Cass. 2e civ., 21 mai 2015, n° 14-16.098
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Roger, Sevaux et Mathonnet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 février 2014), que l'AFER est une association d'épargnants qui a pour objet de souscrire au profit de ses membres un contrat d'assurance de groupe sur la vie ; que la gestion administrative des adhésions au contrat d'assurance et de l'association est assurée par un groupement d'intérêt économique, dit GIE AFER, constitué paritairement entre l'association et l'assureur ; que, critiquant les conditions dans lesquelles les projets de résolutions proposés par certains adhérents sont soumis au vote et reprochant au président d'avoir manqué à son devoir de neutralité dans l'organisation du scrutin, le syndicat professionnel G76, le syndicat professionnel " le syndicat " et M. X..., adhérent à l'AFER ont assigné cette dernière et son président, M. J... pour voir essentiellement prononcer la nullité de l'assemblée générale des adhérents de l'AFER du 29 juin 2010 ; que cent soixante deux autres adhérents sont intervenus volontairement à l'instance, outre, à titre accessoire, l'association SOS Principes AFER ;
Sur le second moyen :
Attendu que les demandeurs font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande tendant à voir constater que la pratique des « pouvoirs en blanc » fondée sur l'article VIII. 2 des statuts de l'AFER était contraire à l'ordre public des associations et aux dispositions du code des assurances, à voir dire et juger que M. J... avait illégalement utilisé les « pouvoirs en blanc » et autres « pouvoirs au président » émis par les adhérents de l'AFER, en violation du code des assurances, et prononcer la nullité de toutes les délibérations adoptées uniquement grâce à ces « pouvoirs » lors des dernières assemblées générales de l'AFER qui se sont tenues depuis 2010, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article R. 141-2 du code des assurances, le nombre de voix dont peut bénéficier chacun des votants aux assemblées générales des associations souscriptrices d'assurances collectives ne peut en toute hypothèse excéder plus de 5 % des droits de votes ; qu'après avoir admis que la validité de la transmission, par le président, des « pouvoirs en blanc » qu'il lui était confiés ès qualités, lorsque ceux-ci étaient en surnombre, « pouvait être légitimement posée », la cour d'appel, pour valider néanmoins « la pratique des pouvoirs en blanc » autorisée par les statuts, a affirmé que les statuts obligeaient le président de l'AFER à représenter l'ensemble des adhérents ayant déposé un pouvoir en blanc et qu'il pouvait à ce titre bénéficier de plus de 5 % des voix exprimées ; qu'en validant ainsi cette pratique, autorisée par les statuts, cependant que le seuil de 5 % s'applique à tout votant quelle que soit sa qualité, la cour d'appel a violé l'article R. 141-2 du code des assurances, ensemble l'article L. 141-7 du même code ;
2°/ qu'aux termes de l'article R. 141-2 du code des assurances, le nombre de voix dont peut bénéficier chacun des votants aux assemblées générales des associations souscriptrices d'assurance collectives ne peuvent en tous les cas excéder plus de 5 % des droits de vote ; que, comme le faisaient valoir les demandeurs le président du Conseil d'administration qui reçoit un « pouvoir au président » le reçoit ès qualités et n'agit pas comme un mandataire qui serait libre de transmettre à l'adhérent de son choix le pouvoir qu'il aurait reçu à ce titre ; qu'ils ajoutaient que ces « pouvoirs au président » constituaient de fait des « pouvoirs en blanc » et en suivaient exactement le même régime juridique, en sorte qu'ils ne pouvaient être transmis en application de la clause des statuts autorisant chaque mandataire à transmettre ses pouvoirs à un autre adhérent de son choix ; qu'en affirmant péremptoirement qu'en recevant les « pouvoirs au président », le président était investi de la qualité de « mandataire », et qu'il pouvait dès lors, en application notamment des statuts, les transmettre à loisir, à l'un quelconque des adhérents de son choix, sans expliquer en quoi les « pouvoirs au président » se distingueraient des « pouvoirs en blanc » dont elle avait admis incidemment l'intransmissibilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 141-7 du code des assurances et R. 141-2 du même code ;
3°/ que les demandeurs faisaient valoir que les bulletins désignaient comme destinataire du pouvoir délivré au président soit le président du Conseil d'administration soit, en cas d'impossibilité, le président de l'assemblée générale ès qualités ; qu'ils ajoutaient qu'en déléguant les pouvoirs qu'il avait reçus ès qualités à des adhérents de son choix, M. J... avait détourné les pouvoirs qui lui avaient été confiés ; qu'en affirmant que ce dernier pouvait à loisir transmettre ces « pouvoirs au président » à l'un quelconque des adhérents de l'association, afin de respecter le seuil de 5 % prévu par le code des assurances, sans rechercher si, en déléguant ainsi ses pouvoirs, le président n'avait pas méconnu les termes des procurations qui lui avaient été confiées et qui désignaient comme seuls destinataires « des pouvoirs au président » le président du Conseil d'administration et, en cas d'impossibilité, le président de l'assemblée générale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 141-7 du code des assurances et R. 141-2 du même code, ensemble l'article 1134 du code civil ;
4°/ que l'article R. 141-2 du code des assurances contient une liste limitative des personnes que les adhérents à une association souscriptrice d'une assurance collective peuvent nommément désigner pour les représenter lors des votes aux assemblées générales de l'association ; que les demandeurs faisaient en l'espèce valoir que cette disposition n'autorisait pas la pratique consistant à émettre des « pouvoirs en blanc » ou des « pouvoirs au président ; qu'en jugeant cependant que la pratique des « pouvoirs en blanc » et « des pouvoirs au président » n'était pas contraire à l'article R. 141-2 du code des assurances, la cour d'appel a violé cette disposition ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la pratique des pouvoirs en blanc ne viole aucun principe d'ordre public régissant les associations en droit privé dès lors que leur utilisation et leurs effets sont clairement décrits dans les statuts de l'association considérée, de façon à ce que l'adhérent signataire d'un tel pouvoir ait parfaitement conscience du sens de son vote ; que, compte tenu de son objet, l'AFER est également régie par l'article L. 141-7 du code des assurances et ses adhérents disposent d'un droit de vote aux assemblées générales dans les conditions prévues à l'article R. 141-2 du même code, selon lequel : « Pour l'exercice des droits de vote à l'assemblée générale, les adhérents ont la faculté de donner mandat à un autre adhérent, à leur conjoint ou, si les statuts le permettent, à un tiers. Chaque adhérent dispose d'une voix. Les mandataires peuvent remettre les pouvoirs qui leur ont été conférés à d'autres mandataires ou adhérents. Les statuts de l'association précisent le nombre de pouvoirs dont un même adhérent peut disposer, dans la limite de 5 % des droits de vote (...) » ; que le seuil légal de 5 % des droits de vote dont un même adhérent peut disposer a bien été repris dans les statuts de l'AFER ; que la circonstance que les adhérents aient la faculté de donner mandat à un autre adhérent, à leur conjoint ou, si les statuts le permettent, à un tiers ne saurait valoir interdiction implicite d'adresser un pouvoir en blanc ; que le recours aux pouvoirs en blanc ne méconnaît donc pas davantage les dispositions de l'article R. 141-2 du code des assurances ; qu'investi par les adhérents de davantage de votes que les dispositions légales et statutaires ne l'y autorisent, le président a régulièrement transmis en application de ces dispositions les pouvoirs en surnombre à d'autres membres de l'association appartenant aux organes dirigeants de l'association, une telle transmission étant de nature à garantir aux mandants un vote conforme au souhait qu'ils ont exprimé en confiant leur vote au président ; qu'il est indéniable que le président est investi d'un mandat lorsqu'il reçoit un « pouvoir au président », de sorte qu'il est en droit et a même l'obligation de transférer les pouvoirs excédant le seuil des 5 % à un autre mandataire de son choix ; qu'en revanche, il n'est pas expressément mandaté lorsqu'il reçoit un « pouvoir en blanc » ; qu'il ressort du constat d'huissier de justice dressé le 29 juin 2010 par les huissiers mandatés par l'AFER qui ont assisté à l'assemblée générale tenue le même jour et du compte rendu d'intervention établi le 03 juillet 2010 par M. Y..., ingénieur expert près la cour d'appel de Paris, que les pouvoirs en blanc suivent le même sort que les pouvoirs au président, de façon à ce que celui-ci ne dispose pas d'un nombre de pouvoirs excédant le seuil des 5 % ; que le nombre limité de pouvoirs en blanc adressés à l'AFER en vue de l'assemblée générale du 29 juin 2010 (3520 selon attestation en date du 06 décembre 2011 de la société Voxaly, prestataire de service en charge de la gestion complète des votes pré-assemblée de l'AFER) est très inférieur au seuil légal de 5 % ; que de surcroît, ils ont été utilisés conformément aux prévisions statutaires en donnant lieu à un vote favorable à l'adoption des projets de résolution présentés ou agréés par le conseil ; qu'il résulte de ces circonstances, compte tenu du nombre de votants recensés (108 919 suffrages exprimés) et des pourcentages de voix calculés pour chaque résolution soumise à l'assemblée générale que les seuls pouvoirs en blanc n'ont pas eu d'influence sur l'issue du scrutin ;
Qu'en l'état de ces seules constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que les demandeurs n'étaient pas fondés à demander l'annulation des délibérations adoptées lors de l'assemblée générale des adhérents de l'AFER en date du 29 juin 2010 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.