Cass. 3e civ., 23 novembre 2022, n° 21-18.921
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Avocats :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Ortscheidt, SCP Alain Bénabent
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de M. et Mme [G] et de la société Phisa, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société FCA MotorVillage France, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [I] et de la société [M]-Tamiotti, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 avril 2021) et les productions, par acte authentique reçu le 2 juillet 2007 par M. [I], notaire associé au sein de la société civile professionnelle [M]-Tamiotti (les notaires), M. [W] [G], usufruitier, aux droits duquel se trouve la société Phisa, ainsi que M. [O] [G] et Mme [U] [G], nus-propriétaires, (les bailleurs) ont donné en location à la société Intermap, aux droits de laquelle est venue la société FCA Motor village France (la locataire), un local à usage commercial.
2. Le bail comporte une clause d'indexation annuelle du loyer stipulant que celle-ci ne s'appliquera qu'en cas de variation à la hausse de l'indice de référence.
3. Les 17 et 23 mai 2016, la locataire, se prévalant de l'irrégularité de cette clause, a assigné les bailleurs en paiement d'une certaine somme au titre des loyers trop versés.
4. Les bailleurs ont appelé les notaires en garantie.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Les bailleurs font grief à l'arrêt de dire non écrite la clause d'indexation contenue dans le bail du 2 juillet 2007, alors « qu'une obligation est divisible ou indivisible selon qu'elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l'exécution, est ou n'est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle ; que seule une stipulation prohibée doit être réputée non écrite ; qu'en considérant, par motifs propres et adoptés, que les parties ayant, dans le bail, présenté la clause d'indexation comme une condition essentielle et déterminante, cette clause devrait être réputée non écrite en son entier, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre le principe de l'indexation et ses modalités, et que la clause d'indexation, présentée comme déterminante de l'engagement des parties, serait indivisible, sans vérifier si l'obligation stipulée par cette clause aurait pour objet un fait qui dans son exécution ne serait pas susceptible de division, matérielle ou intellectuelle, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'indivisibilité de la clause, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1217 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier. »
Réponse de la Cour
Vu l'article l'article 1217 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
6. Aux termes de ce texte, l'obligation est divisible ou indivisible selon qu'elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l'exécution, est ou n'est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle.
7. Pour réputer non écrite en son entier la clause d'indexation, l'arrêt retient que les parties ayant, dans le bail convenu et signé entre elles, présenté ladite clause comme une condition essentielle et déterminante, celle-ci doit être réputée non écrite en son entier sans qu'il n'y ait lieu de distinguer entre le principe de l'indexation et ses modalités.
8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'indivisibilité, alors que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation du chef du dispositif ayant réputé non écrite en son entier la clause d'indexation, entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de celui condamnant les bailleurs à restituer à la locataire une certaine somme au titre du trop-perçu de loyers du mois de mai 2011 au mois de mai 2016 qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Mise hors de cause
10. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause les notaires dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit non écrite la clause d'indexation contenue dans le bail du 2 juillet 2007 et en ce qu'il condamne in solidum la société Phisa, M. [O] [G] et Mme [U] [G] à payer à la société FCA Motor village France la somme de 305 098 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2016, au titre des loyers trop perçus du mois de mai 2011 au mois de mai 2016, l'arrêt rendu le 22 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée