Cass. crim., 16 novembre 1995, n° 94-84.725
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Culié
Rapporteur :
M. Roman
Avocat général :
M. Libouban
Avocat :
SCP Piwnica et Molinié
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 147, 150 et 151 de l'ancien Code pénal, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Teddy X... coupable de faux en écritures privées et usage ;
" aux motifs propres ou repris des premiers juges, que Teddy X... est poursuivi pour avoir commis un faux en écritures privées par fabrication de conventions, dispositions, obligations ou décharges ou par leur insertion après coup dans un acte, en établissant une lettre à en-tête de la CPAM et sciemment fait usage dudit faux ; qu'en effet, une lettre en date du 17 avril dont la teneur est la suivante :
" " Cher confrère, l'analyse statistique que vous avez reçue concerne 534 praticiens, chirurgiens-dentistes exerçant dans les Hauts-de-Seine. Elle démontre de manière claire une importante baisse du chiffre d'affaires de " l'ordre de 60 % entre le troisième trimestre 1990 et le quatrième trimestre 1990 " ;
" " La baisse d'activité qu'a subie le docteur Y... en reprenant votre cabinet le 1er août 1990, ne lui est donc pas spécifique ;
" " Cette baisse de cotation des actes, tout a fait exceptionnelle est probablement due à la conjoncture très morose en cette fin d'année 1990 ;
" " Veuillez agréer, docteur, l'expression de notre considération distinguée " ;
" aurait été adressé à Teddy X... par le docteur Z..., chirurgien-dentiste conseil et par M. A..., directeur général de la CPAM des Hauts-de-Seine ; que ni l'un ni l'autre n'ont signé une telle lettre ; qu'en revanche, ils reconnaissent une signature identique à celle figurant sur une circulaire en date du 3 avril 1991 qui a donc pu servir à un " photomontage " par photocopie ; qu'ils observent que le texte de la lettre a été tapé par une machine à écrire différente de celle ayant tapé leurs titres et leurs noms ; que M. A... ne pouvait s'adresser à Teddy X... en l'appelant " Cher confrère " alors qu'il n'était pas lui-même chirurgien-dentiste ; qu'enfin la teneur de cette lettre ne correspondait pas à la réalité car " les chiffres officiels sont tout à fait différents " ;
" aux motifs que, d'autre part, Teddy X... était le seul bénéficiaire du faux, dans la mesure où il apportait la preuve que la baisse d'activité constatée par son adversaire n'était pas de son fait ; que c'est lui qui l'a transmise à son conseil ; qu'il n'a jamais pu produire l'original de la lettre ; qu'il est donc invraisemblable qu'il ait pu recevoir par courrier une photocopie d'une lettre qui lui était personnellement adressée ; que ce mensonge trouve son explication dans le fait que Teddy X... est l'auteur du faux ; qu'en effet il a reçu la circulaire du 3 avril 1991 (dont les signatures photocopiées figurent sur le faux), le responsable du service " fichier des praticiens " n'ayant reçu que le 18 avril 1991 l'avis de Teddy X... qu'il aurait cessé ses fonctions à Suresnes le 1er août 1990 ; que la teneur même du faux ainsi que les maladresses qui y figurent ne peuvent être l'oeuvre que de Teddy X... ; qu'il a d'ailleurs reconnu être l'auteur de ce faux auprès de Mme B... ; qu'en conséquence il y a lieu de retenir sa culpabilité du chef de faux en écritures privées par contrefaçon de signatures et fabrication de dispositions ;
" 1o) alors que le faux matériel par fabrication ou altération des actes n'est punissable que si l'écrit a une valeur probatoire et que la cour d'appel, qui constatait que la pièce arguée de faux était une simple photocopie non certifiée ni authentifiée d'un autre document, en tant que tel non susceptible de servir de preuve, ne pouvait, sans méconnaître les dispositions des articles 147 et 150 de l'ancien Code pénal, considérer que cette pièce était constitutive de faux ;
" 2o) alors que des renseignements statistiques qui sont par nature soumis à discussion et à vérification ne constituent pas par eux-mêmes des titres susceptibles d'entrer dans les prévisions des articles 147 et 150 de l'ancien Code pénal ;
" 3o) alors que les juges correctionnels ont l'obligation de préciser dans leur décision par quel moyen le faux a été accompli ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a cru pouvoir confirmer l'appréciation des premiers juges selon laquelle le faux incriminé avait été confectionné grâce à la photocopie des signatures figurant sur un document de la CPAM des Hauts-de-Seine daté du 3 avril 1991 ; que cependant, dans ses conclusions régulièrement déposées, Teddy X... soutenait que la signature du docteur Z... n'était pas exactement la même sur les deux documents ; que par ailleurs la signature du directeur général de la caisse, M. A..., était, elle, suffisamment différente pour que soit contestée la thèse de la CPAM concernant la reproduction du document du 3 avril 1991 ; qu'ainsi la hampe de l'attaque de la signature n'avait pas la même dimension sur les deux documents et qu'il en était de même du trait soulignant " directeur général " et que la courbure du crochet final de la signature n'était pas non plus exactement la même et qu'en omettant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions du demandeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" 4o) alors qu'à nouveau, dans ses conclusions régulièrement déposées, Teddy X... faisait valoir que Mme B..., responsable du contentieux et du contrôle de la CPAM des Hauts-de-Seine, prétendait avoir reçu le 7 octobre 1991 un appel téléphonique d'une personne se disant être Teddy X... et qui avait reconnu avoir confectionné le document ; que Mme B... avait ajouté que la voix de son interlocuteur " n'était pas celle de M. Y... ", ce qui signifiait que Mme B... avait eu suffisamment de rapports avec le docteur Y... pour être capable de reconnaître sa voix au téléphone, et qu'en se bornant à affirmer que Teddy X... avait reconnu être l'auteur de ce faux auprès de Mme B..., sans s'expliquer sur les conditions de fait dans lesquelles Mme B... aurait reçu le prétendu aveu, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt partiellement confirmatif attaqué qu'au cours d'une instance civile l'opposant à son confrère, le docteur Y..., à qui il avait cédé le 26 juillet 1990 son cabinet de chirurgien-dentiste, Teddy X... a produit une lettre de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), signée du chirurgien-dentiste conseil et du directeur général, selon laquelle tous les praticiens du département avaient subi, comme le docteur Y..., une baisse de l'ordre de 60 % de leur chiffre d'affaires à la fin de l'année 1990 ;
Que l'enquête a révélé qu'il s'agissait d'un faux obtenu à partir de la photocopie partielle d'une circulaire adressée à la même époque par la CPAM à tous les chirurgiens-dentistes ; que la responsable du contentieux de cet organisme, a indiqué que Teddy X... lui avait avoué par téléphone l'avoir confectionné ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de faux et d'usage de faux, l'arrêt attaqué retient que la fausseté de la pièce litigieuse est établie par diverses anomalies et par les dénégations de ses deux prétendus signataires ;
Qu'il ajoute que Teddy X... " a reçu la circulaire dont les signatures photocopiées se retrouvent sur le faux " et a fait communiquer par son avocat le document litigieux à son adversaire ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance, la cour d'appel, qui a répondu comme elle devait aux articulations essentielles des conclusions du prévenu, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, constituent les délits de faux et d'usage de faux la fabrication d'un document pour servir de preuve et sa production, même sous forme de photocopie, au cours d'une instance civile, lorsque le document ainsi versé aux débats est, comme il résulte des constatations des juges, de nature à avoir valeur probatoire et à entraîner des effets juridiques ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que la décision est justifiée tant au regard des articles 150 et 151 du Code pénal alors applicable qu'au regard de l'article 441-1 du Code pénal en vigueur depuis le 1er mars 1994, et que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.