ART, 4 mai 2004, n° 04-376
ART (DEVENUE L'ARCEP)
se prononçant sur un différend opposant Outremer Télécom à France Télécom
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Champsaur
Avocat :
Me Dupuis-Toubol
L’Autorité de régulation des télécommunications,
Vu la directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 relative à l’interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d’assurer un service universel et l’interopérabilité par l’application des principes de fourniture d’un réseau ouvert (ONP) ;
Vu la directive 98/10/CE du Parlement Européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel ;
Vu la directive 2002/21/CE du Parlement Européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement Européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées , ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;
Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L.34-8, L.36-8 et R. 11-1 ;
Vu l’arrêté du 29 mars 1998 autorisant la société Outremer Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public.
Vu l’arrêté du 12 mars 1998 modifié autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;
Vu la décision n° 02-593 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juillet 2002 établissant pour 2003 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché des télécommunications ;
Vu la décision n° 02-1191 du 19 décembre 2002 complétant la décision susvisée ;
Vu la décision n° 03-907 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 24 juillet 2003 établissant pour 2004 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché des télécommunications ;
Vu la décision n° 97-455 du 17 décembre 1997 portant adoption de lignes directrices sur les conditions d’accès aux câbles sous-marins
Vu la décision n° 99-528 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juin 1999 portant règlement intérieur ;
Vu la décision n° 03-1083 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 2 octobre 2003 portant modification de la décision susvisée ;
Vu la demande de règlement d’un différend, enregistrée le 6 janvier 2004, présenté par la société Outremer Télécom, RCS de Fort de France n° B 383 678 760, dont le siège social est situé ZI La Jambette - 97232 Lamentin, représentée par Maître Frédérique Dupuis-Toubol, Cabinet Bird & Bird, Centre d'affaires Edouard VII - 6, rue Caumartin - 75009 Paris ;
La société Outremer Télécom demande à l'Autorité :
- de constater le refus de France Télécom de négocier pour certaines prestations et l'échec des négociations pour les autres prestations,
- de faire injonction à France Télécom de communiquer d'une part, la convention qui la lie à Equant, en ce qui concerne les services de liaisons entre la Réunion et la métropole, et d'autre part, son modèle de coûts constitué selon la méthodologie des CMILT pour chacune des prestations demandées par Outremer Télécom,
- d'imposer à France Télécom de fournir les services suivants :
1. fourniture d'IRU entre la Réunion et la métropole à un tarif au moins cinq fois inférieur à celui proposé par France Télécom le 8 octobre 2003,
2. de fixer les tarifs des liaisons louées vers la métropole au tarif de 1550 euros HT mensuels par Mbit/s,
3. de fixer le tarif des FAS applicables aux liaisons louées à un niveau équivalent aux FAS applicables aux liaisons louées du catalogue d'interconnexion en vigueur.
- d'imposer à France Télécom de signer avec Outremer Télécom une convention d'accès en conformité avec les dispositions précédentes dans un délai de quatre semaines à compter de la notification de sa décision.
I. Exposé des faits
1.1. Présentation d'Outremer Télécom
Outremer Télécom précise qu'elle est un opérateur privé français disposant d'une licence L.33-1 et L.34-1 sur les quatre DOM (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion) et en Ile de France.
1.2. Le rôle de France Télécom à la Réunion
Outremer Télécom indique que France Télécom intervient à la Réunion sur le marché des communications fixes de détail, sur le marché de la téléphonie et celui des liaisons spécialisées. Outremer Télécom précise que s'agissant du marché de l'accès à Internet à la Réunion, France Télécom via Wanadoo avait conquis 50.000 clients Internet mi-2002 pour son accès bas débit, représentant 90 % du marché et plus de 5.000 abonnés ADSL représentant 97 % de part de marché d'accès à Internet haut débit. Concernant le marché de gros, notamment les prestations proposées aux FAI et aux opérateurs se développant dans le secteur de l'Internet, France Télécom propose différentes solutions pour les transmissions locales et les communications longue distance.
Outremer Télécom précise d'une part, qu'avant le mois de juin 2002, France Télécom fournissait ses offres de transport longue distance à partir de segments satellitaires, d'autre part, qu'aujourd'hui la plupart de ces offres empruntent l'infrastructure du câble sous-marin SAT-3/WASC/SAFE mis en service en juin 2002. Outremer Télécom souligne que France Télécom n'a pas révisé ses offres de gros pour les opérateurs alternatifs et FAI afin de prendre en compte la mise en place du câble sous-marin. Outremer Télécom a donc dû entamer des négociations commerciales avec France Télécom afin d'obtenir une baisse sensible des tarifs de France Télécom et des engagements de qualité de service correspondant à la nouvelle architecture technique d'acheminement des données via un câble sous-marin.
1.3. Sur l'échec des négociations
Outremer Télécom indique que le 11 juillet 2003 elle demandait à France Télécom l'ouverture d'une négociation commerciale faisant suite à la mise en service du câble SAFE à la Réunion depuis un an, afin d'obtenir un certain nombres d'offres portant en particulier sur les prestations suivantes :
- IRU sur le SAFE ;
- Liaisons de backhaul ;
- Offres de liaisons louées ;
- Service de transmission de données ATM ou FR ;
- Offres de transit IP
Outremer Télécom précise que le 4 août 2003, France Télécom souhaitait connaître ses demandes prioritaires ainsi qu'une estimation planifiée des besoins en capacité. Par un courrier en date du 11 août 2003, Outremer Télécom précisait les prestations pour lesquelles elle souhaitait obtenir de manière prioritaire une offre et donnait une prévision de ses besoins en capacité jusqu'en 2006. Outremer Télécom souligne que France Télécom lui a transmis une proposition le 8 octobre 2003, soit trois mois après sa demande.
Elle indique que cette solution était limitée aux offres suivantes :
- une solution de transit IP international sans accès au point de présence de la Réunion , c’est à dire avec un passage obligé par la Métropole pour chacune communication, fût- elle locale ;
- des liaisons louées point à point en circuit complet de 2,34 et 45 Mbit/s entre le POP de Outremer Télécom de la Réunion et celui de Paris.
Dans un courrier en date du 10 novembre 2003, Outremer Télécom faisait part à France Télécom de sa déception sur les aspects techniques et tarifaires des offres faites par France Télécom.
En conséquence, dans ce même courrier, Outremer Télécom demandait à France Télécom de lui confirmer qu'elle acceptait une modification substantielle de sa proposition notamment :
- de revenir sur son refus de négocier pour les demandes relatives à des circuits complets de la Réunion vers l'Afrique du sud, l'Inde et l'Ile Maurice et au titre des IRU,
- d'accepter de modifier l'architecture de son offre de transit IP afin de fournir une proposition de transit IP à partir d'un POP IP situé à la Réunion,
- d'accepter, tant pour le transit IP que pour les liaisons louées, le principe d'un prix au mégabit qui soit environ 10 fois inférieur au tarif demandé, ainsi qu'un tarif réellement orienté vers les coûts pour les FAS.
Outremer Télécom indiquait à France Télécom que sans réponse dans les 15 jours, elle considérerait ce silence comme valant refus de faire droit à ses demandes de modification et de complément des offres reçues.
Outremer Télécom souligne que par un courrier en date du 9 décembre 2003, France Télécom complétait sa proposition par des offres de demi-circuits 2 Mbit/s en IRU sur l'Afrique du sud, l'Ile Maurice et l'Inde, mais ne répondait pas aux demandes de modifications de ses propositions de liaisons louées et d'IRU entre la Réunion et la Métropole.
Outremer Télécom indique que par un courrier en date du 29 décembre 2003 elle n'a pu que constater l'échec des négociations pour ces demandes de liaisons louées et d'IRU entre la métropole et la Réunion et a saisi l'Autorité.
II. Exposé des moyens
Outremer Télécom considère que les prestations qu'elle demande relèvent de l'interconnexion ou/et des prestations d'accès au réseau de France Télécom au sens de l'article L.34-8 du code des postes et télécommunications. Outremer Télécom estime que le refus de négociation opposé par France Télécom pour certaines des offres demandées et l'échec des négociations ainsi que les désaccords constatés pour les autres offres relèvent de la compétence de l'Autorité.
2.1. Les demandes d'Outremer Télécom sont légitimes et justifiées
Outremer Télécom indique que les câbles sous-marins sont adaptés à des transmissions point à point, tandis que les satellites répondent mieux à des besoins de communication point multi- point, et que les capacités offertes par les câbles se mesurent en Giga-bits ou en Terra-bits plutôt qu’en Méga-bits pour les satellites.
En conséquence, Outremer Télécom indique qu'elle axe principalement son développement sur la fourniture de services à la Réunion et est légitime à demander une offre s'appuyant sur la technologie du câble sous-marin SAFE avec l'usage de capacités satellitaires limitées à la fourniture de solutions de secours en cas de panne du câble sous-marin.
- Sur les demandes de liaisons louées
Outremer Télécom estime que cette prestation permettrait de répondre à ses besoins pour les raisons suivantes :
- Les liaisons louées permettent d’acheminer le trafic de Outremer Télécom vers le réseau mondial via des prestataires de transit IP de son choix et donc sans nécessairement recourir à l’offre de transit IP de France Télécom ;
- Les liaisons louées permettent à Outremer Télécom de se relier au réseau Internet mondial via les points de la zone et les fournisseurs les plus compétitifs ;
- Les liaisons louées permettent d’acheminer le trafic téléphonique collecté par Outremer Télécom et à destination de la métropole afin qu’il puisse être pris en charge par un opérateur en métropole afin d’être terminé.
- Sur la demande d'IRU
Outremer Télécom estime que cette prestation apparaît comme une alternative intéressante à la location de liaisons louées qui lui permet de s'insérer en amont de la chaîne de valeur pour les services de télécommunications entre la Réunion et la métropole.
- Sur la demande de demi-circuits
Outremer Télécom indique que ces offres lui permettent de choisir sur quel segment du transport il est préférable d'utiliser France Télécom ou tout autre opérateur de son choix. Outremer Télécom note que France Télécom n'a pas fait d'offres de demi-circuits vers le Portugal et observe que le prolongement en partie terrestre est plus de quatre fois plus cher à la Réunion qu'en Martinique ([…] par mois contre […] entre le POP d’Outremer Télécom en Martinique et la tête de câble au Lamentin).
Elle considère qu'en l'absence d'offres pour les deuxièmes demi-circuits entre l'Afrique du sud, l'Inde, l'Ile Maurice, l'Inde et la métropole, elle n'est pas en mesure d'apprécier l'intérêt réel des propositions de demi-circuit de France Télécom.
Outremer Télécom souligne que les demandes de prestations d'interconnexion qu'elle a formulée à France Télécom dans le cadre des négociations commerciales sont raisonnables au regard de ses besoins au sens de l'article L.34-8 du code des postes et télécommunications.
2.2. France Télécom dispose de la capacité pour satisfaire les demandes d'Outremer Télécom
Outremer Télécom considère que France Télécom dispose de la capacité pour satisfaire ses demandes car elle dispose de 15 % des capacités globales de ce câble mis en œuvre au cours de l'année 2002.
Outremer Télécom demande à l'Autorité d'imposer à France Télécom de revoir les conditions de son offre Opentransit IP afin d'ouvrir au bénéfice d'Outremer Télécom l'accès à un POP IP situé à la Réunion à un tarif orienté vers les coûts et dans des conditions non discriminatoires par rapport à celles faites à Wanadoo.
2.3. Les tarifs proposées par France Télécom sont manifestement non orientés vers les coûts
- Les principes devant être respectés dans la fixation des tarifs de France Télécom Outremer Télécom indique que France Télécom est tenue de justifier que chacun des tarifs proposés respecte le principe d'orientation vers les coûts, conformément à l'article 7-2 de la directive 97/33/CE "Interconnexion" et de l'article 13-3 de la directive 2002/19/CE "Accès".
Outremer Télécom constate qu’au cas d’espèce France Télécom n'a fourni aucun élément attestant ses coûts.
Elle précise qu’à défaut de fournir de tels éléments dans le cadre du présent litige, l’Autorité pourra légitimement se fonder sur les éléments de comparaison et sur les différentes incohérences entre les tarifs de France Télécom pour imposer à cette dernière de réduire ses tarifs, conformément aux demandes présentées par Outremer Télécom.
Outremer Télécom rappelle que dans la perspective de la production par France Télécom de ses coûts, ceux-ci doivent être examinés à l'aune de la méthode des coûts moyens incrémentaux à long terme désignée "CMILT". Elle estime que cette méthode présente l'avantage de favoriser la dynamique du marché de l'Internet qui connaît une grande élasticité aux prix et qui peut à la Réunion connaître une croissance rapide et soutenue si les prix d'accès au service Internet à haut débit diminuent rapidement.
- Les tarifs proposés par France Télécom ne peuvent être orientés vers les coûts tant ils sont exorbitants et incohérents
Afin de démontrer le caractère exorbitant des coûts, Outremer Télécom a comparé les tarifs proposés par France Télécom à ceux pratiqués tant par France Télécom que par d’autres acteurs (Mauritius Télécom, Flag Télécom) pour des prestations analogues dans d’autres zones que la Réunion.
En outre, Outremer Télécom indique qu’elle observe des incohérences de tarifs de la proposition faite par France Télécom attestant de leur caractère non orienté vers les coûts tant au regard des tarifs de détail pratiqués par France Télécom, qu'en fonction des différences de tarifs selon le volume commandé à France Télécom ainsi qu'à l'aune des distances parcourues.
- des incohérences au regard des tarifs de détail
Outremer Télécom estime que la proposition de France Télécom, s'agissant des FAS tant de l'offre de transit IP que pour les liaisons louées est identique aux FAS facturés à des clients finals non opérateurs via l'offre commerciale de France Télécom et sont donc loin d’être orientées vers les coûts. Elle précise que l’offre faite à Outremer Télécom, pour les liaisons louées, comporte des FAS de 4.400 euros pour une liaison louée 2Mbit/s, prix pratiqués aux usagers finals alors que le catalogue d’interconnexion prévoit des FAS d’un montant de 832,80 euros pour une même liaison, soit plus de 5 fois inférieur.
Outremer Télécom demande à l'Autorité de dire que le tarif des FAS applicables tant à l'offre de liaison louée qu'à l'offre de transit IP devra être égal au tarif des FAS des liaisons louées tel que figurant dans le catalogue d'interconnexion en cours.
- des incohérences au regard des volumes
Outremer Télécom indique que l'achat et la mise en service de capacités sur le câble sous- marin se fait au niveau d'affluents E3/DS3 ou STM1 mais que le taux de remplissage de telles capacités est toujours élevé. Le niveau de sur-cote pour un lien de faible capacité ne devrait donc pas excéder 10 % dans le cadre d'une orientation vers les coûts, or les chiffres proposés par France Télécom sont bien différents.
En outre, Outremer Télécom estime qu’il y a des incohérences au regard des distances.
Dans ces conditions, Outremer Télécom considère que ces multiples incohérences confirment que les tarifs proposés par France Télécom ne sont pas orientés vers les coûts et Outremer Télécom est dès lors légitime à solliciter que l'Autorité fixe les tarifs de France Télécom selon ses propositions.
2.4. Le respect du principe de non-discrimination
Outremer Télécom indique que France Télécom est tenue de lui offrir des services d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires par rapport à celles consenties à d'autres entités de France Télécom comme Equant, tant en application de l'article L.34-8 du code des postes et télécommunications que des directives 97/33/CE et 02/19/CE.
Elle précise que la société Equant aurait été en mesure de proposer à une entreprise réunionnaise une liaison de 2 mégabit à 7000 euros par mois entre la Réunion et la Métropole. Elle indique qu’une telle offre n’est pas possible si Equant loue à France Télécom les liaisons au même tarif qu’Outremer Télécom.
Ainsi, Outremer Télécom souhaite d'une part, bénéficier d'offres qui ne soient pas moins favorables que celles dont bénéficie Equant et ce, tant en termes de solutions techniques mises en œuvre que de tarifs, d'autre part, obtenir la convention liant France Télécom à Equant.
Vu la lettre du chef du service juridique de l’Autorité en date du 13 janvier 2004 communiquant aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et le nom des rapporteurs ;
Vu la lettre de l'adjoint au chef du service juridique en date du 23 janvier 2004 adressant un questionnaire aux parties et fixant au 12 février 2004 la date de clôture de remise des réponses ;
Vu les observations en défense enregistrées le 5 février 2004 présentées par la société France Télécom, RCS Paris n° 380.129.866 Paris, dont le siège social est situé 6, place d'Alleray - 75505 Paris cedex 15, représentée par M. Jacques Champeaux, Secrétaire général ;
Introduction
- Sur le câble SAFE
France Télécom rappelle que l'accord de construction et de maintenance du câble SAFE a été signé en juin 1999 et qu'à cette date le secteur des télécommunications était déjà ouvert à la concurrence. Elle indique que tout opérateur pouvait rejoindre le consortium du câble afin de relier la Réunion à la Métropole mais que seule France Télécom a jugé bon de le faire.
France Télécom précise qu'elle a investi 96 millions de USD dans le SAFE, ce qui représente 15 % de ce système, et qu'elle a été le premier investisseur dans le câble SAFE et regrette que d'autres opérateurs français n'aient pas fait le choix d'investir.
France Télécom estime que la véritable concurrence pour le bénéfice des consommateurs ne peut s'effectuer que par la présence d'opérateurs qui investissent et non au travers d’une concurrence artificielle. France Télécom rappelle que l'investissement minimal sur le câble SAT/WASC/SAFE était fixé à […] pour un demi-circuit de 2 Mbit/s entre Saint-Paul de la Réunion et Bay Jacotet à Maurice.
A titre liminaire, France Télécom indique que la saisine d’Outremer Télécom comporte des contradictions qui tendent à fragiliser un argumentation déjà quasi-inexistante. Ainsi, elle note que la société Outremer Télécom demande au final à l’Autorité la fourniture d'IRU entre la Réunion et la métropole à un tarif au moins cinq fois inférieur à celui proposé par France Télécom le 8 octobre 2003 alors que tout au long de sa saisine elle demande une offre de transit IP.
I. Sur l'absence d'échec des négociations
France Télécom conteste la présentation des faits exposés par Outremer Télécom dans sa saisine en ce qu’elle la considère comme inexacte tant sur la forme que sur le fond.
France Télécom indique que sans aucune réelle qualification de ses besoins, Outremer Télécom, dans un courrier en date du 11 juillet 2003, a souhaité bénéficier, en recourant à des capacités sur le câble SAFE, des prestations suivantes :
- acquisition de droits irrévocables d'usage (IRU) sur les capacités disponibles du câble sous- marin SAFE en circuit complet et demi-circuit vers la France métropolitaine, l'Ile Maurice, l'Afrique du sud, l'Inde ;
- services de liaisons de "backhaul" prolongeant les têtes de câble sous-marin en métropole et à la Réunion ;
- services de liaisons louées en circuit complet et demi-circuit vers la France métropolitaine, l'Ile Maurice, l'Afrique du sud et l'Inde ;
- services de transmission de données ATM ou Frame Relay vers la France métropolitaine, l'Ile Maurice, l'Afrique du sud et l'Inde ;
- offres de transit IP.
France Télécom indique que les demandes d'Outremer Télécom étaient nombreuses, peu documentées quant aux besoins auxquels elles devaient répondre et pour certaines d’entre elles substituables.
Ainsi, France Télécom a demandé dans un courrier en date du 4 août 2003 à Outremer Télécom des informations sur les prestations sollicitées notamment sur leur degré de priorité et sur le planning prévisionnel de déploiement de capacité et de montée en débit. Sans ces informations complémentaires, France Télécom était dans l’impossibilité de se prononcer sur la faisabilité des projets d’Outremer Télécom.
France Télécom précise qu'elle n'avait ni réseau ni licence en Afrique du sud, en Inde et à l'Ile Maurice et indiquait qu'afin de lancer l'étude de faisabilité technique et tarifaire de l'offre de liaisons louées ou de service de transmission de données en circuit complet entre la Réunion et ces trois pays, elle demandait à Outremer Télécom de lui fournir, liaison par liaison, l'adresse des deux extrémités.
France Télécom précise que dans un courrier en date du 11 août 2003, Outremer Télécom indiquait de façon succincte ses besoins prioritaires tant au niveau des capacités souhaitées que du planning prévisionnel envisagé. France Télécom indique que le 8 octobre 2003, qu'après l'étude de faisabilité, elle avait proposé à Outremer Télécom, dans le cadre d'une offre commerciale une solution à base de liaisons louées point à point en circuit complet entre les POPs d'Outremer Télécom situés sur la Réunion et à Paris. France Télécom indique qu'elle offrait aussi pour des engagements de 10 et 15 ans, un montage financier spécifique consistant en une remise supplémentaire sur les tarifs du catalogue de liaison louée à 2 Mbit/s et d'un préfinancement pour les capacités de débit supérieur ou égal à 34 Mbit/s entre les POPs d'Outremer Télécom situés sur la Réunion et à Paris.
France Télécom indique que le 10 novembre 2003, Outremer Télécom faisait part de son insatisfaction par rapport aux offres tarifaires de France Télécom car elles ne répondaient pas aux obligations réglementaires pesant sur France Télécom. Le 9 décembre 2003, France Télécom confirmait sa volonté d'étudier, la réponse au besoin d'Outremer Télécom dans les limites des ressources disponibles sur son réseau.
France Télécom précise qu'elle réitérait son offre de liaisons louées entre la métropole et les DOM et informait Outremer Télécom qu'elle ne possédait pas de réseau ni de licence en Afrique du Sud, en Inde et à l'Ile Maurice. France Télécom indiquait à Outremer Télécom qu'elle pouvait lui offrir des propositions en IRU en demi-circuits 2Mbit/s à 10 et 15 ans sur les capacités internationales du câble sous-marin SAT3/WASC/SAFE au départ de la tête de câble de la Réunion et à destination des têtes de câbles en Afrique du sud, en Inde et à l'Ile Maurice et d'offrir le prolongement terrestre sur l'île de la Réunion vers son POP sur la base d'un contrant "backhaul" de durée de 1, 3 ou 5 ans.
France Télécom indique que le 29 décembre 2003, Outremer Télécom n'a pas précisé clairement ses besoins et a sollicité des réponses complémentaires notamment sur des propositions d'IRU vers le Portugal, sur le tarif des backhaul ainsi que sur le tarif des droits d'accès à la station où atterrit la tête du câble SAFE sur l'île de la Réunion.
France Télécom souligne qu'aucun refus de négocier ou d'échec des négociations ne peut lui être imputé et que la saisine d'Outremer Télécom ne remplit pas les conditions de recevabilité prévues à l'article L.36-8 du code des postes et télécommunications.
II. Sur l'irrecevabilité de la demande relative aux liaisons louées
France Télécom indique qu' Outremer Télécom ne peut soutenir que l'offre de liaisons louées constitue une prestation d’interconnexion et/ou d'accès au sens de l'article L.34-8 IV du code des postes et télécommunications et entre ainsi dans le champ des demandes pouvant être soumises à l’Autorité dans le cadre de la procédure de règlement de différend prévue à l’article L.36-8 du code des postes et télécommunications.
En premier lieu, elle estime que l’offre de liaisons louées sollicitée par Outremer Télécom ne constitue pas une prestation d’interconnexion mais une prestation commerciale.
En second lieu, elle considère que l’offre de liaisons louées sollicitée par Outremer Télécom ne constitue pas une offre d’accès au sens de l’article L.34-8 du code des postes et télécommunications. Elle souhaite rappeler que dans le cadre de l'analyse des marchés menée par l'Autorité, celle-ci classe le marché "des liaisons louées 2 fils, 4 fils, 64 Kbit/s, 2 Mbit/s" parmi les "offres de détail" et non dans la catégorie des "offres d'interconnexion ou d'accès".
France Télécom estime que la demande d'Outremer Télécom relative aux liaisons louées ne constitue pas une offre d'accès et ne relève d’ailleurs pas plus du régime de l'interconnexion
En conséquence, elle considère que cette demande ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées par l'article L.36-8 du Code des postes et télécommunications et doit être déclarée irrecevable.
Enfin, France Télécom indique que l'offre de liaisons louées sollicitée fait l'objet de la procédure d'homologation des tarifs. Ainsi, elle estime que l'Autorité ne saurait se prononcer sur cette demande relative aux conditions tarifaires de l'offre de liaisons louées Réunion/Métropole dans la présente procédure de règlement de différend sans détourner la procédure d’homologation des tarifs. La décision d’homologuer ou non une offre appartient au Ministre chargé des télécommunications.
En conséquence, France Télécom demande à l'Autorité de se déclarer incompétente pour statuer sur les conditions tarifaires de l'offre de liaisons louées dans le cadre de la présente procédure.
III. Sur l'irrecevabilité de la demande de fourniture d'IRU entre la Réunion et la métropole
- Sur les obligations pesant sur France Télécom en matière d'IRU au terme de son cahier des charges
France Télécom rappelle que conformément à l'article 8 point 4 de son cahier des charges lorsqu'elle est co-investisseur dans un câble sous-marin elle fait droit sans discrimination aux demandes de droits irrévocables d'usage sur les capacités disponibles de ce câble de la part d'opérateurs autorisés en application de l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications. France Télécom indique que l'Autorité dans ses lignes directrices relatives aux conditions d'accès aux câbles sous-marins a effectué une analyse des dispositions applicables aux conditions d'acquisition de droits irrévocables d'usage. France Télécom considère que ces lignes directrices peuvent constituer une certaine référence.
France Télécom souligne qu'en matière de cession de droits irrévocables d'usage sur un câble sous-marin elle est soumise à une obligation de non discrimination et non à une obligation d'orientation vers les coûts comme le soutient à tort Outremer Télécom dans sa saisine. France Télécom tient à préciser que l'appréciation du principe de non discrimination ne doit pas avoir pour conséquence de nier un droit résultant d'un investissement.
France Télécom estime que la demande d'Outremer Télécom porte sur un système ouvert à la participation après le 1er janvier 1998 et que l'accord de construction et de maintenance du câble SAFE a été signé le 1er juin 1999. France Télécom considère que les dispositions de l'article 8 de son cahier des charges ne devrait pas s'appliquer et qu'aucune obligation spécifique ne devrait peser sur elle.
- Sur l'impossibilité de fournir des IRU sur le câble SAFE entre la Réunion et la métropole
France Télécom précise que dans un courrier en date du 11 juillet 2003, Outremer Télécom a demandé des IRU sur le câble SAFE entre la Réunion et la métropole mais que cette demande méconnaît le parcours du câble SAFE qui s'arrête au Portugal. France Télécom indique qu'elle n’est pas en mesure de répondre à la demande d'Outremer Télécom de fourniture d'IRU entre la Réunion et la métropole sur le câble SAFE.
- la demande de fourniture d'IRU entre la Réunion et la métropole n’est en réalité rien d’autre qu’une demande de liaisons louées
France Télécom indique que dans un courrier en date du 8 octobre 2003 elle a fait des propositions tarifaires à Outremer Télécom mais ne portant pas sur des IRU mais sur des liaisons louées.
France Télécom rappelle qu'elle proposait dans le cadre d'une offre commerciale, une solution à base de liaisons louées point à point en circuit complet entre les POPs d'Outremer Télécom situés sur l'île de la Réunion et à Paris et offrait pour des engagements de 10 et 15 ans un montage financier spécifique consistant en une remise supplémentaire sur les tarifs catalogue de la liaison louée à 2 Mbit/s et d'un préfinancement pour les capacités de débit supérieur ou égal à 34 Mbit/s entre les POPs d'Outremer Télécom situés sur l'île de la Réunion et à Paris.
France Télécom indique qu'un IRU est un contrat de concession d'un droit d'usage irrévocable sur une certaine durée sur une infrastructure de câbles sous-marins. France Télécom précise que ce type de contrat a pour objet d'accorder des droits sur des infrastructures ou capacité d'infrastructures et non de fournir des services de télécommunications tels que les liaisons louées.
France Télécom considère que la société Outremer Télécom ne saurait donc se prévaloir de cette notion pour une prestation consistant à lui offrir des liaisons louées. Ainsi, elle estime que la demande de fourniture d'IRU à un tarif cinq fois inférieur à celui proposé le 8 octobre 2003 est infondée et que l’Autorité ne pourra que rejeter la demande.
IV. Sur les comparaisons proposées par Outremer Télécom
France Télécom estime que Outremer Télécom se livre tout au long de la saisine à des affirmations gratuites sans aucune démonstration ainsi qu’à des comparaisons de prix peu sérieuses.
Elle indique que la comparaison faite par Outremer Télécom avec la liaison proposée par Flag Télécom entre Londres et l'Inde est inexacte car elle ne comprend pas les backhaul. France Télécom indique que les tarifs proposés par VSNL sont de trois millions de USD par an pour un STM-1. En conséquence, les deux offres ne sont donc manifestement pas comparables. En outre, France Télécom note que le parcours n'est pas le même que celui emprunté par le SAFE puisque la liaison passe par le câble Flag en Mer Rouge.
V. Sur le niveau tarifaire de l'offre de liaisons louées
France Télécom considère comme infondées les affirmations d'Outremer Télécom selon lesquelles "les tarifs proposés par France Télécom sont manifestement non orientés vers les coûts".
En outre, France Télécom souhaite rappeler à Outremer Télécom que contrairement à ce qu’elle prétend, elle n’a aucunement l’obligation de lui fournir des éléments attestant de ses coûts.
S'agissant du niveau tarifaire de cette offre, France Télécom précise que celui-ci reflète encore les investissements liés au câble SAFE, ainsi que, de façon incompressible, la distance à la métropole. France Télécom souligne que l'évolution de son tarif est conforme à la tendance de baisse du coût de la transmission liée à l'utilisation de cette nouvelle technologie.
Elle indique qu'une première baisse de 20 % à 30 % a été effectuée en avril 2003 sur tous les débits de 64 à 2048 Kbit/s. En outre, elle précise qu'elle peut indiquer à Outremer Télécom qu'une nouvelle baisse pour 2004 va être soumise dans les prochaines semaines à la procédure d'homologation sur la base des derniers coûts constatés.
France Télécom souligne que l'abandon progressif du système de sécurisation des liaisons louées par satellite entraîne une baisse du tarif de ces liaisons. Cette sécurisation des liaisons louées impliquait plus qu’un doublement des coûts de ces liaisons louées.
France Télécom rappelle que le concept CMILT fait référence à un contexte très précis et suppose une mise en œuvre longue et complexe. En conséquence, elle estime que la notion de CMILT n'a pas de sens au cas présent, le câble étant une infrastructure récente qui pèse encore beaucoup dans le coût global de la liaison. Le coût en CMILT et le coût historique sont dans le cas du câble sous-marin comparables.
VI. Sur la demande relative aux FAS
France Télécom indique que les FAS ne sont pas supposés refléter des coûts identifiés comme spécifiques à la fourniture d'un service particulier mais correspondant à un choix du fournisseur entre la partie fixe du tarif et la partie récurrente. France Télécom précise que la variable à considérer est la somme des FAS et du tarif du service.
France Télécom souligne que la valeur des FAS est la même pour la métropole et les DOM qui s'élève à 600 euros pour une extrémité des liaisons louées à 64 Kbit et 128 Kbit, de 1060 euros pour une liaison louée à 256 Kbit, de 1500 euros pour 512 Kbit et de 2200 euros pour une liaison louée à 2 Mbit/s.
En conclusion, France Télécom demande à l'Autorité de déclarer irrecevable la saisine d'Outremer Télécom. A titre subsidiaire, si l'Autorité devait déclarer la saisine recevable, France Télécom demande à l'Autorité de rejeter l'ensemble des demandes d'Outremer Télécom.
Vu les réponses des parties au questionnaire du rapporteur enregistrées le 12 février 2004 ;
Vu les observations en réplique enregistrées le 19 février 2004 présentées par la société Outremer Télécom ;
Outremer Télécom constate que dans ses observations en défense, France Télécom ne se prononce pas sur les tarifs et se trouve ainsi dans l'incapacité de justifier le caractère exorbitant de ceux-ci par rapport à ceux observés de la part d’autres opérateurs ou d'elle- même concernant l'offre Opentransit vers la Martinique. Outremer Télécom estime que l'objet de la saisine porte sur les coûts des infrastructures longue distance reliant la Réunion à la Métropole qui pénalisent le développement de l'île de la Réunion, et demande à France Télécom une baisse de ses tarifs pour favoriser le développement de l'usage des technologies de l'information à la Réunion.
- Sur le câble SAFE
Outremer Télécom indique qu'elle a démarré son activité courant décembre 1999 et qu'il lui était impossible d'investir dans ce projet puisqu'un tel type d'investissement d'un montant très conséquent ne peut être réalisé lors de la phase de démarrage d'un opérateur.
Outremer Télécom souligne qu'il devrait exister une concurrence sur la commercialisation de capacités sur ce câble dès lors que 36 autres opérateurs en sont copropriétaires, mais que l'exclusivité de commercialisation dont dispose France Télécom pour des capacités vers la Réunion leur interdit de commercialiser leurs services. Outremer Télécom indique que France Télécom a volontairement gelé l'ouverture à la concurrence des capacités longue distance vers et au départ de la Réunion en introduisant à son seul bénéfice une exclusivité de commercialisation dans l'accord de consortium.
Outremer Télécom rappelle que la véritable concurrence sur une liaison intercontinentale sous-marine ne peut être mise en œuvre que grâce à une utilisation optimale d'une infrastructure commune et ne passe pas par la duplication du câble, notamment lorsqu'il existe une infrastructure nouvelle d'une capacité telle que le câble SAFE dont la configuration à terme dépasse les 100 Gbit/s.
- Sur les demandes d'Outremer Télécom
Outremer Télécom indique que France Télécom invoque, pour tenter de justifier son refus de répondre à ses demandes, la prétendue absence de clarté de ces dernières.
Elle précise qu’elle ignore le principe dont France Télécom se prévaut et qui imposerait à Outremer Télécom de devoir expliciter l’ensemble de ses besoins à son fournisseur et concurrent France Télécom. En effet, à sa connaissance, France Télécom n'a pas à subordonner la proposition de ses offres à sa connaissance de l'utilisation des prestations que lui achètent les opérateurs alternatifs, dès lors que le tarif des prestations est indépendant du type d'application qu'ils en font. Outremer Télécom estime qu'il appartient à France Télécom de lui soumettre des offres en retour des demandes qu'elle lui adresse.
I. Sur l'échec des négociations commerciales
Outremer Télécom indique que France Télécom ne peut soutenir qu'il n'y a pas eu échec des négociations et qu’elle n'a pas répondu ou que partiellement à ses demandes. Outremer Télécom souligne qu’il y a un désaccord entre les parties sur les suites à apporter à sa demande, désaccord qui permet de porter le présent différend devant l’Autorité.
Outremer Télécom estime que les négociations avec France Télécom ont échoué sur l'ensemble des demandes qu'elle a formulées dans sa saisine du 6 janvier 2004.
II. Sur l'irrecevabilité de la demande des liaisons louées
2.1. L'offre de liaisons louées constitue une offre d'interconnexion
Outremer Télécom indique que l'article D. 99-9 du code des postes et télécommunications ne limite pas à un certain type les liaisons louées relevant des services d'interconnexion. Outremer Télécom estime qu'il est incontestable que les liaisons louées utilisées par France Télécom et par elle-même relèvent du régime juridique de l'interconnexion et que c’est à ce titre qu’elle peut saisir l’Autorité d’un règlement de différend. Outremer Télécom précise que les références faites par France Télécom à l'article D. 99-16 et à la recommandation de la Commission européenne du 24 novembre 1999 ne sont pas pertinentes. Le fait que les liaisons longues distance ne soient pas visées dans cette recommandation ne les exclut pas pour autant de la qualification de liaisons relevant du régime juridique de l’interconnexion.
Outremer Télécom souligne que la directive 97/33 liste les liaisons louées comme relevant des obligations spécifiques en matière d'interconnexion et d'accès imposées aux opérateurs puissants sans que le service de lignes louées visé par cette directive ne se limite au circuit partiel de lignes louées comme relevant seul des services d'interconnexion.
2.2. L'offre de liaisons louées constitue une offre d'accès
Se fondant sur l’article 2 a) de la directive "Accès", Outremer Télécom rappelle la définition de l’accès comme « la mise à disposition d’une autre entreprise, dans des conditions bien définies de manière exclusive ou non exclusive de ressources et/ou de services en vue de la fourniture de services de communications électroniques. Cela couvre notamment : l’accès à des éléments de réseaux et à des ressources associées (…) ».
Ainsi, il considère que les éléments de réseau (tels que les capacités de transmission entre des points de terminaison déterminés d’un réseau, pour reprendre la définition des liaisons louées telle que figurant à l’article R. 9 du code des postes et télécommunications) font donc partie intégrante de ce dernier, les demandes d’accès aux éléments étant qualifiés comme des "demandes d’accès" au sens du droit communautaire.
Outremer Télécom souligne que le fait de savoir si les liaisons louées font ou non partie du marché de détail ou de gros au sens de la directive "cadre" n'a pas de pertinence pour déterminer si une demande d'accès à des liaisons louées constitue ou non une demande d'accès au réseau au sens de l'article L.34-8 IV du code des postes et télécommunications.
2.3. Sur l'homologation tarifaire
Outremer Télécom rappelle que la procédure d'homologation tarifaire est prévue à l'article 17 du cahier des charges de France Télécom et que celle de règlement de différend est prévue par les dispositions du code des postes et télécommunications. Il estime que ces deux procédures ne sont pas opposées mais complémentaires dans la mesure où elles remplissent des fonctions différentes.
Outremer Télécom indique que l'homologation tarifaire permet de se prononcer sur un tarif, tel que proposé par France Télécom. Concernant les baisses de tarifs, l'homologation tarifaire vise à entériner une modification de tarif proposé par l'opérateur historique. Outremer Télécom indique que l'Autorité n'a pas la possibilité d'exiger, lorsqu'elle examine le tarif proposé en vue de son homologation, une modification du tarif qui lui est soumis, ni de pouvoir exiger la production de tous les documents lui permettant d'évaluer ce tarif. Il précise que le fait qu'un tarif soit homologué n'implique pas que celui-ci soit "juste" au sens de non excessif.
Outremer Télécom souligne que la procédure de règlement de différend est un contrôle a posteriori qui donne à l'Autorité un pouvoir beaucoup plus étendu lui permettant d’exiger toute modification des conditions de fourniture des prestations tant techniques que tarifaires. Ainsi, l’Autorité a ainsi la possibilité de demander des informations et de se prononcer sur les conditions tant techniques que tarifaires auxquelles doivent se faire notamment les demandes d'interconnexion et d'accès au réseau et que les demandes en cause portent ou non sur des tarifs homologués.
III. Sur l'irrecevabilité de la demande de fourniture d'IRU entre la Réunion et la métropole
3.1. Sur les obligations pesant sur France Télécom
Outremer Télécom souligne que la demande d'IRU ne se distingue de la fourniture d'autres capacités du réseau de France Télécom notamment de la fourniture de liaisons louées, qu'en ce qui concerne les modalités financières et la qualité des droits accordés et dès lors, la fourniture d'IRU sur le réseau de France Télécom relève du régime réglementaire de l'interconnexion.
Se fondant sur les lignes directrices du 17 décembre 1997 de l’Autorité sur les câbles sous- marin, Outremer Télécom considère que l'ensemble des obligations imposées au titre de l'interconnexion, tels que les principes de non-discrimination et d'orientation vers les coûts s'appliquent à la fourniture d'IRU.
3.2. Sur l'impossibilité de France Télécom de fournir des IRU
Outremer Télécom souligne que l’ échange de correspondances avec France Télécom attestait clairement que France Télécom avait parfaitement compris qu'il s'agissait d'un droit irrévocable d'usage sur le câble SAFE prolongé d'autres infrastructures sous-marines et terrestres entre le Portugal et Paris.
3.3. Sur la demande de fourniture d'IRU entre la Réunion et la métropole
Outremer Télécom constate un désaccord sur la qualification de la prestation proposée par France Télécom le 8 octobre 2003 sur la fourniture de liaisons à 34 et 45 Mbit/s entre le POP de la Réunion et le POP de Paris d'Outremer Télécom pour des durées de 10 et 15 ans. France Télécom qualifie ces prestation de fourniture de liaisons louées tandis que pour Outremer Télécom il s'agit d'un IRU.
Outremer Télécom maintient que cette proposition de fourniture de ressources sur le câble sous-marin entre la Réunion et Paris pour des durées de 10 et 15 ans moyennant un préfinancement correspond à des prestations dites d'IRU relevant du cadre réglementaire de l'interconnexion et doivent être orientées vers les coûts.
IV. Sur les comparaisons proposées par Outremer Télécom
Outremer Télécom note que le seul élément de comparaison discuté par France Télécom porte sur le tarif de Flag Télécom et donc que France Télécom ne trouve rien à redire sur les autres comparaisons. En outre, Elle estime que France Télécom est dans l'incapacité d'expliquer les incohérences des tarifs qu'elle a proposés.
S'agissant du tarif de Flag Télécom, Outremer Télécom souligne que les arguments de France Télécom ne peuvent être pris en compte, d'une part en raison de l'inclusion des backhaul et d'autre part, de la différence de distance parcourue compte tenu de la différence de parcours.
Concernant le tarif proposé par VNSL, Outremer Télécom constate que France Télécom ne communique aucune pièce à l'appui de son affirmation.
V. Sur le niveau tarifaire de l'offre de liaisons louées
A titre liminaire, Outremer Télécom observe que France Télécom admet que ses tarifs doivent être orientés vers les coûts, mais toutefois se limite à des considérations générales qui ne permettent pas de vérifier que tel est bien le cas en l’espèce. Se fondant sur l’article 7. 2 de la directive 97/33 "Interconnexion", Outremer Télécom estime que France Télécom doit apporter des éléments probants justifiant la tarification actuelle des liaisons louées, ce qu’elle ne fait pas.
5.1 Sur l'absence de fondements juridiques mentionnés par France Télécom
Outremer Télécom souligne l'absence de pertinence de l'article des Echos cités par France Télécom dans la mesure ou celui-ci a trait à la téléphonie sur Internet et à la problématique de déterminer si le contrôle des tarifs de France Télécom sur la téléphonie vocale fixe devait ou non être allégé en raison du développement de la concurrence.
Concernant la justification du niveau tarifaire de l'offre de liaisons louées, Outremer Télécom indique que l'avis n° 98-223 de l’Autorité en date du 2 avril 1998 auquel se réfère France Télécom est peu pertinent dans le sens où le câble SAFE est opérationnel depuis juin 2002.
5.2 Sur l'absence d'orientation vers les coûts du niveau de l'offre de liaisons louées de France Télécom
S'agissant de la non-orientation des prix avec les coûts du câble SAFE, Outremer Télécom indique que sa position ne peut qu’être renforcée à la lumière même des contradictions des affirmations de France Télécom dans son mémoire du 2 février 2004.
Outremer Télécom estime que l’imprécision des commentaires de France Télécom sur les coûts relatif au câble SAFE se retrouve dans le flou des baisses tarifaires effectuées ou annoncées relativement à l’utilisation de ce câble.
5.3 Sur la mise en place d'un modèle CMILT pour l'application de l'orientation vers les coûts du tarif de liaisons louées
Outremer Télécom rappelle que les offres de liaisons louées aux clients finals sont soumises aux conditions de l'ONP qui prennent la forme d'obligations renforcées :
- l'orientation des tarifs vers les coûts,
- l'obligation de disposer d'un système de comptabilisation des coûts permettant de s'assurer que les tarifs sont orientés vers les coûts.
Dans ces conditions, Outremer Télécom indique que pour vérifier qu'un tarif est orienté vers les coûts pertinents il convient de disposer d'un modèle adéquat de ces coûts.
Outremer Télécom précise que dans nombreux d’avis tarifaires, l’Autorité émettait des doutes quant au caractère orienté vers les coûts des tarifs de liaisons louées de France Télécom, mais que faute d’une comptabilité appropriée, elle ne peut vérifier. Or, Outremer Télécom estime qu’il apparaît que France Télécom connaît ses "coûts constatés" puisqu’elle indique que la nouvelle baisse tarifaire de 2004 sera calculée en fonction de ces derniers.
Outremer Télécom note que si France Télécom avait une politique dynamique prenant en compte les effets d'une baisse des tarifs sur les "taux de remplissage" ses baisses devraient aller au-delà de ce qu'elle envisage.
VI. Sur les FAS
Outremer Télécom constate que France Télécom reconnaît que les FAS correspondent à un choix marketing de répartition entre une partie fixe et une partie récurrente du tarif. Outremer Télécom souligne qu’il est manifeste, à la lumière même des observations de France Télécom, que le tarif des FAS doit être orienté vers les coûts ce qui n'est pas le cas en l’espèce.
Outremer Télécom demande à l'Autorité de :
- rejeter l'ensemble des arguments présentés par France Télécom comme non fondés en fait et en droit,
- de faire droit à l'ensemble des demandes d'Outremer Télécom telles qu'exprimées dans sa saisine du 6 janvier 2004.
Vu le courrier de la société Outremer Télécom enregistré le 25 février 2004 transmettant son modèle de coûts ;
Vu la lettre de l'adjoint au chef du service juridique en date du 26 février 2004 transmettant le second questionnaire du rapporteur adressé aux parties et fixant au 12 mars 2004 la date de clôture de remise des réponses ;
Vu les nouvelles observations en défense enregistrées le 4 mars 2004 présentées par la société France Télécom ;
France Télécom conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens que précédemment.
Dans ses nouvelles observations, France Télécom, à titre liminaire, souhaite rappeler certains éléments sur la présente procédure de règlement des différends
Introduction
A) Sur le câble SAFE
- un risque d'investissement dont France Télécom a pris principalement la charge France Télécom rappelle que la possibilité d'investir dans le câble SAT-3WASC/SAFE était ouverte à tout opérateur jusqu'au 16 juin 1999.
France Télécom souhaite rappeler les conditions d’investissement liées à la signature de l’accord C&MA (Construction and Maintenance Agreement).
Ainsi, elle indique que pour obtenir un point d'atterrissement à la Réunion elle devait investir au minimum […] et fournir à ses frais la station terminale d'atterrissement : le coût de la mise en place étant estimé à […], entièrement à sa charge.
Elle précise que le Groupe France Télécom, à savoir France Télécom et ses filiales Sonatel (Sénégal) , CIT (Côte d’Ivoire), Mauritius Télécom (Maurice), a conjointement investi 96 millions de USD.
France Télécom précise qu'en dehors des parties terminales du câble tenues à des minima d'investissement, les cocontractants pouvaient participer au minimum à hauteur de l'Unité Minimale d'Investissement (MIU) soit un 2 Mbit/s sur la distance la plus courte du système (275 km) correspondant à un demi-circuit 2 Mbit/s entre l'Ile Maurice et l'Ile de la Réunion au tarif de […]. Cet investissement devait permettre de participer à des augmentations ultérieures sur la base du volontariat, sans surinvestir au départ au-delà des besoins anticipés.
- Sur les conditions de commercialisation du câble fixées par les accords liant le consortium
France Télécom précise que les termes et les conditions inscrites au C&MA ne sont pas la conséquence d'une volonté unilatérale de France Télécom mais le résultat de négociations longues avec les parties terminales asiatiques et africaines qui exigeaient des clauses de protection de l'investissement.
France Télécom rappelle les règles applicables à la commercialisation des capacités du câble qui résultent de l'accord passé entre les différents investisseurs étrangers.
France Télécom précise que les droits exclusifs dont elle disposait n’étaient en réalité qu'une priorité ne faisant pas l'objet d'un usage systématique. Ainsi, elle pourrait renoncer à faire jouer sa priorité de revente au bénéfice d'un autre fournisseur de la capacité SAT- 3/WASC/SAFE.
France Télécom souligne qu'elle a consenti des investissements très lourds pour permettre un double accès optique à la Réunion et placer ainsi l'Ile au cœur du réseau mondial de fibres optiques. France Télécom rappelle qu'aujourd'hui tous les opérateurs tiers à la Réunion notamment Outremer Télécom peuvent acquérir des capacités de transmission sur un marché ouvert où s'exerce la concurrence.
B) Sur les demandes d'Outremer Télécom
France Télécom souligne qu'elle n'invoque pas le manque de clarté des demandes formulées par Outremer Télécom car elle estime qu'en l'espèce il n'y a pas eu de refus de sa part. France Télécom estime qu'au regard des réalités techniques et des modalités de mise en œuvre des prestations, on ne peut faire peser sur France Télécom une absence de réponse dès lors que le périmètre des besoins n'était pas délimité.
France Télécom indique que malgré la variabilité des positions d'Outremer Télécom elle n'a pas opposé de fin de non recevoir et s'est évertuée à proposer des solutions selon les délais tenant compte de la nécessaire analyse technique et économique du dossier.
I. Sur l'absence d'échec des négociations
France Télécom conclut aux mêmes fins que ses premières écritures par les mêmes moyens que précédemment.
Dans ces conditions, France Télécom souligne qu'aucun refus de négocier ou échec des négociations ne peut lui être imputé et que la saisine de Outremer Télécom ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l'article L.36-8 du code des postes et télécommunications.
II. Sur l'irrecevabilité de la demande de liaisons louées
2.1. L'offre de liaisons louées ne relève pas du régime de l'interconnexion
France Télécom souligne que tout service de télécommunications fourni à un opérateur ne peut être considéré comme une prestation d'interconnexion. France Télécom rappelle que la qualité juridique des personnes qui fournissent et utilisent la prestation de liaison louée ne suffit pas à qualifier une prestation de prestation d'interconnexion.
France Télécom estime d'une part, que la recommandation de l'Autorité du 25 juillet 2001 n'a pas de valeur réglementaire, d'autre part, que les liaisons louées sollicitées par Outremer Télécom n'entrent pas dans le champ des prestations de liaisons louées visées par l'Autorité dans sa décision n° 02-147.
2.2. L'offre de liaisons louées ne relève pas du régime d'accès
France Télécom indique qu'aux termes de l'article L.32-2 du code des postes et télécommunications les points de terminaison du réseau sont exclus du champ réglementaire de l'accès et que dès lors les liaisons louées qui sont définies comme « la mise à disposition par un opérateur d’une capacité de transmission entre des points de terminaison déterminés d’un réseau ouvert au public, au profit d’un utilisateur, à l’exclusion de toute commutation contrôlée par cet utilisateur » ne sauraient être regardées comme une offre d'accès au réseau de France Télécom au sens de l'article L.34-8 IV du code des postes et télécommunications.
En outre, se fondant sur les dispositions de l'article 4.2 de la directive 97/33/CE, France Télécom soutient que l'obligation de répondre à toute demande raisonnable d'accès au réseau ne saurait porter sur les points de terminaison du réseau.
France Télécom estime que la demande d'Outremer Télécom relative aux liaisons louées ne peut être qualifiée d'offre d'accès au réseau au sens de l'article L.34-8 IV du code des postes et télécommunications et ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées par l'article L.36-8 du code des postes et télécommunications.
2.3. Sur l'homologation tarifaire
France Télécom rappelle que l'Autorité ne dispose que d'une fonction consultative en matière d'homologation tarifaire et ne peut donc remettre en cause les décisions du ministre dès lors que son avis ne serait pas suivi.
Se fondant sur des décisions de règlements de différends de l’Autorité, France Télécom précise que l’Autorité a reconnu que dès lors que la loi avait établi la compétence du ministre en matière d’homologation, sa propre compétence s’effaçait au profit de celui-ci, y compris dans le cadre d’un règlement de différend.
En outre, France Télécom indique que ce débat a été tranché concernant les tarifs de "collecte IP/ADSL" et "Accès IP/ADSL" par le Conseil d'Etat.
III. Sur l'irrecevabilité de la demande relative aux IRU
France Télécom précise qu'au terme de l'article 8 de son cahier des charges, elle n'est soumise en matière de cession de droits irrévocables d'usage sur un câble sous-marin qu'à une obligation de non discrimination et non à une obligation d'orientation vers les coûts.
France Télécom rappelle qu'un contrat d'IRU a pour objet d'accorder des droits sur des infrastructures ou capacités d'infrastructures et non de fournir des services de télécommunications tels que les liaisons louées : c'est une des différences fondamentales entre la cession d'IRU et la fourniture de liaisons louées.
France Télécom indique que les modalités financières qu'elle a proposées le 8 octobre 2003 à savoir un préfinancement initial et une redevance O et M à un coût fixe ne correspondent pas à la structure financière caractéristique d'un IRU.
France Télécom précise que dans le cadre d'un contrat d'IRU, les risques associés au droit de propriété sont transférés au titulaire du droit irrévocable d'usage et que les risques liés à la détérioration du câble durant sa durée de vie pèsent sur le titulaire du droit irrévocable d'usage.
IV. Sur les comparaisons tarifaires
France Télécom ne peut que remettre en cause la méthode présentée par Outremer Télécom dès lors qu'elle est amenée à justifier son positionnement tarifaire par rapport à des offres dont elle n'est pas en mesure de vérifier la viabilité.
4.1. Sur l'absence de pertinence des comparaisons tarifaires
- Flag Télécom
France Télécom souhaite rappeler que la société Flag Télécom a été placée par justice américaine sous le chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Or, les entreprises placées sous ce dispositif se voient apurer de leurs dettes et peuvent conséquemment mener une politique tarifaire très agressive.
Cette dernière étant sous la protection du chapitre 11 et ayant réglé sa dette, sa structure est très différente de celle d’un opérateur historique comme France Télécom.
En outre, France Télécom indique qu'elle n'a pas de visibilité sur la structure des coûts de Flag Télécom et sur ses méthodes comptables et qu'il ne lui est pas possible de présumer que celle- ci vend des produits avec une marge.
- le service proposé par Flag Télécom n'est pas comparable
France Télécom souligne que le support utilisé n'est ni le SMW3 ni le SAT3/SAFE et qu'en conséquence les coûts de Flag Télécom ne sont pas comparables avec ceux de France Télécom. S'agissant des liaisons Inde/Londres, Flag Télécom utilise ses propres ressources sur le câble Flag Europe Asie.
France Télécom précise que les prix qu'elle fournit comprennent la capacité sous-marine, le backhaul Réunion, le backhaul France ainsi que la connectivité française et réunionnaise afin de fournir cette liaison au plus près du client. France Télécom estime qu'aucune comparaison ne peut se faire avec Flag Télécom.
France Télécom considère que les distances autant que les ressources sous-marines empruntées, le contexte économique de ce câble, les points de livraison différents, la nécessité de rajouter des backhaul, les dates de mises de services différentes sont autant d'éléments ne permettant pas une analyse comparative pertinente par rapport aux ressources mises en œuvre par France Télécom entre la métropole et la Réunion.
En outre, France Télécom indique que les tarifs de liaisons 155 Mbit/s fournis par Flag Télécom ne peuvent être comparés à des tarifs de France Télécom, étant donné que le service de 155 Mbit/s entre la métropole et la Réunion nécessite une étude de faisabilité avant toute cotation.
- Le positionnement tarifaire de Flag Télécom relève d'un choix commercial
France Télécom note que le prix du 45 Mbit/s est 18 fois supérieur à celui du 2 Mbit/s et que Flag Télécom "charge" ses liaisons louées très haut débit pour diminuer le prix du 2 Mbit/s.
France Télécom propose un ratio de […] entre le prix d'une liaison louée 2Mbit/s et d'une liaison 45 Mbit/s ce qui permet d'obtenir un prix de l'ordre de […] par mois pour une liaison 45 Mbit/s, qui est proche des tarifs proposés par Flag Télécom alors que France Télécom inclut dans son prix les deux boucles locales quelque soit la destination finale du lien.
France Télécom souligne que la comparaison proposée par Outremer Télécom en matière d'IRU n'est pas pertinente car la proposition de France Télécom porte sur une prestation de liaisons louées et non d'IRU.
- Sur Mauritius Télécom
France Télécom remarque que les tarifs 34 et 45 Mbit/s ne figurent pas aux annexes et qu'elle n’a donc pas les moyens d’en vérifier la véracité. France Télécom indique que le tarif de 10 588 euros pour le 2 Mbit/s est partiellement comparable à une offre France Télécom Réunion- Paris et qu'il faut rajouter le prix de la boucle locale côté France.
France Télécom souligne d'une part que la différence de son tarif et de celui de Mauritius Télécom sur le câble SAFE s'explique par les niveaux d'investissement consentis au départ et des structures de coûts proportionnellement différentes.
France Télécom estime que pour rendre l'offre parfaitement comparable il faut ajouter la partie Ile Maurice-Réunion.
France Télécom souligne que son offre, bien que différente, reste attractive en 2003 pour un client qui cherche un équilibre entre les prix du 2 Mbit/s et du 34 ou 45 Mbit/s et que cette offre inclut les deux boucles locales et n'est pas indexée sur le cours d'une monnaie ce qui la rend plus prévisible pour le client.
France Télécom indique que la différence entre son tarif de 175 000 euros/mois pour une liaison 34 Mbit/s entre la métropole et la Réunion, et les tarifs de 109 244 euros/mois pour un 34 Mbit/s entre l'île Maurice et Paris fournis par Mauritius Télécom ou celui de 126 050 euros/mois pour un 45 Mbit/s entre Londres et l'Inde par Flag Télécom s'explique au regard des différences de prestation :
- l’absence de backhaul en Inde pour la solution fournie par Flag Télécom. En effet, l’opérateur historique VSNL a le monopole sur le backhaul à partir du câble sous-marin Flag et ses tarifs sont par conséquent très élevés.
- la connectivité offerte par France Télécom en France avec l’accès à plusieurs villes connectées en France et au périmètre autour de celles-ci.
4.2. Sur les incohérences au regard des distances
- Une comparaison du tarif au kilomètre
France Télécom indique que le prix des liaisons louées internationales est basé sur le principe de la bilatéralité, chaque opérateur facturant son demi-circuit et qu'une comparaison du tarif au kilomètre n'a pas de sens car elle ne prend pas en compte :
- le type de support employé (câble ou satellite)
- le coût fixe de chaque opérateur.
L'offre de liaisons louées internationales telle que résultant de la dernière décision tarifaire indique qu'au départ de la Réunion, il n'y a que 4 tarifs disponibles. Au regard de cette structure tarifaire, les prix sont moyennés pour ces destinations et qu'une analyse du prix au km ne peut avoir de sens.
France Télécom indique que la structure tarifaire choisie a pour fonction d'assurer des prix plus bas pour les destinations "logiques" de la Réunion à ses voisins et à l'Europe avec laquelle l'île a des liens évidents en comparaison du « reste du monde ». Ainsi, la structure tarifaire avait et a toujours pour objectif de faire abstraction de la distance séparant l'île de la métropole.
- Sur l'analyse des prix au kilomètre
France Télécom estime qu'en se basant uniquement sur les documents annexés à la saisine, les écarts de prix en USD au Mbit/s par kilomètre sont très importants et ce quelque soit la période de cotation.
V. Sur le niveau tarifaire de l'offre de liaisons louées
5.1 Sur les fondements réglementaires de l'offre de liaisons louées
France Télécom rappelle que l'Autorité dans son avis n° 03-70 du 16 janvier 2003 relatif à l'évolution de tarifs des liaisons louées entre la métropole et les départements d'outre-mer et entre départements d'outre-mer a accueilli favorablement la décision tarifaire de France Télécom proposant une baisse d'au moins 20 % des tarifs des liaisons louées 2Mbit/s entre la métropole et les départements d'outre-mer.
France Télécom indique qu'elle soumettra prochainement une nouvelle baisse conforme aux coûts les plus récents dont elle dispose. Les effets de la mise en service du câble SAFE sur les coûts, et le délai avec lequel ces derniers sont connus, ont conduit à une baisse des tarifs décalée dans le temps. Elle indique qu’elle apportera dans ses prochaines observations sur le modèle transmis par le Conseil régional de la Réunion les éclaircissements nécessaires sur les hypothèses de coûts retenues.
Concernant la modélisation des coûts, France Télécom tient à réaffirmer que dans le cadre du règlement de différend, il revient à la partie adverse d'avoir choisi un modèle reposant sur les CMILT. France Télécom précise qu’elle ne peut souscrire à l'analyse qui conduirait à une application généralisée de la méthode des CMILT à toute évaluation des coûts en dehors de tout cadre réglementaire.
5.2. Sur les "incohérences" entre tarifs de liaisons louées et tarifs d'interconnexion
France Télécom indique que la différence entre le tarif de détail et le tarif d'interconnexion est hors de propos dans la mesure où France Télécom a précisé que les tarifs des FAS à prendre en compte sont ceux des liaisons louées de détail non ceux des LPT.
France Télécom rappelle que les tarifs des FAS des liaisons louées n'ont pas à être égaux à un quelconque coût, mais relèvent d'un choix marketing quant à la répartition du prix entre cette partie fixe et la partie récurrente du tarif. Le seul cas où le tarif des FAS est tenu de refléter un coût bien identifié est celui du dégroupage.
En conséquence, France Télécom conclut aux mêmes demandes que dans son premier mémoire.
Vu la décision n° 04-264 de l'Autorité en date du 9 mars 2004 prorogeant le délai dans lequel l'Autorité doit se prononcer dans le différend opposant les sociétés Outremer Télécom et France Télécom ;
Vu les réponses des parties enregistrées le 12 mars 2004 au questionnaire du rapporteur ;
Vu la lettre du chef du service juridique en date du 25 mars 2004 convoquant les parties à une audience devant le collège le 8 avril 2004 ;
Vu le courrier de la société Outremer Télécom enregistré le 5 avril 2004 souhaitant que l'audience devant le collège soit publique ;
Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 5 avril 2004 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;
Après avoir entendu le 8 avril 2004, lors de l'audience devant le collège :
- le rapport de M. Nicolas Deffieux, rapporteur présentant les conclusions et les moyens des parties ;
- les observations de MM. Jean-Daniel Lallemand et Lionel Grosclaude pour la société France Télécom ;
- les observations de MM. Moustafa Hassanaly, Patrick Josset, pour la société Outremer Télécom et de Maître Frédérique Dupuis-Toubol, pour le Cabinet Bird & Bird ;
En présence de :
- MM. Jean-Daniel Lallemand, Jean Mazier, Lionel Grosclaude, Gabriel Lluch pour la société France Télécom ;
- MM. Moustafa Hassanaly, Patrick Josset, pour la société Outremer télécom et de Maître Frédérique Dupuis-Toubol pour le Cabinet Bird & Bird ;
- MM. Philippe Distler, directeur général, Laurent Laganier, Nicolas Deffieux, Elies Chitour, Benoît Loutrel et de Mmes Elisabeth Rolin, Christine Galliard, agents de l'Autorité ;
Sur la publicité de l'audience :
Aux termes de l'article 14 du règlement intérieur : "l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, le collège de l'Autorité en délibère".
France Télécom, par un courrier enregistré le 5 avril 2004, a demandé que l'audience devant le collège ne soit pas publique ; la société Outremer Télécom, par un courrier enregistré le 5 avril 2004, a demandé que l'audience devant le collège soit publique. Interrogée sur ce point par le Président de l'Autorité à l'ouverture de l'audience du 8 avril 2004, France Télécom a précisé qu'elle acceptait de souscrire à la demande de la société Outremer Télécom, en conséquence de quoi, l'audience a été publique.
Le collège en ayant délibéré le 4 mai 2004, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité ;
Adopte la présente délibération fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après :
1. Sur la recevabilité des demandes de la société Outremer Télécom
Aux termes de l’article L.36-8 du code des postes et télécommunications : « En cas de refus d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau de télécommunications, l’Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l’une ou l’autre des parties. (…) ».
La société France Télécom, dans ses observations en défense, soutient que l’Autorité est incompétente pour statuer sur les demandes présentées par la société Outremer Télécom, car elles n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L.36-8 du code des postes et
télécommunications. En effet, elle estime, d’une part, que les demandes de la société Outremer Télécom ne relèvent ni du régime de l’interconnexion, ni de l’accès au sens de l’article L.34-8 du code des postes et télécommunications et, d’autre part, qu’aucun refus de négocier ou échec des négociations ne peut être imputé à France Télécom.
En conséquence, la société France Télécom soutient que la saisine ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l’article L. 36-8 du code des postes et télécommunications
1.1 Sur la qualification juridique des prestations demandées par la société Outremer Télécom
a. Sur l’offre de liaison louée sollicitée par la société Outremer Télécom
Le 2° de l’article L.32 du code des postes et télécommunications définit le réseau de télécommunication comme : « (…) toute installation ou tout ensemble d’installations assurant soit la transmission, soit la transmission et l’acheminement de signaux de télécommunications ainsi que l’échange des informations de commande et de gestion qui y est associé, entre les points de terminaison du réseau ».
Il résulte des dispositions de l’article 2 de la directive 92/44/CE modifiée par la directive 97/51/CE (dite " ONP liaisons louées ") et de l’annexe I de la directive 97/33/CE du 30 juin 1997 relative à l’interconnexion, transposées par l’article R.9 du code des postes et télécommunications, que les liaisons louées constituent des " capacités de transmission transparentes entre points de terminaison du réseau, à l’exclusion de la commutation sur demande ".
France Télécom, dans ses observations en défense, considère que la prestation demandée par Outremer Télécom ne constitue pas une prestation d’interconnexion, mais une offre de détail, en se limitant à faire valoir que la seule offre de liaison louée disponible à la Réunion est une offre de détail Transfix. France Télécom considère donc que l’Autorité ne peut faire droit à la demande d’Outremer Télécom dans le cadre d’un règlement de différend, l’offre de détail Transfix ayant été homologuée par le ministre chargé des télécommunications.
L’Autorité rappelle que France Télécom commercialise à ce jour deux catégories d’offres de liaisons louées :
- une offre de détail Transfix, faisant l’objet d’une homologation tarifaire par le ministre en charge des télécommunications ;
- un service d’interconnexion de liaisons louées, dont les modalités sont décrites au chapitre VIII du catalogue d’interconnexion de France Télécom ; cette offre comprend la fourniture par France Télécom à l’opérateur tiers d’une liaison louée partielle (LPT) entre un site client et un centre de France Télécom ouvert au service d’aboutement, cette liaison louée étant prolongée à travers le service d’aboutement au point de présence de l’opérateur tiers. Elle comprend également un service d’aboutement de liaison louée.
Aux termes de l’article D.99-11 du code des postes et télécommunications « ces opérateurs [les opérateurs figurant sur la liste établie en application du 7° de l’article L. 36-7] ne peuvent invoquer l'existence d'une offre inscrite au catalogue pour refuser d'engager des négociations commerciales avec un autre opérateur en vue de la détermination de conditions d'interconnexion qui n'auraient pas été prévues par leur catalogue, notamment les conditions d'accès direct aux commutateurs internationaux et à d'autres infrastructures internationales ».
Il résulte de l’instruction que la prestation sollicitée par la société Outremer Télécom, opérateur de réseau de télécommunications, a pour finalité de disposer, en s’interconnectant au réseau de France Télécom, d’une offre de capacité entre la Réunion et la métropole, lui permettant non pas de répondre aux besoins propres de l'entreprise, mais d'élaborer des offres de détail ayant vocation à être commercialisées sur le marché final.
L’Autorité constate, au regard des pièces du dossier, que France Télécom possède un monopole de fait sur le transport entre la Réunion et la métropole. Or, l'accès de la société Outremer Télécom à une capacité de transport sur le câble sous marin est une condition essentielle à la commercialisation par cet opérateur d’offres concurrentielles sur le marché de détail des services de télécommunications à la Réunion.
L'Autorité comprend donc la demande d'Outremer Télécom comme une demande de service d’interconnexion de liaisons louée de gros sur le segment du transport, comparable dans son principe et ses modalités au service d’interconnexion de liaisons louées partielles sur le segment de l'accès et qui s’utilisera concurremment avec le service d’aboutement tel que défini dans le catalogue d’interconnexion de France Télécom.
Une offre de liaison louée de gros se distingue d'une offre de détail, notamment par l'architecture et la géographie de ses points d’extrémités. Alors qu'une liaison louée de détail a vocation à être livrée dans un site client, une offre d'interconnexion est livrée dans un site de France Télécom, ainsi qu'illustré dans le schéma ci-dessous.
Cette analyse est confortée par France Télécom qui, dans ses observations en défense du 5 février 2004, soutient que : « de la même façon, dans le cas des liaisons louées, il ne s’agit pas de livrer un produit fini mais de fournir aux opérateurs un service d’interconnexion de liaison louée aux fins de la fourniture de services de liaisons louées de bout en bout ».
Aussi, de la même manière que la situation particulière de France Télécom sur le segment de l'accès a conduit l'Autorité à introduire en 2002 une offre de liaisons louées partielles et de liaisons d'aboutement d'interconnexion dans le catalogue d’interconnexion, il apparaît légitime de créer une offre de liaison louée d’interconnexion sur le segment du transport dans le cas particulier de La Réunion, compte tenu de la position de France Télécom sur ce segment et du caractère indispensable de cette prestation pour les opérateurs alternatifs.
L'Autorité considère donc, pour les motifs exposés ci-dessus, que la demande formulée par Outremer Télécom est une demande d’accès à un service de liaisons louées de transport, ci- après abrégées LLT, qui relève du régime juridique de l’interconnexion.
b. Sur la demande de fourniture d’IRU entre la Réunion et la Métropole
Il ressort des pièces du dossier que la prestation demandée par la société Outremer Télécom porte sur la mise en place de capacités entre la station d’atterrissement du câble SAT3/WASC/SAFE à La Réunion et celle du câble SEA/ME/WE à Penmarch.
Le 2° de l’article L. 32 du code des postes et télécommunications définit le réseau de télécommunication comme : « (…) toute installation ou tout ensemble d’installations assurant soit la transmission, soit la transmission et l’acheminement de signaux de télécommunications ainsi que l’échange des informations de commande et de gestion qui y est associé, entre les points de terminaison du réseau »
Ainsi, il résulte de cette disposition que les droits que France Télécom possède sur les câbles sous-marin SAT3/WASC/SAFE et SEA-ME-WE atterrissant sur le territoire français constituent des éléments du réseau de télécommunications de France Télécom.
Aux termes des dispositions du IV de l’article L. 34-8 du code des postes et télécommunications : (…) Les mêmes exploitants [les exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur les listes établies en application des a,b et c du 7° de l’article L.36-7] assurent, dans les mêmes conditions, un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, ainsi qu’aux services de communication audiovisuelle autres que les services de radiodiffusion sonore ou de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite, ou distribués par câble. Ils répondent également aux demandes justifiées d’accès spécial correspondant à des conditions techniques ou tarifaires non publiées, émanant de ces fournisseurs de service ou des utilisateurs. (…) ».
L’article 4, paragraphe 2 de la directive 97/33 Interconnexion susvisée dispose que « les organismes autorisés à fournir des réseaux publics de télécommunications et des services de télécommunications accessibles au public tels qu’ils sont définis à l’annexe I et qui sont puissants sur le marché répondent à toutes les demandes raisonnables de connexion au réseau, notamment l’accès à des points autres que les points de terminaison du réseau offerts à la majorité des utilisateurs finals ».
Le paragraphe 4 de l’article 16 de la directive 98/10 susvisée dispose que : « les autorités réglementaires nationales veillent à ce que les organismes puissants sur le marché pour la fourniture de réseaux téléphoniques fixes traitent les demandes raisonnables des organismes prestataires de services de télécommunications souhaitant obtenir l’accès au réseau téléphonique public fixe en d’autres points de terminaison du réseau que les points habituellement prévus et visés à l’annexe II, première partie ».
Il résulte de tout ce qui précède que la prestation sollicitée par la société Outremer Télécom consistant à accéder au réseau de France Télécom, à travers la capacité qu’elle possède sur les câbles sous-marin SAT3/WASC/SAFE et SEA-ME-WE, doit être regardée comme entrant dans le champ des dispositions susmentionnées et doit donc être qualifiée d’accès au sens des dispositions précitées de l’article L. 34-8 du code des postes et télécommunications.
Au demeurant, cette qualification juridique est compatible avec les dispositions de la directive 2002/19/CE « Accès » du 7 mars 2002 susvisée, dont le délai de transposition expirait le 24 juillet 2003, qui définissent de façon explicite la notion d’accès. En effet, l’article 2 de cette même directive définit l’accès comme « la mise à la disposition d’une autre entreprise, dans des conditions bien définies et de manière exclusive ou non exclusive, de ressources et/ou de services en vue de la fourniture de services de communications électroniques. Cela couvre notamment : l’accès à des éléments de réseaux et à des ressources associées, (…) l’accès à l’infrastructure physique (…) ».
Il résulte de tout ce qui précède que la prestation d’IRU demandée par la société Outremer Télécom doit, en l’état actuel du droit, être qualifiée d’accès spécial au sens des dispositions précitées de l’article L. 34-8. En effet, les conditions techniques et tarifaires de la prestation sollicitée par la société Outremer Télécom n’ont pas été publiées par France Télécom.
France Télécom, en tant qu’opérateur figurant sur les listes établies en application des a et b du 7° de l’article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, est tenue de répondre aux demandes justifiées d’accès spécial émanant de ces fournisseurs de service.
Dans ces conditions, l’Autorité, sur le fondement des dispositions de l’article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, est compétente pour préciser les conditions équitables, d’ordre technique et financier, de cette prestation d’IRU.
1.2 Sur l’échec des négociations
La société France Télécom soutient que la demande de règlement de différend de la société Outremer Télécom est irrecevable car aucun refus de négocier ou un échec des négociations ne peut être imputé à France Télécom. En conséquence, elle soutient que la saisine ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l’article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.
Il ressort des pièces du dossier que les négociations commerciales ont commencé entre les parties par une lettre datée du 11 juillet 2003 de la société Outremer Télécom. Par ce courrier, elle demande à France Télécom d’engager des négociations commerciales aux fins de définir les conditions techniques et tarifaires de certaines prestations relevant du régime de l’interconnexion, de l’accès ou de l’accès spécial. La société Outremer Télécom envisage de recourir aux prestations suivantes : IRU sur le SAFE pour les capacités suivantes (E1 circuit complet vers Métropole, vers Maurice, l’Afrique du Sud et l’Inde, etc…), Liaisons de
backhaul depuis les arrivées de câble, Liaisons Louées, Service de transmission de donnée ATM, Transit IP. De même, dans son courrier, Outremer Télécom indique que, compte-tenu de l’utilisation des capacités sur le câble par le groupe France Télécom pour ses propres offres clientèle, il devrait être aisé à France Télécom d’établir très rapidement une proposition fondée sur des conditions non discriminatoires. Elle attend de la part de France Télécom une première proposition dans un délai maximal de trois semaines.
Dans sa réponse à cette lettre en date du 4 août 2003, France Télécom souhaite connaître les demandes prioritaires de Outremer Télécom ainsi qu’une estimation planifiée des besoins en capacité. En outre, pour ce qui concerne la fourniture de circuits complets au départ de la Réunion vers Maurice, l’Afrique du Sud et l’Inde, elle demande à Outremer Télécom de préciser l’adresse de l’extrémité afin de lancer l’étude de faisabilité de l’offre de liaisons louées ou de service de transmission de données.
A la suite de ce courrier de France Télécom, la société Outremer Télécom, dans un courrier en date du 11 août 2003, précisait les prestations sur lesquelles elle souhaitait obtenir de manière prioritaire une offre et donnait une prévision de ses besoins en capacité jusqu’en 2006.
Dans un courrier en date du 8 octobre 2003 intitulé « Ouverture d’une négociation commerciale suite à la mise en service du câble SAFE à la Réunion », France Télécom propose à la société Outremer Télécom une offre commerciale qui consiste d’une part en une solution de Transit IP international et d’autre part en une solution à base de liaisons louées point à point en circuit complet entre ses POP de la Réunion et de Paris, dans la limite des ressources disponibles sur le réseau de France Télécom et reposant sur des engagements de durées 1 an, 3 ans et 5ans. En outre, pour les engagements de durées 10 ans et 15 ans, France Télécom indique qu’elle est en mesure de proposer à la société Outremer Télécom un montage financier spécifique sur la base d’une remise supplémentaire sur le tarif de la liaison louée à 2Mbit/s en vigueur au catalogue des prix et d’un préfinancement pour les capacités de débit supérieur ou égal à 34 Mbit/s entre ses POP de la Réunion et de Paris. Elle indique également que l’étude des disponibilités des ressources sur le câble sous-marin et le délai de réalisation seront communiqués à la société Outremer Télécom dans l’accusé de réception de commande faisant suite à la réception de sa commande par France Télécom. Ainsi, elle précise que le présent courrier n’entraîne en aucun cas réservation de ressources.
Dans ce même courrier, elle indique que les prix rassemblés en annexe à ce courrier sont donnés en euros Hors Taxes et sont soumis à la TVA en vigueur à la date de facturation. France Télécom précise que les prix sont valables pendant une durée de 1 mois dans la limite des ressources disponibles à compter de la date d’émission qui figure sur le présent document.
Dans un courrier en date du 10 novembre 2003 répondant au courrier de France Télécom du 8 octobre 2003, la société Outremer Télécom relève que les propositions de France Télécom sont insatisfaisantes du point de vue tarifaire compte tenu des obligations qui lui sont imposées.
Concernant l’offre de liaisons louées, Outremer Télécom indique que le tarif de redevance mensuelle rapporté au mégabit par seconde est déraisonnable en comparaison des tarifs pratiqués par France Télécom dans d’autres zones géographiques ou des tarifs pratiqués par d’autres opérateurs pour des prestations comparables. Elle précise que les premières analyses la conduisent à estimer qu’un tarif raisonnable pour les prestations demandées serait environ dix fois inférieur au tarif sollicité, soit environ 3 000 euros pour les redevances mensuelles.
Par ailleurs, Outremer Télécom indique que les tarifs des FAS sont quasiment identiques au FAS facturés à des clients finals via l’offre commerciale Transfix de France Télécom et soutient donc que celle-ci n’est pas une offre orientée vers les coûts.
S’agissant des IRU, la société Outremer Télécom estime que la proposition de France Télécom n’est pas conforme aux obligations tarifaires et s’avère incohérente tant avec le prix de la location mensuelle proposé pour des liaisons louées annuelles qu’avec les premières analyses qu’ils ont menées. A ce titre un tarif raisonnable serait environ cinq fois inférieur au tarif proposé.
En conséquence, concernant les liaisons louées, elle demande à France Télécom de lui confirmer qu’elle accepte une modification substantielle de son offre, à savoir un prix au mégabit environ dix fois inférieur au tarif proposé, ainsi qu’un tarif réellement orienté vers les coûts pour les FAS. Concernant les IRU, elle demande que France Télécom accepte le principe d’un prix au mégabit qui soit environ 5 fois inférieur au tarif proposé, ainsi qu’un tarif réellement orienté vers les coûts pour les redevances annuelles O&M.
Dans un courrier en date du 9 décembre 2003 en réponse au courrier du 10 novembre 2003 de la société Outremer Télécom, la société France Télécom indique qu’elle étudiera, dans le cadre de son cahier des charges inscrit dans le décret du 27 décembre 1996, la réponse aux besoins d’Outremer Télécom dans la limite des ressources disponibles sur son réseau. Ainsi, pour la part des offres qui concerne des prestations internationales sur un câble sous-marin, France Télécom précise que conformément aux obligations fixées à l’article 8 du décret du 27 décembre 1996, elle fait droit sans discrimination aux demandes de droits irrévocables d’usage sur les capacités disponibles dont elle dispose émanant d’opérateurs autorisés en application de l’article L.33-1 du CPT. Concernant les demandes de circuits complets 2Mbit/s de la Réunion vers l’Afrique du Sud, l’Inde et l’Ile Maurice, France Télécom informe la société Outremer Télécom qu’elle ne possède ni réseau ni licence dans ces trois pays. Dans ces conditions, elle précise qu’il lui est nécessaire de disposer, liaison par liaison, de l’adresse des deux extrémités afin de lancer l’étude de faisabilité pour la fourniture de liaisons louées internationales en circuit complet. En outre, France Télécom indique qu’elle est en mesure de fournir sur demande aux opérateurs de réseau des propositions commerciales en IRU 2 Mbit/s à 10 ans et à 15 ans sur l’international sous forme de demi-circuit 2Mbit/s constitué d’un tronçon sur le câble sous-marin SAFE au départ de la tête de câble de l’île de la Réunion et à destination de l’Afrique du sud, de l’Inde et de l’Ile Maurice. En outre, France Télécom indique qu’elle est en mesure d’offrir le prolongement terrestre sur l’île de la Réunion vers le POP de la société Outremer Télécom sur la base d’un contrat backhaul de durée 1 an, 3 ans ou 5 ans.
Dans ce même courrier, France Télécom, concernant les offres de liaisons louées entre la Métropole et les DOM, indique qu’elle répond à ses obligations de service universel au travers d’offres homologuées par le ministre et précise qu’elle maintient sa proposition formulée dans son courrier du 8 octobre 2003, qui est constituée par la fourniture de liaisons louées Métropole-DOM à 2Mbit/s de durées 1an, 3 ans et 5 ans. Enfin, concernant les besoins en connectivité Internet, France Télécom se propose de tenir une réunion dès que possible.
Par un courrier du 29 décembre 2003, la société Outremer Télécom constate que France Télécom ne propose pas de révision de ses offres de liaisons louées et d’IRU entre la Réunion et la Métropole comme demandée dans sa lettre du 10 novembre 2003 et dans ces conditions considère qu’il y a échec des négociations sur ces prestations.
Contrairement à ce que soutient France Télécom, il résulte de tout ce qui précède que les échanges ci-dessus relatés démontrent un échec des négociations entre les deux parties sur la négociation d’une offre de liaisons louées Réunion/Métropole et de la fourniture d’IRU entre la Réunion et la Métropole. Il s’ensuit que ladite saisine est recevable au regard des dispositions de l’article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.
2. Sur le caractère justifié des demandes d’Outremer Télécom
Au regard des éléments échangés dans le cadre de cette procédure, l’Autorité rappelle qu’il lui revient, dans le cadre du règlement de ce litige de « préciser les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès spécial doivent être assurés » conformément à l’article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.
2.1 Sur les obligations de France Télécom
En premier lieu, l’Autorité rappelle qu’il résulte des dispositions de l’article L. 34-8 précité que la société France Télécom, en tant qu’opérateur figurant sur les listes établies en application des a) et b) du 7° de l’article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, est tenue de faire droit dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires aux demandes d’interconnexion de la société Outremer Télécom, si celles-ci sont justifiées au regard de ses besoins et de la capacité de France Télécom à la satisfaire.
En outre, il ressort de cette même disposition que les tarifs d’interconnexion « rémunèrent l’usage effectif du réseau de transport et de desserte et reflètent les coûts du service rendu ».
En second lieu, il résulte régalement des dispositions de l’article L. 34-8 précité, que la société France Télécom, en tant qu’opérateur figurant sur la liste établie en application du a) du 7° de l’article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, est tenue de faire droit dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires aux demandes d’accès spécial de la société Outremer Télécom, si celles-ci sont justifiées au regard de ses besoins et de la capacité de France Télécom à la satisfaire.
En outre, il ressort de cette même disposition que la fourniture de cet accès doit donner lieu une rémunération reflétant les coûts du service rendu.
2.2 Sur la capacité technique de France Télécom à répondre aux demandes d’Outremer Télécom
Il ressort de l’analyse des pièces du dossier, que la société France Télécom apparaît être en mesure de proposer la prestation de liaison louée de transport (LLT), dans la mesure où elle dispose de la capacité sur les câbles concernés et qu’elle commercialise déjà une offre de liaison louée de détail Transfix, qui utilise les éléments de réseau nécessaires à la fourniture de l’offre de LLT.
Dans ces conditions, l’Autorité estime que France Télécom dispose de la capacité technique pour répondre à la demande de liaison louée de transport de la société Outremer Télécom.
Par ailleurs, l’Autorité constate, au regard des pièces du dossier, que France Télécom dispose de capacités importantes sur le câble, et que la fourniture d’IRU est inscrite à l’article 8 de son
cahier des charges. En outre, l’Autorité note que, dans son courrier en date du 9 décembre 2003, ainsi que dans son courrier du 16 février 2004, alors même que son cahier des charges n’était plus en vigueur, France Télécom proposait à la société Outremer Télécom des prestations d’IRU entre La Réunion et l’Afrique du Sud, l’Inde et Maurice, mais également entre La Réunion et le Portugal.
Au regard de ces éléments, l’Autorité estime que France Télécom dispose de la capacité technique à satisfaire la demande de prestation d’IRU émanant de la société Outremer Télécom.
2.3 Sur le caractère justifié des demandes d’Outremer Télécom au regard de ses besoins
L’Autorité constate, au regard des pièces du dossier, qu’une prestation de transport entre la Réunion et la métropole est nécessaire à l’activité de la société Outremer Télécom. En effet, Outremer Télécom collecte son trafic au sein de l’île de la Réunion, et doit disposer d’une solution pour acheminer ce trafic hors de l’île, afin de permettre la communication de ses abonnés avec le reste du monde.
L’Autorité estime que les offres actuelles de France Télécom qui incluent une composante de transport ne répondent pas aux besoins d’Outremer Télécom. En effet, l’offre de collecte IP/ADSL oblige son bénéficiaire à confier l’accès et la collecte à France Télécom, alors qu’Outremer Télécom réalise elle-même ces prestations et que cela constitue le cœur de son activité. Concernant l’offre de liaison louée de détail Transfix, elle est construite et mise en place pour les entreprises, c’est à dire les utilisateurs finals, mais n’est pas adaptée pour les opérateurs.
Pour permettre à Outremer Télécom d’acheminer son trafic hors de l’île, la prestation de base dont il a besoin est une offre de liaison louée de transport adaptée aux opérateurs.
Au regard des pièces du dossier, l’Autorité considère que la prestation de base, nécessaire aux besoins de la société Outremer Télécom pour l’acheminement de son trafic hors de l’île, est une offre de liaison louée de gros spécifiquement adaptée aux opérateurs.
En conséquence, l’Autorité estime que la prestation de liaison louée de transport, telle que demandée par la société Outremer Télécom, est justifiée.
Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les demandes de la société Outremer Télécom ont pour finalité de fournir une capacité de transport entre la Réunion et la Métropole.
Il ressort également des pièces du dossier que la société Outremer Télécom indique dans sa saisine que la prestation d’IRU apparaît comme « une alternative intéressante à la location des liaisons louées ». Elle admet également dans ses observations en réplique du 19 février que « la demande d’IRU ne se distingue de la fourniture d’autres capacités du réseau de France Télécom, en particulier de la fourniture de liaisons louées, qu’en ce qui concerne les modalités financières et la qualité des droits accordés ».
Ainsi, il ressort des éléments échangés dans le cadre de la procédure que l’offre de liaison louée de transport et la fourniture d’IRU apparaissent en l’état comme substituables pour la société Outremer Télécom
Dans ses écritures, si la société Outremer Télécom a démontré le caractère justifié de sa demande globale de capacité de transport, elle n’apporte aucun élément suffisamment probant pour justifier que ces deux prestations fournies de façon cumulatives et simultanées apparaissent nécessaires pour répondre à ses besoins.
Ainsi, au regard des pièces du dossier, l’Autorité constate que la société Outremer Télécom ne démontre pas en quoi la prestation d IRU, fournie de manière cumulative et simultanée avec l’offre de liaison louée de transport, est justifiée pour répondre à ses besoins.
En conséquence, l’Autorité considère que le caractère justifié de la prestation d’IRU, c’est à dire la non substituabilité pour Outremer Télécom de cette prestation par rapport à l’offre de liaison louée de transport, n’a pas été démontré par Outremer Télécom.
Concernant la fourniture d’IRU entre la Réunion et la Métropole, l’Autorité souhaite expliciter sa compréhension de la prestation d’IRU et les principes sous-jacents :
- l’offre d’IRU s’entend comme la mise en place de capacités entre la station d’atterrissement du câble SAT3/WASC/SAFE à La Réunion et celle du câble SEA/ME/WE à Penmarch.
Afin de pouvoir être utilisée par les opérateurs, cette prestation doit être complétée par des offres de backhaul, par exemple entre la station d’atterrissement et un centre de brassage où sont disponibles des offres de liaisons d’aboutement à Saint-Denis à La Réunion d’une part, et entre la station d’atterrissement de Penmarch et un centre de brassage où sont disponibles des offres de liaisons d’aboutement en métropole à Paris d’autre part.
- L’Autorité considère que la vente d’un IRU sur le câble sous-marin transfère une partie du risque de l’investissement du vendeur vers l’acquéreur de l’IRU. Ce transfert est plus important que dans le cas d’une location de liaison louée, pour laquelle l’opérateur qui achète la prestation ne supporte pas le risque lié à un accident sur le câble. L’Autorité estime donc que le coût de fourniture d’un IRU ne devrait pas être supérieur aux coûts actualisés de fourniture du segment de liaison louée correspondant, de même débit et durant la période considérée.
Les coûts utilisés comme référence, qui sont les coûts annuels actualisés de fourniture d’une liaison louée sur la période de validité de l’IRU, doivent par ailleurs être cohérents avec les coûts résultant du modèle décrit ci-dessous, en tenant compte notamment de l’augmentation anticipée de la bande passante utilisée sur le câble.
3. Sur la demande d’Outremer Télécom relative à la fourniture d’une offre de liaison louée entre la Réunion et la Métropole
3.1 Sur le principe
Il résulte des dispositions de l’article L. 34-8 et du caractère justifié de la demande d’Outremer Télécom étudié ci-avant, que la demande d’interconnexion d’Outremer Télécom ne peut être refusée. En outre, sur le fondement de ce même article, l’offre de liaison louée de transport doit donner lieu à une rémunération de l’usage effectif du réseau de transport, reflétant les coûts du service rendu.
3.2 Sur l’architecture technique
Il ressort de la description de l’architecture technique présentée par France Télécom dans sa réponse au premier questionnaire que les sites à partir desquels elle construit son offre de détail sont situés à La Réunion sur l’anneau réunionnais (Saint-Paul, Saint-Denis, Saint- Benoît et Saint-Pierre) et à Paris sur le réseau sectoriel (site de Saint Amand notamment).
Par ailleurs, dans le cadre d’une offre de liaison louée de transport, il apparaît que les points d’interconnexion devront être des centres de brassage où sont disponibles des offres de liaisons d’aboutement, afin de permettre aux opérateurs, clients de l’offre de liaison louée de transport, d’interconnecter cet élément de réseau au reste de leur réseau.
Il résulte de ces deux observations que les points d’interconnexion pertinents pour l’offre de liaison louée de transport entre la Réunion et la métropole sont :
- un site France Télécom ouvert à l’interconnexion et dans lequel est disponible un service d’aboutement de liaisons louées à Saint-Denis de La Réunion ;
- un site France Télécom ouvert à l’interconnexion et dans lequel est disponible un service d’aboutement de liaisons louées à Paris.
Contrairement à l’offre Transfix déjà disponible à la Réunion, les points d’extrémité de l’offre de liaison louée de transport (LLT) sont donc fixes et constituent des points de présence du réseau de France Télécom. L’architecture des deux offres est décrite dans le schéma ci- dessous.
Par ailleurs, Outremer Télécom demande que la prestation de LLT soit fournie à partir d’un câble sous-marin, et non d’une liaison satellite, les caractéristiques techniques du câble étant plus favorables à son activité, notamment en termes de temps de réponse et de disponibilité. L’Autorité considère que les caractéristiques techniques du câble et du satellite sont effectivement différentes, et que France Télécom doit donc s’engager à faire reposer son offre sur un câble sous-marin atterrissant à la Réunion.
Enfin, l’Autorité estime que l’offre de France Télécom n’a pas en 2004 à être sécurisée par une liaison satellite, l’architecture technique en boucle du câble sous-marin assurant déjà une sécurisation suffisante. Cette analyse est confortée par les écritures de France Télécom qui prévoient la suppression de cette sécurisation.
3.3 Sur les modèles de coûts présentés par les parties
Les parties ont présenté dans le cadre de ce règlement de différend deux modélisations qui amènent à des résultats sensiblement différents :
- la société Outremer Télécom a fourni à l’appui de sa demande une modélisation réalisée par un cabinet de consultant, qui établit un coût de 1550 euros par Mbit/s et par mois en 2003 pour une liaison louée. Ce coût est de 1272 euros par Mbit/s et par mois en 2004.
- la société France Télécom, a modifié des hypothèses du modèle proposé par la société Outremer Télécom, et a par ailleurs fourni ses propres estimations de coûts, qui s’établissent au niveau de […] par Mbit/s et par mois pour une liaison louée. Il est à noter que ce coût recouvre une prestation plus large que celle modélisée par Outremer Télécom, incluant notamment des parties terrestres.
Si les hypothèses de calcul et les méthodes utilisées par la société Outremer Télécom au soutien de sa demande ont pu faire l’objet de débats contradictoires entre les parties, puisque le modèle complet a été communiqué et a pu être commenté par France Télécom, l’Autorité note que France Télécom s’est limitée à fournir les coûts de différents tronçons de la prestation en question, sans aucunement justifier de leur niveau ni expliciter la formation de ces coûts, et ce, alors même que lui incombait la charge de la preuve de ses tarifs.
En effet, en vertu des dispositions du paragraphes III de l’article L. 34-8, les tarifs relatifs aux prestations d’interconnexion de France Télécom, en tant qu’opérateur figurant sur la liste établie en application des a) et b) du 7° de l’article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, doivent donner lieu à donner lieu à une rémunération de l’usage effectif du réseau de transport, reflétant les coûts du service rendu. Dans ces conditions, France Télécom est tenue de justifier que chacun de ces tarifs proposés en l’espèce respectent ce principe, conformément tant aux dispositions de l’article 7§2 de la directive n° 97/33/CE du 30 juin 1997 susvisée qu’à celles de l’article 13§3 de la directive n° 2002/19 susvisée.
L’Autorité rappelle que l’article 7§2 de la directive n° 97/33 prévoit que « La charge de la preuve que les redevances sont déterminées en fonction des coûts réels, y compris un rendement raisonnable des investissement, incombe à l’organisme qui fournit l’interconnexion avec ses installations ». En outre, elle relève également que l’article 13§3 de la directive n° 2002/19 précitée dispose que « Lorsqu’une entreprise est soumise à une obligation des prix en fonction des coûts, c’est à elle qu’il incombe de prouver que les redevances sont déterminées en fonction des coûts, en tenant compte d’un retour sur investissement raisonnable ».
3.4 Sur la méthode des CMILT
L’Autorité a pris en compte les observations des parties visant à établir le niveau des coûts des prestations en question.
L’Autorité note cependant que la démarche retenue pour l’établissement des coûts ne s’inscrit pas dans une logique de type CMILT contrairement à ce qui est soutenu par Outremer Télécom. En effet, les évaluations retenues :
- ne se fondent pas sur la définition d’un incrément de service, mais bien sur une l’allocation d’un coût entre tous les produits ;
- ne se fondent pas sur des optimisations d’architecture, ni sur les coûts actuels des meilleures technologies disponibles, mais bien sur les investissements effectivement consentis pour le cas particulier des infrastructures étudiées à la date de leur réalisation.
Les coûts ainsi déterminés ne sont pas des coûts CMILT, mais bien une approximation des coûts effectivement supportés par l’opérateur historique pour le cas particulier des prestations litigieuses.
L’Autorité note cependant, conformément aux écritures de France Télécom, que l’âge récent du câble en question tend à diminuer les écarts qui peuvent exister entre une méthode fondée sur des coûts historiques et une méthode fondée sur des coûts prospectifs.
3.5 Sur la dimension temporelle des coûts évalués
a. Concernant la méthode d’amortissement retenue
L’Autorité observe que l’annualisation du coût d’investissement initial repose sur la méthode des coûts de remplacement, qui prend en compte le renouvellement à l’infini des infrastructures.
Cette méthode est favorable à France Télécom et permet de prendre en compte non pas le coût unique de l’infrastructure disponible aujourd’hui, mais également son remplacement régulier lorsqu’elle sera amortie.
Cette méthode utilisée par Outremer Télécom dans sa modélisation n’est pas contestée par France Télécom, et a été reprise par l’Autorité dans ses évaluations.
b. Concernant le calcul année par année des coûts
L’Autorité note que France Télécom procède à une tarification des prestations qui fait supporter le coût de la phase de démarrage du service aux acheteurs de la prestation.
Cette méthode, qui induit une très forte dégressivité des coûts en fonction de l’augmentation du taux de remplissage des équipements, ne semble pas à même de fournir un signal économique cohérent pour les opérateurs concurrents qui achètent la prestation.
En effet, elle risque de constituer un frein à l’entrée susceptible de retarder l’arrivée de la concurrence sur des marchés en développement. Les tarifs ainsi calculés par France Télécom sont élevés dans la phase de démarrage du service. Cette situation est d’autant plus regrettable que les années à venir seront déterminantes pour le développement du marché du haut débit.
Pourtant, l’Autorité observe que la modélisation proposée par Outremer Télécom repose sur ce même principe.
L’Autorité a ainsi fondé ses propres estimations sur ce principe de recouvrement des coûts, sans le remettre en cause à ce stade.
3.6 Sur les principales hypothèses retenues
Les hypothèses présentées sont celles qui ont été retenues par l’Autorité pour le calcul du coût des prestations demandées par Outremer Télécom. Elles proviennent des mémoires échangés par les plaignants et de l’audience devant le Collège de l’Autorité.
- La modélisation présentée par Outremer Télécom et séparant les câbles SAT3/WASC et SAFE n’a pas été retenue par l’Autorité. En effet, comme le fait remarquer France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire, SAT3/WASC/SAFE est une seule et même infrastructure gouvernée par un seul et même accord. La modélisation retenue porte donc sur l’intégralité du câble SAT3/WASC/SAFE.
- Les montants des investissements de France Télécom ont été donnés par celle-ci dans sa réponse au deuxième questionnaire et dans ses nouvelles observations en défense du 4 mars 2004. Ils sont de 3 millions de USD pour la station d’atterrissement à la Réunion, et de 50 millions de USD pour le câble. La capacité totale du câble étant de 120 Gbit/s ou 130 Gbit/s selon les tronçons, la capacité totale disponible pour France Télécom est a minima de 9,2 Gbit/s, par proportionnalité avec l’investissement engagé. L’Autorité a retenu ce chiffre dans le cadre de la présente demande de règlement de différend, bien qu’il soit probable que la capacité allouée à France Télécom soit en réalité supérieure, France Télécom étant le premier actionnaire du consortium.
- Le coût du capital utilisé par France Télécom est de 14,3%, d’après ses réactions au modèle de coût présenté par Outremer Télécom.
Les coûts opérationnels retenus par l’Autorité sont ceux déclarés par France Télécom dans ses réactions au modèle de coût. Ils sont de 10% de l’investissement initial et de 20% du montant de l’amortissement annuel. Ces chiffres n’ont pas été justifiés par France Télécom, mais paraissent les plus fiables à ce stade.
- Les hypothèses de durée de vie et de remplissage du câble SAT3/WASC/SAFE ont été communiquées par France Télécom au cours de l’audience. France Télécom prévoit que le câble sera saturé dans 11 ans si son remplissage se poursuit au rythme actuel. L’hypothèse de remplissage retenue est donc une croissance linéaire du trafic sur le câble jusqu’à saturation.
[…]
[…]
- Le pourcentage du câble utilisé pour la liaison Réunion-Métropole est de […]. Il est obtenu en comptant une utilisation à […] de la partie SAT3/WASC entre le Portugal et l’Afrique du Sud, et à […] du câble SAFE, conformément aux données fournies par France Télécom sur la matrice de distance du consortium dans sa réaction au modèle de coût pour une liaison de la Réunion vers l’Afrique du Sud.
[…]
- Les hypothèses de consommation à la Réunion retenues sont celles communiquées par France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire et dans ses réactions au modèle de coût présenté par Outremer Télécom. A défaut de réponse de France Télécom, les données utilisées sont celles fournies dans le modèle de coût et que France Télécom n’a pas contestées.
La capacité réservée sur le câble par utilisateur a été communiquée par France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire. Elle est de 0,75 kbit/s par abonné RTC et de 22,5 kbit/s par abonné ADSL.
[…]
[…]
[…]
[…]
[…]
- Les taux de remplissage utilisés sont ceux communiqués par France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire. France Télécom n’ayant pas communiqué le taux de remplissage des STM1 en bande passante « paquets » pour le câble SAT3/WASC/SAFE, ce taux a été calculé à partir du taux « tous supports de transmission » en appliquant le ratio correspondant fourni pour les liaisons louées. Ces chiffres n’ont pas été justifiés pleinement par France Télécom, mais paraissent les plus fiables à ce stade.
[…]
[…]
[…]
- Concernant les coûts associés au transport du trafic entre le Portugal et Penmarch, par le câble SEA-ME-WE, l’Autorité a appliqué le coût linéaire de transport du câble SAT3/WASC/SAFE sur la distance considérée. Cette modélisation est favorable à France Télécom, car le trafic sur cette partie de SEA-ME-WE est supérieur au trafic moyen sur SAT3/WASC/SAFE, les coûts associés sont donc inférieurs. Le coût retenu pour cette portion du trajet est de 40 euros par mois et par Mbit/s.
- Concernant les coûts de la partie terrestre de la LLT comprise entre Penmarch et Paris, l’Autorité a retenu l’hypothèse de France Télécom présentée dans son modèle, transmis à l’occasion de ses réponses au deuxième questionnaire du rapporteur, et conformément à la description de l’architecture technique du réseau fournie par France Télécom dans ses réponses au premier questionnaire, c’est-à-dire un coût de 3 200 euros par an pour un équivalent 2 Mbit/s, soit 133 euros par Mbit/s et par mois.
- Concernant les coûts de la partie terrestre de la LLT comprise entre la station d’atterrissement à Saint-Paul et Le Port, France Télécom et Outremer Télécom n’ont pas fourni d’estimation des coûts associés. En l’absence d’éléments, l’Autorité considère qu’une liaison louée sur ce segment ne peut présenter un coût supérieur à celui d’une liaison louée d’aboutement, dont le tarif est fixé au catalogue d’interconnexion, soit 140,4 euros par mois et par Mbit/s, sur la base d’une liaison de 2 Mbit/s de 28 kilomètres.
3.7 Evaluation du coût de transport
L’Autorité a réalisé ses propres estimations des coûts liés à l’utilisation du câble SAT3/WASC/SAFE, à partir des observations des parties et des hypothèses décrites ci-avant.
Pour la station d’atterrissement, les coûts et les trafics à prendre en compte sont les suivants :
L’Autorité estime donc que le coût du transport sur le câble SAT3/WASC/SAFE est de 574 euros par Mbit/s en 2004. En tenant compte de l’ensemble des segments de réseau qui sont utilisés pour fournir l’offre de LLT décrite par la présente décision, le coût de cette prestation est donc de 887 euros par mois et par Mbit/s.
Dans ces conditions, l’Autorité étant liée par la demande de la société Outremer Télécom, France Télécom devra faire droit à la demande de celle-ci concernant la fixation d’un tarif de la prestation LLT à 1 550 euros par Mbit/s et par mois.
3.8 Sur les frais d’accès au service
Les frais d’accès au service sont un élément de la tarification de l’offre de liaison louée de transport. Il revient donc à l’Autorité, aux termes de l’article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, de préciser les conditions de fixation de leur tarif, dès lors que cette offre constitue une prestation d’interconnexion.
Il résulte de ce qui précède que les frais d’accès au service de l’offre de liaison louée de transport sont ceux d’une offre de gros et qu’ils doivent être orientés vers les coûts. En effet, dès lors que l’ensemble de l’offre est soumise à l’orientation vers les coûts, que la partie récurrente du tarif est fixée dans le respect de ce principe, il doit en aller de même pour les frais d’accès au service.
Outremer Télécom demande à l’Autorité de fixer les tarifs des frais d’accès au service pour l’offre de liaisons louées au niveau des frais d’accès au service définis au catalogue d’interconnexion.
La prestation de gros définie par la présente décision repose sur trois tronçons principaux :
- un backhaul en métropole entre la station d’atterrissement et le point de livraison ;
- une capacité à fournir par France Télécom au sein de la capacité dont elle dispose déjà entre les stations d’atterrissement à La Réunion et à Penmarch ;
- un backhaul à La Réunion entre la station d’atterrissement et le point de livraison.
Cette architecture n’implique un raccordement entre le client et France Télécom qu’en deux points, tous deux situés dans des bâtiments France Télécom. En effet, seuls les deux brasseurs d’extrémité de l’offre doivent être configurés, les brasseurs ou stations d’atterrissement traversés n’étant pas impactés par la création de l’offre de liaison louée de transport. Chacun de ces raccordements est semblable à celui opéré dans le cas d’une liaison d’aboutement. La mise en service de la LLT est donc comparable à la mise en service de deux liaisons d’aboutement.
En l’absence de toute justification de ses coûts de la part de France Télécom, l’Autorité estime que les frais d’accès au service pour l’offre de liaison louée de transport ne pourront excéder le coût de mise en service de deux liaisons d’aboutement.
Pour des débits de 2 Mbit/s, le tarif des frais d’accès au service pour une liaison d’aboutement est de 1 959 euros. Pour des débits supérieurs, le tarif des frais d’accès au service devra également être cohérent avec le tarif des frais d’accès au service des liaisons d’aboutement à 155 Mbit/s, à savoir 4 035 euros.
Par ailleurs, les opérateurs pourront utiliser des offres de liaisons d’aboutement définies au catalogue d’interconnexion pour le raccordement de cette liaison louée de transport à leur réseau. Les frais d’accès au service de ces liaisons louées utilisées pour le raccordement sont déjà définis au catalogue d’interconnexion.
décide :
article 1 : France Télécom devra proposer à Outremer Télécom un service d’interconnexion de liaison louée de transport entre un site France Télécom ouvert à l’interconnexion et dans lequel est disponible un service d’aboutement de liaisons louées à Saint-Denis de La Réunion et un site France Télécom ouvert à l’interconnexion et dans lequel est disponible un service d’aboutement de liaisons louées à Paris, au tarif de 1550 euros mensuels par Mbit/s, en vue de la signature d’une convention d’interconnexion quatre semaines au plus tard après la notification de la présente décision. Les frais d’accès au service de cette offre devront refléter les coûts de mise en service de la prestation.
article 2 : Le surplus des conclusions présentées par les sociétés Outremer Télécom et France Télécom est rejeté.
article 3 : Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Outremer Télécom et France Télécom la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi et publiée au Journal officiel de la République Française.