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Décisions

ART, 4 mai 2004, n° 04-375

ART (DEVENUE L'ARCEP)

se prononçant sur un différend opposant Mobius à France Télécom

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Champsaur

Avocat :

Me Dupuis-Toubol

ART n° 04-375

3 mai 2004

L’Autorité de régulation des  télécommunications,

Vu la directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil du 30  juin  1997  relative à l’interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d’assurer un  service universel et l’interopérabilité par l’application des principes de fourniture  d’un  réseau ouvert (ONP) ;

Vu la directive 98/10/CE du Parlement Européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement Européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;

Vu la directive 2002/19/CE du Parlement Européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées , ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L.34-8, L.36-8 et R. 11-1 ;

Vu la décision n° 99-528 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date   du 18 juin 1999 modifiée portant règlement intérieur ;

Vu l’arrêté du 12 mars 1998 modifié autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

La société Mobius a été autorisée à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public depuis le 13 août 2003 ;

Vu la décision n° 02-593 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juillet 2002 établissant pour 2003 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché des télécommunications ;

Vu la décision n° 02-1191 du 19 décembre 2002 complétant la décision susvisée ;

Vu la décision n° 03-907 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 24 juillet 2003 établissant pour 2004 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché des télécommunications ;

Vu la demande de règlement d’un différend, enregistrée le 5 janvier 2004,  présenté par la société Mobius, RCS de Saint-Denis de la Réunion n° B 432 891 786, dont le siège social est situé 1, rue Théodore Drouhet, ZAC 2000, BP 386 - 97829 Le  Port Cedex, représentée par Maître Frédérique Dupuis-Toubol, Cabinet Bird & Bird, Centre d'affaires Edouard VII - 6, rue Caumartin - 75009 Paris ;

La société Mobius demande à l'Autorité :

- de constater le refus de France Télécom de négocier pour certaines prestations et l'échec des négociations pour les autres prestations,

- de faire injonction à France Télécom de communiquer d'une part, les conventions qui la lient à Wanadoo, Equant et Transpac, en ce qui concerne l'accès aux infrastructures de France Télécom, et d'autre part, le modèle de coûts de France Télécom constitué selon la méthodologie des CMILT pour chacune des prestations demandées par Mobius,

- d'imposer à France Télécom de fournir les services suivants au moyen du câble SAFE avec usage de capacités satellitaires uniquement à des fins de secours :

1. service de transit IP à destination de l'ensemble du réseau Internet au départ de la Réunion à un tarif ne pouvant excéder 1100 euros HT/Mbit/s/mois,

2. de fixer les tarifs des liaisons louées vers la métropole au tarif de 1550 euros HT mensuels par Mbit/s,

3. de fixer le tarif des frais d’accès aux services (FAS) applicables aux deux offres précédentes à un niveau équivalent aux FAS applicables aux liaisons louées du catalogue d'interconnexion en vigueur.

- d'imposer à France Télécom de signer avec Mobius une convention d'interconnexion en conformité avec les dispositions précédentes dans un délai de quatre semaines à compter de la notification de sa décision.

I.  Exposé des faits

1.1.  Présentation de Mobius

Mobius précise d'une part, que depuis le mois d'août 2000 elle propose des services d'accès sécurisé haut débit à Internet aux professionnels de la Réunion, d'autre part, qu'elle est le premier fournisseur d’accès à Internet (FAI) à proposer des connexions SDSL puis GSHDSL normalisées ETSI.

Mobius indique que les transmissions sur le segment de la boucle locale sont assurées via des paires de cuivre nues et dédiées louées à France Télécom, raccordées chez le client au moyen d'un équipement routeur fourni par Mobius et au point de concentration Mobius à ses propres châssis DSLAM concentrateurs d'accès. Mobius souligne que depuis juillet 2003 elle tente de parvenir à un accord d'accès à la boucle locale de France Télécom correspondant à l'architecture actuelle de son réseau et non à la convention type de dégroupage proposée par France Télécom.

1.2.  Présentation du réseau de Mobius

Mobius précise que pour raccorder ses clients à ses Points de Présence Opérateurs (POPs) elle utilise la technologie G.SHDSL. Mobius indique qu'elle a débuté la commercialisation de ses services en 2002 et qu'elle a déployé son activité au moyen de liaisons analogiques dites "LLA M1040", louées à France Télécom en continuité métallique pour raccorder les locaux de ses clients à son POP le plus proche. Mobius rappelle qu'une LLA M1040 de France Télécom, en continuité métallique, est composée de deux extrémités :

- la première reliant le local du client de Mobius au répartiteur de France Télécom,

- la seconde reliant ce même répartiteur au POP de Mobius.

Ces deux extrémités sont reliées entre elles par une jarretière installée par France Télécom dans son répartiteur pour assurer la continuité métallique ; France Télécom utilise cette technologie pour ses propres clients.

  • Sur les demi-liaisons Transfix

Mobius indique qu'elle fournit ses services en utilisant des liaisons Transfix louées à France Télécom ou le réseau commuté avec, au choix des clients, la technologie RTC ou RNIS, Mobius dispose de serveurs d'accès distants capables de recevoir et de traiter ces appels.

  • Sur la collecte du trafic RNIS et RTC

Mobius souligne que ses clients nomades se connectent à son réseau au moyen des technologies RNIS ou RTC en utilisant le réseau de France Télécom et en ayant à leur charge de payer les communications à France Télécom au tarif public.

  • Sur l'interconnexion des POPs de Mobius

Mobius rappelle que son réseau comprend 14 points de concentration situés à proximité des concentrateurs de France Télécom et reliés entre eux par un maillage de liaisons spécialisées numériques (Transfix 2Mb/s) aussi louées à France Télécom.

Mobius indique qu'elle collabore au projet "Gazelle" que développent EDF et le Conseil régional de la Réunion qui permettra aux opérateurs alternatifs de disposer d'un réseau backbone en fibre optique, indépendant du réseau de France Télécom, reliant entre eux tous les POPs de Mobius à compter de 2005.

  • Encapsulage, analyse et qualification du trafic

Mobius souligne que l'ensemble du trafic TCP/IP collecté dans les points de concentration au moyen de châssis DSLAM est routé au sein de son réseau privé, toutes les informations relatives à Internet transitent par le cœur du réseau Mobius : sa salle blanche principale. Mobius précise que cette salle abrite de nombreux matériels interconnectés grâce auxquels elle gère la fourniture du haut débit à ses clients et leur apporte une sécurisation optimale. Mobius indique qu'elle a dupliqué ses principaux équipements dans un local de secours situé dans un lieu géographique distinct et équipé d'un second accès à Internet afin d'assurer une continuité dans la fourniture de ses services.

  • La remontée du trafic vers Internet

Mobius précise que lorsque le trafic Internet est collecté de ses clients vers son réseau, elle doit basculer celui-ci sur le réseau mondial Internet. Pour ce faire, Mobius doit avoir recours à une offre de transport de données longue distance lui permettant d'acheminer le trafic de données de son point de concentration situé à la Réunion via une offre spécifique au transit IP ou via une liaison louée longue distance. Mobius rappelle que ce trafic est livré en métropole puis relié à Internet mondial par Transpac, filiale de France Télécom.

1.3.  Le rôle du groupe France Télécom à la Réunion

Mobius précise que France Télécom intervient à la Réunion sur le marché des communications fixes de détail, sur le marché de la téléphonie et celui des liaisons spécialisées, et qu'elle détient une position quasi-monopolistique sur ces marchés.

Mobius indique que concernant le marché de l'accès à Internet à la Réunion, mi 2002, France Télécom, via Wanadoo, avait conquis 50.000 clients Internet pour son accès bas débit, soit environ 90 % du marché et plus de 5000 abonnés ADSL représentant 97 % de part de marché d'accès à Internet haut débit.

Mobius précise que s'agissant du marché de gros, notamment les prestations proposées aux FAIs et opérateurs se développant dans le secteur de l'Internet, France Télécom propose plusieurs solutions.

Mobius rappelle qu'avant le mois de juin 2002, France Télécom fournissait ses offres de transport longue distance à partir de segments satellitaires et qu'aujourd'hui la majorité de ces offres empruntent l'infrastructure du câble sous-marin SAT-3/WASC/SAFE.

Mobius souligne que malgré les annonces contraires faites par France Télécom en juin 2002, celle-ci n'a pas révisé ses offres de gros pour les opérateurs alternatifs et FAI afin de prendre en compte la mise en place de ce câble sous-marin. Mobius indique qu'elle a dû entamer des négociations commerciales avec France Télécom afin d'obtenir une baisse sensible des tarifs de cette dernière et des engagements de qualité de service correspondant à la nouvelle architecture technique d'acheminement des données via un câble sous-marin.

1.4.  Sur l'échec des négociations

Mobius rappelle que dans un courrier en date du 11 juillet 2003 elle demandait à France Télécom l'ouverture d'une négociation commerciale faisant suite à la mise en service du câble SAFE à la Réunion depuis un an afin d'obtenir un certain nombre d'offre de prestations.

Dans un courrier en date du 29 juillet 2003, France Télécom indiquait que certaines des prestations demandées relevaient de l'interconnexion et étaient réservées à des opérateurs de réseaux, et renvoyait pour les prestations de nature commerciale à l'agence commerciale de la Réunion.

Dans un courrier en date du 2 septembre 2003, Mobius insistait auprès de France Télécom pour disposer dans un délai de 15 jours de propositions précisant les prestations sur lesquelles elle souhaitait obtenir une offre et donnait une prévision de ses besoins en capacité jusqu'en 2006.

Mobius indique que France Télécom, dans un courrier en date du 24 septembre 2003, lui demandait de préciser si ses besoins en termes de transit IP relevaient de la mise en place de réseaux privés virtuels IP avec des partenaires ou de connectivité Internet générale.

Dans un courrier en date du 8 octobre 2003 France Télécom lui adressait une proposition limitée aux offres suivantes :

- une solution de transit IP international sans accès au point de présence de la Réunion, c’est à dire avec un passage obligé par la Métropole pour chaque communication, fût- elle locale ;

- des liaisons louées point à point en circuit complet de 2,34 et 45 Mbit/s entre le POP de Mobius de la Réunion et celui de Paris.

Dans un courrier en date du 4 novembre 2003, Mobius précise qu'après avoir étudié les aspects techniques et tarifaires des offres faites par France Télécom, elle lui faisait part de sa déception sur la proposition et lui demandait d'apporter des  modifications,  notamment  qu'elle :

- revienne sur son refus de négocier pour les demandes relatives à des circuits complets de la Réunion vers l'Afrique du sud, l'Inde et l'Ile Maurice et au titre des IRU ;

- accepte de modifier l'architecture de son offre de transit IP afin de fournir une proposition de transit IP à partir d'un POP IP situé à la Réunion ;

- accepte, tant pour le transit IP que pour les liaisons louées, le principe d'un prix au mégabit qui soit environ 10 fois inférieur au tarif demandé, ainsi q'un tarif réellement orienté vers les coûts pour les FAS.

Mobius souligne que depuis le 4 novembre 2003, France Télécom n'a pas modifié ses offres et s'est contentée de lui faire parvenir par un courrier en date du 23 décembre 2003 ses tarifs d'IRU en demi-circuit sur l'Afrique du Sud, l'Inde et l'Ile Maurice. Au vu de cet échec des négociations, Mobius a saisi l'Autorité.

II.  Exposé des moyens

Mobius rappelle que les prestations qu'elle demande relèvent de l'interconnexion ou/et des prestations d'accès au réseau de France Télécom au sens de l'article L.34-8 du Code des postes et télécommunications. C'est dans ce cadre que Mobius a saisi l'Autorité afin qu'elle précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier devant s'appliquer à ces prestations.

2.1.  Les demandes de Mobius sont légitimes et justifiées

Mobius indique que les câbles sous-marins sont adaptés à des transmissions point à point, tandis que les satellites répondent mieux à des besoins de communication point multipoint. Les capacités disponibles sur ces câbles sous-marins se mesurent en Gbit/s ou en Tbit/s plutôt qu’en Mbit/s pour les satellites. Mobius rappelle que le temps de propagation qui est cinq à six fois plus rapide sur le câble et la montée en débit qui est immédiate rendent cette technologie apte à répondre aux besoins d'acheminement des services d'accès à Internet haut débit, notamment à la Réunion.

  • Sur l'offre de transit IP avec un point de présence local à la Réunion

Mobius considère que cette prestation répond à ses besoins à court terme pour les raisons suivantes :

- un échange local de données entre les abonnés Wanadoo et des sites hébergés par Mobius resterait local sans que les informations aient à faire un aller retour inutile par la métropole ce qui représente un gain important pour la qualité de service et de coût ;

- les capacités utilisées pourraient être mutualisées et bénéficier des créneaux horaires et des capacités libres abaissant ainsi les coûts de production pour l'acheminement de transit IP ;

- une offre d'hébergement de sites web à destination des clients réunionnais par Mobius pourrait être développée dans de meilleurs conditions techniques.

  • Sur les demandes de liaisons louées

Mobius estime que cette prestation permet de répondre à ses besoins :

- les liaisons louées permettent d'acheminer le trafic de Mobius vers le réseau mondial via des prestataires de transit IP de son choix et sans recourir à l'offre de transit IP de France Télécom ;

- les liaisons louées permettent de se relier au réseau Internet mondial via les points de la zone et les fournisseurs compétitifs.

  • Sur la demande d'IRU

Mobius indique que cette prestation ne répond pas à ses besoins à court terme mais elle souhaite en connaître les modalités dans le cadre du développement de ses activités à moyen terme et afin de lui permettre d'apprécier son intérêt à basculer vers une telle offre et d'apprécier les durées d'engagement auxquelles elle peut souscrire pour les solutions répondant à ses besoins à court terme.

  • Sur la demande de demi-circuits

Mobius considère que ces offres permettraient de choisir sur quel segment de transport il est préférable d'utiliser France Télécom ou un autre opérateur.

2.2.  France Télécom dispose de la capacité de satisfaire les demandes de Mobius

Mobius estime que France Télécom dispose de la capacité à satisfaire ses demandes, puisqu’elle dispose de 15 % des capacités globales du câble mis en service au milieu de l'année 2002.

S'agissant de l'ouverture du POP à la Réunion, Mobius considère que ce POP est déjà ouvert au bénéfice de Wanadoo, Transpac et d'autres filiales de France Télécom et il n'y a pas de raison de ne pas mettre cet équipement à disposition d'autres FAI indépendamment de l'usage ou non des prestations de France Télécom sur la partie boucle locale, comme c'est le cas en Martinique pour son offre Opentransit IP qui comprend l'accès à un POP IP local ouvert pour Wanadoo et pour les autres FAI.

Mobius souhaite donc que France Télécom revoit les conditions de son offre Opentransit IP afin d'ouvrir au bénéfice de Mobius l'accès à un POP IP situé à la Réunion à un tarif orienté vers les coûts et dans des conditions non discriminatoires par rapport à celles faites à Wanadoo.

2.3.  Les tarifs de France Télécom ne sont pas orientés vers les coûts

  • Les principes devant être respectés dans la fixation des tarifs de France Télécom Mobius indique que France Télécom est tenue de justifier que chacun des tarifs proposés respecte le principe d'orientation vers les coûts, conformément à l'article 7-2 de la directive 97/33/CE « Interconnexion » et à l'article 13-3 de la directive 2002/19/CE « Accès ».

Mobius constate qu’au cas d’espèce France Télécom n'a fourni aucun élément attestant de ses coûts.

Elle précise qu’à défaut de fournir de tels éléments dans le cadre du présent litige, l’Autorité pourra légitimement se fonder sur les éléments de comparaison et sur les différentes incohérences entre les tarifs de France Télécom pour imposer à cette dernière de réduire ses tarifs, conformément aux demandes présentées par Mobius.

Mobius rappelle que dans la perspective de la production par France Télécom de ses coûts, ceux-ci doivent être examinés à l'aune de la méthode des coûts moyens incrémentaux à long terme désignée "CMILT". Elle estime que cette méthode présente l'avantage de favoriser la dynamique du marché de l'Internet qui connaît une grande élasticité aux prix et qui peut, à la Réunion, connaître une croissance rapide et soutenue si les prix d'accès au service Internet à haut débit diminuent rapidement.

  • Sur le caractère exorbitant des coûts de France Télécom

Afin de démontrer le caractère exorbitant des coûts, Mobius a comparé les tarifs proposés par France Télécom à ceux pratiqués tant par France Télécom que par d’autres acteurs (Mauritius Télécom, Flag Télécom) pour des prestations analogues dans d’autres zones que la Réunion.

En outre, Mobius indique qu’elle observe des incohérences de tarifs de la proposition faite par France Télécom attestant de leur caractère non orienté vers les coûts tant au regard des tarifs de détail pratiqués par France Télécom, qu'en fonction des différences de tarifs selon le volume commandé à France Télécom et les distances parcourues.

- des incohérences au regard des tarifs de détail

Mobius estime que la proposition de France Télécom, s'agissant des FAS tant de l'offre de transit IP que pour les liaisons louées est identique aux FAS facturés à des clients finals non opérateurs via l'offre commerciale de France Télécom et sont donc loin d’être orientées vers les coûts. Elle précise que l’offre faite à Mobius, pour les liaisons louées, comporte des FAS de 4.400 euros pour une liaison louée 2Mbit/s, prix pratiqués aux usagers finals alors que le catalogue d’interconnexion prévoit des FAS d’un montant de 832,80 euros pour une même liaison, soit plus de 5 fois inférieur.

Mobius demande à l'Autorité de dire que le tarif des FAS applicables tant à l'offre de liaison louée qu'à l'offre de transit IP devra être égal au tarif des FAS des liaisons louées tel que figurant dans le catalogue d'interconnexion en cours.

- des incohérences au regard des volumes

Mobius indique que l'achat et la mise en service de capacités sur le câble sous-marin se fait au niveau d'affluents E3/DS3 ou STM1 mais que le taux de remplissage de telles capacités est toujours élevé. Le niveau de sur-cote pour un lien de faible capacité ne devrait donc pas excéder 10 % dans le cadre d'une orientation vers les coûts, or les chiffres proposés par  France Télécom sont bien différents.

En outre, Mobius estime qu’il y a des incohérences au regard des distances.

Dans ces conditions, Mobius considère que ces multiples incohérences confirment que les tarifs proposés par France Télécom ne sont pas orientés vers les coûts et Mobius est dès lors légitime à solliciter que l'Autorité fixe les tarifs de France Télécom selon ses propositions.

2.4.  Sur le respect du principe de non discrimination

Mobius, se fondant sur l’article L.34-8 du code des postes et télécommunications et les directives n° 97/33 et n° 2002/19, considère que France Télécom est tenue de lui offrir des services d'accès dans des conditions non discriminatoires notamment par rapport à celles consenties à d'autres entités du groupe France Télécom tel que Wanadoo.

Or, Mobius constate les éléments suivants dans les prestations liées au transit IP :

- les échanges entre Wanadoo et Transpac se font localement ce qui implique que Wanadoo ne soit pas client de l'offre "collecte IP/ADSL nationale y compris DOM" mais d'une offre de collecte IP/ADSL régionale ;

- les tarifs des offres de transit Oléane, Opentransit et des liaisons louées vers la métropole proposées par France Télécom à la Réunion sont incompatibles avec les tarifs au client final pratiqués par Wanadoo.

Ainsi, Mobius demande à l’Autorité de veiller à ce qu’elle puisse bénéficier d'offres qui ne soient pas moins favorables que celles dont bénéficient les filiales de France Télécom, tant en termes de solutions techniques mises en œuvre, que de tarifs. Il appartiendra donc à l’Autorité de demander à France Télécom communication de la convention la liant à Wanadoo, Equant et Transpac.

Vu la lettre du chef du service juridique de l’Autorité en date du 13 janvier 2004 communiquant aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et le nom des rapporteurs ;

Vu la lettre de l'adjoint au chef du service juridique en date du 23 janvier  2004 adressant un questionnaire aux parties et fixant au 12 février 2004 la date de clôture de  remise des réponses ;

Vu les observations en défense enregistrées le 4 février 2004 présentées par la société France Télécom, RCS Paris n° 380.129.866 Paris, dont le siège social est situé 6, place d'Alleray - 75505 Paris cedex 15, représentée par M. Jacques Champeaux, Secrétaire général ;

Introduction

  • Sur le câble SAFE

France Télécom rappelle que l'accord de construction et de maintenance du câble SAFE a été signé en juin 1999 et qu'à cette date le secteur des télécommunications était déjà ouvert à la concurrence. Elle indique que tout opérateur pouvait rejoindre le consortium du câble afin de relier la Réunion à la Métropole mais que seule France Télécom a jugé bon de le faire.

France Télécom précise qu'elle a investi 96 millions de USD dans le SAFE,  ce  qui  représente 15 % de ce système, et qu'elle a été le premier investisseur dans le câble SAFE et regrette que d'autres opérateurs français n'aient pas fait le choix d'investir.

France Télécom estime que la véritable concurrence pour le bénéfice des consommateurs ne peut s'effectuer que par la présence d'opérateurs qui investissent et non au travers d’une concurrence artificielle. France Télécom rappelle que l'investissement minimal sur le câble SAT3/WASC/SAFE était fixé à […] pour un demi-circuit de 2 Mbit/s entre Saint-Paul de la Réunion et Bay Jacotet, à Maurice.

  • Sur la difficulté d'appréhender les besoins et les demandes de Mobius

France Télécom indique que le 11 juillet 2003, Mobius a souhaité bénéficier de cinq prestations sans qualifier ses besoins en indiquant sa volonté de prioriser certaines d'entre elles. France Télécom constate que dans sa saisine, Mobius ne fait état que de quatre de ses demandes en indiquant pour la demande d'IRU que cette prestation ne répond pas "à ses besoins à court terme", or le 2 septembre 2003, Mobius classait cette demande parmi ses besoins prioritaires.

Dans ces conditions, France Télécom note qu’au final la demande d’IRU ainsi que celle relative aux demi-circuits ne font pas partie de la saisine de Mobius.

I.  Sur l'absence d'échec des négociations

France Télécom indique que dans un courrier du 11 juillet 2003, Mobius a souhaité bénéficier en recourant à des capacités sur le câble SAFE, des prestations suivantes :

- acquisition de droits irrévocables d'usage IRU sur les capacités disponibles du câble sous marin SAFE en circuit complet et demi-circuit vers la France métropolitaine, l'Ile Maurice, l'Afrique du sud, l'Inde ;

- services de liaisons de "backhaul" prolongeant les têtes de câble sous-marin en métropole et à la Réunion ;

- services de liaisons louées en circuit complet et demi-circuit vers la France métropolitaine, l'Ile Maurice, l'Afrique du sud et l'Inde ;

- services de transmission de données ATM ou Frame Relay vers la France métropolitaine, l'Ile Maurice, l'Afrique du sud et l'Inde ;

- offres de transit IP.

France Télécom précise que les prestations demandées par Mobius étaient distinctes, certaines relevaient de l'interconnexion et à ce titre, ne pouvaient être offertes qu'à des opérateurs de réseaux munis d'une autorisation, les autres étaient de nature commerciale, pouvant être offertes à tout demandeur sans distinction de statut.

Le 29 juillet 2003, France Télécom a donc invité Mobius à solliciter l'Autorité afin d'obtenir le statut d'opérateur.

France Télécom indique que le 2 septembre 2003, Mobius lui a fait part de son statut d'opérateur et a transmis son récépissé de déclaration auprès de l'Autorité. France Télécom précise que dans ce même courrier Mobius a indiqué sans les préciser ses besoins prioritaires tant au niveau des capacités souhaitées que du planning prévisionnel envisagé. France Télécom précise que le 24 septembre 2003 elle a rappelé à Mobius l'imprécision de sa demande relative au transit IP.

France Télécom souligne que dans un courrier en date du 5 octobre 2003, Mobius indiquait que s'agissant de la capacité sur le câble SAFE notamment de la prestation de transit IP, que cette question n'était pas à l'ordre du jour.

France Télécom précise que le 8 octobre 2003 elle a proposé à Mobius dans le cadre d'offres commerciales, une solution de transit IP internationale (offre Open Transit Internet) et une solution de base de liaisons louées point à point en circuit complet entre les POPs de Mobius situés sur l'île de la Réunion et à Paris. France Télécom indique qu'elle offrait en outre, pour des engagements de 10 et 15 ans, un montage financier spécifique consistant en une remise supplémentaire sur les tarifs catalogue de la liaison louée à 2 Mbit/s et d'un préfinancement pour les capacités de débit supérieur ou égal à 34 Mbit/s entre les POPs de l'île de la Réunion et de Paris.

France Télécom indique que le 4 novembre 2003, Mobius a estimé que France Télécom ne lui avait pas répondu sur les propositions d'IRU et de liaisons louées entre la Réunion et l'Afrique du sud, l'Inde et l'Ile Maurice ; que l'offre commerciale de transit IP de France Télécom était insatisfaisante du point de vue technique car elle ne répondait pas à ses besoins ; que les offres commerciales de transit IP et de liaisons louées ne respectaient pas le principe d'orientation vers les coûts.

France Télécom précise que le 23 décembre 2003 elle a complété ses propositions du 8 octobre 2003 en confirmant sa volonté d'étudier la réponse au besoin de Mobius dans les limites des ressources disponibles sur son réseau. France Télécom indique que, dans ce courrier, elle réitérait son offre de liaisons louées entre la métropole et les DOM et informait Mobius qu'elle ne possédait pas de réseau ni de licence en Afrique du sud, en Inde et à l'Ile Maurice, et qu'en conséquence Mobius devait lui fournir, liaison par liaison, l'adresse des deux extrémités afin de lancer l'étude de faisabilité et la tarification associée pour la fourniture de liaisons louées internationales en collaboration avec les opérateurs de l'Ile Maurice, d'Inde et d'Afrique du sud.

France Télécom estime donc qu'aucun refus de négocier ou un échec des négociations ne peut lui être imputé et qu’en conséquence la saisine de Mobius ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l'article L.36-8 du code des postes et télécommunications.

II.  Sur l'irrecevabilité de la demande de liaisons louées

France Télécom indique que Mobius ne peut soutenir que l'offre de liaisons louées constitue une prestation d’interconnexion et/ou d'accès au sens de l'article L.34-8 IV du code des postes et télécommunications et entre ainsi dans le champ des demandes pouvant être soumises à l’Autorité dans le cadre de la procédure de règlement de différend prévue à l’article L.36-8 du code des postes et télécommunications.

  • L'offre de liaisons louées ne constitue pas une offre d'interconnexion

France Télécom rappelle que tout service de télécommunications fourni à un opérateur ne peut être considéré comme une prestation d'interconnexion et que cette qualification ne dépend pas que de la qualité juridique des personnes qui fournissent et utilisent mais aussi de l'usage qui en est fait. France Télécom estime que Mobius ne peut affirmer que l'offre de liaison louée qu'elle sollicite entre dans le champ de l'interconnexion.

S'agissant du trafic commuté, France Télécom indique qu'il ne s'agit pas du trafic de bout en bout entre deux utilisateurs finals mais d'offrir l'accès à des commutateurs afin de permettre à un opérateur de fournir le service téléphonique à des utilisateurs. Concernant les liaisons louées, France Télécom souligne qu'il ne s'agit pas de livrer un produit fini mais de fournir aux opérateurs un service d'interconnexion de liaison louée aux fins de la fourniture de services de liaisons louées de bout en bout. France Télécom rappelle que l'article D. 99-16 du code des postes et télécommunications détaille le contenu des catalogues d'interconnexion et que la Commission européenne a publié le 24 novembre 1999 une recommandation portant sur l'interconnexion des lignes louées. France Télécom précise que la Commission a indiqué que l'interconnexion de lignes louées correspond "à la fourniture et l'interconnexion de circuits partiels de lignes louées" et définit les circuits partiels de lignes louées comme "des circuits reliant les installations du client au point d'interconnexion".

  • L'offre de liaisons louées ne constitue pas une offre d'accès au sens de l'article L.34- 8 du code des postes et télécommunications

France Télécom indique que Mobius ne peut prétendre que l'offre de liaisons louées constitue une prestation d'accès au réseau au sens de l'article L.34-8 du code des postes et télécommunications.

France Télécom rappelle la définition donnée par l'article R. 9 du code des postes et télécommunications qui est contraire à la notion d'accès qui sous-entend l'accès à des  éléments de réseau ou à des ressources de ce dernier ce qui n'est pas ici le cas puisque les extrémités d'une liaison louée sont constituées par des points de terminaison de réseau. . Elle souhaite rappeler que dans le cadre de l'analyse des marchés menée par l'Autorité, celle-ci classe le marché "des liaisons louées 2 fils, 4 fils, 64 Kbit/s, 2 Mbit/s" parmi les "offres de détail" et non dans la catégorie des "offres d'interconnexion ou d'accès".

Dans ces conditions, France Télécom estime que la demande de Mobius relative aux liaisons louées ne constitue ni une offre d'interconnexion ni une offre d'accès au réseau au sens de l'article L.34-8 du code des postes et télécommunications et que cette demande ne remplit pas les conditions de recevabilité de l'article L.36-8 du code des postes et télécommunications.

  • Sur les conditions tarifaires de l'offre de liaisons louées

France Télécom indique que l'offre de liaisons louées sollicitée fait l'objet de la procédure d'homologation des tarifs. Ainsi, elle estime que l'Autorité ne saurait se prononcer sur cette demande relative aux conditions tarifaires de l'offre de liaisons louées Réunion/Métropole dans la présente procédure de règlement de différend sans détourner la procédure d’homologation des tarifs. La décision d’homologuer ou non une offre appartient au Ministre chargé des télécommunications.

En conséquence, France Télécom demande à l'Autorité de se déclarer incompétente pour statuer sur les conditions tarifaires de l'offre de liaisons louées dans le cadre de la présente procédure.

III.  Sur les comparaisons proposées par Mobius

France Télécom estime que Mobius se livre tout au long de la saisine à des affirmations gratuites sans aucune démonstration ainsi qu’à des comparaisons de prix peu sérieuses.

Elle indique que la comparaison faite par Mobius avec la liaison proposée par Flag Télécom entre Londres et l'Inde est inexacte car elle ne comprend pas les backhaul. France Télécom indique que les tarifs proposés par VSNL son de trois millions de USD pour un STM-1. En conséquence, les deux offres ne sont donc manifestement pas comparables. En outre, France Télécom note que le parcours n'est pas le même que celui emprunté par le SAFE puisque la liaison passe par le câble Flag en Mer Rouge.

IV.  Sur le niveau tarifaire de l'offre de liaisons louées

France Télécom indique que conformément à l'article 17 de son cahier des charges ses propositions tarifaires sont "motivées" et "accompagnées des éléments d'informations permettant de les évaluer".

France Télécom rappelle qu'elle n'a pas l'obligation de fournir à Mobius les éléments attestant de ses coûts. S'agissant du niveau tarifaire de cette offre, France Télécom précise que celui-ci reflète les investissements liés au câble SAFE et que l'évolution de son tarif est conforme à la tendance de baisse du coût de la transmission liée à l'utilisation de cette nouvelle technologie. France Télécom rappelle qu'une première baisse de 20 % à 30 % a été effectuée en avril 2003 sur tous les débits de 64 à 2 048 Kbit/s.

France Télécom indique qu'une nouvelle baisse pour l'année 2004 va être soumise dans les prochaines semaines à la procédure d'homologation sur la base des derniers coûts constatés. France Télécom souligne que l'abandon progressif du système de sécurisation des liaisons louées par le satellite entraîne une baisse du tarif de ces liaisons.

France Télécom rappelle que le concept de CMILT fait référence à un contexte très précis et suppose une mise en œuvre longue et complexe. France Télécom estime que la notion de CMILT n'a pas de sens au cas présent, le câble est une infrastructure récente qui pèse dans le coût global de la liaison. Le coût en CMILT et le coût historique sont dans le cas du câble sous-marin comparables.

V.  Sur la demande relative aux FAS

France Télécom indique que les FAS ne sont pas supposés refléter des coûts identifiés comme spécifiques à la fourniture d'un service particulier mais correspondent à un choix du fournisseur entre la partie fixe du tarif et la partie récurrente. France Télécom rappelle que la variable à considérer est la somme des FAS et du tarif du service.

France Télécom précise que la valeur des FAS est désormais la même pour la métropole et les DOM et s'élève à 600 euros pour une extrémité des liaisons louées à 64 Kbps et 128 Kbps, de 1060 euros pour une liaison louée à 256 Kbps, de 1500 euros pour 512 Kbps et de 2200 euros pour une liaison louée à 2 Mbit/s.

En conclusion, France Télécom demande à l'Autorité de déclarer irrecevable la saisine de Mobius. A titre subsidiaire, si l'Autorité devait déclarer la saisine de Mobius recevable, France Télécom demande à l'Autorité de rejeter l'ensemble des demandes de Mobius.

Vu les réponses des parties au questionnaire du rapporteur enregistrées le 12 février 2004 ;

Vu les observations en réplique enregistrées le 18 février 2004 présentées par la société Mobius ;

Mobius indique que les observations de France Télécom portent essentiellement sur la recevabilité de la saisine sans se prononcer sur les tarifs. Mobius souligne que la saisine porte sur les coûts des infrastructures longue distance reliant la Réunion à la métropole qui pénalisent le développement de l'île. Mobius estime qu'une baisse des tarifs serait déterminante pour favoriser le développement de la concurrence sur les services d'accès à Internet à la Réunion.

  • Sur le câble SAFE

Mobius rappelle qu'elle a été créée en août 2000 et qu'elle ne pouvait donc pas investir dans le câble SAFE. Mobius souligne qu'il devrait exister une concurrence sur la commercialisation de capacités sur ce câble dès lors que 36 autres opérateurs en sont copropriétaires. Mobius estime que France Télécom a gelé l'ouverture à la concurrence des capacités longue distance vers et au départ de la Réunion en introduisant à son bénéfice une exclusivité de commercialisation dans l'accord de consortium.

Mobius indique qu'elle a investi sur la mise en place d'équipements permettant une offre d'accès Internet sécurisée pour les entreprises de la Réunion et que la concurrence sur une liaison intercontinentale sous-marine d'une dizaine de milliers de kilomètres ne peut être mise en œuvre que grâce à une utilisation optimale d'une infrastructure commune et ne passe pas par la duplication du câble.

  • Sur les demandes de Mobius

Mobius considère qu'il appartient à France Télécom de lui soumettre des offres en retour des demandes qui lui sont adressées.

I.  Sur l'échec des négociations commerciales

Mobius indique que France Télécom ne peut prétendre qu'il n'y a pas eu échec des négociations commerciales.

Mobius souligne que l'offre de transit IP faite par France Télécom repose sur une architecture inadaptée car elle implique de faire passer le trafic depuis la Réunion vers un POP IP situé à Paris alors que France Télécom dispose d'un POP IP sur place. Mobius indique qu'un tel transit induit des coûts supplémentaires qui ne sont pas nécessaires du fait de la présence du POP IP à la Réunion.

Mobius précise que l'absence de réponses aux demandes de révision des offres de transit IP et de liaisons louées, ainsi que les réponses partielles de France Télécom sur d’autres sujets ne satisfont pas Mobius et doivent s'analyser comme un échec des négociations commerciales.

II.  Sur l'irrecevabilité de la demande relative aux liaisons louées

Mobius observe que France Télécom n'ose pas soutenir que l'offre de transit IP ne constitue pas une offre d'accès et limite ses développements aux liaisons louées.

2.1.  L'offre de liaisons louées constitue une offre d'interconnexion

Mobius indique que l'article D. 99-9 du code des postes et télécommunications ne limite pas à un certain type les liaisons louées relevant des services d'interconnexion. Mobius estime qu'il est incontestable que les liaisons louées utilisées par France Télécom et par elle-même relèvent du régime juridique de l'interconnexion et que c’est à ce titre qu’elle peut saisir l’Autorité d’un règlement de différend. Mobius précise que les références faites par France Télécom à l'article D. 99-16 et à la recommandation de la Commission européenne du 24 novembre 1999 ne sont pas pertinentes. Le fait que les liaisons longues distance ne soient pas visées dans cette recommandation ne les exclut pas pour autant de la qualification de liaisons relevant du régime juridique de l’interconnexion.

Mobius souligne que la directive 97/33 liste les liaisons louées comme relevant des obligations spécifiques en matière d'interconnexion et d'accès imposées aux opérateurs puissants sans que le service de lignes louées visé par cette directive ne se limite au circuit partiel de lignes louées comme relevant seul des services d'interconnexion.

2.2.  L'offre de liaisons louées constitue une offre d'accès

Se fondant sur l’article 2 a) de la directive "Accès", Mobius rappelle la définition de l’accès comme « la mise à disposition d’une autre entreprise, dans des conditions bien définies de manière exclusive ou non exclusive de ressources et/ou de services en vue de la fourniture de services de communications électroniques. Cela couvre notamment : l’accès à des éléments de réseaux et à des ressources associées (…) ».

Ainsi, il considère que les éléments de réseau (tels que les capacités de transmission entre des points de terminaison déterminés d’un réseau, pour reprendre la définition des liaisons louées telle que figurant à l’article R. 9 du code des postes et télécommunications) font donc partie intégrante de ce dernier, les demandes d’accès aux éléments étant qualifiés comme des « demandes d’accès » au sens du droit communautaire.

Mobius souligne que le fait de savoir si les liaisons louées font ou non partie du marché de détail ou de gros au sens de la directive "cadre" n'a pas de pertinence pour déterminer si une demande d'accès à des liaisons louées constitue ou non une demande d'accès au réseau au sens de l'article L.34-8 IV du code des postes et télécommunications.

2.3.  Sur l'homologation tarifaire

Mobius rappelle que la procédure d'homologation tarifaire est prévue à l'article 17 du cahier des charges de France Télécom alors que celle de règlement de différend est prévue au code des postes et télécommunications : ces deux procédures ne sont pas opposées mais complémentaires. Mobius indique que l'homologation permet de se prononcer sur un tarif, tel que proposé par France Télécom et à la lumière des éléments communiqués par cette dernière, pour les tarifs portant sur des offres pour lesquelles il n'existe pas de concurrent.

S'agissant des baisses de tarifs, Mobius précise que l'homologation tarifaire vise à entériner a priori une modification de tarif proposé par l'opérateur historique et qu'à l'inverse l'Autorité ne peut exiger une modification du tarif qui lui est soumis ni la production de tous les documents lui permettant d'évaluer ledit tarif.

Mobius indique que le fait qu'un tarif soit homologué n'implique pas que ce tarif soit "juste" au sens de non excessif. Mobius rappelle qu'à l'inverse, la procédure de règlement de différend est un contrôle a posteriori qui permet à l'Autorité de demander des informations aux parties et de se prononcer sur les conditions tant techniques que tarifaires auxquelles doivent se faire les demandes d'interconnexion et d'accès au réseau.

III.  Sur les comparaisons proposées par Mobius

Mobius note que le seul élément de comparaison discuté par France Télécom porte sur le tarif de Flag Télécom sans donner d'éléments sur les comparaisons suivantes :

- tarifs de liaisons louées proposés par Mauritius Télécom (filiale à 40 % de France Télécom)

- l'offre de transit IP Open Transit proposée par France Télécom vers la Martinique.

S'agissant du tarif de Flag Télécom, Mobius indique que les observations de France Télécom ne peuvent être prises en compte, d'une part sur l'inclusion des backhaul et d'autre part sur la différence de distance parcourue, compte tenu de la différence de parcours.

Concernant le tarif proposé par VNSL, Mobius constate que France Télécom ne communique aucune pièce à l'appui de son affirmation.

IV.  Sur le niveau tarifaire de l'offre de liaisons louées

A titre liminaire, Mobius observe que France Télécom admet que ses tarifs doivent être orientés vers les coûts, mais toutefois se limite à des considérations générales qui ne permettent pas de vérifier que tel est bien le cas en l’espèce. Se fondant sur l’article 7.2 de la directive 97/33 "Interconnexion", Mobius estime que France Télécom doit apporter des éléments probants justifiant la tarification actuelle des liaisons louées, ce qu’elle ne fait pas.

Mobius souligne que le respect du principe d'orientation vers les coûts des tarifs est fondamental pour permettre aux opérateurs entrants de se développer dans l'activité de fourniture de services d'accès à Internet à haut débit.

4.1.  Sur l'absence de pertinence des fondements juridiques mentionnés par France Télécom

A titre liminaire, Mobius souligne l'absence de pertinence de l'article des Echos cité par France Télécom car les citations ont trait à la téléphonie sur Internet et à la problématique de déterminer si le contrôle des tarifs de France Télécom sur la téléphonie vocale fixe devait ou non être allégé en raison du développement de cette nouvelle forme de concurrence.

Mobius note que France Télécom pour tenter de justifier le niveau tarifaire de l'offre de liaisons louées se réfère à l'avis n° 98-223 de l'Autorité. Mobius souligne que le câble SAFE est opérationnel depuis juin 2002 et qu'une décision de 1998 ne peut justifier de l'offre de liaisons louées s'agissant du câble SAFE dont la construction n'était pas entamée au moment où elle a été rendue.

Mobius estime que cette décision porte sur la fourniture de services Transfix 155 Mbit/s en Ile de France et dans certaines agglomérations de grandes villes métropolitaines. Dans ces conditions, Mobius considère que la décision de l'Autorité n'a pas ou peu de conséquence sur le niveau de l'offre tarifaire proposée par France Télécom à Mobius.

4.2.  Sur l'absence d'orientation vers les coûts du niveau de l'offre de liaisons louées

Mobius indique que France Télécom n'apporte aucun élément de ses tarifs sur la base d'un principe d'orientation vers les coûts. Mobius estime que les 96 millions de USD d'investissements mentionnés par France Télécom dans ses observations ne sont pas exclusivement affectés à la Réunion dès lors que le câble SAFE permet aussi de desservir d'autres territoires que la Réunion au travers des 15 pays que dessert le câble et des trois grands systèmes auxquels il est interconnecté.

Mobius prend note des baisses de tarifs annoncées par France Télécom mais indique que l'existence de la "baisse significative" annoncée montre que le niveau tarifaire imposé actuellement permet à France Télécom de tirer un bénéfice considérable pour l'exploitation du câble SAFE qu'elle conserve sur la liaison vers la Réunion. Mobius estime qu'il serait intéressant que France Télécom communique ses tarifs sur des destinations pour lesquelles elle est en concurrence avec d'autres membres du Consortium.

4.3.  Sur la mise en place d'un modèle CMILT pour l'application de l'orientation vers les coûts du tarif des liaisons louées

Mobius souligne que pour vérifier qu'un tarif est orienté vers les coûts pertinents, il convient de disposer d'un modèle adéquat des coûts en question. Mobius indique que le modèle de coûts a été demandé à France Télécom par l'Autorité dans son questionnaire mais que celle-ci ne les a pas transmis. Mobius précise que France Télécom connaît ses coûts constatés puisqu'elle indique que la nouvelle baisse tarifaire de 2004 sera calculée en fonction de ces derniers.

Mobius note que si France Télécom avait une politique dynamique prenant en compte les effets d'une baisse des tarifs sur les "taux de remplissage", ses baisses devraient aller bien au- delà de ce qu'elle envisage.

V.  Sur les FAS

Mobius note que France Técom reconnaît que les FAS correspondent à un choix marketing de répartition entre la partie fixe et la partie récurrente du tarif. Mobius indique que le niveau  des FAS correspondrait donc uniquement au choix autonome effectué par l'opérateur en cause selon un mécanisme de "vases communicants" internes : plus le prix du service est élevé et plus les FAS sont faibles. Mobius estime que selon les observations de France Télécom le tarif des FAS doit être orienté vers les coûts ce qui n'est pas le cas.

VI.  Sur le niveau tarifaire de l'offre transit IP

Mobius note que France Télécom n'émet pas d'objection sur l'ouverture de son POP IP situé à la Réunion de sorte que le trafic local n'a pas besoin de transiter vers Paris et que cette simple mutualisation de cet équipement doit permettre une amélioration de son offre.

En conclusion, Mobius demande à l'Autorité :

- de rejeter l'ensemble des arguments présentés par France Télécom comme non fondés en fait et en droit ;

- de faire droit à l'ensemble des demandes de Mobius telles qu'exprimées dans sa saisine étant précisé que le service de transit IP s'entent avec ouverture du POP IP situé à la Réunion.

Vu le courrier de Mobius enregistré le 25 février 2004 transmettant son modèle de coûts

;

Vu la lettre de l'adjoint au chef du service juridique en date du 26 février 2004  adressant un second questionnaire aux parties et fixant au 12 mars 2004 la date de clôture de remise des réponses ;

Vu les observations en défense enregistrées le 3 mars 2004 présentées par la société France Télécom ;

Introduction

A)  Sur le câble SAFE

  • Sur le risque d'investissement pris par France Télécom

France Télécom souligne que la possibilité d'investir dans le câble SAT3/WASC/SAFE était ouverte à tout opérateur licencié jusqu'au 16 juin 1999 et que la signature de l'accord C&MA qui formalise l'accord des 36 opérateurs internationaux a eu lieu le 17 juin 1999 en Afrique du Sud concomitamment à la signature des contrats avec les fournisseurs Tyco et Alcatel Submarine Networks.

France Télécom précise qu'elle a rejoint le MoU le 10 juin 1997 pour inclure l'Ile de la Réunion dans la configuration du câble sans engagement d'investir à ce stade.

France Télécom indique que pour obtenir un point d'atterrissement à la Réunion elle devait investir au minimum […] et devait fournir à ses frais la station terminale d'atterrissement : le coût de la mise en place étant estimé à […], entièrement à la charge de France Télécom.

France Télécom précise qu'en dehors des parties terminales du câble tenues à des minima d'investissement, les autres cocontractants pouvaient participer au minimum à hauteur du MIU, soit un 2 Mbit/s sur la distance la plus courte du système (275 km) correspondant à un demi-circuit 2 Mbit/s entre l'Ile Maurice et l'Ile de la Réunion au tarif de 38 500 USD. France Télécom indique que cet investissement minimal devant permettre de participer à des augmentations ultérieures sur la base du volontariat, sans surinvestir au départ au-delà des besoins anticipés.

  • Sur les conditions de commercialisation du câble

France Télécom rappelle qu'elle ne dispose pas d’une "exclusivité de commercialisation" pour des capacités vers la Réunion. France Télécom rappelle que les termes et les conditions inscrites au C&MA ne sont pas la conséquence d'une volonté unilatérale de France Télécom mais le résultat de négociations longues avec les parties terminales asiatiques et africaines qui exigeaient des clauses de protection de l'investissement.

France Télécom indique d'une part, que dans cette négociation, elle s'est opposée à l'établissement de telles règles, d'autre part, que l'accord SAT3/WASC/SAFE a été notifié à la Commission européenne en 1999. France Télécom rappelle que les règles applicables à la commercialisation des capacités du câble résultent de l'accord passé entre les différents investisseurs étrangers.

France Télécom précise qu'il a été obtenu de limiter l'application des règles édictées à 5 ans après la mise en service du câble, après quoi la priorité de la partie terminale s'éteint et les ventes sont libérées.

France Télécom souligne que les droits exclusifs dont elle disposait ne sont qu'une priorité, ne faisant pas l'objet d'un usage systématique et qu'elle peut renoncer à faire jouer au bénéfice d'un autre fournisseur de la capacité SAT-3/WASC/SAFE.

France Télécom rappelle que les opérateurs tiers, notamment Mobius, peuvent acquérir des capacités de transmission sur un marché ouvert où s'exerce la concurrence. Les tarifs pour des contrats à long terme peuvent avoir un impact non négligeable pour de petits opérateurs et ceux-ci ont la flexibilité d'acquérir la capacité nécessaire pour un mode location, correspondant mieux à leur gestion de trésorerie pour la juste quantité voulue, tout en anticipant sur la baisse future du prix des capacités.

B)  Sur les demandes et les besoins de Mobius

France Télécom estime qu'elle n'a pas opposé de refus aux demandes formulées par Mobius. France Télécom indique qu'au regard des réalités techniques et des modalités de mise en œuvre des prestations, il apparaît peu concevable de faire peser sur France Télécom une absence de réponse dès lors que le périmètre des besoins n'était pas délimité.

France Télécom précise que malgré la variabilité des positions de Mobius, elle n'a pas opposé de fin de non recevoir et s'est évertuée à proposer des solutions selon des délais tenant compte de l'analyse technique et économique du dossier.

I.  Sur l'absence d'échec des négociations

France Télécom conclut aux mêmes fins que ses premières écritures par les mêmes moyens que précédemment.

Dans ces conditions, France Télécom souligne qu'aucun refus de négocier ou échec des négociations ne peut lui être imputé et que la saisine de Mobius ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l'article L.36-8 du code des postes et télécommunications.

II.  Sur l'irrecevabilité de la demande de liaisons louées

2.1.  L'offre de liaisons louées ne relève pas de l'interconnexion

France Télécom souligne que tout service de télécommunications fourni à un opérateur ne peut être considéré comme une prestation d'interconnexion. France Télécom estime que la qualité juridique des personnes qui fournissent et utilisent la prestation ne suffit pas à qualifier une prestation de prestation d'interconnexion comme le prétend Mobius.

France Télécom précise que la recommandation de l'Autorité en date du 25 juillet 2001 n'a  pas de valeur réglementaire. France Télécom estime que les liaisons louées sollicitées par Mobius n'entrent pas dans le champ des prestations de liaisons louées visées par l'Autorité dans sa décision n° 02-147 et ne relèvent pas du régime de l'interconnexion.

2.2.  L'offre de liaisons louées ne relève pas de l'accès

France Télécom indique qu'aux termes de l'article L.32-2 du code des postes et télécommunications les points de terminaison du réseau sont exclus du champ réglementaire de l'accès et que dès lors les liaisons louées qui sont définies comme « la mise à disposition par un opérateur d’une capacité de transmission entre des points de terminaison déterminés d’un réseau ouvert au public, au profit d’un utilisateur, à l’exclusion de toute commutation contrôlée par cet utilisateur » ne sauraient être regardées comme une offre d'accès au réseau de France Télécom au sens de l'article L.34-8 IV du code des postes et télécommunications.

En outre, se fondant sur les dispositions de l'article 4.2 de la directive 97/33/CE, France Télécom soutient que l'obligation de répondre à toute demande raisonnable d'accès au réseau ne saurait porter sur les points de terminaison du réseau.

France Télécom estime que la demande de Mobius relative aux liaisons louées ne peut être qualifiée d'offre d'accès au réseau au sens de l'article L.34-8 IV du code des postes et télécommunications et ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées par l'article L.36-8 du code des postes et télécommunications.

2.2. Sur l'homologation tarifaire

France Télécom indique qu'il n'est pas concevable que l'Autorité, qui ne dispose que d'une fonction consultative en matière d'homologation tarifaire puisse remettre en cause les décisions du ministre dès lors que son avis ne serait pas suivi.

Se fondant sur des décisions de règlements de différends de l’Autorité, France Télécom précise que l’Autorité a reconnu que dès lors que la loi avait établi la compétence du ministre en matière d’homologation, sa propre compétence s’effaçait au profit de celui-ci, y compris dans le cadre d’un règlement de différend.

En outre, France Télécom indique que ce débat a été tranché concernant les tarifs de "collecte IP/ADSL" et "Accès IP/ADSL" par le Conseil d'Etat.

III.  Sur les compétences tarifaires

France Télécom ne peut que remettre en cause la méthode développée par Mobius dès lors qu'elle est amenée à justifier son positionnement tarifaire par rapport à des offres dont elle n'est pas en mesure de vérifier la viabilité économique.

3.1.  Sur l'absence de pertinence des comparaisons tarifaires 

  • Sur Flag Télécom

France Télécom note que la société Flag Télécom a été placée sous le chapitre 11 de la loi américaine sur les faillite et qu'ayant réglé sa dette, sa structure de coûts est différente de celle d'un opérateur historique tel que France Télécom. France Télécom indique que n'ayant pas de visibilité sur la structure des coûts de Flag Télécom et ses méthodes comptables, il n'est pas possible de présumer que Flag Télécom vend ses produits avec une marge.

France Télécom rappelle que la route Inde-Royaume Uni est très utilisée et que ceci a une incidence sur le coût unitaire des liaisons louées qui baisse en proportion.

France Télécom indique que le taux de change constitue un élément de pondération des comparatifs présentés.

France Télécom note que le support utilisé n'est ni le SeaMeWe3 ni le SAT3/WASC/SAFE et qu'en conséquence les coûts de Flag Télécom ne sont pas comparables à ceux de France Télécom. Concernant les liaisons Inde/Londres, Flag Télécom utilise ses propres ressources sur le câble Flag Europe-Asie. France Télécom précise que ses prix comprennent la capacité sous-marine, le backhaul Réunion, le backhaul France ainsi que la compétitivité française et réunionnaise afin de fournir cette liaison au plus près du client.

France Télécom indique que les tarifs de liaisons 155 Mbit/s fournis par Flag Télécom ne peuvent être comparés à ceux de France Télécom étant donné que le service de liaisons 155 Mbit/s entre la métropole et la Réunion nécessite une étude de faisabilité particulière avant toute cotation.

France Télécom note que le prix du 45 Mbit/s de Flag Télécom est 18 fois supérieur à celui du 2 Mbit/s. France Télécom propose un ratio de […] entre le prix d'une liaison louée 2 Mbit/s et d'une liaison 45 Mbit/s, ce qui permet d'obtenir un prix de […] euros par mois pour une liaison louée 45 Mbit/s en incluant les deux boucles locales quelque soit la destination finale du lien.

  • Sur Mauritius Télécom

France Télécom note que les tarifs 34 et 45 Mbit/s ne figurent pas en annexe et qu'il n'y a pas de moyen d'en vérifier la véracité. France Télécom précise que le tarif de 10 588 euros pour 2 Mbit/s est partiellement comparable à son offre Réunion-Paris mais qu'il faut rajouter le prix de la boucle locale côté France.

France Télécom souligne que la différence de tarif avec Mauritius Télécom sur le câble SAFE s'explique par les niveaux d'investissement consentis au départ et donc des structures de coûts proportionnellement différentes.

France Télécom indique que son offre reste attractive en 2003 pour un client qui cherche un équilibre entre les prix du 2 Mbit/s et du 34/45 Mbit/s et que celle-ci inclut les deux boucles locales qui ne sont pas indexées sur le cours d'une monnaie ce qui la rend prévisible pour le client.

France Télécom indique que les différences entre le tarif de 175 000 euros par mois pour une liaison 34 Mbit/s entre la métropole et la Réunion, les tarifs de 109 244 euros par mois pour un 34 Mbit/s entre l'île Maurice et Paris fournis par Mauritius Télécom ou celui de 126 050 euros par mois pour un 45 Mbit/s entre Londres et l'Inde par Flag Télécom s'expliquent au regard des différences de prestation.

3.2.  Sur les incohérences au regard des distances

  • Une comparaison du tarif au kilomètre demeure sans pertinence

France Télécom note que le prix des liaisons louées internationales est basé sur le principe de la bilatéralité, chaque opérateur facturant son demi-circuit et qu'une comparaison du tarif au kilomètre n'a pas de sens car elle ne prend pas en compte :

- le type de support employé (câble ou satellite)

- le coût fixe de chaque opérateur.

France Télécom indique que l'offre de liaisons louées internationales au départ de la Réunion comprend 4 tarifs. France Télécom précise que la structure tarifaire a toujours pour objectif de faire abstraction de la distance séparant l'île de la métropole.

  • Sur l'analyse des prix au kilomètre

France Télécom indique que les écarts de prix en USD au Mbit/s par kilomètre sont très importants quelque soit la période de la cotation.

IV.  Sur le niveau tarifaire de l'offre de liaisons louées

4.1.  Sur les fondements réglementaires de l'offre de liaisons louées

France Télécom rappelle que l'Autorité dans son avis n° 03-70 du 16 janvier 2003 relatif à l'évolution de tarifs des liaisons louées entre la métropole et les départements d'outre-mer et entre départements d'outre-mer a accueilli favorablement la décision tarifaire de France Télécom proposant une baisse d'au moins 20 % des tarifs des liaisons louées 2Mbit/s entre la métropole et les départements d'outre-mer.

France Télécom précise qu'elle soumettra prochainement une nouvelle baisse conforme aux coûts les plus récents dont elle dispose et que les effets de la mise en service du câble SAFE sur les coûts, et le délai avec lequel ces derniers sont connus, ont conduit à une baisse des tarifs décalée dans le temps. France Télécom souligne que dans sa réponse au second questionnaire du rapporteur elle apportera des éclaircissements sur les hypothèses de coûts retenues dans le modèle transmis par Mobius le 25 février 2004.

S'agissant la modélisation des coûts, France Télécom souligne qu'il revient à la partie adverse d'avoir choisi un modèle reposant sur les CMILT.

4.2.  Sur les tarifs des liaisons louées et les tarifs d'interconnexion

France Télécom indique que la différence entre le tarif de détail et le tarif d'interconnexion est hors de propos dans la mesure où France Télécom a précisé que les tarifs des FAS à prendre en compte sont ceux des liaisons louées de détail non ceux des LPT.

France Télécom rappelle que les tarifs des FAS des liaisons louées n'ont pas à être égaux à un quelconque coût, mais relèvent d'un choix marketing quant à la répartition du prix entre cette partie fixe et la partie récurrente du tarif. Le seul cas où le tarif des FAS est tenu de refléter un coût bien identifié est celui du dégroupage.

V.  Sur l'offre de transit IP

France Télécom rappelle d'une part qu'elle a souhaité rencontrer Mobius afin de prendre en compte les spécificités de sa demande, d'autre part, que la seule offre disponible et commercialisable est l'offre Open Transit Internet (OTI) qui permet de fournir la connectivité sous différentes formes depuis de nombreux points dans le monde.

France Télécom indique qu'elle a un point de présence international OTI à la Martinique qui permet de proposer la connectivité internationale sur la zone Antilles mais que ce point n'existe pas à la Réunion et que la Martinique et Paris sont les deux points existants sur le territoire français pouvant proposer directement la connectivité Internet mondiale.

France Télécom précise qu'elle a proposé ce service avec une connectivité mondiale départ Paris auquel on aboute un lien dédié comparable à celui d'une liaison louée Réunion/Paris. Cette prestation n'est pas comparable à celle proposée depuis la Martinique pour laquelle la connectivité Internet mondiale est disponible depuis ce site sans nécessiter un déport depuis un site éloigné. La seule composante transmission est celle relative à la boucle locale pour joindre le site client.

France Télécom indique qu'elle ne propose pas d'offre de connectivité Internet au départ de la Réunion, Wanadoo a souscrit aux offres de collecte IP disponibles au catalogue. France Télécom rappelle qu'elle a déployé sur le territoire français et dans tous les DOM son réseau RBCI mais que dans les DOM il est actuellement dédié à la collecte IP bas débit et haut débit.

France Télécom indique les conditions dans lesquelles elle serait en mesure d'entreprendre tout développement nécessaire si l'Autorité répondait favorablement à Mobius. France Télécom précise qu'une proposition de ce type imposerait des travaux préalables dont l'échéance et la complexité dépendent in fine de la solution retenue. France Télécom précise qu'en se limitant à une offre de connectivité se basant sur le point de présence domestique sur place il faudrait en amont une analyse technique et économique. France Télécom n'est pas en mesure de garantir un délai inférieur à trois mois à compter d'une décision de lancement et rappelle les opérations à conduire.

En conséquence, France Télécom conclut aux mêmes demandes que dans son premier mémoire.

Vu la décision n° 04-263 de l'Autorité en date du 9 mars 2004 prorogeant d'un mois le délai dans lequel l'Autorité doit se prononcer sur le règlement de différend opposant Mobius à France Télécom ;

Vu les réponses des parties au second questionnaire du rapporteur enregistrées le 12 mars 2004 ;

Vu le courrier de la société Mobius enregistré le 19 mars 2004 transmettant ses observations sur les réponses de France Télécom au second questionnaire du rapporteur ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 24 mars 2004 transmettant des observations à la lettre de Mobius en date du 19 mars 2004.

Vu la lettre du chef du service juridique en date du 25 mars 2004 convoquant les parties à une audience devant le collège le 8 avril 2004 ;

Vu le courrier de la société Mobius enregistré le 5 avril 2004 souhaitant que  l'audience devant le collège soit publique ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 5 avril 2004 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Après avoir entendu le 8 avril 2004, lors de l'audience devant le collège :

- le rapport de M. Nicolas Deffieux, rapporteur présentant les conclusions et les moyens  des parties ;

- les observations de MM. Jean-Daniel Lallemand et Lionel Grosclaude pour la société France Télécom ;

- les observations de M. Yann de Prince, pour la société Mobius et de Maître Frédérique Dupuis-Toubol, pour le Cabinet Bird & Bird ;

En présence de :

- MM. Jean-Daniel Lallemand, Jean Mazier, Lionel Grosclaude, Gabriel Lluch pour la société France Télécom ;

- M. Yann de Prince, pour la société Mobius et de Maître Frédérique Dupuis-Toubol pour  le Cabinet Bird & Bird ;

- MM. Philippe Distler, directeur général, Laurent Laganier, Nicolas Deffieux, Elies Chitour, Benoît Loutrel et de Mmes Elisabeth Rolin, Christine Galliard, agents de l'Autorité ;

Sur la publicité de l'audience :

Aux termes de l'article 14 du règlement intérieur : "l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, le collège de l'Autorité  en délibère".

France Télécom, par un courrier enregistré le 5 avril 2004, a demandé que l'audience devant  le collège ne soit pas publique ; la société Mobius, par un courrier enregistré le 5 avril 2004,   a demandé que l'audience devant le collège soit publique. Interrogée sur ce point par le Président de l'Autorité à l'ouverture de l'audience du 8 avril 2004, France Télécom a précisé qu'elle acceptait de souscrire à la demande de la société Mobius, en conséquence de quoi, l'audience a été publique.

Le collège en ayant délibéré le 4 mai 2004, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité ;

Adopte la présente délibération fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après :

1.     Sur la recevabilité des demandes de la société Mobius

Aux termes de l’article L.36-8 du code des postes et télécommunications : « En cas de refus d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau de télécommunications, l’Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l’une ou l’autre des parties. (…).

La société France Télécom, dans ses observations en défense, soutient, d’une part, que l’Autorité est incompétente pour statuer sur la demande relative aux liaisons louées présentée par la société Mobius, car elle n’entre pas dans le champ d’application de l’article L.36-8 du code des postes et télécommunications. En effet, elle estime que la prestation sollicitée par la société Mobius ne relève ni du régime de l’interconnexion, ni de l’accès au sens de l’article L.34-8 du code des postes et télécommunications. D’autre part, elle considère qu’aucun refus de négocier ou échec des négociations ne peut être imputé à France Télécom sur les demandes de la société Mobius

1.1  Sur la qualification juridique des prestations demandées par la société Mobius

a)    Sur l’offre de transit IP

Il ressort des pièces du dossier que la prestation demandée par la société Mobius a pour finalité de lui permettre d’acheminer le trafic de données de son point de concentration situé à la Réunion vers le point de présence d’un opérateur qui assure son aboutissement sur le réseau mondial Internet via une offre spécifique au transit IP.

L’Autorité constate qu’il ressort également des pièces du dossier que la société France Télécom ne conteste à aucun moment le fait que l’offre de transit IP sollicitée par la société Mobius soit une prestation d’accès.

Ainsi, aux termes des dispositions du IV de l’article L.34-8 du code des postes et télécommunications : (…) Les mêmes exploitants [les exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur les listes établies en application des a,b et c du 7° de l’article L.36-7] assurent, dans les mêmes conditions, un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, ainsi qu’aux services de communication audiovisuelle autres que les services de radiodiffusion sonore ou de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite, ou distribués par câble. Ils répondent également aux demandes justifiées d’accès spécial correspondant à des conditions techniques ou tarifaires non publiées, émanant de ces fournisseurs de service ou des utilisateurs. (…) ».

Il résulte ce qui précède que la prestation sollicitée par la société Mobius doit, en l’état actuel du droit, être qualifiée d’accès spécial au sens des dispositions précitées de l’article L.34-8. En effet, les conditions techniques et tarifaires de l’offre sollicitée par la société Mobius n’ont pas été publiées par France Télécom. Il s’ensuit que France Télécom, en tant qu’opérateur figurant sur les listes établies en application des a et b du 7° de l’article L.36-7 du code des postes et télécommunications, est tenue de répondre aux demandes justifiées d’accès spécial émanant de ces fournisseurs de service ou des utilisateurs.

Il appartient donc à l’Autorité, saisie d’une demande de règlement de différend sur le fondement des dispositions de l’article L.36-8 du code des postes et télécommunications, de préciser le cas échéant les conditions équitables, d’ordre technique et financier, de cette prestation d’accès spécial.

b)    Sur l’offre de liaison louée sollicitée par la société Mobius

Le 2° de l’article L. 32 du code des postes et télécommunications définit le réseau de télécommunication comme : « (…) toute installation ou tout ensemble d’installations  assurant soit la transmission, soit la transmission et l’acheminement de signaux de télécommunications ainsi que l’échange des informations de commande et de gestion qui y est associé, entre les points de terminaison du réseau ».

Il résulte des dispositions de l’article 2 de la directive 92/44/CE modifiée par la directive 97/51/CE (dite "ONP liaisons louées") et de l’annexe I de la directive 97/33/CE du 30 juin 1997 relative à l’interconnexion, transposées par l’article R. 9 du code des postes et télécommunications, que les liaisons louées constituent des " capacités de transmission transparentes entre points de terminaison du réseau, à l’exclusion de la commutation sur demande ".

France Télécom, dans ses observations en défense, considère que la prestation demandée par Mobius ne constitue pas une prestation d’interconnexion, mais une offre de détail, en se limitant à faire valoir que la seule offre de liaison louée disponible à la Réunion est une offre de détail Transfix. France Télécom considère donc que l’Autorité ne peut faire droit à la demande de Mobius dans le cadre d’un règlement de différend, l’offre de détail Transfix ayant été homologuée par le ministre chargé des télécommunications.

L’Autorité rappelle que France Télécom commercialise à ce jour deux catégories d’offres de liaisons louées :

- une offre de détail Transfix, faisant l’objet d’une homologation tarifaire par le ministre en charge des télécommunications ;

- un service d’interconnexion de liaisons louées, dont les modalités sont décrites au chapitre VIII du catalogue d’interconnexion de France Télécom ; cette offre comprend la fourniture par France Télécom à l’opérateur tiers d’une liaison louée partielle (LPT) entre un site client et un centre de France Télécom ouvert au service d’aboutement, cette liaison louée étant prolongée à travers le service d’aboutement au point de présence de l’opérateur tiers. Elle comprend également un service d’aboutement de liaison louée.

Aux termes de l’article D.99-11 du code des postes et télécommunications « ces opérateurs [les opérateurs figurant sur la liste établie en application du 7° de l’article L. 36-7] ne peuvent invoquer l'existence d'une offre inscrite au catalogue pour refuser d'engager des négociations commerciales avec un autre opérateur en vue de la détermination de conditions d'interconnexion qui n'auraient pas été prévues par leur catalogue, notamment les conditions d'accès direct aux commutateurs internationaux et  à  d'autres  infrastructures  internationales ».

Il résulte de l’instruction que la prestation sollicitée par la société Mobius, opérateur de réseau de télécommunications, a pour finalité de disposer, en s’interconnectant au réseau de France Télécom, d’une offre de capacité entre la Réunion et la métropole, lui permettant non pas de répondre aux besoins propres de l'entreprise, mais d'élaborer des offres de détail ayant vocation à être commercialisées sur le marché final.

L’Autorité constate, au regard des pièces du dossier, que France Télécom possède un monopole de fait sur le transport entre la Réunion et la métropole. Or, l'accès de la société Mobius à une capacité de transport sur le câble sous marin est une condition essentielle à la commercialisation par cet opérateur d’offres concurrentielles sur le marché de détail des services de télécommunications à la Réunion.

L'Autorité comprend donc la demande de Mobius comme une demande de service d’interconnexion de liaisons louée de gros sur le segment du transport, comparable dans son principe et ses modalités au service d’interconnexion de liaisons louées partielles sur le segment de l'accès et qui s’utilisera concurremment avec le service d’aboutement tel que défini dans le catalogue d’interconnexion de France Télécom.

Une offre de liaison louée de gros se distingue d'une offre de détail, notamment par l'architecture et la géographie de ses points d’extrémités. Alors qu'une liaison louée de détail a vocation à être livrée dans un site client, une offre d'interconnexion est livrée dans un site de France Télécom, ainsi qu'illustré dans le schéma ci-dessous.

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Cette analyse est confortée par France Télécom qui, dans ses observations en défense du 5 février 2004, soutient que : « de la même façon, dans le cas des liaisons louées, il ne s’agit pas de livrer un produit fini mais de fournir aux opérateurs un service d’interconnexion de liaison louée aux fins de la fourniture de services de liaisons louées de bout en bout ».

Aussi, de la même manière que la situation particulière de France Télécom sur le segment de l'accès a conduit l'Autorité à introduire en 2002 une offre de liaisons louées partielles et de liaisons d'aboutement d'interconnexion dans le catalogue d’interconnexion, il apparaît légitime de créer une offre de liaison louée d’interconnexion sur le segment du transport dans le cas particulier de La Réunion, compte tenu de la position de France Télécom sur ce segment et du caractère indispensable de cette prestation pour les opérateurs alternatifs.

L'Autorité considère donc, pour les motifs exposés ci-dessus, que la demande formulée par Mobius est une demande d’accès à un service de liaisons louées de transport, ci-après abrégées LLT, qui relève du régime juridique de l’interconnexion.

1.2  Sur l’échec des négociations

La société France Télécom soutient que la demande de règlement de différend de la société Mobius est irrecevable car aucun refus de négocier ou échec des négociations ne peut être imputé à France Télécom. En conséquence, elle soutient que la saisine ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l’article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

Il ressort des pièces du dossier que les négociations commerciales ont commencé entre les parties par une lettre datée du 11 juillet 2003 de la société Mobius. Par ce courrier, elle demande à France Télécom d’engager des négociations commerciales aux fins de définir les conditions techniques et tarifaires de certaines prestations relevant du régime de l’interconnexion, de l’accès ou de l’accès spécial. La société Mobius envisage de recourir aux prestations suivantes : IRU sur le câble SAFE, Liaisons de backhaul depuis les stations d’atterrissement du câble, Liaisons Louées, Service de transmission de donnée ATM, Transit IP. De même, dans son courrier, Mobius indique que, compte tenu de l’utilisation des capacités sur le câble par le groupe France Télécom pour ses propres offres clientèle, il  devrait être aisé à France Télécom d’établir très rapidement une proposition fondée sur des conditions non discriminatoires.

Dans sa réponse à cette lettre en date du 29 juillet 2003, France Télécom indique que certaines des demandes de la société Mobius relevent de l’interconnexion et sont donc offertes à des opérateurs de réseau. Ainsi, elle invite Mobius à solliciter le statut d’opérateur de réseau auprès de l’Autorité afin d’être en mesure de bénéficier des prestations relevant du régime de l’interconnexion et à s’adresser à son agence commerciale pour bénéficier des prestations relevant du régime commercial général.

A la suite de ce courrier de France Télécom, la société Mobius, dans un courrier en date du 2 septembre 2003, réitère sa demande telle que formulée dans son courrier en date du 11 juillet 2003. Elle précise les offres dont elle souhaite disposer en priorité (Transit IP, IPL avec engagement 1, 3 et 5 ans, IRU sur 10 ou 15 ans) ainsi que le planning prévisionnel des besoins en débit (fin 2003 : de 2 à 8 Mbit/s, fin 2004 : de 12 Mbit/s à 34 Mbit/s, etc..). En outre, dans ce même courrier, la société Mobius souhaite connaître les tarifs de France Télécom sur la base des extrémités existantes ou/et faisables. Enfin, la société Mobius indique qu’elle attend de la part de France Télécom une première proposition dans un délai maximal de 15 jours.

Dans un courrier en date du 24 septembre 2003, à l’occasion d’une réunion en date du 19 septembre 2003 organisée entre Mobius et les services de France Télécom, la société France Télécom, concernant la demande relative au transit IP de Mobius, lui demande de disposer de précisions supplémentaires sur ces besoins, et en particulier de savoir s’il s’agit de « réseaux privés virtuels IP avec des sites partenaires à [lui] indiquer » ou de « connectivité Internet générale en France et à l’étranger ».

Dans un courrier en date du 5 octobre 2003, la société Mobius, s’agissant de la reprise de son parc de liaisons louées au titre des offres réservées aux opérateurs, s’interroge sur les réserves de France Télécom pour faire migrer ses liaisons louées dans le cadre d’un contrat d’interconnexion. Elle précise qu’elle ne comprendrait pas les motifs juridiques qui pourraient fonder le refus de France Télécom. En outre, elle indique que cette demande équitable permettant à des opérateurs de bénéficier des tarifs qui leur sont réservés a d’ailleurs déjà été formulée dans des termes similaires par d’autres opérateurs et a fait l’objet d’une décision n° 02-147 de l’Autorité en date du 12 février 2002 relative à un règlement de différend entre MFS Communications et France Télécom. Dans ces conditions, elle souhaiterait connaître les modalités envisageables afin d’obtenir une migration du parc de liaisons louées que Mobius loue à France Télécom sur la base des offres grand public vers une offre opérateur. Dans ce même courrier, la société Mobius, concernant ses besoins de Transit IP, précise expressément qu’il s’agit bien d’une connectivité Internet générale. Enfin, elle rappelle à France Télécom qu’elle attend toujours une réponse à son courrier du 2 septembre 2003. Un silence de France Télécom serait assimilé à un refus de négocier de sa part.

Dans un courrier en date du 8 octobre 2003 intitulé « Ouverture d’une négociation commerciale suite à la mise en service du câble SAFE à la Réunion », France Télécom propose à la société Mobius en offre commerciale, d’une part, une solution de Transit IP international et, d’autre part, une solution à base de liaisons louées point à point en circuit complet entre ses POP de la Réunion et de Paris, dans la limite des ressources disponibles sur le réseau de France Télécom et reposant sur des engagements de durées 1 an, 3 ans et 5ans.  En outre, pour les engagements de durées 10 ans et 15 ans, France Télécom indique qu’elle est en mesure de proposer à la société Mobius un montage financier spécifique sur la base d’une remise supplémentaire sur le tarif de la liaison louée à 2Mbit/s en vigueur au catalogue des prix et d’un préfinancement pour les capacités de débit supérieur ou égal à 34 Mbit/s  entre ses POP de la Réunion et de Paris. Elle indique également que l’étude des disponibilités des ressources sur câble sous-marin et le délai de réalisation seront communiqués à la société Mobius dans l’accusé de réception de commande faisant suite à la réception de sa commande par France Télécom. Ainsi, elle précise que le présent courrier n’entraîne en aucun cas réservation de ressources.

Dans ce même courrier, elle indique que les prix rassemblés en annexe à ce courrier sont donnés en euros Hors Taxes et sont soumis à la TVA en vigueur à la date de facturation. France Télécom précise que les prix sont valables pendant une durée de 1 mois dans la limite des ressources disponibles à compter de la date d’émission qui figure sur le document correspondant. Enfin, elle informe la société Mobius qu’elle n’est pas en mesure de répondre en l’état aux demandes de circuit complet de la Réunion vers l’Afrique du Sud, l’Inde et l’Ile Maurice.

Dans un courrier en date du 4 novembre 2003 répondant au courrier de France Télécom du 8 octobre 2003, la société Mobius relève, en premier lieu, que France Télécom ne répond pas à sa demande relative à des circuits complets de la Réunion vers l’Afrique du sud, l’Inde et l’Ile Maurice ainsi que les demandes tarifaires qui ont été faites au titre des IRU. En conséquence, elle acte le refus pur et simple de France Télécom de négocier sur ces points.

En second lieu, elle indique que la proposition de France Télécom relative à une offre de transit IP est insatisfaisante tant du point de vue technique que tarifaire compte tenu des obligations qui pèsent sur France Télécom.

Sur le plan technique, la société Mobius indique qu’elle constate que la proposition de France Télécom prend en compte la prise en charge du trafic depuis la Réunion vers un POP IP de France Télécom situé à Paris alors même que France Télécom dispose d’un POP IP à la Réunion utilisé pour la fourniture des services de Wanadoo, permettant ainsi de traiter localement le trafic IP local. Dans ces conditions, la société Mobius demande à France Télécom de lui fournir une proposition de transit IP à partir d’un POP IP situé à la Réunion permettant d’atteindre localement les clients de Wanadoo situés à la Réunion.

Sur le plan tarifaire, la société Mobius indique que l’offre de France Télécom ne remplit nullement l’obligation d’orientation vers les coûts à laquelle France Télécom est astreinte en l’espèce. Elle estime que cette offre revient à exiger des frais d’accès au service (FAS) d’un montant prohibitif, à fournir une prestation de transit IP en exigeant le paiement d’une somme d’environ 17000 euros HT/Mbit/s ce qui ne correspond non seulement pas aux prix du marché pour des prestations comparables ni à un montant orienté vers les coûts excluant toute marge commerciale. Elle précise que les premières analyses qu’elle a menées la conduisent à estimer qu’un tarif raisonnable pour les prestations demandées serait environ 10 fois inférieur au tarif sollicité, et ce indépendamment du débit demandé.

Enfin, dans ce même courrier, la société Mobius estime que la proposition relative à sa demande concernant une offre de liaisons louées est insatisfaisante. Elle précise que les FAS sont quasiment identiques aux FAS facturés à des clients finals via l’offre commerciale Transfix de France Télécom et sont donc loin d’être une offre orientée vers les coûts.

Ainsi, la société Mobius demande à France Télécom de prendre en compte ses observations à défaut de quoi elle se verrait contrainte de constater le refus de négocier de France Télécom concernant les demandes de circuits complets et le désaccord relatif aux offres de liaisons louées et de transit IP.

Dans un courrier en date du 23 décembre 2003 en réponse au courrier du 4 novembre de la société Mobius, la société France Télécom indique qu’elle étudiera, dans le cadre de son cahier des charges inscrit dans le décret du 27 décembre 1996, la réponse à ses besoins dans la limite des ressources disponibles sur notre réseau. Ainsi, pour la part des offres qui concerne des prestations internationales sur un câble sous-marin, France Télécom précise que conformément aux obligations fixées à l’article 8 du décret du 27 décembre 1996, elle fait droit sans discrimination aux demandes de droits irrévocables d’usage sur les capacités disponibles dont elle dispose émanant d’opérateurs autorisés en application de l’article L.33-1 du CPT. Concernant les demandes de circuits complets 2Mbit/s de la Réunion vers l’Afrique du Sud, l’Inde et l’Ile Maurice, France Télécom informe la société Mobius qu’elle ne possède ni réseau ni licence dans ces trois pays. Dans ces conditions, elle précise qu’il lui est nécessaire de disposer liaison par liaison de l’adresse des deux extrémités afin de lancer l’étude de faisabilité pour la fourniture de liaisons louées internationales en circuit complet. En outre, France Télécom indique qu’elle est en mesure de fournir sur demande aux opérateurs de réseau des propositions commerciales en IRU 2 Mbit/s à 10 ans et à 15 ans sur les capacités internationales.

Dans ce même courrier, France Télécom, concernant les offres de liaisons louées entre la Métropole et les DOM, indique qu’elle répond à ses obligations de service universel au travers d’offres homologuées par le ministre et précise qu’elle maintient sa proposition formulée dans son courrier du 8 octobre 2003, qui est constituée par la fourniture de liaisons louées Métropole-DOM à 2Mbit/s de durées 1 an, 3 ans et 5 ans. Enfin, concernant les besoins en connectivité Internet, France Télécom se propose de tenir une réunion dès que possible.

Contrairement à ce que soutient France Télécom, il résulte de tout ce qui précède que les échanges ci-dessus relatés démontrent un échec des négociations entre les deux parties sur la négociation d’une offre de service de Transit IP et d’une offre de liaisons louées entre la Réunion et la Métropole. Il s’ensuit que ladite saisine est recevable au regard de l’article L.36- 8 du code des postes et télécommunications.

2.     Sur le caractère justifié des demandes de Mobius

Au regard des éléments échangés dans le cadre de cette procédure, l’Autorité rappelle qu’il lui revient, dans le cadre du règlement de ce litige de « préciser les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès spécial doivent être  assurés » conformément à l’article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

2.1  Sur les obligations de France Télécom

En premier lieu, l’Autorité rappelle qu’il résulte des dispositions de l’article L. 34-8 précité que la société France Télécom, en tant qu’opérateur figurant sur les listes établies en application des a) et b) du 7° de l’article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, est tenue de faire droit dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires aux demandes d’interconnexion de la société Mobius, si celles-ci sont justifiées au regard de ses besoins et de la capacité de France Télécom à la satisfaire.

En outre, il ressort de cette même disposition que les tarifs d’interconnexion « rémunèrent l’usage effectif du réseau de transport et de desserte et reflètent les coûts du service rendu ».

En second lieu, il résulte également de l’article L. 34-8 précité, la société France Télécom, en tant qu’opérateur figurant sur la liste établie en application du a) du 7° de l’article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, est tenue de faire droit dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires aux demandes d’accès spécial de la société Mobius, si celles-ci sont justifiées au regard de ses besoins et de la capacité de France Télécom à la satisfaire.

En outre, il ressort de cette même disposition que la fourniture de cet accès doit donner lieu une rémunération reflétant les coûts du service rendu.

2.2  Sur la capacité technique de France Télécom à répondre aux demandes de Mobius

Il ressort de l’analyse des pièces du dossier, que la société France Télécom apparaît être en mesure de proposer la prestation de liaison louée de transport (LLT), dans la mesure où elle dispose de capacité sur les câbles concernés et qu’elle commercialise déjà une offre de liaison louée de détail Transfix, qui utilise les éléments de réseau nécessaires à la fourniture de l’offre de LLT.

Dans ces conditions, l’Autorité estime que France Télécom dispose de la capacité technique pour répondre à la demande de LLT de la société Mobius.

Par ailleurs, l’Autorité constate que France Télécom dispose de capacité sur les câbles concernés et qu’elle utilise déjà des équipements de routage et de transmission IP, notamment pour la fourniture de son offre de collecte IP/ADSL utilisée aujourd’hui principalement par Wanadoo. Le traceroute fourni par la société Mobius confirme d’ailleurs la présence d’un routeur IP de France Télécom à la Réunion. En métropole, ces équipements sont très courants, et servent notamment à l’acheminement du trafic de l’offre Collecte IP/ADSL, utilisée majoritairement par les fournisseurs d’accès Internet pour proposer des services d’accès Internet haut débit. Sur l’intégralité du trajet de l’offre de transit IP demandée par Mobius, France Télécom dispose donc déjà des équipements nécessaires à la fourniture de cette prestation.

Au regard de ces éléments, l’Autorité estime donc que France Télécom dispose de la capacité technique pour proposer une offre de transit IP.

2.3  Sur le caractère justifié des demandes de Mobius

L’Autorité constate, au regard des pièces du dossier, qu’une prestation de transport entre la Réunion et la métropole est nécessaire à l’activité de la société Mobius. En effet, Mobius collecte son trafic au sein de l’île de la Réunion, et doit disposer d’une solution pour acheminer ce trafic hors de l’île, afin de permettre la communication de ses abonnés avec le reste du monde.

L’Autorité estime que les offres actuelles de France Télécom qui incluent une composante de transport ne répondent pas aux besoins de Mobius. En effet, l’offre de collecte IP/ADSL oblige son bénéficiaire à confier l’accès et la collecte à France Télécom, alors que Mobius réalise elle-même ces prestations et que cela constitue le cœur de son activité. Concernant l’offre de liaison louée de détail Transfix, elle est construite et mise en place pour les entreprises, c’est à dire les utilisateurs finals, mais n’est pas adaptée pour les opérateurs.

Pour permettre à Mobius d’acheminer son trafic hors de l’île, la prestation de base dont il a besoin est une offre de liaison louée de transport adaptée aux opérateurs. En effet, seule une liaison louée lui permet de bénéficier d’une réelle sécurité de transmission, exigée par certains de ses clients pour des applications sensibles à la qualité de transmission.

En conséquence, l’Autorité estime que la prestation de liaison louée de transport, telle que demandée par la société Mobius, est justifiée.

Par ailleurs, l’Autorité constate que l’offre de transit IP permet de bénéficier d’économies importantes dues au multiplexage statistique des trafics des abonnés, comme le montre la différence de prix actuelle entre l’offre de liaison louée Transfix disponible à la Réunion, et le tarif de collecte de l’offre Collecte IP/ADSL, qui inclut une prestation de transport. La disponibilité d’une telle offre apparaît donc comme un élément déterminant pour permettre à la société Mobius de proposer une offre d’accès Internet à haut débit compétitive. Dans ces conditions, l’Autorité considère que la demande d’une offre de transit IP est justifiée.

3.     Sur la demande de Mobius relative à la fourniture d’une offre de liaisons louées entre la Réunion et la Métropole

3.1  Sur le principe

Il résulte des dispositions de l’article L. 34-8 et du caractère justifié de la demande de Mobius étudié ci-avant, que la demande d’interconnexion de Mobius ne peut être refusée. En outre, sur le fondement de ce même article, l’offre de liaison louée de transport doit donner lieu à une rémunération de l’usage effectif du réseau de transport, reflétant les coûts du service rendu.

3.2  Sur l’architecture technique

Il ressort de la description de l’architecture technique présentée par France Télécom dans sa réponse au premier questionnaire que les sites à partir desquels elle construit son offre de détail sont situés à La Réunion sur l’anneau réunionnais (Saint-Paul, Saint-Denis, Saint- Benoît et Saint-Pierre) et à Paris sur le réseau sectoriel (site de Saint Amand notamment).

Par ailleurs, dans le cadre d’une offre de gros, il apparaît que les points d’interconnexion devront être des centres de brassage où sont disponibles des offres de liaisons d’aboutement, afin de permettre aux opérateurs, clients de l’offre de LLT, d’interconnecter cet élément de réseau au reste de leur réseau.

Il résulte de ces deux observations que les points d’interconnexion pertinents pour l’offre de gros de liaison louée entre la Réunion et la métropole sont :

- un site France Télécom ouvert à l’interconnexion et dans lequel est disponible un service d’aboutement de liaisons louées à Saint-Denis de La Réunion ;

- un site France Télécom ouvert à l’interconnexion et dans lequel est disponible un service d’aboutement de liaisons louées à Paris.

Contrairement à l’offre de détail Transfix déjà disponible à la Réunion, les points d’extrémité de l’offre de LLT sont donc fixes et sont des points de présence du réseau de France Télécom. L’architecture des deux offres est décrite dans le schéma ci-dessous.

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Par ailleurs, Mobius demande que la prestation de liaison louée soit fournie à partir d’un câble sous-marin, et non d’une liaison satellite, les caractéristiques techniques du câble étant plus favorables à son activité, notamment en termes de temps de réponse et de disponibilité. L’Autorité considère que les caractéristiques techniques du câble et du satellite sont effectivement différentes, et que France Télécom doit donc s’engager à faire reposer son offre sur un câble sous-marin atterrissant à la Réunion.

Enfin, l’Autorité estime que l’offre de France Télécom n’a pas en 2004 à être sécurisée par une liaison satellite, l’architecture technique en boucle du câble sous-marin assurant déjà une sécurisation suffisante. France Télécom annonce d’ailleurs la suppression de cette sécurisation dans ses écrits.

3.3  Sur les modèles de coûts présentés par les parties

Les parties ont présenté dans le cadre de ce règlement de différend deux modélisations qui amènent à des résultats sensiblement différents :

- la société Mobius a fourni à l’appui de sa demande une modélisation réalisée par un cabinet de consultant, qui établit un coût de 1550 euros par Mbit/s et par mois en 2003 pour une liaison louée. Ce coût est de 1272 euros par Mbit/s et par mois en 2004.

- la société France Télécom, a modifié des hypothèses du modèle proposé par la société Mobius, et a par ailleurs fourni ses propres estimations de coûts, qui s’établissent au niveau de […] par Mbit/s et par mois pour une liaison louée. Il est à noter que ce coût recouvre une prestation plus large que celle modélisée par Mobius, incluant notamment des parties terrestres.

Si les hypothèses de calcul et les méthodes utilisées par la société Mobius au soutien de sa demande ont pu faire l’objet de débats contradictoires entre les parties, puisque le modèle complet a été communiqué et a pu être commenté par France Télécom, l’Autorité note que France Télécom s’est limitée à fournir les coûts de différents tronçons de la prestation en question, sans aucunement justifier de leur niveau ni expliciter la formation de ces coûts, et ce, alors même que lui incombait la charge de la preuve de ses tarifs.

En effet, en vertu des dispositions des paragraphes III de l’article L. 34-8, les tarifs relatifs aux prestations d’interconnexion de France Télécom, en tant qu’opérateur figurant sur la liste établie en application des a) et b) du 7° de l’article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, doivent donner lieu à une rémunération de l’usage effectif du réseau de transport, reflétant les coûts du service rendu. Dans ces conditions, France Télécom est tenue de justifier que chacun de ces tarifs proposés en l’espèce respectent ce principe, conformément tant aux dispositions de l’article 7§2 de la directive n° 97/33/CE du 30 juin 1997 susvisée qu’à celles de l’article 13§3 de la directive n° 2002/19 susvisée.

L’Autorité rappelle que l’article 7§2 de la directive n° 97/33 prévoit que « La charge de la preuve que les redevances sont déterminées en fonction des coûts réels, y compris un rendement raisonnable des investissement, incombe à l’organisme qui fournit l’interconnexion avec ses installations ». En outre, elle relève également que l’article 13§3 de la directive n° 2002/19 précitée dispose que « Lorsqu’une entreprise est soumise à une obligation des prix en fonction des coûts, c’est à elle qu’il incombe de prouver que les redevances sont déterminées en fonction des coûts, en tenant compte d’un retour sur investissement raisonnable ».

3.4  Sur la méthode des CMILT

L’Autorité a pris en compte les observations des parties visant à établir le niveau des coûts des prestations en question.

L’Autorité note cependant que la démarche retenue pour l’établissement des coûts ne s’inscrit pas dans une logique de type CMILT contrairement à ce qui est soutenu par Mobius. En effet, les évaluations retenues :

- ne se fondent pas sur la définition d’un incrément de service, mais bien sur une l’allocation d’un coût entre tous les produits ;

- ne se fondent pas sur des optimisations d’architecture, ni sur les coûts actuels des meilleures technologies disponibles, mais bien sur les investissements effectivement consentis pour le cas particulier des infrastructures étudiées à la date de leur réalisation.

Les coûts ainsi déterminés ne sont pas des coûts CMILT, mais bien une approximation des coûts effectivement supportés par l’opérateur historique pour le cas particulier des prestations litigieuses.

L’Autorité note cependant, conformément aux écritures de France Télécom, que l’âge récent du câble en question tend à diminuer les écarts qui peuvent exister entre une méthode fondée sur des coûts historiques et une méthode fondée sur des coûts prospectifs.

3.5  Sur la dimension temporelle des coûts évalués

a.     Concernant la méthode d’amortissement retenue

L’Autorité observe que l’annualisation du coût d’investissement initial repose sur la méthode des coûts de remplacement, qui prend en compte le renouvellement à l’infini des infrastructures.

Cette méthode est favorable à France Télécom et permet de prendre en compte non pas le coût unique de l’infrastructure disponible aujourd’hui, mais également son remplacement régulier lorsqu’elle sera amortie.

Cette méthode utilisée par Mobius dans sa modélisation n’est pas contestée par France Télécom, et a été reprise par l’Autorité dans ses évaluations.

b.     Concernant le calcul année par année des coûts

L’Autorité note que France Télécom procède à une tarification des prestations qui fait supporter le coût de la phase de démarrage du service aux acheteurs de la prestation.

Cette méthode, qui induit une très forte dégressivité des coûts en fonction de l’augmentation du taux de remplissage des équipements, ne semble pas à même de fournir un signal économique cohérent pour les opérateurs concurrents qui achètent la prestation.

En effet, elle risque de constituer un frein à l’entrée susceptible de retarder l’arrivée de la concurrence sur des marchés en développement. Les tarifs ainsi calculés par France Télécom sont élevés dans la phase de démarrage du service. Cette situation est d’autant plus regrettable que les années à venir seront déterminantes pour le développement du marché du haut débit.

Pourtant, l’Autorité observe que la modélisation proposée par Mobius repose sur ce même principe.

L’Autorité a ainsi fondé ses propres estimations sur ce principe de recouvrement des coûts, sans le remettre en cause à ce stade.

3.6  Sur les principales hypothèses retenues

Les hypothèses présentées sont celles qui ont été retenues par l’Autorité pour le calcul du coût des prestations demandées par Mobius. Elles proviennent des mémoires échangés par les plaignants et de l’audience devant le Collège de l’Autorité.

  • La modélisation présentée par Mobius et séparant les câbles SAT3/WASC et SAFE n’a pas été retenue par l’Autorité. En effet, comme le fait remarquer France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire, SAT3/WASC/SAFE est une seule et même infrastructure gouvernée par un seul et même accord. La modélisation retenue porte donc sur l’intégralité du câble SAT3/WASC/SAFE.
  • Les montants des investissements de France Télécom ont été donnés par celle-ci dans sa réponse au deuxième questionnaire et dans ses nouvelles observations en défense du 4 mars 2004. Ils sont de 3 millions de USD pour la station d’atterrissement à la Réunion, et de 50 millions de USD pour le câble. La capacité totale du câble étant de 120 Gbit/s ou 130 Gbit/s selon les tronçons, la capacité totale disponible pour France Télécom est a minima de 9,2 Gbit/s, par proportionnalité avec l’investissement engagé. L’Autorité a retenu ce chiffre dans le cadre de la présente demande de règlement de différend, bien qu’il soit probable que la capacité allouée à France Télécom soit en réalité supérieure, France Télécom étant le premier actionnaire du consortium.

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  • Le coût du capital utilisé par France Télécom est de 14,3%, d’après ses réactions au modèle de coût présenté par Mobius.

Les coûts opérationnels retenus par l’Autorité sont ceux déclarés par France Télécom dans ses réactions au modèle de coût. Ils sont de 10% de l’investissement initial et de 20% du montant de l’amortissement annuel. Ces chiffres n’ont pas été justifiés par France Télécom, mais paraissent les plus fiables à ce stade.

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  • Les hypothèses de durée de vie et de remplissage du câble SAT3/WASC/SAFE ont été communiquées par France Télécom au cours de l’audience. France Télécom prévoit que le câble sera saturé dans 11 ans si son remplissage se poursuit au rythme actuel. L’hypothèse de remplissage retenue est donc une croissance linéaire du trafic sur le câble jusqu’à saturation.

[…]

[…]

  • Le pourcentage du câble utilisé pour la liaison Réunion-Métropole est de […]. Il est obtenu en comptant une utilisation à […] de la partie SAT3/WASC entre le Portugal et l’Afrique du Sud, et à […] du câble SAFE, conformément aux données fournies par France Télécom sur la matrice de distance du consortium dans sa réaction au modèle de coût pour une liaison de la Réunion vers l’Afrique du Sud.

[…]

  • Les hypothèses de consommation à la Réunion retenues sont celles communiquées par France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire et dans ses réactions au modèle de coût présenté par Mobius. En l’absence de réponse de France Télécom, les données utilisées sont celles fournies dans le modèle de coût et que France Télécom n’a pas contestées.

La capacité réservée sur le câble par utilisateur a été communiquée par France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire. Elle est de 0,75 kbit/s par abonné RTC et de 22,5 kbit/s par abonné ADSL.

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

  • Les taux de remplissage utilisés sont ceux communiqués par France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire. France Télécom n’ayant pas communiqué le taux de remplissage des STM1 en bande passante « paquets » pour le câble SAT3/WASC/SAFE, ce taux a été calculé à partir du taux « tous supports de transmission » en appliquant le ratio correspondant fourni pour les liaisons louées. Ces chiffres n’ont pas été justifiés précisément par France Télécom, mais paraissent les plus fiables à ce stade.

[…]

[…]

[…]

  • Concernant les coûts associés au transport du trafic entre le Portugal et Penmarch, par le câble SEA-ME-WE, l’Autorité a appliqué le coût linéaire de transport du câble SAT3/WASC/SAFE sur la distance considérée. Cette modélisation est favorable à France Télécom, car le trafic sur cette partie de SEA-ME-WE est supérieur au trafic moyen sur SAT3/WASC/SAFE, les coûts associés sont donc inférieurs. Le coût retenu pour cette portion du trajet est de 40 euros par mois et par Mbit/s.
  • Concernant les coûts de la partie terrestre de la liaison louée comprise entre Penmarch et Paris, l’Autorité a retenu l’hypothèse de France Télécom présentée dans son modèle, transmis à l’occasion de ses réponses au deuxième questionnaire du rapporteur, et conformément à la description de l’architecture technique du réseau fournie par France Télécom dans ses réponses au premier questionnaire, c’est-à-dire un coût de 3 200 euros par an pour un équivalent 2 Mbit/s, soit 133 euros par Mbit/s et par mois.
  • Concernant les coûts de la partie terrestre de la liaison louée comprise entre la station d’atterrissement à Saint-Paul et Le Port, France Télécom et Mobius n’ont pas fourni d’estimation des coûts associés. En l’absence d’éléments, l’Autorité considère qu’une liaison louée sur ce segment ne peut présenter un coût supérieur à celui d’une liaison louée d’aboutement, dont le tarif est fixé au catalogue d’interconnexion, soit 140,4 euros par mois et par Mbit/s, sur la base d’une liaison de 2 Mbit/s de 28 kilomètres.

3.7  Evaluation du coût  de transport

L’Autorité a réalisé ses propres estimations des coûts liés à l’utilisation du câble SAT3/WASC/SAFE, à partir des observations des parties et des hypothèses décrites ci-avant.

Pour la station d’atterrissement, les coûts et les trafics à prendre en compte sont les suivants :

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Pour le câble, les coûts et les trafics à prendre en compte sont les suivants :

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Au total, le coût du transport sur le câble SAT3/WASC/SAFE est donc donné par le calcul suivant :

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L’Autorité estime donc que le coût du transport sur le câble SAT3/WASC/SAFE est de 574 euros par Mbit/s en 2004. En tenant compte de l’ensemble des segments de réseau qui sont utilisés pour fournir l’offre de liaison louée décrite par la présente décision, le coût de cette prestation est donc de 887 euros par mois et par Mbit/s.

Dans ces conditions, l’Autorité étant liée par la demande de la société Mobius, France Télécom devra faire droit à la demande de celle-ci concernant la fixation d’un tarif de la prestation de LLT à 1 550 euros par Mbit/s et par mois.

3.8   Sur les frais d’accès au service

Les frais d’accès au service sont un élément de la tarification de l’offre de liaison louée de transport. Il revient donc à l’Autorité, aux termes de l’articles L.36-8, de préciser les conditions de fixation de leur tarif, dès lors que cette offre constitue une prestation d’interconnexion.

Il résulte de ce qui précède que les frais d’accès au service de l’offre de liaison louée de transport sont ceux d’une offre de gros et qu’ils doivent être orientés vers les coûts. En effet, dès lors que l’ensemble de l’offre est soumise à l’orientation vers les coûts, que la partie récurrente du tarif est fixée dans le respect de ce principe, il doit en aller de même pour les frais d’accès au service.

Mobius demande à l’Autorité de fixer les tarifs des frais d’accès au service pour l’offre de liaisons louées au niveau des frais d’accès au service définis au catalogue d’interconnexion.

La prestation de gros définie par la présente décision repose sur trois tronçons principaux :

- un backhaul en métropole entre la station d’atterrissement et le point de livraison ;

- une capacité à fournir par France Télécom au sein de la capacité dont elle dispose déjà entre les stations d’atterrissement à La Réunion et à Penmarch ;

- un backhaul à La Réunion entre la station d’atterrissement et le point de livraison.

Cette architecture n’implique un raccordement entre le client et France Télécom qu’en deux points, tous deux situés dans des bâtiments France Télécom. En effet, seuls les deux brasseurs d’extrémité de l’offre doivent être configurés, les brasseurs ou stations d’atterrissement traversés n’étant pas impactés par la création de l’offre de liaison louée de transport. Chacun de ces raccordements est semblable à celui opéré dans le cas d’une liaison d’aboutement. La mise en service de la LLT est donc comparable à la mise en service de deux liaisons d’aboutement.

En l’absence de toute justification de ses coûts de la part de France Télécom, l’Autorité  estime donc que les frais d’accès au service pour l’offre de liaison louée de transport ne pourront excéder le coût de mise en service de deux liaisons d’aboutement.

Pour des débits de 2 Mbit/s, le tarif des frais d’accès au service pour une liaison d’aboutement est de 1 959 euros. Pour des débits supérieurs, le tarif des frais d’accès au service devra également être cohérent avec le tarif des frais d’accès au service des liaisons d’aboutement à 155 Mbit/s, à savoir 4 035 euros.

Par ailleurs, les opérateurs pourront utiliser des offres de liaisons d’aboutement définies au catalogue d’interconnexion pour le raccordement de cette liaison louée de transport à leur réseau. Les frais d’accès au service de ces liaisons louées utilisées pour le raccordement sont déjà définis au catalogue d’interconnexion.

4.     Sur la demande de Mobius relative au transit IP

4.1  Sur le principe

Il résulte des dispositions de l’article L. 34-8 du Code des Postes et Télécommunications que la société France Télécom, en tant qu’opérateur figurant sur la liste établie en application du a) du 7° de l’article L. 36-7 du code des postes et télécommunications est tenue de faire droit dans des conditions objectives, transparentes et non-discriminatoires, aux demandes d’accès spécial de la société Mobius, si celles-ci sont justifiées au regard de ses besoins et de la capacité de France Télécom à la satisfaire, en l’absence d’une prestation d’accès publiée par France Télécom aux conditions techniques et tarifaires répondant à ces besoins.

Il ressort donc en particulier que la fourniture de l’offre de transit IP doit donner lieu à une rémunération reflétant les coûts du service rendu.

4.2  Sur l’architecture technique

L’offre de transit IP consiste dans le transport entre le site du BAS France Télécom de Saint- Denis de la Réunion et un site à Paris fixé en accord avec Mobius.

Par ailleurs, la société Mobius souligne l’importance de la possibilité d’échanger du trafic localement avec les filiales de France Télécom, comme le fait actuellement Wanadoo. Elle demande donc l’accès au POP IP de France Télécom à la Réunion.

Au regard des éléments échangés dans le cadre de cette procédure, l’Autorité estime que la demande de la société Mobius d’échange local de trafic est justifiée.

L’Autorité note que le GIP Renater a déclaré, sur son site Internet, ouvrir prochainement un GIX à la Réunion, et avoir obtenu l’accord de France Télécom pour la participation de cette dernière à l’échange de trafic en ce point. Dans ces conditions, l’Autorité considère que cette solution répond aux préoccupations de Mobius.

Si toutefois France Télécom n’échangeait pas réellement son trafic, ainsi que le trafic de ses filiales, sur le GIX Renater avant le 31 juillet 2004, l’Autorité estime que la demande de Mobius d’accéder au POP IP de France Télécom à la Réunion serait justifiée, et que France Télécom devrait y faire droit.

4.3  Sur les tarifs

Les éléments de réseau utilisés pour la fourniture de l’offre de transit IP sont pour grande partie les mêmes que ceux utilisés pour fournir de la capacité. Les différences qui existent entre ces deux offres consistent ainsi :

- principalement en la possibilité de réaliser du multiplexage statistique dans le cas de l’offre de transit IP (la capacité n’est alors pas dédiée, contrairement à l’offre de liaison louée) ;

- accessoirement en l’utilisation d’équipements IP à la place de brasseurs de liaisons louées.

Il apparaît dès lors que les tarifs de l’offre de transit IP doivent être cohérents avec les coûts calculés pour l’offre de liaison louée. Ils devront également tenir compte des gains correspondants au multiplexage statistique. L’Autorité estime donc que le tarif de l’offre de transit IP devront être égal au tarif de l’offre de liaison louée corrigé d’un facteur correspondant au multiplexage statistique. Ce ratio devra être cohérent avec ceux constatés pour les offres existantes de France Télécom, tant dans les DOM qu’en métropole.

En outre, il résulte de ce qui précède que les frais d’accès au service de l’offre de transit IP sont ceux d’une offre de gros et qu’ils doivent être orientés vers les coûts, la partie récurrente du tarif étant elle-même soumise à ce principe.

décide :

article 1 : France Télécom devra proposer à Mobius un service d’interconnexion de liaison louée de transport entre un site France Télécom ouvert à l’interconnexion et dans lequel est disponible un service d’aboutement de liaisons louées à Saint-Denis de La Réunion et un site France Télécom ouvert à l’interconnexion et dans lequel est disponible un service d’aboutement de liaisons louées à Paris, au tarif de 1550 euros mensuels par Mbit/s, en vue de la signature d’une convention d’interconnexion quatre semaines au plus tard après la notification de la présente décision. Les frais d’accès au service de cette offre devront refléter les coûts de mise en service de la prestation.

article 2 : France Télécom devra proposer à Mobius une offre de transit IP entre le site du BAS France Télécom de Saint-Denis de la Réunion et un site à Paris fixé en accord avec Mobius, en vue de la signature d’une convention six semaines au plus tard après la notification de la présente décision. Le tarif de cette offre devra respecter les principes définis ci-avant. Les frais d’accès au service de cette offre devront être orientés vers les coûts. Cette offre devra permettre l’échange de trafic local entre France Télécom, ses filiales et Mobius.

article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les sociétés Mobius et France Télécom est rejeté.

article 4 : Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Mobius et France Télécom la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi, et publiée au Journal officiel de la République Française.