Cass. 3e civ., 7 février 2007, n° 05-20.410
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 23 août 2005), que Mme X..., preneuse à bail, selon acte authentique du 10 août 1968, de terres, d'un corps de ferme et de ses dépendances, a, après expertise judiciaire, demandé la condamnation des époux Y..., ses bailleurs, au paiement du coût des réparations des bâtiments ainsi qu'au remboursement d'un trop-perçu de fermages ; que les époux Y... ont soulevé la nullité de l'expertise judiciaire et reconventionnellement sollicité la condamnation de Mme X... au paiement de loyers demeurés impayés ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le pourvoi n° 05-20.411 dirigé contre l'arrêt n° 295 rendu le 23 août 2005 par la cour d'appel de Reims étant rejeté par arrêt de ce jour, le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence, en application de l'article 625 du nouveau code de procédure civile, est devenu sans portée ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de les condamner à restituer à Mme X... une certaine somme au titre d'un trop-perçu de fermage, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en statuant de la sorte, tout en constatant que Mme X... avait pendant plus de quinze ans, réglé sans aucune contestation le montant du fermage tel que sollicité par les époux Y..., scindé en trois règlements, ce dont il résultait une renonciation claire et non équivoque de la preneuse à toute réclamation relative au fermage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 du code civil et L. 411-11 du code rural ;
2°/ qu'en toute hypothèse, en statuant encore comme elle l'a fait, sans même rechercher comme elle y avait été invitée par les époux Y... , si le fermage payé par Mme X... n'était pas conforme à la valeur locative résultant de l'application de l'arrêté préfectoral en vigueur lors des renouvellements successifs, la cour d'appel n'a pas, de ce chef également, donné une base légale à sa décision au regard des articles L. 411-11 du code rural et 1235 et 1376 du code civil ;
Mais attendu que le paiement de fermages, même pendant une longue période, n'emporte pas, à lui seul, renonciation non équivoque à se prévaloir du caractère indu de ces fermages ; qu'ayant constaté que le bail initial avait fixé le prix du fermage et retenu, à bon droit, qu'à défaut de fixation d'un loyer revalorisé par le tribunal paritaire des baux ruraux, il appartenait aux époux Y... d'établir que le montant du fermage versé par Mme X... résultait d'un accord des parties, la cour d'appel, qui a relevé à la fois qu'en ayant apposé, à compter de 1997, sur les émissions de factures la mention "à valoir sur" et refusé le règlement des fermages en l'année 2000 "jusqu'à détail" par la locataire du montant du fermage réglé, les bailleurs avaient ruiné l'argument selon lequel existait un accord amiable, et qu'aucune fixation de loyer n'était sollicitée devant elle, a pu, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en déduire qu'à défaut d'accord amiable et de fixation judiciaire du montant du fermage, Mme X... était redevable pour la période courant de 1985 à 1988 d'un loyer conforme au bail initial ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 160 du nouveau code de procédure civile, ensemble l'article 16 du même code ;
Attendu que les parties et les tiers qui doivent apporter leur concours aux mesures d'instruction sont convoqués par le technicien commis ; que la convocation est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, que les parties peuvent également être convoquées par remise à leur défenseur d'un simple bulletin ; que les parties et les tiers peuvent aussi être convoqués verbalement s'ils sont présents lors de la fixation de la date d'exécution de la mesure ; que les défenseurs des parties sont avisés par lettre simple s'ils ne l'ont été verbalement ou par bulletin ;
Attendu que pour rejeter l'exception tirée de la nullité de l'expertise, l'arrêt retient qu'il ressort de la correspondance établie par le conseil de Mme X... à l'adresse de l'expert que celui-ci s'était ému de l'absence de ses contradicteurs lors de la réunion d'expertise du 10 septembre 2001, que, toutefois, aux termes de sa correspondance en réponse, l'expert faisait valoir que le conseil de l'époque des époux Y... "n'avait pas daigné assister au dernier rendez-vous qui avait été pris en accord avec son secrétariat", que l'expert avait communiqué à chacune des parties ses pré-rapports, que dès lors les époux Y... ne pouvaient valablement prétendre que l'expertise avait été diligentée au mépris du respect du principe du contradictoire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la partie absente et non représentée lors de la dernière réunion n'avait pas été convoquée régulièrement , la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a condamné solidairement les époux Y... à payer à Mme X... la somme de 35 535,95 euros au titre du trop-perçu de fermages, déclaré les époux Y... bien fondés en leur demande en paiement des fermages échus impayés des années 1999 à 2001 incluse et condamné Mme X... à leur payer la somme de 2 010,23 euros au titre de ces fermages impayés, l'arrêt rendu le 23 août 2005 n° 497, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims, autrement composée ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande des époux Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille sept.