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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 18 novembre 2010, n° 10/01433

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Carlson Capital LP (Sté), Delta Alternative Management (SAS), Eton Park International LLP (Sté), Numen Capital LLP (Sté), Unicredit Bank AG (Sté)

Défendeur :

Selarl FHB (ès qual.), Selafa MJA (ès qual.), SCP Ouizille de Keating (ès qual.), Technicolor (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Besse

Conseillers :

Mme Dabosville, Mme Vaissette

Avoués :

SCP Fievet-Lafon, SCP Jullien, Lecharny, Rol et Fertier, SCP Debray-Chemin, SCP Bommart Minault

Avocats :

Me Gontard, Me Marquet, Me Pascoet, Me Reinhard, Me Petreschi, Me Berger-Perrin, Me Dubois

T. com. Nanterre, du 17 févr. 2010, n° 2…

17 février 2010

La cour est saisie de l'appel formé par des créanciers obligataires porteurs de titres super subordonnés TSS, à l'encontre du jugement rendu le 17 février 2010 par le Tribunal de commerce de Nanterre qui a arrêté le plan de sauvegarde de la société Thomson SA, devenue la société Technicolor SA.

Les appelants sont :

1/ La Société UNICREDIT BANK AG,

2/ La Société ETON PARK INTERNATIONAL LLP, agissant en qualité de Société de gestion des fonds ETON PARK FUND LP et ETON PARK MASTER FUND LTD,

3/ La Société CARLSON CAPITAL L.P, agissant en qualité de Société de gestion des fonds BLACK DIAMOND OFFSHORE LTD, DOUBLE BLACK DIAMOND OFFSHORE LTD, BLACK DIAMOND ARBITRAGE OFFSHORE LTD, WORLDWIDE TRANSACTIONS LIMITED, LYXOR/BLACK DIAMOND ARBITRAGE LIMITED,

4/ La Société NUMEN CAPITAL LLP, agissant en qualité de Société de gestion du fonds NUMEN CREDIT OPPORTUNITIES FUND,

5/ La SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT.

Ces sociétés détiennent en nominal 160 M € sur le montant total de l'émission obligataire de TSS, s'élevant à 500 M €.

L'endettement de la société

La société Thomson SA emploie environ 500 salariés. Le groupe, de 200 filiales emploie 21.000 salariés, dont 3.000 en France. Son activité principale s'exerce dans les technologies utilisées pour le cinéma et la télévision.

La société Thomson SA bénéficie d'un prêt bancaire syndiqué consenti le 5 juillet 2004, pour un montant de 1750 M €, utilisé à hauteur de 1655 M €.

La société Thomson SA a émis les contrats d'émissions d'obligations suivants :

- le 23 septembre 2005, pour un montant de 500 M €, en titres super subordonnés (TSS),

- le 30 juin 2003, modifié le 10 novembre 2005 pour un montant de 273 M €,

- le 18 décembre 2003, modifié le 10 novembre 2005 pour un montant de 37 M €,

- le 16 mai 2006 pour un montant de 302 M €,

- le 6 décembre 2006 pour un montant de 100 M €,

- le 24 octobre 2007, modifié le 6 mai 2008 pour un montant de 157 M €,

- le 27 octobre 2006, modifié le 15 janvier 2009, pour un montant de 134 M €.

Le total de la dette financière s'élevait ainsi à 2.653 M €.

Les TSS

Les titres super subordonnés TSS émis le 23 septembre 2005 se distinguent des autres titres obligataires essentiellement par les deux caractéristiques suivantes :

- le nominal de ces titres ne peut être exigé que lors de la dissolution de la Société Thomson SA, et passe en tout dernier rang, avant les seuls actionnaires,

- les intérêts peuvent être perdus pour un exercice s'il n'y a pas de distribution de dividendes aux actionnaires.

En d'autres termes les porteurs de TSS sont subordonnés à tous les autres créanciers, et en contrepartie le droit des actionnaires au paiement des dividendes est subordonné au paiement préalable des intérêts dus aux porteurs de TSS.

Ces particularités ont conduit, en l'espèce, à accorder aux porteurs de TSS un traitement différent de celui des autres créanciers obligataires :

- ils ont été admis comme membres de l'assemblée unique des obligataires (AUO),

- leurs droits de vote au titre du nominal ont été supprimés,

- leurs droits de vote ont été limités à 6 % du nominal, ce montant de 30 M € étant présenté comme correspondant à l'actualisation du montant des intérêts,

- le projet de plan supprime leurs droits au paiement des intérêts pour l'avenir, moyennant un paiement immédiat de 5 % du nominal, soit 25 M €, somme présentée comme paiement libératoire des intérêts,

- le projet de plan maintient tel quel leurs droits au paiement du nominal.

(le montant actualisé des intérêts dus aux porteurs de TSS a été évalué par expertise entre 5 et 6 % du nominal, ce qui explique, sans que l'on doive en être troublé, que les droits de vote ont été accordés à hauteur de 30 M € et que le plan a prévu un paiement de 25 M € )

Le projet de plan et sa préparation

Anticipant les difficultés pour assumer la charge de la dette financière, la Société Thomson SA a, dès le mois de février 2009, entrepris des discussions avec ses créanciers seniors, hors porteurs de TSS.

Le 24 juillet 2009 un accord de restructuration a été conclu avec les principaux créanciers.

Le 30 novembre 2009 le Tribunal de commerce de Nanterre a ouvert la procédure de sauvegarde de la société Thomson SA, et a désigné, en qualité d'administrateur judiciaire la Selarl F.H.B, et en qualité de mandataires judiciaires, la SCP OUIZILLE - DE KEATING et Selafa MJA.

Le projet de plan de sauvegarde établi par le débiteur avec l'aide de l'administrateur judiciaire s'inspire de l'accord de restructuration du 24 juillet 2009.

Il prévoit le paiement des fournisseurs dès l'admission de leurs créances, et le paiement des dettes intra groupe selon les conditions contractuelles existantes.

En ce qui concerne les dettes financières, il distingue :

- les créanciers seniors qui comprennent, le pool bancaire ayant consenti le prêt syndiqué, et les créanciers obligataires, hors porteurs des titres super subordonnés TSS,

- les porteurs des titres super subordonnés TSS émis le 23 septembre 2005 pour 500 M €.

Les créanciers seniors doivent convertir 45 % de leurs créances en capitaux propres, par la souscription à de nouvelles actions, à des obligations remboursables en actions, fin 2010 et fin 2011, à des DPN remboursables en numéraires ou en actions, fin 2010. Le prêt syndiqué est maintenu pour 950 M €, et les créanciers obligataires doivent souscrire à l'émission de nouvelles obligations portant intérêts à 9 %, pour un montant de 600 M €.

Pour les créanciers obligataires porteurs de TSS le projet de plan prévoit :

- le maintien de leur droit au remboursement du nominal de 500 M €,

- le versement de 5% du nominal de leurs titres, soit au total 25 M €, évaluation de leur droit au paiement des intérêts,

- la perte définitive de leur droit au paiement des intérêts.

L'approbation du projet de plan et la contestation de certains porteurs de TSS

Le 21 décembre 2009, le comité des principaux fournisseurs et le comité des établissements de crédit et assimilés ont approuvé à l'unanimité le projet de plan de sauvegarde.

Le 22 décembre 2009, l'assemblée unique des obligataires (AUO) a approuvé à une majorité de 98,77 % le projet de plan de sauvegarde.

Lors de l'AUO, les obligataires porteurs des titres de TSS ont été admis à voter à proportion, non pas de 500 M €, mais de 30 M €. Les 10 porteurs de TSS qui ont voté contre le projet de plan étaient titulaires d'environ 191 M € en capital, et ont donc été admis à voter à proportion de 11,45 M €.

Les résultats ont été de 98,77 % de oui (923 M €) et de 1,23 % de non (11,45 M €).

Si les 10 porteurs de TSS avaient été admis à voter en proportion du montant en nominal de leurs obligations, soit 191 M €, les résultats auraient été d'environ 82,80 % de oui, et d'environ 17,20 % de non.

Le 31 décembre 2009 quatre des porteurs de TSS ayant voté lors de l'AUO, à savoir les sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, Carlson Capital LP, Numen Capital LLP, ont, par déclaration déposée au greffe, contesté la régularité de l'AUO.

Conformément aux dispositions de l'article R.626-63, le greffier a convoqué ces sociétés à l'audience du 12 février 2010 à laquelle le Tribunal de commerce a débattu de la demande d'arrêt du plan de sauvegarde.

Le 19 janvier 2010, un autre porteur de TSS, la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT, a contesté la régularité de l'AUO par déclaration au greffe, et a déposé devant le Tribunal de commerce des conclusions d'intervention volontaire, qu'il a soutenues oralement à l'audience.

Le jugement

Par jugement en date du 17 février 2010, le tribunal a notamment :

- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT,

- déclaré recevables les contestations formées par les sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park

International LLP, Carlson Capital LP, Numen Capital LLP,

- débouté ces sociétés de leurs contestations,

- mais,

- Fait obligation aux parties d'ouvrir une discussion sous son égide en vue de se concilier,

- Fixé à trois mois la durée des discussions,

- Dit que les parties pourront demander au tribunal la désignation d'un médiateur,

- Dit que les parties tiendront informé le tribunal de l'avancement des discussions et des difficultés éventuellement rencontrées.

Le tribunal a également arrêté le plan de sauvegarde tel qu'il a été approuvé par les comités de créanciers et par l'AUO.

En ce qui concerne les porteurs de TSS, le plan n'a pas d'effet sur leur droit à percevoir le nominal de 500 M € dans les conditions du contrat d'émission, mais supprime le droit aux intérêts produits par ce nominal, pour l'avenir, moyennant le versement en numéraire de 5 % du nominal, soit 25 M €.

Les autres dispositions du jugement ne sont pas directement concernées par la procédure d'appel. Elles seront évoquées le cas échéant. Pour une lecture complète, il convient de se reporter au jugement et à ses annexes.

Les demandes des parties

1/ Les sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, Carlson Capital LP, Numen Capital LLP, et Delta Alternative Management ont pris des conclusions communes et demandent à la cour :

à titre principal :

de dire que les porteurs de TSS ont été privés de leurs droits de vote, en conséquence de prononcer la nullité de l'Assemblée Unique des Obligataires (AUO), de prononcer la réouverture de la procédure de sauvegarde et de dire que les porteurs de TSS seront exclus du plan de sauvegarde,

à titre subsidiaire :

de constater l'absence de créance des porteurs de TSS antérieurement au jugement d'ouverture, et d'en déduire, d'une part que le plan de sauvegarde ne peut prévoir un paiement à leur profit, et d'autre part que ces derniers doivent être exclus du plan de sauvegarde, et ainsi se voir restituée l'intégralité des droits qu'ils tiennent du contrat d'émission en date du 23 septembre 2005,

à titre plus subsidiaire :

d'annuler les dispositions du plan de sauvegarde qui prévoient que l'intérêt versé aux porteurs de TSS revêt un caractère définitif au motif que ces dispositions constituent une atteinte manifeste à leur droit de propriété, ainsi qu'une violation manifeste du contrat d'émission obligataire du 23 septembre 2005 qui a force de loi entre les parties,

en toute hypothèse :

DEBOUTER tous contestants de leurs demandes fins et conclusions.

2/

La société Thomson SA, dénommée désormais Technicolor SA a signifié des conclusions le 17 septembre 2010 dont le dispositif est le suivant :

A titre principal :

- Dire que tant les recours régularisés en 1e instance par les sociétés Unicredit Bank AG, Eton Park International LLP, Carlson Capital LP and Numen Capital LLP, que leurs appels, sont nuls pour défaut de capacité à agir,

Infirmer le jugement du Tribunal sur ce point,

- Dire que l'intervention volontaire de Delta Alternative Management est irrecevable pour avoir été intentée hors délai,

Confirmer le jugement du Tribunal sur ce point,

- Dire que les demandes formulées par Delta Alternative Management, Unicredit Bank AG, Eton Park International LLP, Carlson Capital LP and Numen Capital LLP sont irrecevables pour défaut de qualité et d'intérêt à agir,

Infirmer le jugement du Tribunal sur ce point,

A titre subsidiaire et sur le fond,

- Dire que les demandes formulées par les appelants sont mal fondées,

- Confirmer le jugement du Tribunal en ce qu'il a débouté les sociétés Unicredit Bank AG, Eton Park International LLP, Carlson Capital LP and Numen Capital LLP de leurs demandes au fond,

- Confirmer le jugement du Tribunal en ce qu'il a arrêté le plan de sauvegarde proposé par la société

Thomson et voté par les Comités des créanciers et l'Assemblée Unique des Obligataires les 21 et 22 décembre 2010,

- Débouter les sociétés Unicredit Bank AG, Eton Park International LLP, Carlson Capital LP and Numen Capital LLP et Delta Alternative Management de l'intégralité de leurs demandes,

- Les condamner au paiement de la somme de 10.000 € chacune au profit de la société TECHNICOLOR, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

3/

La Selarl F.H.B, es qualités, a fait signifier des conclusions dont le dispositif est le suivant :

In limine litis :

DIRE ET JUGER que les contestations régularisées par déclarations au greffe en date du 31 décembre 2009 par les sociétés Unicredit Bank AG, Eton Park International LLP, Carlson Capital, L.P, Numen Capital LLP, en première instance, ainsi qu'en appel, sont frappées de nullité, pour défaut de capacité à agir ;

DIRE ET JUGER que l'intervention volontaire de Delta Alternative Management est irrecevable pour avoir été intentée hors délai ;

Subsidiairement :

DIRE ET JUGER que les prétentions des sociétés Unicredit Bank AG, Eton Park International LLP, Carlson Capital, L.P, Numen Capital LLP et Delta Alternative Management sont irrecevables ;

Encore subsidiairement, au fond :

DIRE ET JUGER que les sociétés Unicredit Bank AG, Eton Park International LLP, Carlson Capital, L.P, Numen Capital LLP et Delta Alternative Management sont mal fondées dans leurs prétentions ;

En conséquence, dans tous les cas :

DEBOUTER les sociétés Unicredit Bank AG, Eton Park International LLP, Carlson Capital, L.P, Numen Capital LLP et Delta Alternative Management de l'intégralité de leurs prétentions ;

CONDAMNER solidairement les sociétés Unicredit Bank AG, Eton Park International LLP, Carlson Capital, L.P, Numen Capital LLP et Delta Alternative Management à payer au commissaire à l'exécution du plan, ès qualités, la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

4/ La SCP OUIZILLE - DE KEATING, es qualités, demande à la cour :

- de dire que les sociétés UNICREDIT BANK AG, ETON PARK INTERNATIONAL LLP, CARLSON CAPITAL LP, NUMEN CAPITAL LLP ne justifient pas de leur capacité à agir, et en conséquence de les déclarer irrecevables en leurs demandes et en leurs appels,

- de dire que l'intervention volontaire de la société DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT est irrecevable pour avoir été pratiquée hors délais,

subsidiairement :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les appelants de leurs prétentions,

en toute hypothèse :

- de condamner solidairement les appelants au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

5/

La Selafa MJA, es qualités, demande à la cour :

-de prononcer la nullité de la déclaration de recours en date du 31 décembre 2009 et de tous les actes de procédure subséquents pris au nom et pour le compte des sociétés UNICREDIT BANK AG, ETON PARK INTERNATIONAL LLP, CARLSON CAPITAL LP, NUMEN CAPITAL LLP,

- de prononcer la nullité de l'intervention volontaire de la Société DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT et des actes de procédure subséquents pris au nom de cette société,

- de prononcer la nullité de la déclaration d'appel et de tous les actes de procédure subséquents pris au nom et pour le compte des sociétés UNICREDIT BANK AG, ETON PARK INTERNATIONAL LLP, CARLSON CAPITAL LP, NUMEN CAPITAL LLP,

Subsidiairement,

- de dire les sociétés UNICREDIT BANK AG, ETON PARK INTERNATIONAL LLP, CARLSON CAPITAL LP, NUMEN CAPITAL LLP, et DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT irrecevables en leur appel et en leurs entières demandes,

- d'infirmer le Jugement en ce qu'il a rejeté :

. les exceptions de nullité de la déclaration de recours en date du 31décembre 2009 et de l'acte d'intervention d'appel de la société DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT,

. les fins de non-recevoir soulevées en raison du défaut de qualité et d'intérêt à agir des sociétés

UNICREDIT BANK AG, ETON PARK INTERNATIONALLLP, CARLSON CAPITAL LP, NUMEN CAPITAL LLP,

- de le confirmer pour le surplus,

- de débouter les Sociétés UNICREDIT BANK AG, la Société ETON PARK INTERNATIONAL LLP, la Société CARLSON CAPITAL LP, la Société NUMEN CAPITAL LLP, et la Société DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT de l'intégralité de leurs demandes,

- de condamner la Société UNICREDIT BANK AG, la Société ETON PARK INTERNATIONAL LLP, la Société CARLSON CAPITAL LP, la Société NUMEN CAPITAL LLP et la Société DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT, à payer à la SELAFA MJA, ès-qualités, la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du CPC.

Conclusions du Ministère public

Le Ministère public demande à la cour de confirmer le jugement. Il estime comme les premiers juges :

- que l'intervention volontaire de la société DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT est irrecevable,

- que les membres de l'AUO ont chacun qualité pour exercer le recours de l'article L.626-34-1 à l'encontre de la décision de l'assemblée,

- qu'ils ont intérêt à agir,

- que les mesures prises lors du vote de l'AUO, ainsi que les dispositions du plan de sauvegarde, sont cohérentes avec les spécificités des TSS, et n'encourent pas les critiques que les appelants forment contre elles.

Sur la capacité à agir des sociétés appelantes et de leurs représentants, il note que la cour devra statuer au vu des pièces justificatives qui seront versées au dossier.

DISCUSSION

SUR LA PROCEDURE

Sur la recevabilité de l’intervention volontaire de la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT devant le tribunal

La recevabilité de l'appel de la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT dépendant directement de la recevabilité de son intervention volontaire devant le tribunal, ce point doit être examiné en premier.

Les sociétés intimées demandent que le jugement soit confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT.

La SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT ne conteste pas que sa contestation, en date du 19 janvier 2010, sur la régularité de l'AUO du 22 décembre 2009 est tardive, mais soutient que son intervention volontaire en première instance était recevable. Elle fait notamment valoir :

- que son intervention est une intervention volontaire principale, et non une intervention volontaire accessoire,

- que l'intervention a eu lieu par déclaration au greffe et non par conclusions,

- que l'intervention est une demande incidente qui vient se greffer sur l'instance existante et qui peut avoir lieu tant que l'instance est pendante,

- que son intervention n'était donc pas soumise au délai de 10 jours pour former une contestation sur la régularité de l'AUO, et n'est pas tardive.

Sur ce :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article R.626-63 que le délai pour former les contestations relatives à l'application de l'article L.626-32 est de dix jours à compter du vote de l'assemblée générale des obligataires ;

Considérant que la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT a contesté le 19 janvier 2010 l'AUO du 22 décembre 2009 ; que cette contestation est irrecevable comme tardive ;

Considérant que la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT est intervenue volontairement devant le Tribunal de commerce de Nanterre le 19 janvier 2010 ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 329 du Code de procédure civile que l'intervention principale n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir ; que le droit d'agir de la société SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT étant prescrit, l'intervention volontaire de cette dernière n'aurait pu être qu'accessoire ;

Considérant que l'intervention volontaire n'est ouverte qu'aux personnes étrangères à l'instance ; que tel n'est pas le cas de la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT qui avait qualité pour intenter l'instance, à condition d'agir dans le délai de dix jours à compter de son vote lors de l'AUO ;

Considérant que l'intervention volontaire est irrecevable lorsqu'elle a pour effet de régulariser une procédure ; que tel est le cas de l'intervention volontaire de la SAS DELTA ALTERNATIVE

MANAGEMENT qui a pour objet de lui permettre d'être partie à l'instance, malgré l'obstacle qui résulte de la tardiveté de sa contestation ;

Considérant qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'intervention volontaire de la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT était irrecevable ;

Sur la recevabilité de l’appel de la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT

La SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT soutient que son intervention volontaire en première instance lui a donné la qualité de partie au jugement et qu'en conséquence elle peut en interjeter appel dans les mêmes conditions que les autres parties.

Sur ce :

Considérant que l'irrecevabilité de l'intervention volontaire étant confirmée en appel, la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT n'a pas été partie en première instance ; que pour cette première raison l'appel de cette dernière est irrecevable ;

Considérant en outre que l'article L. 661§ I, 6° réserve le droit d'appel au créancier ayant formé une contestation en application de l'article L. 626-34-1 ; que la contestation de la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT étant irrecevable comme tardive, cette dernière est privée du droit de faire appel ; que pour cette seconde raison, son appel est irrecevable ;

Sur la qualité à agir de la société de droit allemand UNICREDIT BANK AG et le pouvoir d’agir de Messieurs Stefan N. et Claus F.

Les sociétés intimées, formant appel incident, demandent l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir qu'elles ont soulevées.

En ce qui concerne la société UNICREDIT BANK AG elles soutiennent qu'il n'est pas démontré que la personne qui prétend avoir la qualité de représentante de la société ait cette qualité, ni que Messieurs Stefan N. et Claus F. aient reçu mandat de contester le vote de l'AUO et de former appel.

Sur ce :

Considérant que la société UNICREDIT BANK AG verse aux débats l'article 49 du Code de commerce allemand et un commentaire doctrinal, ainsi que deux documents établis le 11 août 2010 :

- un document intitulé pouvoir, valant attestation, émanant de Monsieur H., Vorstandsmitglieder (membre du Board Management) et de Madame Evi V., Prokuristen (fondée de pouvoir), qui confirment que Messieurs Stefan N. et Claus F. avaient le pouvoir

de faire au greffe la déclaration de contestation, le 31 décembre 2009, et ont toujours le pouvoir d'agir dans le litige opposant la banque à la société Thomson SA devenue Technicolor,

- un certificat établi par Monsieur Thomas H., notaire, revêtu d'une apostille enregistrée et conforme à la Convention de la Haye du 5 octobre 1961, qui authentifie le contenu du premier document et indique par ailleurs que la société UNICREDIT BANK AG est une société anonyme, immatriculée au registre de commerce ;

Considérant que ces documents établissent que Messieurs Stefan N. et Claus F. ont reçu mandat d'agir en justice dans le litige opposant la UNICREDIT BANK AG à la société Thomson SA, et que ce mandat leur a été donné par des personnes représentant la société ;

Considérant qu'il est ainsi établi que, tant la contestation du 31 décembre 2009 que l'appel ont été introduits par des personnes ayant qualité et pouvoir de le faire ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les moyens soulevés par les intimées et tendant à l'annulation des actes de procédure de la société UNICREDIT BANK AG ;

Sur la qualité à agir de la société de droit anglais ETON PARK INTERNATIONAL LLP et son pouvoir d'agir pour le compte des fonds d'investissement

Les intimées soutiennent que la société ETON PARK INTERNATIONAL LLP ne démontre pas que Madame Helen W. a le pouvoir d'agir en justice en son nom, ni que la société qui prétend agir au nom des fonds d'investissement Eton Park Fund LP et Eton Park Master Fund Ltd dispose d'un mandat spécial pour les représenter dans la présente instance. Elles notent que la société ETON PARK INTERNATIONAL LLP est un simple prestataire au service desdits fonds.

Sur ce :

Considérant que la société ETON PARK INTERNATIONAL LLP verse aux débats le Written resolutions of the managing member of the LLP' en date du 21 décembre 2007 qui confère à Madame Helen W. les plus larges pouvoirs pour agir en son nom ;

Considérant que la société ETON PARK INTERNATIONAL LLP verse aux débats le document en date du 14 octobre 2004 intitulé Investment management agreement, et le document en date du 1er janvier 2007 intitulé Fourth amended and restaured Advisory Services Agreement ; que ces documents donnent les plus larges pouvoirs à la société ETON PARK INTERNATIONAL LLP pour agir pour le compte, le premier, du fonds Eton Park Master Fund Ltd, et le second du fonds Eton Park Fund LLP ;

Considérant qu'il est ainsi établi que, tant la contestation du 31 décembre 2009 que l'appel ont été introduits par des personnes ayant qualité et pouvoir de le faire ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les moyens soulevés par les intimés, et tendant à l'annulation des actes de procédure de la société ETON PARK INTERNATIONAL LLP ;

Sur la qualité à agir de la société de droit américain CARLSON CAPITAL LP et son pouvoir d agir pour le compte des fonds d'investissement.

Les intimées soutiennent que la société CARLSON CAPITAL LP ne démontre pas que Madame Lynne B. A. a le pouvoir d'agir en justice en son nom, ni que la société qui prétend agir au nom des fonds d'investissement BLACK DIAMOND OFFSHORE Ltd, BLACK DIAMOND ARBITRAGE OFFSHORE Ltd, WORLDVIDE TRANSACTIONS Ltd et LYXOR/BLACK DIAMOND ARBITRAGE Ltd, dispose d'un mandat spécial pour les représenter dans la présente instance. Elles notent que la société CARLSON CAPITAL LP est un simple prestataire au service desdits fonds.

Sur ce :

Considérant que la société CARLSON CAPITAL LP verse aux débats le Secretarys certificate en date du 21 août 2008 qui confère à Madame Lynne B. A. les plus larges pouvoirs pour agir en son nom ;

Considérant que pour justifier ses pouvoirs de représentation des fonds d'investissement, la société CARLSON CAPITAL LP verse aux débats trois Amended and restated investment advisory agreement' datés du 21 août 2008, concernant trois de ces fonds ; que ces documents donnent les plus larges pouvoir à la société pour agir au nom de ces fonds, et notamment le pouvoir d'introduire des actions ;

Considérant qu'il est ainsi établi, au moins pour trois des fonds d'investissement, que, tant la contestation du 31 décembre 2009 que l'appel, ont été introduits par des personnes ayant qualité et pouvoir de le faire ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les moyens soulevés par les intimés, et tendant à l'annulation des actes de procédure de la société ETON PARK INTERNATIONAL LLP ;

Sur la qualité à agir de la société de droit anglais NUMEN CAPITAL LLP et son pouvoir d agir pour le compte du fonds d'investissement

Les intimées contestent la qualité à agir de la société et son pouvoir d'agir pour le compte des fonds d'investissement.

La société NUMEN CAPITAL LLP prétend qu'elle est dûment représentée par Monsieur Jonathan J., habilité en vertu du Offering Memorandum en date du 29 octobre 2008, que son pouvoir d'agir en justice pour le compte du fonds Numen Credit Opportunities Fund Inc, ressort du Discretionary Investment Management and Marketing Agreement en date du 29 octobre 2008, et que Monsieur Jonathan J. dispose d'un mandat pour intenter la présente action, en vertu de deux Written résolutions of the directors.

Sur ce :

Considérant que la société NUMEN CAPITAL LLP ne produit pas les documents qu'elle invoque ; que le moyen de nullité des actes de procédures soulevé par les intimées ne peut en conséquence être rejeté ; qu'il convient d'annuler ces actes, et de constater qu'en conséquence de l'annulation de la déclaration d'appel, la cour n'est pas saisie du recours de la société NUMEN CAPITAL LLP.

Sur le défaut de qualité des porteurs de TSS d’émettre une contestation à l’encontre de l AUO, et de faire appel, au motif que seul le représentant de la masse dispose de cette qualité

La société Thomson SA soutient que seul le représentant de la masse des obligataires avait qualité pour agir, et qu'en conséquence les porteurs de TSS doivent être déclarés irrecevables en leur action, pour défaut de qualité. La société Thomson SA fait notamment valoir que le contrat d'émission des TSS en date du 23 septembre 2005 rappelle que les obligataires sont regroupés pour la défense de leurs intérêts en une masse qui jouit de la personnalité civile, conformément aux dispositions de l'article L. 228-46, et que toute procédure judiciaire doit être engagée par le représentant de la masse, et ne peut l'être par les obligataires pris individuellement.

Sur ce :

Considérant que les articles du titre 6 concernant le fonctionnement de l'assemblée unique des obligataires (AUO) dérogent aux dispositions des articles L. 228-38 et suivants régissant les assemblées générales des obligataires, et notamment aux dispositions de l'article L. 228-54 qui dispose que seul le représentant de la masse a qualité pour engager les actions ayant pour objet la défense des intérêts communs des obligataires ; que ces textes ne sont pas applicables en l'espèce ; que d'ailleurs la modification apportée par l'ordonnance du 18 décembre 2008 à l'article L. 626-32, a supprimé toute intervention du représentant de la masse pour la consultation des obligataires au sein de l'AUO ;

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 626-32, L. 661 § I,6° et L. 626-34-1 ainsi que des articles R. 626-60 à R. 626-63 :

- que l'assemblée unique des obligataires AUO est constituée de l'ensemble des créanciers titulaires d'obligations émises en France ou à l'étranger,

- que chaque obligataire a le droit de prendre connaissance du projet de plan adopté par les comités de créanciers,

- que chaque obligataire vote individuellement en proportion du montant de la créances obligataire qu'il détient,

- que la décision est prise à la majorité des deux tiers du montant des créances des obligataires ayant exprimé leur vote,

- que chaque obligataire qui a participé à l'AUO peut former une contestation à l'encontre de la décision prise par cette assemblée, par application de l'article L. 626-34-1,

- que le greffier convoque l'auteur de la contestation à l'audience au cours de laquelle il sera débattu de l'arrêté du plan,

- que le tribunal statue dans un même jugement sur les contestations relatives à l'application de l'article L. 626-32 et sur l'arrêté du plan,

- que sont susceptibles d'appel les décisions statuant sur l'arrêté du plan de sauvegarde de la part du créancier ayant formé une contestation en application de l'article L. 626-34-1 ;

Considérant qu'il résulte de ces textes que c'est le créancier obligataire qui exprime individuellement son vote, et qui a qualité pour contester la décision prise par l'AUO et pour interjeter appel du jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde ;

Considérant que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité des porteurs de TSS, et en ce qu'il a déclaré leur contestation recevable ;

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt.

Les intimées rappellent que lors de l'AUO, le projet de plan de sauvegarde a été approuvé par 98,77 % et n'a été rejeté que par 1,23 % des votes exprimés. Elles indiquent qu'en appliquant les modalités de vote revendiquées par les appelants, les résultats auraient été de 83,19 % en faveur du plan, et de 16,81 % contre l'approbation du plan, et donc que le plan aurait obtenu plus des deux tiers du montant des créances détenues par les membres ayant exprimé un vote.

Ils en déduisent que les porteurs de TSS n'ont pas d'intérêt légitime, au sens de l'article 31 du Code de procédure civile, dès lors que leur action est nécessairement vouée à l'échec.

Sur ce :

Considérant qu'il est exact que si les porteurs de TSS qui ont voté non, et qui détenaient environ 191 M € d'obligations, avaient été admis à voter pour ce montant, et non pour 11,45 M €, les résultats auraient été d'environ 82,80 % en faveur de l'approbation du plan, donc supérieur aux 66,67 % nécessaires ; que les intimées relèvent à juste titre que le cours des choses n'en aurait pas été changé ;

Mais considérant que l'intérêt à agir en justice au sens de l'article 31 du Code de procédure civile ne dépend pas du bien-fondé de l'action, ni de ses chances de succès ;

Considérant que les porteurs de titres obligataires ont le droit de participer à l'AUO et ont donc intérêt à agir en justice pour contester la régularité des votes exprimés lors de cette assemblée ;

Considérant que cet intérêt est consacré par la loi et le règlement, les articles L. 626-34-1 et R. 626-63 établissant et réglementant le droit de l'obligataire de contester le déroulement de l'AUO devant le tribunal, et l'article L. 661 § 1, 6° lui reconnaissant le droit de faire appel ;

Considérant que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt ;

SUR LE FOND

Avant de répondre aux moyens soulevés, par les sociétés appelantes au soutien de leurs demandes, et par les sociétés intimées pour s'opposer à ces demandes, il convient d'examiner les caractéristiques des TSS et les conséquences juridiques découlant de ces caractéristiques.

Sur les caractéristiques des titres super subordonnés TSS

Les titres super subordonnés TSS présentent les caractéristiques essentielles suivantes :

- le droit au remboursement du nominal est repoussé à la dissolution de la société émettrice, cette dernière ayant toutefois la possibilité d'imposer un remboursement anticipé à partir du 25 septembre 2015,

- les porteurs de TSS passent après tous les créanciers de la société, juste avant les actionnaires,

- le versement des intérêts est soumis à la condition que des dividendes soient versés, et à défaut, sont définitivement perdus pour l'exercice correspondant.

Sur les conséquences juridiques que la cour déduit de ces caractéristiques

1/ Les TSS sont des obligations

Considérant que les titres super subordonnés TSS comportent les caractéristiques essentielles des obligations :

- ces titres font l'objet d'un contrat d'émission d'obligations, en l'espèce le contrat en date du 23 septembre 2005,

- le montant de l'émission de 500 M € est divisé en titres,

- chaque titre comporte un nominal dont le montant doit être remboursé par la société à la date d'échéance du titre,

- le titre est négociable,

- le titre est nominatif ou au porteur, en l'espèce il est au porteur,

- le titre donne droit à des intérêts dont la périodicité, le taux, et la durée des paiements est déterminé par le contrat d'émission, en l'espèce le nominal de chaque titre doit contractuellement produire des intérêts aussi longtemps que le nominal n'aura pas été remboursé ;

2/ Les TSS sont des obligations dont les particularités en font une catégorie à part

Considérant que les titres super subordonnés comportent des caractéristiques qui en font une catégorie spéciale, parmi les titres obligataires ; que ces particularités concernent le droit au remboursement du nominal, et le droit à la perception des intérêts ;

Sur le remboursement du nominal

Considérant que le nominal est remboursable au plus tôt le 25 septembre 2015, et au plus tard à la dissolution de la société Thomson SA ; qu'entre ces deux dates, la société Thomson SA peut décider de rembourser le nominal, sans que les porteurs de TSS puissent l'y obliger ;

Considérant qu'ainsi, les TSS ont un terme certain ; que le fait que ce terme puisse survenir entre le 25 septembre 2015, et le jour de la dissolution de la société Thomson SA ne rend pas le terme incertain, mais le rend déterminable entre une date fixe, et un événement certain ; que le TSS n'est pas perpétuel ; qu'il ne peut durer que ce que durera la société émettrice ;

Considérant que la créance de remboursement du nominal n'est pas conditionnelle ; que la société Thomson SA doit rembourser le nominal aux porteurs de TSS ; que ce droit au remboursement du nominal n'est soumis à aucune condition ; que le fait que, compte tenu de son rang, cette créance risque de ne pas être remboursée, ne la rend pas conditionnelle ;

Considérant que la qualification comptable des TSS en autres fonds propres , conformément aux dispositions de l'article R.123-190, n'est d'aucune conséquence sur la nature juridique de la créance de remboursement du nominal ; que cette qualification s'explique par le fait que cette créance sur la société ne peut être exigée qu'en cas de dissolution de la société et lorsque tous les autres créanciers, sauf les actionnaires, ont été payés ;

Considérant que les TSS se distinguent des actions par le fait que ces titres ne donnent droit qu'au remboursement du nominal, alors que les actions donnent droit au remboursement de leur nominal, augmenté du boni de liquidation ; que les actions représentent une partie de la valeur de la société, alors que la valeur des TSS est sans lien direct avec cette valeur, mais seulement avec la solvabilité de la société et la variation des taux d'intérêts sur le marché ;

Considérant en définitive, que la créance des porteurs de TSS en remboursement du nominal est une créance certaine, inconditionnelle, d'un montant déterminé, dont la seule particularité réside dans le fait que son paiement ne peut être exigé que lors de la dissolution de la société Thomson SA ;

Sur le droit aux intérêts

Considérant que dans le contrat d'émission des obligations sous forme de titres super subordonnés, la société Thomson SA s'est engagée à verser un intérêt calculé sur le nominal des titres, aussi longtemps que ce nominal ne serait pas remboursé ; que le taux d'intérêt est fixé à 5,75 % jusqu'au 25 septembre 2015, puis varie annuellement selon le taux Euribor + 3,625 points ;

Considérant toutefois que la société Thomson SA est dispensée de verser les intérêts qui sont alors définitivement perdus, dans certaines circonstances, et notamment si pendant l'exercice aucun dividende n'est versé ; qu'en d'autres termes, la créance d'intérêts est conditionné au paiement des dividendes ; qu'en conséquence les actionnaires ne peuvent percevoir des dividendes qu'après que les intérêts ont été payés aux porteurs de TSS ; que le paiement des dividendes est subordonné au paiement des intérêts obligataires ;

Considérant que malgré ce lien entre dividendes et intérêts, les deux créances sur la société conservent leur régime juridique propre ; qu'en effet :

- comme tous les intérêts dus aux obligataires, les intérêts dus aux porteurs de TSS sont d'un montant déterminé par le contrat d'émission, à partir de la valeur du titre et du taux d'intérêt,

- les dividendes dus aux actionnaires sont d'un montant déterminé à chaque exercice, dans la limite des bénéfices distribuables ;

Considérant en définitive que la créance d'intérêts des porteurs de TSS ne présente de différence avec la créance d'intérêts des autres obligataires que de s'effacer lorsque des dividendes ne sont pas versés pendant un ou plusieurs exercices, et de devoir être payée avant toute distribution de dividendes ; que comme toutes les créances d'intérêts des obligataires, elle ne prend fin que par le paiement du nominal du titre ;

3/ Sur la date de naissance, identique, de la créance de remboursement du nominal et de la créance d'intérêts

Considérant que la date de naissance d'une créance n'est pas la date de son exigibilité ;

Considérant que la créance de remboursement du nominal est exigible à la date de dissolution de la société Thomson SA, mais peut faire l'objet d'un remboursement anticipé que cette dernière peut imposer aux porteurs du titre, après le 25 septembre 2015 ;

Considérant que la créance d'intérêts est exigible, dès lors que la condition de paiement des dividendes est remplie, à chaque exercice ;

Considérant que ces modalités de l'exigibilité de ces deux créances sont sans lien avec la date de leur naissance ;

Considérant que c'est le contrat d'émission des TSS en date du 23 septembre 2005 qui fixe la date de naissance de la créance de remboursement du nominal des titres, ainsi que de la créance en paiement des intérêts produits par ces titres ;

Considérant que ces créances sont donc antérieures au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, le 30 novembre 2009 ;

Considérant qu'il s'en déduit que ces créances doivent être incluses dans le plan de sauvegarde pour le montant impayé au jour du jugement d'ouverture, et seulement pour ce montant ;

4/ Sur l'absence d'intérêts non payés au 30 novembre 2009, et donc l'impossibilité d'inclure une créance au titre des intérêts dans le plan d'apurement du passif

Considérant que dès lors qu'aucun dividende n'est versé, la créance au titre des intérêts produits par les TSS est définitivement éteinte ;

Considérant que pour les exercices 2007 et 2008 les intérêts ont été payés ; que pour l'exercice 2009, aucun dividende n'a été versé et qu'en conséquence les intérêts exigibles pour cet exercice ne sont plus dus par la société Thomson SA ;

Considérant qu'il s'en déduit qu'au 30 novembre 2009, la société Thomson SA ne devait pas d'intérêts aux porteurs de TSS ; qu'il n'existe aucune créance au titre des intérêts qui pourrait faire partie du plan d'apurement du passif ;

5/ Sur la créance de remboursement du nominal impayée au 30 novembre 2009

Considérant que la société Thomson SA a pris l'engagement, le 23 septembre 2005 de rembourser au nominal les TSS émis pour un montant de 500 M € ;

Considérant qu'au 30 novembre 2009, cette somme était restée entièrement impayée ; qu'il s'en déduit que cette créance, née le 23 septembre 2005 et impayée au jour du jugement d'ouverture doit être prise en compte dans la procédure de sauvegarde, au même titre que le montant des autres émissions obligataires non encore remboursées le 30 novembre 2009 ;

Considérant que le fait que l'exigibilité du remboursement du nominal intervienne postérieurement à la fin du plan de sauvegarde a pour conséquence que le plan d'apurement ne comporte aucun paiement de ce chef, mais ne peut avoir pour conséquence que les titulaires de cette créance obligataire soient exclus de l'AUO et soient privés de leurs droits de vote en proportion de leur créance ;

Considérant que la créance de remboursement du nominal est affectée par le plan de sauvegarde, même si ce plan ne comporte aucun paiement à ce titre ; que le présent litige en est l'illustration, les porteurs de TSS prétendant que la suppression du droit aux intérêts a fait perdre toute valeur, et toute perspective de revalorisation à leurs titres ;

Considérant qu'il est exact que les délais de remboursement du nominal étant nécessairement postérieurs au terme du plan, les porteurs de TSS ne peuvent consentir des délais ; qu'en revanche, et comme tous les autres créanciers obligataires ils peuvent se voir imposés un abandon partiel ou total de leurs créances et une conversion de leurs créances en titres donnant ou pouvant donner accès au capital ;

Considérant que ces mesures ne peuvent être imposées que par la majorité qualifiée des membres de l'AUO, ce qui implique, en l'état du droit actuel, que les porteurs de TSS soient membres de l'AUO, et que les modifications à leurs droits fassent partie du projet de plan soumis à l'approbation de cette assemblée ;

6/ Sur les effets juridiques de la valeur boursière des titres

Considérant que les sociétés intimées font valoir que les porteurs de TSS qui étaient en même temps créanciers seniors ont approuvé le plan de sauvegarde ; qu ils font observer que les quelques porteurs de TSS qui contestent ce plan sont des fonds spécialisés dans l'achat de dettes pour des prix dérisoires, qui utilisent ensuite leur pouvoir de nuisance pour tenter d'obtenir un profit injustifié, sans lien avec le sort de la société et sans rapport raisonnable avec le montant de leur mise de fonds ;

Considérant qu'il est exact que, comme les actions, les TSS ont perdu l'essentiel de leur valeur boursière entre juillet 2007 et octobre 2008 ; que le cours des autres obligations n'est pas indiqué, mais a dû rester vraisemblablement plus élevé ;

Considérant toutefois que la valeur boursière des titres est sans effet sur le régime juridique de ces derniers ; qu'en l'espèce la perte quasi totale de la valeur boursière des TSS n'a aucune influence sur les stipulations du contrat d'émission, et notamment sur le droit au remboursement du nominal et sur le droit au paiement des intérêts tant que ce remboursement n'a pas été opéré ;

Considérant que la valeur boursière ne peut avoir d'influence que dans l'appréciation du caractère équitable des mesures qui peuvent être imposées aux diverses catégories de créanciers obligataires en matière de délais, d'abandons de créance et de conversion de créances en capital ;

7/ Sur la modification législative

Considérant que la loi 2010-1249, adoptée pendant le cours du délibéré, modifie l'article L. 626-30-2, et comporte les deux dispositions selon lesquelles :

- pour le traitement différencié entre les créanciers, le projet de plan prend en compte les accords de subordination entre créanciers conclus avant l'ouverture de la procédure,

- lors de l'AUO ne prennent pas part au vote les créanciers pour lesquels le projet de plan ne prévoit pas de modification des modalités de paiement ou prévoit un paiement intégral en numéraire dès l'arrêté du plan ou dès l'admission de leur créance ;

Considérant que l'article L. 626-30-2 se trouve ainsi adapté aux circonstances de l'espèce ;

Considérant toutefois que ces dispositions modifient le droit actuel et ne peuvent donc servir pour son application au présent litige ;

Sur la demande principale des appelants dont le recours est recevable

La cour n'est saisie que par les sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, et Carlson Capital LP, dès lors que les sociétés Delta Alternative Management et Numen Capital LLP ont été déclarées irrecevables en leur appel ;

Les sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, et Carlson Capital LP demandent à titre principal à la cour de dire que les porteurs de TSS ont été privés de leurs droits de vote, en conséquence de prononcer la nullité de l'Assemblée Unique des Obligataires (AUO), de prononcer la réouverture de la procédure de sauvegarde et de dire que les porteurs de TSS seront exclus du plan de sauvegarde ;

Sur ce :

Considérant qu'il convient d'examiner d'abord si la décision de l'AUO a été prise dans des conditions régulières, et ensuite si une éventuelle irrégularité peut entraîner la nullité de la décision votée ;

Sur la régularité de l’assemblée des obligataires (AUO)

Les sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, et Carlson Capital LP soutiennent que la délibération de l'AUO doit être annulée, et font notamment valoir à ce propos :

- que l'article R. 626-62 donne mission à l'administrateur judiciaire de décider des modalités du déroulement du vote,

- que cette mission ne permet pas de diminuer le droit de vote qui s'attache au titre obligataire et qui est proportionnel à son nominal,

- qu'en décidant que les porteurs de TSS verront leurs droits de vote réduit à 6 % du nominal de leur titre, l'administrateur judiciaire a outrepassé ses pouvoirs,

- que cette atteinte aux droits de vote doit être sanctionnée par la nullité de l'AUO, conformément aux dispositions de l'article L. 235-1, dernier alinéa.

Les sociétés intimées soutiennent que l'administrateur judiciaire a tenu compte, comme il se devait des particularités des titres super subordonnés TSS en réduisant les droits de vote des porteurs de ces titres, à 6 % de leur valeur nominale. Ils font notamment valoir à ce propos :

- que l'AUO réunit l'ensemble des créanciers titulaires d'obligations émises en France ou à l'étranger, et se distingue des assemblées générales d'obligataires qui ne réunissent que les porteurs d'obligations d'une même émission,

- que les règles de droit commun des articles L. 228-57 et R. 228-65 et suivants, régissant les modalités de fonctionnement des assemblées générales d'obligataires sont inapplicables à l'AUO,

- que le fonctionnement et les modalités de vote de l'AUO sont régis par l'article L. 626-32 et par les articles R. 626-60 à R.626-63,

- qu'il incombe à l'administrateur judiciaire de décider des modalités du déroulement du vote,

- que devant les particularités des titres super subordonnés TSS, l'administrateur judiciaire s'est trouvé dans l'obligation de concevoir des modalités de vote adaptées,

- que c'est à bon droit que l'administrateur judiciaire a décidé que le montant en nominal ne devait pas être pris en compte, compte tenu du fait que le nominal n'était pas affecté par le plan de sauvegarde, et du fait que la créance de remboursement de ce nominal était hautement hypothétique,

- que c'est à bon droit que l'administrateur judiciaire a constaté que les droits de vote des porteurs de TSS devaient être limités à leur seule créance d'intérêts, actualisée à 30 M € , cette créance ayant vocation à être admise au passif et payée dans le cadre du plan.

Sur ce :

Considérant que l'article R. 626-62 donne mission à l'administrateur judiciaire de décider des modalités du déroulement du vote lors de l'AUO ; que l'article L.  626-32 indique que la décision est prise à la majorité des deux tiers du montant des créances obligataires ;

Considérant que seules les dispositions propres au fonctionnement de l'AUO sont applicables ; que les dispositions des articles L. 228-38 et suivants, et notamment de l'article L. 228-67 ne sont pas applicables, car elles concernent le vote au sein d'une assemblée où tous les obligataires ont les mêmes droits ;

Considérant que pour décider des modalités du déroulement du vote, l'administrateur judiciaire doit se livrer à une appréciation du montant de la créance de chaque créancier, pour déterminer ses droits de vote ; que toutefois cette appréciation doit se faire selon les stipulations du contrat passé entre le créancier et le débiteur, et donc en l'espèce selon les contrats d'émission des obligations ;

Considérant que les stipulations de ces contrats d'émission imposent de déterminer les droits de vote de chaque obligataire, et donc de chaque porteur de TSS, à partir du montant du nominal de ses titres, augmenté du montant des intérêts impayés au jour du jugement d'ouverture ;

Considérant que l'administrateur judiciaire n'a pas le pouvoir de priver certains des obligataires de leurs droits de vote, en décidant que seule une partie du nominal de leurs titres leur confère un droit de vote ;

Considérant que cette règle est rappelée par le dernier alinéa de l'article L. 626-32 duquel il résulte que, nonobstant toute clause contraire et indépendamment de la loi applicable au contrat d'émission, les porteurs de titres expriment leur vote selon le montant des créances obligataires qu'ils détiennent ;

Considérant que la limitation du droit de vote à 6 % du nominal constitue une violation à cette règle ;

Considérant en outre que ce montant de 6 %, soit 30 M € ne correspond pas au droit de vote au titre de la créance d'intérêts ;

Considérant qu'en effet, seuls les intérêts, échus et impayés au jour du jugement d'ouverture, peuvent s'ajouter au nominal des obligations pour accroître le droit de vote des obligataires ; que les intérêts à échoir ne constituent pas une créance antérieure et ne peuvent être pris en compte pour augmenter le droit de vote ; que cette règle est d'ailleurs expressément rappelée dans l'article R.626-56 pour les comités de créanciers ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit, que la créance d'intérêts des porteurs de TSS est à échoir, tous les intérêts dus au jour du jugement d'ouverture ayant été payés ; que c'est donc inexactement que la somme de 30 M € est présentée comme le montant de la créance d'intérêts leur conférant un droit de vote ;

Considérant qu'en réalité cette somme de 30 M € n'a aucun fondement juridique dès lors qu'elle ne peut se rattacher à une créance d'intérêts, comme il a été soutenu à tort ;

Considérant donc que les modalités de vote de l'AUO du 22 décembre 2009 sont irrégulières pour les deux raisons suivantes :

- le droit de vote attaché au nominal ne pouvait pas être supprimé, car, bien que la créance de remboursement du nominal ne soit exigible que postérieurement à la fin du plan, il demeure que cette créance impayée est antérieure au jugement d'ouverture et entre nécessairement dans la procédure de sauvegarde,

- aucun droit de vote attaché à une créance d'intérêts ne pouvait être reconnu aux porteurs de TSS car leur créance d'intérêts était à échoir ;

Considérant qu'il reste à rechercher si ces irrégularités dans le déroulement de l'AUO doivent entraîner l'annulation de la décision qui a été prise ;

Sur l’annulation de la délibération de l AUO

Sur ce :

Considérant que l'AUO a approuvé le projet de plan de sauvegarde tel qu'il avait été approuvé par les deux comités de créanciers ;

Considérant, ainsi qu'il a été exposé par les intimées à propos de la fin de non-recevoir, que des modalités de vote régulières n'auraient pas changé le sens de la délibération ; qu'en effet :

- 10 porteurs de TSS auquel il a été accordé un droit de vote de 6 % du nominal de leurs titres, et représentant en conséquence 11,45 M € ont voté contre le projet de plan,

- les résultats ont été ainsi de 98,77 % pour, et 1,23 % contre,

- si les 10 porteurs de TSS avaient pu voter en proportion du nominal de leurs titres, ils auraient représenté environ 191 M €,

- les résultats auraient alors été de 82,80 % pour, et 17,20 % contre,

- les pour auraient donc dépassé largement 66,67 %,

- en conséquence l'AUO aurait approuvé le projet de plan ;

Considérant qu'en l'absence d'influence de l'irrégularité du vote sur les résultats, la nullité de la décision de l'assemblée unique des obligataires (AUO) ne peut être prononcée ; que les sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, et Carlson Capital LP doivent être déboutées de leur demande de ce chef ;

Que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la contestation portant sur la validité de la délibération de l'AUO ;

Considérant qu'il s'en déduit que doit être rejetée la demande principale des sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, et Carlson Capital LP de prononcer la réouverture de la procédure de sauvegarde ;

Sur la demande subsidiaire des porteurs de TSS de les exclure du plan de sauvegarde au motif qu ils ne disposent pas de créances antérieures

Les sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, Carlson Capital LP demandent à la cour de constater que les porteurs de TSS ne sont pas titulaires de créance nées antérieurement au jugement d'ouverture, et d'en déduire :

- d'une part, que le plan de sauvegarde ne peut prévoir un paiement à leur profit,

- d'autre part, qu'ils doivent être exclus du plan de sauvegarde, et ainsi se voir restituée l'intégralité des droits qu'ils détiennent du contrat d'émission en date du 23 septembre 2005.

Sur ce :

Considérant, ainsi qu'il a été dit, que, comme tous les créanciers obligataires, les porteurs de TSS disposent d'une créance née le jour du contrat d'émission, donc antérieurement au jugement d'ouverture ;

Considérant que si aucune créance d'intérêts antérieure au jugement d'ouverture n'existe en l'espèce, il reste que la créance de remboursement du nominal n'est pas encore payée, et que pour cette créance, les porteurs de TSS font partie de la procédure de sauvegarde ;

Considérant que le fait que l'exigibilité d'une créance antérieure soit postérieure au terme du plan de sauvegarde, n'a aucune incidence sur l'obligation d'inclure cette créance dans le plan de sauvegarde ;

Considérant que les sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, Carlson Capital LP doivent être déboutées de leur demande subsidiaire tendant à exclure du plan de sauvegarde les porteurs de TSS au motif, erroné, que ceux-ci ne disposent pas de créances antérieures ;

Sur la demande plus subsidiaire des porteurs de TSS d’annuler les dispositions du plan de sauvegarde qui prévoient que la somme de 25 M € les remplit définitivement de leur droit aux intérêts, et que le nominal n'en produira plus

Les sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, et Carlson Capital LP demandent à titre plus subsidiaire d'annuler les dispositions du plan de sauvegarde qui prévoient que l'intérêt versé aux porteurs de TSS revêt un caractère définitif, car ces dispositions constituent une atteinte manifeste à leur droit de propriété, ainsi qu'une violation manifeste du contrat d'émission obligataire du 23 septembre 2005 qui a force de loi entre les parties. Elles estiment que la cour a le pouvoir d'annuler ces dispositions, compte tenu de la gravité de l'atteinte portée aux principes juridiques, consacrés par le droit européen.

Les sociétés intimées soulèvent l'irrecevabilité de la demande. Elles soutiennent que les créanciers et les obligataires ont le droit de contester la régularité de la délibération des comités de créanciers et de l'AUO, mais n'ont pas le droit de contester le contenu du plan de sauvegarde. Elles font notamment valoir à ce propos :

- que c'est le débiteur, avec le concours de l'administrateur, qui établit le projet de plan de sauvegarde, et qui le soumet aux comités de créanciers et à l'AUO,

- que si les comités de créanciers et l'AUO ont approuvé le projet à la majorité des deux tiers, le plan doit être arrêté sans modification,

- que le tribunal ne peut modifier les dispositions du plan, et ne peut que l'accepter, tel qu'il a été approuvé par les comités de créanciers et par l'AUO, ou le rejeter s'il estime que les intérêts de tous les créanciers ne sont pas suffisamment protégés,

- qu'en cas de rejet, les créanciers sont consultés selon les dispositions de l'article L.626-5, sans qu'il soit possible de revenir à la procédure par délibération des comités de créanciers et de l'AUO.

Sur ce :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L.626-31, que lorsque le projet de plan a été adopté par chacun des comités et, le cas échéant, par l'assemblée des obligataires, le tribunal arrête le plan conformément au projet adopté, et que sa décision rend applicables à tous leurs membres les propositions acceptées par chacun des comités (et par l'AUO) ;

Considérant que le tribunal, et donc la cour dans la présente instance, n'ont pas le pouvoir de modifier les propositions acceptées par l'AUO ;

Considérant que la demande des appelants d'annuler la disposition du plan qui les prive de leur droit aux intérêts futurs est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,

Déclare irrecevable l'appel interjeté par la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT,

Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande en annulation des actes de procédure que la société NUMEN CAPITAL LLP a fait pratiquer,

Annule ces actes de procédure, dont la déclaration d'appel, et déclare irrecevable l'appel de la société NUMEN CAPITAL LLP,

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande en annulation des actes de procédures qu'on fait pratiquer : la société UNICREDIT BANK AG, la société ETON PARK INTERNATIONAL LLP, et la société CARLSON CAPITAL LP,

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité des sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, et Carlson Capital LP,

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt des sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, et Carlson Capital LP,

Déclare recevable l'appel interjeté par la société Unicrédit Bank AG, la société Eton Park

International LLP, et la société Carlson Capital LP,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, Carlson Capital LP de leurs demandes en annulation de la délibération de l'AUO,

Déboute les sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, et Carlson Capital LP de leur demande en réouverture de la procédure de sauvegarde,

Déboute les sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, et Carlson Capital LP de leur demande tendant à dire que les porteurs de TSS seront exclus du plan de sauvegarde,

Déclare irrecevable la demande des sociétés Unicrédit Bank AG, Eton Park International LLP, Carlson Capital LP, d'annuler la disposition du plan de sauvegarde qui prive les porteurs de TSS de leur droit aux intérêts futurs,

Confirme les dispositions du jugement arrêtant le plan de sauvegarde,

Rejette les demandes que les parties ont formées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit que les dépens de première instance seront employés en frais de procédure de sauvegarde,

Dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens d'appel.