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Décisions

ART, 27 avril 2004, n° 04-374

ART (DEVENUE L'ARCEP)

se prononçant sur un différend opposant le Conseil régional de la Réunion à France Télécom

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Champsaur

Avocats :

Me Dupuis-Toubol, Me de Panafieu

ART n° 04-374

26 avril 2004

L’Autorité de régulation des  télécommunications,

Vu la directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil du 30  juin  1997  relative à l’interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d’assurer un  service universel et l’interopérabilité par l’application des principes de fourniture  d’un  réseau ouvert (ONP) ;

Vu la directive 98/10/CE du Parlement Européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement Européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;

Vu la directive 2002/19/CE du Parlement Européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées , ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 34-8, L. 36-8   et R. 11-1 ;

Vu la décision n° 99-528 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juin 1999 modifiée portant règlement intérieur ;

Vu l’arrêté du 12 mars 1998 modifié autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu la décision n° 02-593 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juillet 2002 établissant pour 2003 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché des télécommunications;

Vu la décision n° 02-1191 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 19 décembre 2002 complétant la décision susvisée ;

Vu la décision n° 03-907 de l’Autorité  de régulation des télécommunications en date du

24 juillet 2003 établissant pour 2004 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché des télécommunications ;

Vu la demande de règlement d’un différend, enregistrée le 5 janvier 2004,  présenté par le Conseil régional de la Réunion, situé Avenue René Cassin - BP 7190 - 97719 Saint-Denis Messag. Cedex 9, représentée par Maître Frédérique Dupuis-  Toubol, Cabinet Bird & Bird, Centre d'affaires Edouard VII - 6,  rue  Caumartin - 75009 Paris ;

Le Conseil régional de la Réunion demande à l'Autorité :

- de constater le refus de France Télécom de négocier pour certaines prestations et l'échec des négociations pour les autres prestations ;

- de faire injonction à France Télécom de communiquer d'une part, les conventions qui la lient à Wanadoo, Equant et Transpac, en ce qui concerne tant les services de liaisons louées que les services de transit et d'accès ADSL, et d'autre part, son modèle de coûts constitué selon la méthodologie des CMILT pour chacune des prestations demandées par le Conseil  régional de la Réunion ;

- d'imposer à France Télécom de fournir les services suivants au moyen du câble SAFE avec usage des capacités satellitaires uniquement à des fins de secours :

1. service de transit IP à destination de l'ensemble du réseau Internet au départ de la Réunion à un tarif ne pouvant excéder 1100 euros HT/Mbps/mois,

2. de fixer les tarifs des liaisons louées vers la métropole au tarif de 1550 euros HT mensuels par Mbps,

3. de fixer le tarif des frais d’accès aux services (FAS) applicables aux deux offres précédentes à un niveau équivalent aux FAS applicables aux liaisons louées du catalogue d'interconnexion en vigueur.

- d'imposer à France Télécom de signer avec le Conseil régional de la Réunion une convention d'accès en conformité avec les dispositions précédentes dans un délai de quatre semaines à compter de la notification de sa décision,

- d'imposer à France Télécom de rendre public, en particulier via son site Internet, l'ensemble de ses tarifs de prestations de télécommunications au départ et vers la Réunion.

I.  Exposé des faits

1.1.  Présentation du Conseil régional de la Réunion

Le Conseil régional de la Réunion précise qu'il est un utilisateur de services de télécommunications, pour ses besoins propres et les besoins de divers organismes publics. Au titre de ses compétences, le Conseil Régional indique qu’il doit veiller notamment à l’égalité d’accès de tous les Réunionnais à l’ensemble des services de télécommunications et aux services publics en ligne.

Il ajoute que, pour contribuer à la réalisation de ces objectifs, il a mis en œuvre plusieurs projets d’importance tels que la mise en réseau de tous les organismes de formation professionnelle et le développement de la formation en ligne et à distance, la création d’un réseau de 25 Cybercases, espaces publics d’animation et de formation de proximité répartis.

Le Conseil régional de la Réunion indique, que dans le cadre du développement de ces projets, il est confronté à l'inadéquation des offres de services de télécommunications haut débit, notamment les infrastructures longue distance, au regard des besoins de désenclavement de la Réunion.

Il précise que la Région est donc un utilisateur de services de télécommunications au sens du code des postes et télécommunications.

1.2.  Présentation du contexte des télécommunications à la Réunion et de l'intervention du Conseil régional

Le Conseil régional indique qu'en raison de son insularité et de son éloignement de la métropole, la Réunion est dans une situation de dépendance vis-à-vis des liaisons de télécommunication qui ont une importance vitale pour l'économie de l'île.

Le Conseil régional précise qu’il est apparu que les principales lacunes au développement d’offres de services satisfaisantes résident dans deux domaines où il a décidé d’agir afin de favoriser l'émergence d'offres au bénéfice de la population réunionnaise : les infrastructures locales haut débit et les infrastructures longue distance desservant la Réunion.

  • Sur les infrastructures locales haut débit

Le Conseil régional précise que seule France Télécom disposait d'une telle infrastructure à la Réunion et que malgré la demande du Conseil régional, elle a refusé toute location à ses concurrents ou à des utilisateurs de fibres noires ou/et de fourreaux sur son réseau.

Le Conseil régional indique qu'à la suite d'une consultation publique destinée à recenser les besoins des acteurs publics et privés, et d'une consultation des opérateurs permettant de constater la carence de l'initiative privée en matière d'offre de location de fibres ceinturant l'île, la Région a décidé d'intervenir en partenariat avec EDF pour la mise en place d'un réseau haut débit régional, ouvert à tous les opérateurs. Ce projet est baptisé Gazelle. Le Conseil régional indique que la première phase consiste en la pose de fibres optiques sur les lignes à haute tension. Le Conseil régional précise que la mise en route de Gazelle permettra une meilleure couverture du territoire, le développement des services et des offres et une baisse du prix. Le Conseil régional souligne que cette intervention ne pourra être efficace que si une démarche de baisse des tarifs est pratiquée sur les liaisons longue distance desservant la Réunion.

  • Sur les infrastructures longue distance

Le Conseil régional constate le décalage entre les offres disponibles ailleurs en France et celles disponibles à la Réunion. Il précise que la Réunion subit une situation spécifique caractérisée par :

- un seul câble sous-marin présent dans la zone : le câble SAT3-WASC-SAFE, ouvert en juin 2002,

- une exclusivité de commercialisation de France Télécom sur les capacités de ce câble pour le raccordement de la Réunion,

- un éloignement considérable des autres réseaux mondiaux rendant impossible la mise en œuvre de toute solution alternative (réalisation d'un nouveau câble).

Le Conseil régional précise que la Réunion se trouve confrontée au paradoxe de disposer, en théorie, d'un câble sous-marin avec une capacité disponible considérable mais du fait de l'exploitation abusive par France Télécom de son exclusivité de commercialisation sur cette infrastructure, les offres de service sont inaccessibles compte tenu des tarifs pratiqués.

Le Conseil régional souligne l'inégalité de traitement des usagers réunionnais souhaitant accéder à Internet dans des conditions satisfaisantes par rapport aux usagers métropolitains.

1.3.  Le rôle de France Télécom à la Réunion

Le Conseil régional de la Réunion rappelle d'une part, que France Télécom intervient sur le marché des communications fixes de détail, à la fois sur la téléphonie et les liaisons spécialisées, d'autre part, qu'elle détient une position quasi de monopole sur ces marchés.

Il indique que concernant le marché grand public de l'accès à Internet à la Réunion, mi 2002, France Télécom, via Wanadoo, a conquis 50.000 clients Internet pour son accès bas débit : soit environ 90 % du marché et plus de 5.000 abonnés ADSL ce qui représente 97 % de part de marché de l'accès à Internet haut débit.

Le Conseil régional de la Réunion précise qu'avant juin 2002, France Télécom fournissait ses offres de transport longue distance à partir de segments satellitaires. Or, il constate que depuis cette date, la plupart de ces offres empruntent l'infrastructure du câble sous-marin SAT- 3/WASC/SAFE (ci-après SAFE).

Le Conseil régional de la Réunion indique que France Télécom n'a pas pris l'initiative de réviser ses offres de prestations longue distance afin de prendre en compte la mise en place de ce câble sous-marin. Il a donc dû entamer des négociations commerciales avec France Télécom afin d'obtenir une baisse sensible des tarifs et des engagements de qualité de service correspondant à la nouvelle architecture technique d'acheminement des données via le câble sous-marin.

1.4.  Sur les négociations entreprises par le Conseil régional de la Réunion

Le Conseil régional de la Réunion rappelle qu'il a, par un courrier en date du 15 juillet 2003, demandé à France Télécom l'ouverture d'une négociation commerciale faisant suite à la mise en service du câble SAFE à la Réunion afin d'obtenir des offres de prestations portant sur :

- IRU sur le SAFE

- liaisons de Backhaul

- offres de liaisons louées

- service de transmission de données ATM ou FR

- offres de transit IP.

Le Conseil régional de la Réunion indique que, dans sa réponse en date du 29 juillet 2003, France Télécom indiquait qu'il fallait solliciter une autorisation d'opérateur pour les demandes relevant de l'interconnexion et de s'adresser à une agence commerciale pour les autres prestations.

En se fondant sur sa qualité d'utilisateur de services de télécommunications au sens de l’article L. 34-8 du code des postes et télécommunications ainsi qu’au titre des directives 98/10 et 2002/19, le Conseil régional de la Réunion, dans un courrier en date du 10 septembre 2003, estime que ces demandes relèvent de l’accès ou/et de l’accès spécial au réseau de France Télécom et non de l’interconnexion. Il donnait à France Télécom un délai de 15 jours pour pouvoir disposer de propositions précisant les prestations sur lesquelles elle souhaitait obtenir une offre.

Dans un courrier en date du 8 octobre 2003, France Télécom adressait une proposition au Conseil régional concernant une solution :

- de transit IP international sans accès au point de présence de la Réunion,

- à base des liaisons louées point à point en circuit complet de 2 et 34 Mbit/s entre les POP de la Réunion et les POP de Paris.

Dans sa réponse en date du 17 novembre 2003, le Conseil régional de la Réunion a estimé que France Télécom :

- ne lui avait pas répondu sur les propositions d’IRU et de liaisons louées entre la Réunion et, respectivement l’Afrique du Sud, l’Inde et l’île Maurice ;

- que l’offre commerciale de transit IP de France Télécom était insatisfaisante du point de vue technique car elle ne répondait pas à ses besoins ;

- que les offres commerciales de transit IP et liaisons louées de France Télécom ne respectaient pas le principe d’orientation vers les coûts.

Elle demandait donc à France Télécom une modification substantielle de sa proposition.

Le Conseil régional de la Réunion indique que depuis le 17 novembre 2003, France Télécom n'a pas répondu à ses demandes et que c'est au vu de cet échec de négociations qu’elle a saisi l'Autorité.

II.  Exposé des moyens

Le Conseil régional de la Réunion indique que ses prestations relèvent de l'accès au réseau de France Télécom au sens de l'article L. 34-8 VI du code des postes et télécommunications. Il estime que le refus de négociations opposé par France Télécom pour certaines offres et l'échec des négociations pour les autres relèvent de la compétence de l'Autorité au titre de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

2.1.  Les demandes du Conseil régional de la Réunion sont légitimes et justifiées au regard de ses besoins

Le Conseil régional de la Réunion estime qu'il est légitime à demander une offre s'appuyant sur la technologie du câble sous-marin SAFE.

  • Sur l'offre transit IP avec un point de présence local à la Réunion

Le Conseil régional de la Réunion indique que cette prestation répond à ses besoins à court terme :

- un échange local de données entre les internautes réunionnais et les sites hébergés à la Réunion et appartenant aux organismes relevant du domaine de compétence de la Région resterait local sans que les informations aient à faire un aller retour inutile par la métropole, ce qui représenterait un gain important en matière de qualité de service et de coût,

- l'hébergement et l'accès à Internet des entités relevant de la responsabilité du Conseil régional pourraient être développées dans des conditions techniques en rapport avec leur importance.

  • Sur les demandes de liaisons louées

Le Conseil régional de la Réunion estime que cette prestation permettrait de répondre à ses besoins ainsi que des organismes relevant de sa responsabilité pour acheminer leur trafic vers le réseau mondial.

  • Sur la demande d'IRU

Il estime que cette prestation ne répond pas à ses besoins à court terme mais qu'il serait intéressant d'en connaître les modalités conformément aux obligations tarifaires et techniques de France Télécom dans le cadre du développement de ses activités à moyen terme et afin d'apprécier à quel stade de développement elle pourrait avoir intérêt à basculer vers une telle offre afin de disposer des éléments d'information nécessaires pour apprécier les durées d'engagement auxquelles elle peut souscrire pour les solutions répondant à ses besoins à court terme.

  • Sur la demande de demi-circuits

Il estime que cette demande ne répond pas à ses besoins à court terme mais qu'il serait intéressant d'en connaître les modalités afin d'apprécier comment une telle solution pourrait dynamiser le marché des liaisons longue distance au départ et vers la Réunion.

Le Conseil régional de la Réunion considère que ses demandes de prestations d'accès sont donc raisonnables au regard de ses besoins au sens de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications.

2.2  France Télécom peut satisfaire les demandes du Conseil régional de la Réunion

Le Conseil régional de la Réunion estime que l’opérateur France Télécom peut satisfaire ses demandes car elle dispose de 15 % des capacités globales de ce câble mis en service au cours de l'année 2002, celui-ci ne devrait pas rencontrer de problèmes d’insuffisance de capacités pour répondre aux besoins du Conseil Régional de la Réunion.

S'agissant de l'ouverture du Point de Présence d’un opérateur (POP) de la Réunion, le Conseil régional de la Réunion considère que ce POP est déjà ouvert au bénéfice de Wanadoo, de Transpac et des autres filiales de France Télécom, dans ces conditions cette dernière n'a aucune raison de ne pas mettre cet équipement à disposition de tous.

2.3  Les tarifs de France Télécom ne sont pas orientés vers les coûts

Le Conseil régional de la Réunion indique que concernant les prestations d'accès, les tarifs de France Télécom doivent respecter le principe d'orientation vers les coûts tel que prévu à l'article L. 34-8 IV du Code des postes et télécommunications.

Le Conseil régional de la Réunion estime que France Télécom est tenue de justifier que chacun des tarifs proposés en l'espèce respecte le principe d'orientation vers les coûts conformément à l'article 7-2 de la directive « Interconnexion » n° 97-33/CE du 30 juin 1997 et à l'article 13-3 de la directive 2002/19/CE « Accès ».

Or, le Conseil régional de la Réunion indique que France Télécom n’a fourni aucun élément attestant de ces coûts.

En outre, le Conseil régional de la Réunion rappelle que les coûts de France Télécom doivent être examinés à l'aune de la méthode des coûts moyens incrémentaux à long terme "CMILT". Il estime que cette méthode paraît légitime au cas d'espèce et favorise la dynamique du marché de l'Internet.

En se fondant sur des tarifs pratiqués tant par France Télécom que par d’autres acteurs pour des prestations analogues dans d’autres zones que la Réunion, le Conseil régional de la Réunion considère que les tarifs proposés par France Télécom ne peuvent être orientés vers les coûts car ils sont exorbitants et incohérents.

Le Conseil régional de la Réunion précise qu’il observe des incohérences de tarifs dans la proposition de France Télécom attestant qu'ils ne sont pas orientés vers les coûts tant au regard des tarifs de détail qu'en fonction des différences de tarifs selon le volume commandé à France Télécom, ainsi qu'à l'aune des distances parcourues.

D’une part, le Conseil régional de la Réunion demande donc à l’Autorité que le tarif des FAS applicables tant à l'offre de liaison louée qu’à l'offre de transit IP devra être égal au tarif des FAS des liaisons louées tel que figurant dans le catalogue d'interconnexion en cours.

D’autre part, le Conseil régional de la Réunion rappelle que l'achat et la mise en service de capacités sur le câble sous-marin se fait au niveau d'affluents E3/DS3 ou STM1 mais que le taux de remplissage de telles capacités est toujours élevé. Il estime que le niveau de sur-cote pour un lien de faible capacité ne devrait pas excéder 10 % dans le cadre d'une orientation vers les coûts.

Le Conseil régional de la Réunion considère que les tarifs proposés par France Télécom ne reflètent pas les coûts des services rendus et le Conseil régional de la Réunion est légitime à solliciter que l'Autorité fixe les tarifs de France Télécom.

2.4  Sur le respect du principe de non-discrimination

Le Conseil régional de la Réunion, se fondant sur l’article L. 34-8 du code des postes et télécommunications et les directives n° 97/33 et n° 2002/19 susvisées, considère que France Télécom est tenue de lui offrir des services d'accès dans des conditions non discriminatoires notamment par rapport à celles consenties à d'autres entités du groupe France Télécom tel que Wanadoo, Equant, Transpac. Or, le Conseil régional de la Réunion constate les éléments suivants dans les prestations liées au transit IP :

- les échanges entre Wanadoo et Transpac se font localement ce qui implique que Wanadoo ne soit pas client de l'offre "collecte IP/ADSL nationale y compris DOM" mais d'une offre de collecte IP/ADSL régionale,

- les tarifs des offres de transit Oleane, Opentransit et des liaisons louées vers la métropole proposées par France Télécom à la Réunion sont incompatibles avec les tarifs au client final pratiqués par Wanadoo.

Ainsi, le Conseil régional de la Réunion demande à l’Autorité de veiller à ce qu’il puisse bénéficier d'offres qui ne soient pas moins favorables que celles dont bénéficient les filiales de France Télécom, tant en termes de solutions techniques mises en œuvre, que de tarifs. Il appartiendra donc à l’Autorité de demander à France Télécom communication de la convention la liant à Wanadoo, Equant et Transpac.

Vu la lettre du chef du service juridique de l’Autorité en date du 13 janvier 2004 communiquant aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et le nom des rapporteurs ;

Vu la lettre de l'adjoint au chef du service juridique en date du 23 janvier  2004 adressant un questionnaire aux parties et fixant au 12 février 2004 la date de clôture de  remise des réponses ;

Vu les observations en défense enregistrées le 2 février 2004 présentées par la société France Télécom, RCS Paris n° 380.129.866 Paris, dont le siège social est situé 6, place d'Alleray - 75505 Paris cedex 15, représentée par M. Jacques Champeaux, Secrétaire général ;

A titre liminaire, la société France Télécom souhaite revenir sur certains points.

  • sur le câble SAFE

France Télécom rappelle que l'accord de construction et de maintenance du câble SAFE a été signé en juin 1999 et qu'à cette date le secteur des télécommunications était déjà ouvert à la concurrence. Elle indique que tout opérateur pouvait rejoindre le consortium du câble afin de relier la Réunion à la Métropole mais que seule France Télécom a jugé bon de le faire.

France Télécom précise qu'elle a investi 96 millions de dollars dans le SAFE, ce qui représente 15 % de ce système, et qu'elle a été le premier investisseur dans le câble SAFE et regrette que d'autres opérateurs français n'aient pas fait le choix d'investir.

France Télécom indique que le Conseil régional de la Réunion ne peut lui reprocher d'avoir fait le choix d'investir car cela a permis de baisser les tarifs des offres et de développer le   haut débit pour les habitants de la Réunion.

  • Sur le niveau tarifaire des offres haut débit à la Réunion

France Télécom rappelle que le principe d'orientation vers les coûts implique la prise en compte des spécificités de la Réunion à savoir son insularité, son grand éloignement de la métropole.

  • Sur la difficulté d'appréhender les besoins et les demandes du Conseil régional de la Réunion

France Télécom rappelle que le 15 juillet 2003, le Conseil régional de la Réunion a souhaité bénéficier de cinq prestations sans qualifier ses besoins en indiquant ensuite sa volonté de prioriser certaines de ses demandes.

France Télécom constate que dans sa saisine, le Conseil régional de la Réunion ne fait état que de quatre de ses demandes en indiquant que pour deux d'entre elles : la demande d'IRU et de demi-circuits, ces prestations ne répondent pas "aux besoins à court terme du Conseil régional de la Réunion". Or, France Télécom constate que dans son courrier en date du 10 septembre 2003, le Conseil régional de la Réunion classait sa demande d'IRU parmi ses besoins prioritaires.

Toutefois, France Télécom note qu’au final ces deux dernières demandes ne font d’ailleurs pas partie du champ de la présente saisine.

I.  Sur l'absence de refus de négocier certaines prestations et d'échec de négociations sur les autres prestations

France Télécom indique qu’elle démontrera que par une présentation partiale et erronée des négociations le Conseil régional conclut dans sa saisine à un refus et à un échec des négociations de la part de France Télécom alors que la réalité est toute autre.

Elle rappelle que, dans un courrier en date du 15 juillet 2003, en parfaite méconnaissance du cadre réglementaire régissant les obligations et les activités commerciales de France Télécom et sans véritable qualification de ses besoins, le Conseil régional de la Réunion souhaitait bénéficier, en recourant à des capacités sur le câble SAFE, des prestations suivantes :

- Acquisition de droits irrévocables d'usage (IRU) sur les capacités disponibles du câble sous- marin SAFE en circuit complet et demi-circuit vers la France métropolitaine, l'Ile Maurice, l'Afrique du Sud, l'Inde,

- Services de liaisons de "backhaul" prolongeant les têtes de câble sous-marin en métropole et à la Réunion,

- Services de liaisons louées en circuit complet et demi-circuit vers la France métropolitaine, l'Ile Maurice, l'Afrique du Sud et l'Inde,

- Services de transmission de données ATM ou Frame Relay vers la France métropolitaine, l'Ile Maurice, l'Afrique du Sud et l'Inde,

- Offres de transit IP.

France Télécom précise que les prestations sollicitées par le Conseil régional de la Réunion dans ce même courrier sont de deux natures bien distinctes : certaines relèvent de l'interconnexion et, à ce titre, ne peuvent être offertes qu'à des opérateurs de réseaux munis d'une autorisation, les autres sont des prestations de nature commerciale pouvant être offertes à tout demandeur sans distinction de statut.

Ainsi, France Télécom rappelle que dans un courrier en date du 29 juillet 2003, elle a invité le Conseil régional de la Réunion à solliciter le statut d'opérateur auprès de l'Autorité afin de bénéficier des prestations relevant de l'interconnexion et de s'adresser à son agence commerciale France Télécom pour obtenir des prestations relevant du régime commercial général.

Dans un courrier en date du 10 septembre 2003, France Télécom précise que le Conseil régional de la Réunion a réitéré ses demandes en se prévalant des notions d'accès et/ou d'accès spécial et non plus d'interconnexion.

Dans un courrier en date du 8 octobre 2003, France Télécom a proposé dans le cadre d'offres commerciales, une solution de transit IP internationale et une solution à base de liaisons louées point à point en circuit complet entre les POPs du Conseil régional de la Réunion situés sur l'Ile de la Réunion et à Paris. France Télécom souligne qu'elle offrait pour des engagements de 10 et 15 ans, un montage financier spécifique consistant en une remise supplémentaire sur les tarifs catalogue de la liaison louée à 2 Mbit/s et d'un préfinancement pour les capacités de débit supérieur ou égal à 34 Mbit/s entre les POPs de l'Ile de la Réunion et de Paris.

France Télécom indique que si les besoins en connectivité Internet du Conseil régional de la Réunion ont évolué depuis sa demande initiale, il n'en n'a pas informé France Télécom avant le 17 novembre 2003.

France Télécom précise que le Conseil Régional de la Réunion, en omettant dans sa présentation des négociations un courrier de France Télécom en date du 23 décembre 2003, tente indûment de faire croire à un refus et un échec des négociations. Dans ce courrier, elle réitérait son offre de liaisons louées entre la métropole et les DOM et demandait au Conseil régional de la Réunion de lui fournir, liaison par liaison, l'adresse des deux extrémités afin de lancer l'étude de faisabilité et la tarification associée pour la fourniture de liaisons louées internationales en collaboration avec les opérateurs de l'Ile Maurice, d'Inde et d'Afrique du sud.

France Télécom souhaite souligner qu’elle n’avait toujours pas ces informations à sa disposition le 23 décembre 2003.

De façon complémentaire, France Télécom, dans ce courrier en date du 23 décembre 2003, indiquait au Conseil régional de la Réunion qu'elle était en mesure de lui offrir le prolongement terrestre sur l'Ile de la Réunion vers son POP sur la base d'un contrat "backhaul" de durée 1, 3 ou 5 ans.

Dans ces conditions, France Télécom estime qu’aucun refus de négocier ou échec des négociations ne peut lui être imputé et que par conséquent la saisine du Conseil régional de la Réunion ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l'article L. 36-8 du Code des postes et télécommunications.

II.  Sur l'irrecevabilité de la demande de liaisons louées

  • L'offre de liaisons louées sollicitée ne constitue pas une offre d'accès au réseau selon l'article L. 34-8 IV du code des postes et télécommunications

France Télécom indique que le Conseil régional de la Réunion ne peut soutenir que l'offre de liaisons louées constitue une prestation d'accès au sens de l'article L. 34-8 IV du code des postes et télécommunications. Elle souhaite rappeller que dans le cadre de l'analyse des marchés menée par l'Autorité, celle-ci classe le marché "des liaisons louées 2 fils, 4 fils, 64 Kps, 2 Mbps" parmi les "offres de détail" et non dans la catégorie des "offres d'interconnexion ou d'accès".

France Télécom estime que la demande du Conseil régional de la Réunion relative aux liaisons louées ne constitue pas une offre d'accès et ne relève d’ailleurs pas plus du régime de l'interconnexion.

En conséquence, elle considère que cette demande ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées par l'article L. 36-8 du Code des postes et télécommunications et doit être déclarée irrecevable.

  • Sur les conditions tarifaires de l'offre de liaisons louées

France Télécom indique que l'offre de liaisons louées sollicitée fait l'objet de la procédure d'homologation des tarifs. Ainsi, elle estime que l'Autorité ne saurait se prononcer sur cette demande relative aux conditions tarifaires de l'offre de liaisons louées Réunion/Métropole dans la présente procédure de règlement de différend sans détourner la procédure d’homologation des tarifs. La décision d’homologuer ou non une offre appartient au Ministre chargé des Télécommunications.

En conséquence, France Télécom demande à l'Autorité de se déclarer incompétente pour statuer sur les conditions tarifaires de l'offre de liaisons louées dans le cadre de la présente procédure.

III.  Sur les comparaisons proposées par le Conseil régional de la Réunion

France Télécom précise que le Conseil régional se livre tout au long de sa saisine à des affirmations gratuites ainsi qu’à des comparaisons de prix peu sérieuses sur lesquelles France Télécom ne souhaite pas s’étendre. Ainsi, à titre d’exemple, elle précise que la comparaison faite avec la liaison proposée par FLAG Telecom entre Londres et l’Inde est inexacte.

IV.  Sur le niveau tarifaire de l'offre de liaisons louées

France Télécom considère comme infondées les affirmations du Conseil régional de la Réunion selon lesquelles "les tarifs proposés par France Télécom sont manifestement non orientés vers les coûts". S'agissant du niveau tarifaire de cette offre, France Télécom précise que celui-ci reflète encore les investissements liés au câble SAFE et la distance à la métropole. France Télécom souligne que l'évolution de son tarif est conforme à la tendance de baisse du coût de la transmission liée à l'utilisation de cette nouvelle technologie.

Elle indique qu'une première baisse de 20 % à 30 % a été effectuée en avril 2003 sur tous les débits de 64 à 2048 Kbps. En outre, elle précise qu'elle peut indiquer au Conseil régional de la Réunion qu'une nouvelle baisse pour 2004 va être soumise dans les prochaines semaines à la procédure d'homologation sur la base des derniers coûts constatés.

France Télécom souligne que l'abandon progressif du système de sécurisation des liaisons louées par satellite entraîne une baisse du tarif de ces liaisons. Cette sécurisation des liaisons louées impliquait plus qu’un doublement des coûts de ces liaisons louées.

France Télécom rappelle que le concept CMILT fait référence à un contexte très précis et suppose une mise en œuvre longue et complexe. En conséquence, elle estime que la notion de CMILT n'a pas de sens au cas présent, le câble est une infrastructure récente qui pèse dans le coût global de la liaison.

V.  Sur la demande relative aux FAS

France Télécom indique que les FAS ne sont pas supposés refléter des coûts identifiés comme spécifique à la fourniture d'un service particulier mais correspondent à un choix du fournisseur entre la partie fixe du tarif et la partie récurrente et que la variable à considérer est la somme des FAS et du tarif du service. France Télécom souligne que la valeur des FAS est la même pour la métropole et les DOM et s'élève à 600 euros pour une extrémité des liaisons louées à 64 Kbit et 128 Kbit, de 1060 euros pour une liaison louée à 256 Kbit, de 1500 euros pour 512 Kbit et de 2200 euros pour une liaison louée à 2 Mbits.

France Télécom demande à l'Autorité de déclarer irrecevable la saisine du Conseil régional de la Réunion.

A titre subsidiaire, si l'Autorité devait déclarer recevable la saisine, France Télécom demande à l'Autorité de rejeter l'ensemble des demandes du Conseil régional de la Réunion.

Vu les réponses des parties au questionnaire du rapporteur enregistrées le 12 février 2004 ;

Vu le courrier du chef du service juridique en date du 16 février 2004 concernant la réponse du Conseil régional de la Réunion au questionnaire du rapporteur ;

Vu les observations en réplique enregistrées le 16 février 2004 présentées par le Conseil régional de la Réunion ;

Le Conseil régional de la Réunion constate que dans ses observations en défense, France Télécom ne se prononce pas sur les tarifs et se trouve dans l'incapacité à justifier le caractère exorbitant de ceux-ci par rapport à ceux des autres opérateurs ou d'elle-même concernant l'offre "open transit" vers la Martinique. Il estime que l'objet de la saisine porte sur les coûts des infrastructures longue distance reliant la Réunion à la Métropole qui pénalisent le développement de l'île de la Réunion et demande à France Télécom une baisse de ses tarifs qui favoriserait le développement de l'usage des technologies de l'information à la Réunion.

  • Sur le câble SAFE

Le Conseil régional de la Réunion souligne qu'il devrait y avoir une concurrence sur la commercialisation de capacités sur ce câble dès lors que 36 autres opérateurs en sont propriétaires. Il estime que l'exclusivité de commercialisation dont dispose France Télécom pour des capacités vers la Réunion interdit à ces opérateurs de commercialiser leurs services. Le Conseil régional de la Réunion considère que France Télécom dispose de droits exclusifs sur l'atterrissement du câble SAFE à la Réunion, les autres membres du consortium ne sont pas en mesure de faire des offres de circuit complet dès lors qu'ils n'ont pu engager de négociations avec le Conseil régional et ne peuvent proposer que des offres de demi-circuits en achetant un autre demi-circuit à France Télécom au tarif imposé par cette dernière.

Le Conseil régional de la Réunion indique que la véritable concurrence sur une liaison intercontinentale sous-marine d'une dizaine de milliers de kilomètres ne peut être mise en œuvre que grâce à une utilisation optimale d'une infrastructure commune et non par la duplication du câble.

  • Sur le niveau tarifaire des offres à haut débit à la Réunion

Le Conseil régional de la Réunion souligne que le principe d'égalité de traitement ne signifie pas nécessairement une identité absolue mais se réfère au traitement analogue de cocontractants placés dans une même situation. Il indique que l'écart constaté sur les prix de l'ADSL serait largement réduit si France Télécom acceptait de diminuer le prix d'accès à ses capacités sur le câble SAFE et en favorisait la mutualisation.

I.  Sur l'échec des négociations commerciales

Se fondant sur la chronologie des courriers échangés, le Conseil régional de la Réunion précise qu'en l'espèce il y a un désaccord entre les parties sur les suites à apporter aux demandes du Conseil régional, désaccord qui permet de porter le présent différend devant l’Autorité.

Dans ces conditions, le Conseil régional de la Réunion estime que France Télécom ne peut prétendre avoir pleinement répondu à ses demandes mais qu'elle n'a que partiellement répondu aux demandes et proposer des offres inadaptées.

Le Conseil régional de la Réunion indique que l'offre de transit IP faite par France Télécom repose sur une architecture inadaptée car elle implique de faire passer le trafic depuis la Réunion vers un POP IP situé à Paris, alors que France Télécom dispose d'un POP IP sur place. Ainsi, un tel transit induit des coûts supplémentaires qui ne sont pas nécessaires en raison du POP IP à la Réunion.

Le Conseil régional de la Réunion indique que France Télécom a répondu au courrier du 17 novembre 2003 qu'un mois et demi plus tard, pour à nouveau proposer « une volonté  d’étudier » une réponse à ses besoins.

Le Conseil régional de la Réunion estime que ce courrier ne constitue pas une avancée dans des négociations et que ce courrier confirme l'échec des négociations. Il précise que l'absence de réponse aux demandes de révision des offres de transit IP et de liaisons louées ainsi que l'envoi de réponses partielles doivent s’analyser en échec des négociations commerciales au sens de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

II.  Sur l'irrecevabilité de la demande relative aux liaisons louées

A titre liminaire, le Conseil régional de la Réunion constate que France Télécom ne soutient pas que l'offre de transit IP ne serait pas une offre d'accès et limite ses développements aux liaisons louées.

2.1  L'offre de liaisons louées constitue une offre d'accès

Se fondant sur l’article 2 a) de la directive « Accès », le Conseil régional de la Réunion rappelle la définition de l’accès comme « la mise à disposition d’une autre entreprise, dans des conditions bien définies de manière exclusive ou non exclusive de ressources et/ou de services en vue de la fourniture de services de communications électroniques. Cela couvre notamment : l’accès à des éléments de réseaux et à des ressources associées (…) ».

Ainsi, il considère que les éléments de réseau (tels que les capacités de transmission entre des points de terminaison déterminés d’un réseau, pour reprendre la définition des liaisons louées telle que figurant à l’article R. 9 du code des postes et télécommunications) font donc partie intégrante de ce dernier, les demandes d’accès aux éléments de réseau étant qualifiées comme des « demandes d’accès » au sens du droit communautaire.

Le Conseil régional de la Réunion souligne que le fait de savoir si les liaisons louées font ou non partie du marché de détail ou de gros au sens de la directive "cadre" n'a pas de pertinence pour déterminer si une demande d'accès à des liaisons louées constitue ou non une demande d'accès au réseau au sens de l'article L. 34-8 IV du code des postes et télécommunications.

2.2  Sur l'homologation tarifaire

Le Conseil régional de la Réunion rappelle que la procédure d'homologation tarifaire est prévue à l'article 17 du cahier des charges de France Télécom et que celle de règlement de différend est prévue par les dispositions du code des postes et télécommunications. Il estime que ces deux procédures ne sont pas opposées mais complémentaires dans la mesure où elles remplissent des fonctions différentes.

Le Conseil régional de la Réunion indique que l'homologation tarifaire permet de se prononcer sur un tarif, tel que proposé par France Télécom. Concernant les baisses de tarifs, l'homologation tarifaire vise à entériner une modification de tarif proposée par l'opérateur historique. Le Conseil régional de la Réunion indique que l'Autorité n'a pas la possibilité d'exiger, lorsqu'elle examine le tarif proposé en vue de son homologation, une modification du tarif qui lui est soumis, ni de pouvoir exiger la production de tous les documents lui permettant d'évaluer ce tarif. Il précise que le fait qu'un tarif soit homologué n'implique pas que celui-ci soit "juste" au sens de non excessif.

Le Conseil régional de la Réunion souligne que la procédure de règlement de différend est un contrôle a posteriori qui donne à l'Autorité un pouvoir beaucoup plus étendu lui permettant d’exiger toute modification des conditions de fourniture des prestations tant techniques que tarifaires. Ainsi, l’Autorité a la possibilité de demander des informations et de se prononcer sur les conditions tant techniques que tarifaires auxquelles doivent se faire notamment les demandes d'interconnexion et d'accès au réseau et que les demandes en cause portent ou non sur des tarifs homologués.

III.  Sur les comparaisons proposées par le Conseil régional de la Réunion

Le Conseil régional de la Réunion note que le seul élément de Benchmark discuté par France Télécom porte sur le tarif de Flag Télécom et que celle-ci ne trouve rien à redire sur les comparaisons relatives aux tarifs de liaisons louées proposés par Mauritius Télécom, l’offre de transit IP Open Transit proposé par France Télécom vers la Martinique.

Par ailleurs, le Conseil régional de la Réunion indique que France Télécom a été dans l’incapacité d’expliquer les incohérences des tarifs qu’elle a proposés :

- ni au regard de la différence entre le tarif de détail et le tarif d’interconnexion, lorsque que ces deux tarifs doivent être orientés vers les coûts ;

- ni au regard des volumes ;

- ni au regard des distances.

IV.  Sur le niveau tarifaire de l'offre de liaisons louées

4.1  Sur l'absence de fondements juridiques mentionnés par France Télécom

A titre liminaire, le Conseil régional de la Réunion souligne l'absence de pertinence de  l'article des Echos cités par France Télécom dans la mesure ou celui-ci a trait à la téléphonie sur Internet et à la problématique de déterminer si le contrôle des tarifs de France Télécom sur la téléphonie vocale fixe devait ou non être allégé en raison du développement de la concurrence.

Concernant la justification du niveau tarifaire de l'offre de liaisons louées, le Conseil régional de la Réunion indique que l'avis n° 98-223 de l’Autorité en date du 2 avril 1998 auquel se réfère France Télécom est peu pertinent dans le sens où le câble SAFE est opérationnel depuis juin 2002.

4.2   Sur l'absence d'orientation vers les coûts du niveau de l'offre de liaisons louées de France Télécom

S'agissant de la non-orientation des prix avec les coûts du câble SAFE, le Conseil régional de la Réunion indique que sa position ne peut être renforcée qu’à la lumière même des contradictions dans les affirmations de France Télécom dans son mémoire du 2 février 2004.

Le Conseil régional de la Réunion estime que l’imprécision des commentaires de France Télécom sur les coûts relatif au câble SAFE se retrouve dans le flou des baisses tarifaires effectuées ou annoncées relativement à l’utilisation de ce câble.

4.3  Sur la mise en place d'un modèle CMILT pour l'application de l'orientation vers les coûts du tarif de liaisons louées

Le Conseil régional rappelle que les offres de liaisons louées aux clients finals sont soumises aux conditions de l'ONP qui prennent la forme d'obligations renforcées :

- l'orientation des tarifs vers les coûts,

- l'obligation de disposer d'un système de comptabilisation des coûts permettant de s'assurer que les tarifs sont orientés vers les coûts.

Le Conseil régional indique que pour vérifier qu'un tarif est orienté vers les coûts pertinents il convient de disposer d'un modèle adéquat de ces coûts. Il précise que dans nombre d’avis tarifaires, l’Autorité émettait des doutes quant au caractère orienté vers les coûts des tarifs de liaisons louées de France Télécom, mais que faute d’une comptabilité appropriée, elle ne peut vérifier.

Or, le Conseil régional estime que France Télécom connaît ses "coûts constatés" puisqu'elle indique que la nouvelle baisse tarifaire de 2004 sera calculée en fonction de ces derniers.

Le Conseil régional note que si France Télécom avait une politique dynamique prenant en compte les effets d'une baisse des tarifs sur les "taux de remplissage" ses baisses devraient aller au-delà de ce qu'elle envisage.

V.  Sur les FAS

Le Conseil régional indique que France Télécom reconnaît que les FAS correspondent à un choix marketing de répartition entre une partie fixe et une partie récurrente du tarif.

A la lumière des observations de France Télécom, le Conseil régional estime qu’il est manifeste que le tarif des FAS doit être orienté vers les coûts ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

VI.  Sur le niveau tarifaire de l'offre de transit IP

Faute de réponse apportée par France Télécom dans ses observations du 2 février 2004 sur ce point, le Conseil régional estime que l’Autorité ne pourra que faire droit à sa demande. En particulier, le Conseil régional note que France Télécom n'émet aucune objection sur l'ouverture d'un POP IP situé à la Réunion, de sorte que le trafic local n'ait pas besoin de transiter vers Paris mais que la mutualisation de cet équipement doit permettre une amélioration de son offre.

Dans ces conditions, le Conseil régional de la Réunion demande à l'Autorité de :

- rejeter l'ensemble des arguments présentés par France Télécom comme non fondés en fait en droit ;

- faire droit à l'ensemble des demandes du Conseil régional de la Réunion dans sa saisine du 5 janvier 2004, étant précisé que le service de transit IP s'entend avec l'ouverture du POP IP situé à la Réunion.

Vu la lettre du chef du service juridique en date du 17 février 2004 convoquant les parties à une audience devant le collège le 9 mars 2004 ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 18 février 2004 relatif aux observations en réplique du Conseil régional de la Réunion ;

Vu le courrier du Conseil régional de la Réunion enregistré le 19 février 2004 transmettant ses observations sur la réponse de France Télécom au questionnaire du rapporteur ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 20 février 2004 relatif aux modèles de coûts du Conseil régional de la Réunion ;

Vu la lettre du chef du service juridique en date du 20 février 2004 adressé aux parties les informant de l'annulation de l'audience du 9 mars 2004 ;

Vu les nouvelles observations en défense enregistrées le 1er mars 2004 présentées par la société France Télécom ;

France Télécom conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens que précédemment.

Dans ses nouvelles observations, France Télécom, à titre liminaire, souhaite rappeler certains éléments sur la présente procédure de règlement des différends

A.  Sur le câble SAFE

  • Un risque d'investissement dont France Télécom a pris principalement la charge

France Télécom rappelle que la possibilité d'investir dans le câble SAT-3WASC/SAFE était ouverte à tout opérateur jusqu'au 16 juin 1999.

France Télécom souhaite rappeler les conditions d’investissement liées à la signature de l’accord C&MA (Construction and Maintenance Agreement).

Ainsi, elle indique que pour obtenir un point d'atterrissement à la Réunion elle devait investir au minimum […] et fournir à ses frais la station terminale d'atterrissement : le coût de la mise en place étant estimé à […] soit 100 % à sa charge.

Elle précise que le Groupe France Télécom a conjointement investi 96 millions de dollars à savoir France Télécom et ses filiales Sonatel (Sénégal), CIT (Côte d’Ivoire), Marituis Télécom (Maurice).

France Télécom indique qu'en dehors des parties terminales du câble tenues à des minima d'investissement, les autres parties (simples investisseurs) pouvaient participer au minimum soit un 2 Mbits/s sur la distance la plus courte du système (275 km) correspondant à un demi- circuit 2 Mbits/s entre l'Ile Maurice et l'Ile de la Réunion au tarif de […]. France Télécom estime que cet investissement devant permettre de participer à des « upgrades » ultérieurs sur la base du volontariat, sans surinvestir au-delà des besoins anticipés.

  • Sur les conditions de commercialisation du câble fixées par les accords liant le consortium

France Télécom rappelle qu'elle ne dispose pas de l'exclusivité de commercialisation pour des capacités vers la Réunion. Elle précise que les termes et les conditions inscrites au C&MA ne sont pas la conséquence d'une volonté unilatérale de France Télécom mais des négociations longues et ardues avec les parties terminales asiatiques et africaines qui exigeaient des clauses de protection de l'investissement. France Télécom note que les règles applicables à la commercialisation des capacités du câble résultent de l'accord passé entre les différents investisseurs étrangers.

France Télécom tient à souligner que les affirmations du Conseil Régional de la Réunion sont donc pures spéculations et précisent que des alternatives à la fourniture de service par France Télécom existent bel et bien (au travers des opérateurs signataires du C&MA -MCI, Belgacom, Teleglobe, etc..).

France Télécom indique qu'elle a consenti des investissements très lourds pour permettre un double accès optique à la Réunion et ainsi placer l'île au cœur du réseau mondial de fibres optiques.

France Télécom précise qu'aujourd'hui tous les opérateurs tiers à la Réunion peuvent acquérir des capacités de transmission sur un marché ouvert où s'exerce la concurrence. Elle indique que les tarifs pour des contrats long terme peuvent avoir un impact pour des petits opérateurs mais que ces derniers ont la flexibilité d'acquérir la capacité nécessaire sur un mode de location correspondant mieux à leur gestion de trésorerie.

B.  Sur le niveau tarifaire des offres à haut débit à la Réunion

France Télécom précise que contrairement à ce que prétend le Conseil régional de la Réunion, l'accès au câble SAFE s'effectue dans des conditions non discriminatoires car elles sont fixées selon les termes de l'accord liant les investisseurs au consortium. Le Conseil régional ne peut donc prétendre qu’un traitement différencié puisse être appliqué à des « cocontractants placés dans une même situation ».

C.  Sur la difficulté d'appréhender les demandes et les besoins du Conseil régional de la Réunion

France Télécom précise que les demandes du Conseil régional étaient confuses et qu'aucune négociation ne pouvait être menée sur des prestations dont il n'appartenait pas à France Télécom de répondre à défaut de besoin identifié. France Télécom conteste l'analyse du Conseil régional selon laquelle un client pourrait faire l'impasse sur l'expression de ses besoins, alors que France Télécom serait tenue en retour de soumettre des offres.

France Télécom indique que malgré la variabilité des positions du Conseil régional, elle n'a jamais opposé de fin de non recevoir et s'est évertuée à proposer des solutions selon des délais tenant compte de la nécessaire analyse technique et économique du dossier.

I.  Sur l'absence d'échec des négociations

France Télécom conclut aux mêmes fins que ses premières écritures par les mêmes moyens que précédemment.

II.  Sur l'irrecevabilité de la demande de liaisons louées

2.1.  L'offre de liaisons louées ne relève pas du régime de l'accès

France Télécom indique qu'aux termes de l'article L. 32-2 du code des postes et télécommunications les points de terminaison du réseau sont exclus du champ réglementaire de l'accès et que dès lors les liaisons louées qui sont définies comme « la mise à disposition par un opérateur d’une capacité de transmission entre des points de terminaison déterminés d’un réseau ouvert au public, au profit d’un utilisateur, à l’exclusion de toute commutation contrôlée par cet utilisateur » ne sauraient être regardées comme une offre d'accès au réseau de France Télécom au sens de l'article L. 34-8 IV du code des postes et télécommunications.

En outre, se fondant sur les dispositions de l'article 4.2 de la directive 97/33/CE, France Télécom soutient que l'obligation qui pèse sur elle de répondre à toute demande raisonnable d'accès au réseau ne saurait porter sur les points de terminaison du réseau.

France Télécom estime que la demande du Conseil régional relative aux liaisons louées ne peut être qualifiée d'offre d'accès au réseau au sens de l'article L. 34-8 IV du code des postes et télécommunications et ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées par l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

2.2.  L’homologation du tarif fait obstacle à la compétence de l’Autorité en matière de règlement de différend

Se fondant sur des décisions de règlements de différends de l’Autorité, France Télécom précise que l’Autorité a reconnu que dès lors que la loi avait établi la compétence du ministre en matière d’homologation, sa propre compétence s’effaçait au profit de celui-ci, y compris dans le cadre d’un règlement de différend.

France Télécom estime que le Conseil régional ne saurait faire valoir un partage des compétences qui permettrait à l'Autorité de modifier a posteriori des tarifs homologués.

III.  Sur les comparaisons tarifaires

France Télécom relève le caractère lacunaire des éléments fournis par le Conseil régional et ne peut que remettre en cause la méthode dès lors qu'elle est amenée à justifier son positionnement tarifaire par rapport à des offres dont elle n'est en aucun cas en mesure de vérifier la viabilité économique.

3.1.  Sur l'absence de pertinence des comparaisons tarifaires

  • Sur Flag Télécom

France Télécom souhaite rappeler que la société Flag Télécom a été placée par justice américaine sous le chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Or, les entreprises placées sous ce dispositif se voient apurer de leurs dettes et peuvent conséquemment mener une politique tarifaire très agressive.

Cette dernière étant sous la protection du chapitre 11 et ayant réglé sa dette, sa structure est très différente de celle d’un opérateur historique comme France Télécom.

En outre, France Télécom indique qu'elle n'a pas de visibilité sur la structure des coûts de Flag Télécom et sur ses méthodes comptables et qu'il ne lui est pas possible de présumer que celle- ci vend des produits avec une marge.

  • Le service proposé par Flag Télécom n'est pas comparable

France Télécom souligne que le support utilisé n'est ni le SMW3 ni le SAT3/SAFE et qu'en conséquence les coûts de Flag Télécom ne sont pas comparables avec ceux de France Télécom. S'agissant des liaisons Inde/Londres, Flag Télécom utilise ses propres ressources sur le câble Flag Europe Asie.

France Télécom précise que les prix qu'elle fournit comprennent la capacité sous-marine, le « backhaul » Réunion, « le backhaul » France ainsi que la connectivité française et réunionnaise afin de fournir cette liaison au plus près du client. France Télécom estime qu'aucune comparaison ne peut se faire avec Flag Télécom.

France Télécom considère que les distances autant que les ressources sous-marines empruntées, le contexte économique de ce câble, les points de livraison différents, la nécessité de rajouter des backhauls, les dates de mises de services différentes sont autant d'éléments ne permettant pas une analyse comparative pertinente par rapport aux ressources mises en œuvre par France Télécom entre la métropole et la Réunion.

En outre, France Télécom indique que les tarifs de liaisons 155Mbps fournis par Flag Télécom ne peuvent être comparés à des tarifs de France Télécom étant donné que le service de 155 Mpbs entre la métropole et la Réunion nécessite une étude de faisabilité avant toute cotation.

  • Le positionnement tarifaire de Flag Télécom relève d'un choix commercial

France Télécom s’interroge sur la politique tarifaire de Flag Télécom. Elle constate que le prix annoncé du 45 Mbps est 18 fois supérieur à celui du 2 Mbps. Ceci laisse penser que Flag Télécom fait une affectation linéaire des coûts de transmission. Or le prix du 155 Mbps est proche de celui du 45 Mbps.

France Télécom propose un ratio de […] entre le prix d'une liaison louée 2Mbps et d'une liaison louée 45 Mbps qui permet d'obtenir un prix de l'ordre de […] pour une liaison louée 45 Mbps, ce qui est proche des tarifs proposés par Flag Télécom alors que France Télécom inclut dans son prix les deux boucles locales quelque soit la destination finale du lien.

Ainsi, France Télécom estime que dans le cas d’un 45 Mbps, la comparaison est favorable à France Télécom contrairement à ce qu’indique la présentation du Conseil régional.

  • Sur Mauritius Télécom

France Télécom remarque que les tarifs 34 et 45 Mbps ne figurent pas aux annexes et qu'elle n’a donc pas les moyens d’en vérifier la véracité. France Télécom indique que le tarif de 10588 euros pour le 2 Mpbs est partiellement comparable à une offre France Télécom Réunion-Paris et qu'il faut rajouter le prix de la boucle locale côté France.

France Télécom souligne d'une part que la différence de son tarif et de celui de Mauritius Télécom sur le câble SAFE s'explique par les niveaux d'investissement consentis au départ et des structures de coûts proportionnellement différentes.

France Télécom estime que pour rendre l'offre parfaitement comparable il faut ajouter la partie Ile-Maurice Réunion qui est vendue selon la base Lynx à 547,754 à 21106 dollars US/mois pour un 2Mbps.

France Télécom souligne que son offre, bien que différente, reste attractive en 2003 pour un client qui cherche un équilibre entre les prix du 2Mbps et du 34/45Mbps et que cette offre inclut les deux boucles locales et n'est pas indexée sur le cours d'une monnaie ce qui la rend plus prévisible pour le client.

France Télécom indique que son tarif de 175000euros/mois pour une liaison 34Mbps entre la métropole et la Réunion, les tarifs de 109244 euros/mois pour un 34 Mbps entre l'île Maurice et Paris fournis par Mauritius Télécom et celui de 126050 euros/mois pour un 45 Mbps entre Londres et l'Inde par Flag Télécom s'explique au regard des différence de prestation :

- l’absence de backaul en Inde pour la solution fournie par Flag Télécom. En effet, l’opérateur historique VSNL a le monopole sur le « backaul » à partir du câble sous-marin Flag et ses tarifs sont par conséquent très élevés.

- la connectivité offerte par France Télécom en France avec l’accès à plusieurs villes connectées en France et au périmètre autour de celles-ci.

3.2.  Sur les incohérences au regard des distances

  • Une comparaison du tarif au kilomètre demeure sans pertinence

France Télécom indique que le prix des liaisons louées internationales est basé sur le principe de la bilatéralité, chaque opérateur facturant son demi-circuit et qu'une comparaison du tarif au kilomètre n'a pas de sens car elle ne prend pas en compte :

- le type de support employé (câble ou satellite)

- le coût fixe de chaque opérateur.

L'offre de liaisons louées internationales telle que résultant de la dernière décision tarifaire indique qu'au départ de la Réunion, il n'y a que 4 tarifs disponibles. Au regard de cette structure tarifaire, les prix sont moyennés pour ces destinations et qu'une analyse du prix au km ne peut avoir de sens.

France Télécom indique que la structure tarifaire choisie a pour fonction d'assurer des prix plus bas pour les destinations "logiques" de la Réunion à ses voisins et à l'Europe avec laquelle l'île a des liens évidents en comparaison du « reste du monde ». Ainsi, la structure tarifaire avait et a toujours pour objectif de faire abstraction de la distance séparant l'île de la métropole.

  • l'analyse des prix au kilomètre n’est pas forcément appliquée par tous les opérateurs du marché

En se basant uniquement sur les documents en annexe de la saisine, France Télécom indique que les écarts de prix en dollars US au Mbp par kilomètre sont très importants, et ce, quelle que soit la période de la cotation.

IV.  Sur le niveau tarifaire de l'offre de liaisons louées

4.1.  Sur les fondements réglementaires de l'offre de liaisons louées

France Télécom renvoie à l'avis n° 03-70 de l'Autorité relatif à l'évolution de tarifs des liaisons louées entre la métropole et les départements d'outre-mer et entre départements d'outre-mer par lequel l'Autorité a accueilli favorablement la décision tarifaire de France Télécom proposant une baisse d'au moins 20 % des tarifs des liaisons louées 2Mbps entre la métropole et les départements d'outre-mer.

France Télécom indique qu'elle soumettra prochainement une nouvelle baisse conforme aux coûts les plus récents dont elle dispose. Les effets de la mise en service du câble SAFE sur les coûts, et le délai avec lequel ces derniers sont connus, ont conduit à une baisse des tarifs décalée dans le temps. Elle indique qu’elle apportera dans ses prochaines observations sur le modèle transmis par le Conseil régional de la Réunion les éclaircissements nécessaires sur les hypothèses de coûts retenues.

Concernant la modélisation des coûts, France Télécom tient à réaffirmer que dans le cadre du règlement de différend, il revient à la partie adverse d'avoir choisi un modèle reposant sur les CMILT. France Télécom précise qu’elle ne peut souscrire à l'analyse qui conduirait à une application généralisée de la méthode des CMILT à toute évaluation des coûts en dehors de tout cadre réglementaire.

4.2.  Sur les incohérences entre tarifs des liaisons louées et tarifs d'interconnexion

France Télécom indique que la différence entre le tarif de détail et le tarif d'interconnexion est hors de propos dans la mesure où France Télécom a précisé que les tarifs des FAS à prendre en compte sont ceux des liaisons louées de détail et non ceux des LPT.

France Télécom rappelle que les tarifs des FAS des liaisons louées n'ont pas à être égaux à un quelconque coût, mais relèvent d'un choix marketing quant à la répartition du prix entre cette partie fixe et la partie récurrente du tarif. Le seul cas où le tarif des FAS est tenu de refléter un coût bien identifié est celui du dégroupage.

5. Sur l'offre de transit IP

France Télécom indique que sa seule offre disponible et commercialisable est l'offre Open Transit Internet qui permet de fournir de la connectivité sous différentes formes depuis de nombreux points dans le monde. France Télécom souligne qu'elle a un point de présence international « OTI » à la Martinique qui permet de proposer de la connectivité internationale sur la zone Antilles, l'autre point le plus proche étant en Floride à Miami mais que ce point de présence international n'existe pas à la Réunion. La Martinique et Paris sont les deux points existants sur le territoire français pouvant proposer directement de la connectivité Internet mondiale.

Concernant la Réunion, France Télécom indique la connectivité OTI n'est accessible directement que depuis Paris. Toutefois, elle a proposé ce service avec une connectivité mondiale départ Paris auquel on aboute un lien dédié comparable à celui d'une liaison louée Réunion/Paris.

France Télécom précise que cette prestation n'est pas comparable à celle proposée depuis la Martinique pour laquelle la connectivité Internet mondiale est disponible depuis ce site sans nécessiter un déport depuis un site éloigné. La seule composante transmission est celle relative à la boucle locale pour joindre le site client.

France Télécom souligne qu'elle ne propose aucune offre de connectivité Internet au départ de la Réunion mais que Wanadoo a souscrit à ce type de service aux offres de collecte IP disponibles au catalogue (CIPA pour la collecte ADSL).

France Télécom indique qu'elle a déployé sur le territoire français et dans les DOM son réseau « RBCI ». Dans les DOM il est dédié à la collecte IP bas débit et haut débit, les offres de collectes existantes s'appuient sur ce réseau.

France Télécom indique les conditions dans lesquelles elle serait en mesure d'entreprendre tout développement nécessaire si l'Autorité répondait favorablement à la requête du Conseil régional de la Réunion. France Télécom précise qu'une proposition de ce type imposerait des travaux préalables dont l'échéance et la complexité dépendent in fine de la solution retenue. La connectivité Internet depuis les DOM peut s'entrevoir de plusieurs façons. France Télécom souligne qu'en se limitant à une offre de connectivité se basant sur le point de présence domestique sur place, il faudrait mener en amont une analyse technique et économique.

France Télécom estime qu'entre la décision d'élaborer un tel produit et sa disponibilité pour le client, elle n'est pas en mesure de garantir un délai inférieur à trois mois à compter d'une décision de lancement. France Télécom souligne qu'au regard des incertitudes sur une éventuelle solution technique et les échéances de développement, elle ne peut s'avancer plus avant sur la faisabilité et les conditions tarifaires d'une offre adaptée.

En conséquence, France Télécom conclut aux mêmes demandes que dans son premier mémoire.

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 8 mars 2004 transmettant des observations sur le modèle de coûts transmis par le Conseil régional de la Réunion ;

Vu la décision n° 04-262 de l'Autorité en date du 9 mars 2004 prorogeant d'un mois le délai dans lequel l'Autorité doit se prononcer sur le règlement de différend opposant le Conseil régional de la Réunion à France Télécom ;

Vu la lettre du chef du service juridique en date du 9 mars 2004 convoquant les parties à une audience devant le collège le 16 mars 2004 ;

Vu le courrier du Conseil régional de la Réunion enregistré le 9 mars 2004 relatif aux observations de France Télécom du 1er mars 2004 ;

Vu les observations de la société France Télécom enregistrées le 11 mars 2004 ;

Vu le courrier du Conseil régional de la Réunion enregistré le 12 mars 2004 souhaitant que l'audience devant le collège soit publique ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 12 mars 2004 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Après avoir entendu le 16 mars 2004, lors de l'audience devant le collège :

- le rapport de M. Benoît Melonio, rapporteur présentant  les conclusions et  les moyens  des parties ;

- les observations de MM. Jean-Daniel Lallemand et Lionel Grosclaude pour la société France Télécom ;

- les observations de M. Guy Jarnac, pour le Conseil régional de la Réunion et de Maître Frédérique Dupuis-Toubol, pour le Cabinet Bird & Bird ;

En présence de :

- MM. Jean-Daniel Lallemand, Jean Mazier, Lionel Grosclaude, Mmes Séverine Haller, Aurélia David pour la société France Télécom ;

- M. Guy Jarnac et Mme Sylvie Lemaire, pour le Conseil régional de la Réunion, de Maîtres Frédérique Dupuis-Toubol et Charlotte de Panafieu, Cabinet Bird & Bird, M. Lilian Gaichies, consultant ;

- MM. Philippe Distler, directeur général, François Lions, Laurent Laganier, Benoît Melonio, Loïc Taillanter et de Mmes Elisabeth Rolin, Christine Galliard, agents de l'Autorité ;

Sur la publicité de l'audience :

Aux termes de l'article 14 du règlement intérieur : "l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, le collège de l'Autorité  en délibère".

France Télécom, par un courrier enregistré le 12 mars 2004, a demandé  que  l'audience devant le collège ne soit pas publique ; le Conseil Régional de la Réunion, par un courrier enregistré le 12 mars 2004, a demandé que l'audience devant le collège soit publique. Interrogée sur ce point par le Président de l'Autorité à l'ouverture de l'audience du 16 mars 2004, France Télécom a précisé qu'elle acceptait de souscrire à la demande du Conseil Régional de la Réunion, en conséquence de quoi, l'audience a été publique.

Le collège en ayant délibéré le 27 avril 2004, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité ;

Adopte la présente délibération fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après : Sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens de la saisine

Le Conseil Régional de la Réunion soutient qu’en sa qualité d’utilisateur du réseau de France Télécom au sens de l’article L. 34-8 du code des postes et télécommunications, il est fondé à saisir l’Autorité d’une demande de différend sur le fondement de l’article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

L’article 2 de la directive 97/33 « Interconnexion » du 30 juin 1997 susvisée définit la notion d’utilisateur comme « les personnes, y compris les consommateurs, ou les organismes utilisateurs ou demandeurs de services de télécommunications accessibles au public ».

L’article 9 §5 de cette même directive relatif aux responsabilités générales des autorités réglementaires nationales prévoit qu’"en cas de litige en matière d’interconnexion entre des organismes au sein d’un Etat membre, l’autorité réglementaire nationale de cet Etat membre prend, à la demande de l’une ou l’autre des parties, des mesures afin de régler le litige dans les six mois de cette demande. La solution du litige représente un équilibre équitable entre les intérêts légitimes des deux parties".

L’ensemble de l’article 9 de la directive 97/33 « Interconnexion » du 30 juin 1997 concerne spécifiquement l’interconnexion entre organismes autorisés à fournir des réseaux publics de télécommunications ou des services de télécommunications accessibles au public. Le § 4 de cet article 9 vise explicitement le cas d’un « organisme autorisé à fournir des réseaux publics de télécommunications ou des services de télécommunications accessibles au public » concluant des accords d’interconnexion avec d’autres organismes. Le § 5 s’applique aux litiges "en matière d’interconnexion entre des organismes au sein d’un Etat membre". Il en résulte que "les organismes" mentionnés sont bien les "organismes qui sont autorisés à fournir des réseaux publics de télécommunications et/ou des services de télécommunications accessibles au public".

Les dispositions de la directive 97/33 "Interconnexion" et notamment son article 9 ont été transposées par le I de l’article L. 36-8 du code des postes et télécommunications qui fixe les prérogatives de l’Autorité en matière de règlement des différends.

Aux termes de l’article L. 36-8 du code des postes et télécommunications : "I- En cas de  refus d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau de télécommunications, l’Autorité peut être saisie du différend par l’une ou l’autre des parties. (…) Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès spécial doivent être assurés".

L’article L. 32 (15°) du code des postes et télécommunications dispose : "On entend par opérateur toute personne physique ou morale exploitant un réseau de télécommunications ouvert au public ou fournissant au public un service de télécommunications".

Il résulte des dispositions combinées du I de l’article L. 36-8 du code des postes et télécommunications et de l’article L. 32 du code des postes et télécommunications qui reprend, en substance, les termes de l’article 9 de la directive 97/33 "Interconnexion"  susvisée que le champ d’application du règlement de différend relatif à l’interconnexion et  qui a été étendu à l’accès par l’article L. 36-8 ne s’étend qu’aux seuls litiges entre les opérateurs définis par le 15° de l’article L. 32 du code des postes et télécommunications et non pas à des utilisateurs de services de télécommunications. Au demeurant, l’Autorité rappelle que la décision n° 96-378 DC du 23 juillet 1996 du Conseil constitutionnel qui  portait sur la loi de réglementation des télécommunications et notamment sur le I de l’article L. 36-8 précise que "La saisine de l’Autorité par l’une ou l’autre des parties est facultative, qu’au cas où les opérateurs n’auront pas choisi de saisir l’Autorité, les litiges seront portés selon le cas, soit devant le Conseil de la Concurrence, soit devant le juge des contrats (…)".

L’Autorité relève également que les dispositions de la directive « cadre » 2002/21/CE du 7 mars 2002 susvisée relatives à la résolution des litiges indiquent de façon explicite que le champ d’application du règlement des différends est limité aux seuls opérateurs. En effet, l’article 20 de cette directive prévoit que "Lorsqu’un litige survient, en ce qui concerne des obligations découlant de la présente directive ou des directives particulières, entre des entreprises assurant la fourniture de réseaux ou de services de communications  électroniques dans un seul Etat membre, l’autorité réglementaire  nationale  concernée prend, à la demande d’une des parties, (…), une décision contraignante afin de résoudre le litige (…)".

Par ailleurs, aux termes de l’article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales "ne peuvent  pas exercer les activités d’opérateur au sens du    15° de l’article L. 32 du code des postes et télécommunications. (…)".

Ainsi, il résulte de cette disposition que le Conseil régional de la Réunion ne peut pas   exercer l’activité d’opérateur au sens du 15° de l’article L. 32 du code des postes et télécommunications c’est à dire "exploiter un réseau de télécommunication ouvert au public ou fournir au public un service de télécommunications". En effet, le Conseil régional de la Réunion ne peut donc pas, en l’état actuel du droit et dans le cadre du présent règlement de différend, être qualifié d’"organisme autorisé à fournir des réseaux publics de télécommunications ou des services de télécommunications accessibles au public" au sens    de la directive 97/33 susvisée.

Il résulte de tout ce qui précède que l’Autorité ne peut faire droit à la demande de règlement de différend du Conseil Régional de la Réunion en tant qu’utilisateur d’un réseau de communication électronique.

Dans ces conditions, le litige entre France Télécom et le Conseil Régional de la Réunion  n’est pas, en l’état actuel du droit, au nombre de ceux dont il appartient à l’Autorité de connaître dans le cadre des règlements de différends définis à l’article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

Décide :

Article 1er.- La demande de règlement de différend susvisée présentée par le Conseil Régional de la Réunion est rejetée.

Article 2.- Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier à la société France Télécom et au Conseil Régional de la Réunion la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi, et publiée au Journal officiel de la République Française.