*H,

- Sous l'exil, l'espoir (poésie 1992) N°ISBN : 1243,

- Les menottes au quotidien (recueil de nouvelles 1989) N°ISBN : 0239-9,

- Mémoires d'immigré (recueil de nouvelles 1992) N°ISBN : 1242-4,

en tant que de besoin :

* dire que sont réputées non écrites :

- la clause fixant un droit correspondant sur le prix fort de vente hors TVA,

- la clause fixant la rémunération légale proportionnelle à 0% sur le premier mille,

- la clause écartant de l'assiette de la rémunération proportionnelle, les exemplaires 'réservés au service de presse', les exemplaires ' cédés à prix réduits', les exemplaires 'dits de passe',

- la clause dite de cession gratuite,

* écarter des débats les décisions suivantes :

- arrêt du 28 février 2008 ( pièce adverse 93),

- jugements du tribunal de grande instance de Paris en date des 26 novembre 2003 et 18 juin 2004 ( pièces adverses 88 et 90),

* faire de plus fort droit à ses demandes,

* l'autoriser à faire publier la décision à intervenir dans deux journaux ou revues de son choix aux frais de la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN dans la limite de 8.000 euros HT par insertion,

* interdire à la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN de poursuivre l'édition, la fabrication et la commercialisation de ses quatre ouvrages sous astreinte de 100 euros par ouvrage,

* confirmer la condamnation de la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN au paiement de la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

* condamner en cause d'appel la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

* condamner la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN au paiement à Maître Emmanuel PIERRAT de la somme de 5.000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

* condamner la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN aux dépens dont distraction dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :

* Ammar KOROGHLI a, par quatre contrats en date des 4 novembre 1987, 13 septembre 1988 et 3 décembre 1991, cédés à la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN les droits d'édition de ses ouvrages intitulés 'L'Algérie : institution et développement', 'Les menottes du quotidien',

'Mémoires d'immigré', 'Sous l'exil, l'espoir',

* par ces contrats, l'auteur a accordé une cession gratuite de ses droits sur les 1.000 premiers exemplaires des ouvrages vendus, les droits d'auteur étant fixés à 7% du prix de vente HT sur les deux mille suivants et à 10% à partir de trois mille,

* le 31 janvier 2001, Ammar KOROGHLI a mis en demeure la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN de lui adresser une reddition actualisée des comptes de ses quatre ouvrages et un dédommagement en raison de la prétendue irrégularité de la clause de rémunération contractuelle,

*la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN n'ayant pas donné suite à la demande d'indemnisation, Ammar KOROGHLI l'a assignée devant le tribunal de grande instance de Paris afin, à titre principal, que soit prononcée la résolution des contrats, à titre subsidiaire, que soit prononcée leur résiliation ;

Sur la nullité des contrats d'édition :

Considérant que Ammar KOROGHLI, invoquant les dispositions d'ordre public du Code de la propriété intellectuelle relatives à la rémunération proportionnelle de l'auteur et à la cession des droits d'auteur, poursuit la nullité des contrats d'édition conclu les 4 novembre 1987, 13 septembre 1988 et 3 décembre 1991 ;

Que la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN soulève la prescription de l'action introduite le 24 avril 2001 ;

Considérant que les dispositions impératives invoquées ont été prises dans le seul intérêt patrimonial des auteurs, de sorte que leur violation ne donne lieu qu'à une nullité relative dès lors qu'il s'agit d'un ordre public de protection ;

Considérant que l'article 1304 du Code civil dispose que dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans ;

Considérant que Ammar KOROGHLI, qui n'établit aucun acte dolosif commis par la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN, invoque l'erreur qu'il a commise sur la rémunération qu'il aurait du percevoir en vertu des contrats litigieux et fixe le point de départ de son action en nullité au jour où il a eu connaissance de l'illicéité des clauses de ces contrats reconnue par un jugement rendu par le tribunal de grande instance de paris le 30 novembre 1989, dans une affaire similaire ayant opposé Mohammed BENHADDOU à la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN ;

Mais considérant que l'erreur qu'aurait commise Ammar KOROGHLI lors de la conclusion de ses propres contrats ne saurait résulter du jugement précité qui n'a d'autorité qu'entre les parties concernées ; que la connaissance de cette décision ne peut être invoquée comme cause d'une erreur de droit et dès lors, constituer le point de départ de la prescription quinquennale stipulée à l'article 1304 du Code civil ;

Considérant que Ammar KOROGHLI n'est pas davantage fondé à prétendre que le contrat d'édition serait un contrat à exécution successive de sorte que la prescription ne pourrait commencer à courir qu'à compter du jour où les relations contractuelles des parties ont cessé ou du jour de la substitution d'un nouveau contrat ;

Qu'en effet, l'éventuel caractère de contrat à exécution successive du contrat d'édition ne constitue nullement un obstacle empêchant l'auteur d'avoir connaissance, dès la formation du contrat, de la cause de nullité qui l'affecte à raison de sa prétendue non-conformité aux dispositions légales impératives gouvernant la rémunération des auteurs, pas plus qu'il ne l'empêche d'agir en nullité dans les cinq ans de la signature du contrat ;

Considérant par ailleurs, que Ammar KOROGHLI ne peut invoquer les dispositions de l'article 1591 du Code civil selon lesquelles le prix de vente doit être déterminé et désigné par les parties, dès lors qu'elles régissent le contrat de vente et ne sont nullement applicables au contrat d'édition réglementé par le Code de la propriété intellectuelle ;

Considérant dès lors, que l'action en nullité exercée par Ammar KOROGHLI plus de cinq ans après la signature des contrats est prescrite et par voie de conséquence, ses demandes indemnitaires relatives à la rémunération proportionnelle de l'auteur ;

Sur la résiliation des contrats :

Considérant que Ammar KOROGHLI poursuit, à titre subsidiaire, la résiliation des quatre contrats précités, reprochant à la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN d'avoir failli à ses obligations de reddition de comptes et d'exploitation permanente et suivie de l'oeuvre ;

Considérant sur le premier point, que l'article 6 de chacun des quatre contrats litigieux stipule que les comptes de l'ensemble des droits dus à l'auteur seront arrêtés le 30 juin de chaque année. Ils lui seront remis sur sa demande et le solde créditeur lui sera payable à partir du troisième mois suivant l'arrêté des comptes. Ne figureront sur ces relevés de comptes que les ouvrages ayant au moins six mois d'exploitation ;

Que force est de constater que les décomptes manuscrits puis informatiques, adressés à Ammar KOROGHLI notamment les 30 juin 1994, 30 juin 1995, 30 juin 1999, 30 juin 2001, particulièrement succincts, ne permettent pas à l'auteur de vérifier l'exactitude des comptes dès lors qu'ils ne font pas apparaître la date et l'importance des tirages, le nombre d'exemplaires en stock, le nombre des exemplaires inutilisables, ainsi que l'exige l'article L.132-4 du Code de la propriété intellectuelle qui impose à l'éditeur de fournir à l'auteur toutes justifications propres à établir l'exactitude de ses comptes ;

Considérant sur le second point, que selon les dispositions de l'article L.132-12 du Code de la propriété intellectuellel'éditeur est tenu d'assurer une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession ;

Qu'en l'espèce, si la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN a inscrit les oeuvres de Ammar KOROGHLI dans ses catalogues, un trombinoscope publié en 1995, son site internet, en revanche, il s'avère qu'elle ne justifie d'aucune réelle promotion des ouvrages, notamment du moindre investissement publicitaire ;

Que Ammar KOROGHLI démontre avoir du prendre en charge la promotion de ses ouvrages auprès de milieux littéraires, journalistiques, ainsi que l'attestent les lettres qui lui ont été directement adressées (universités du Québec, de Stuttgart, associations Rencontres Audiovisuelles, Cercle des intellectuels maghrébins) et le dossier de presse produit aux débats ( Le soir d'Algérie, Horizons, Révolution africaine, Jeune Afrique, Le monde diplomatique, Dialogue international) ;

Que par ailleurs, il est acquis aux débats que la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN n'a pas respecté les tirages contractuellement convenus, les déclarations effectuées auprès de Régie du Dépôt Légal faisant ressortir que les ouvrages 'Sous l'exil l'espoir' ,'Mémoires d'immigré' n'ont été tirés qu'à 500 exemplaires alors que les contrats fixaient, pour chacun d'eux, un chiffrage minimum de 1.000 exemplaires et que l'ouvrage 'Institutions politiques et développement en Algérie' n'a été tiré qu'à 1.200 exemplaires au lieu des 1.500 prévus contractuellement, de sorte que ces faibles tirages ne sont pas de nature, par leur caractère confidentiel, à favoriser la diffusion commerciale, notamment par leur mise en place dans les librairies ;

Considérant qu'il s'ensuit que les manquements répétés de la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN, tant à son obligation de reddition de comptes que d'exploitation permanente et suivie des oeuvres, justifient la résiliation à ses torts des contrats d'édition ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant qu'au regard des manquements répétés de l'éditeur à son obligation contractuelle de reddition des comptes et d'exploitation des ouvrages, il convient d'allouer à Ammar KOROGHLI la somme de 36.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Que la résiliation des contrats commande d'interdire à la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN la poursuite de l'édition, la fabrication et la commercialisation des ouvrages ;

Que la demande de reddition de comptes, sous astreinte, n'a pas lieu d'être ordonnée, dès lors que ces documents comptables ont été produits aux débats ;

Que la mesure de publication sollicitée n'est pas nécessaire ;

Sur les autres demandes :

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à Ammar KOROGHLI ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme complémentaire de 5.000 euros ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de faire application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN qui succombe en ses prétentions doit être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN à payer à Ammar KOROGHLI la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens,

Statuant à nouveau :

Déclare prescrite l'action engagée par Ammar KOROGHLI en nullité des contrats conclus avec la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN,

Prononce la résiliation des contrats d'édition conclus par Ammar KOROGHLI et la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN les 4 novembre 1987, 13 septembre 1988 et 3 décembre 1991,

En conséquence, interdit à la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN la poursuite de l'édition, la fabrication et la commercialisation des ouvrages ;

Condamne la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN à payer à Ammar KOROGHLI la somme de 36.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Condamne la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN à payer à Ammar KOROGHLI la somme complémentaire de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société LIBRAIRIE EDITIONS L'HARMATTAN aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle et aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.